Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 29 OCTOBRE 2009
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20481
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2008 rendu par le Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 07/04867 - 1ère chambre A
APPELANT :
Le MINISTERE PUBLIC
agissant en la personne de
Monsieur le PROCUREUR GENERAL
près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet
au [Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 7]
représenté par Mme VENET, avocat général
INTIMEE
Mademoiselle [E] [C]
née le [Date naissance 8] 1972 à [Localité 12] (Algérie)
demeurant : [Adresse 5]
[Localité 9]
représentée par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN,
avoués à la Cour
assistée de Maître Tarik ABAHRI,
avocat au barreau de Paris (C1135)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code
de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 octobre 2009,
en audience publique, le rapport entendu, l'avocat de l'intimé et
Madame l'Avocat Général ne s'y étant pas opposé, devant,
Madame GUIHAL, conseiller, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour,
composée de :
Monsieur PÉRIÉ, président
Madame BOZZI, conseiller
Madame GUIHAL, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND
Ministère public :
représenté lors des débats par Mme VENET, avocat général,
qui a développé oralement ses conclusions écrites
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François PERIE, président et par Mme Raymonde FALIGAND, greffier présent lors du prononcé.
Par un jugement du 29 septembre 2008 le tribunal de grande instance d'Evry a constaté la nationalité française de Melle [E] [C], née le [Date naissance 8] 1972 à [Localité 12] (Algérie) et condamné le procureur de la République à payer à la demanderesse la somme de 765 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Appelant de ce jugement, le ministère public demande à la cour de l'infirmer, de constater l'extranéité de l'intimée et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil. Il soutient que l'intéressée ne produit pas d'actes fiables au sens de l'article 47 du code civil, et dressés conformément aux règles applicables aux actes concernant les personnes de statut de droit commun, permettant d'établir une chaîne de filiation ininterrompue à l'égard de [X] [Z] [F], admis à la qualité de citoyen français suivant décret du 29 décembre 1884. Le ministère public ajoute que les premiers juges ne pouvaient le condamner au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors que l'agent judiciaire du Trésor n'était pas à l'instance.
Melle [E] [C] conclut à la confirmation de la décision déférée. Elle prétend être française par filiation maternelle et fait d'ailleurs valoir que cette qualité a été reconnue à son frère [T], né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 15], par un jugement du tribunal de grande instance de Melun du 24 mars 1988. Elle demande la condamnation du ministère public à lui payer la somme de 765 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur quoi :
Considérant que les conséquences sur la nationalité de l'accession à l'indépendance de l'Algérie sont déterminées par l'article 32-1 du code civil, qui a été substitué à l'article 154 du code de la nationalité française lequel reprenait les termes de l'article 1er de l'ordonnance du 21 juillet 1960, selon lesquels les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination, conservaient la nationalité française qu'elle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne et que les personnes originaires d'Algérie de statut civil de droit local ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française, ce qui n'est pas le cas de Melle [E] [C], de sorte qu'il est indifférent que la nationalité française ait été reconnue à son frère par un jugement du tribunal de grande instance de Melun ;
Considérant que la qualité de citoyen français attribuée à [X] [Z] [F], né en 1850 dans la tribu des Beni-Fraoucen par décret en date du 29 décembre 1884 pris en application du senatus-consulte du 14 juillet 1865, n'est pas contestée ; que l'intéressé s'est donc trouvé soumis au statut civil de droit commun à compter de ce décret; qu'il appartient dès lors à l'intimée de prouver qu'une chaîne ininterrompue de filiation l'unit à l'admis ;
Considérant que Melle [E] [C] expose qu'elle est la fille de [N] [P], fille de [X] [V] [Z] [P], lui-même fils de l'admis;
Considérant que le ministère public soutient que les pièces produites ne font pas foi du mariage de [N] [P] et de [M] [C], parents prétendus de l'intimée;
Considérant que l'acte de naissance de l'intimée mentionne qu'elle est née de [M] [C] et [N] [P] ; que figurent, en outre, dans le dossier deux versions de l'acte de mariage des parents prétendus de Melle [E] [C], produites toutes deux par l'intéressée, l'une devant les premiers juges dans la présente instance, l'autre jointe au dossier de demande de certificat de nationalité française ; que la première de ces pièces est un acte de mariage n° 326 établi le 7 septembre 1964 qui correspond à la transcription dans les registres des mariages de la commune de [Localité 11] du mariage célébré devant le cadi de la Mahakma d'Alger Nord le [Date mariage 6] 1964 entre [M] [C] né le [Date naissance 3] 1928 à [Localité 10] et [N] [P], née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 13] ; que la seconde de ces pièces, portant également le n° 326, fait état du mariage contracté entre les mêmes personnes le [Date mariage 4] 1960 devant le cadi de la Mahakma d'Alger Sud ; qu'en l'état des contradictions dont elles sont affectées, ces pièces ne peuvent, au regard de l'article 47 du code civil, faire foi du mariage de [M] [C] et de [N] [P] ;qu'il incombe dès lors à Melle [E] [C] d'établir un lien de filiation naturelle avec [N] [P] dans les conditions fixées par la loi française ;
Considérant qu'aux termes de l'article 20-I, 6° de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, introduit par l'article 91 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, les dispositions de cette ordonnance n'ont pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur, fixée au 1er juillet 2006 ;
Que, dès lors, le nouvel article 311-25 du code civil, issu de cette ordonnance, qui prévoit que la désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant suffit à établir la filiation maternelle, n'est pas applicable à une action aux fins de reconnaissance de la nationalité française introduite le 5 juin 2007 par Melle [E] [C] née le [Date naissance 8] 1972 ;
Qu'il s'ensuit que faute d'allégation d'une reconnaissance émanant de [N] [P] ou d'une possession d'état d'enfant de cette dernière, Melle [E] [C] n'établit pas son lien de filiation maternelle ; que l'intimée ne rapportant pas la preuve qu'elle soit la descendante d'un admis ni qu'elle soit Française à un autre titre, il convient d'infirmer le jugement, de constater l'extranéité de Melle [C], d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, de condamner l'intimée aux dépens et de rejeter sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement.
Constate l'extranéité de Melle [E] [C].
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Melle [C] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT
R. FALIGAND J.F. PERIE