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29/10/2009 | FRANCE | N°08/04480

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 29 octobre 2009, 08/04480


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2009



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/04480



Sur renvoi après cassation du 22 janvier 2008 d'un arrêt rendu le 01 juin 2006 par la Cour

d' Appel de Paris (15 ème ch. B) RG: 04/03037 sur appel d'un jugement du 30 septembre 2003 du Tribunal de Grande Instance de Paris (9ème Ch-1ère section) RG: 0

2/00857





DEMANDEUR :



Monsieur [L] [M]

[Adresse 4]

[Localité 1]



représenté par la SCP GUIZARD, avoué à la Cour

assisté par Maître Patrick QUIBEZ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2009

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/04480

Sur renvoi après cassation du 22 janvier 2008 d'un arrêt rendu le 01 juin 2006 par la Cour

d' Appel de Paris (15 ème ch. B) RG: 04/03037 sur appel d'un jugement du 30 septembre 2003 du Tribunal de Grande Instance de Paris (9ème Ch-1ère section) RG: 02/00857

DEMANDEUR :

Monsieur [L] [M]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par la SCP GUIZARD, avoué à la Cour

assisté par Maître Patrick QUIBEZ, avocat au barreau de NANTERRE, toque PN 714

DÉFENDERESSE:

Société CPR ONLINE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoué à la Cour

assistée de Maître Juliette GRISET, avocat au barreau de PARIS , toque : R193

( G & S et Associés)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Monsieur David GUIMBERTAUD

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Madame Marie-Claude HOUDIN, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire

***

Le 7 décembre 1999, M. [M], titulaire d'un compte d'instruments financiers ouvert dans les livres de la société CPR E TRADE, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société CPR ONLINE (CPR), a conclu une convention de compte en ligne.

Le 2 mars 2000, il a transmis par téléphone un ordre de vente à seuil de déclenchement de 1500 titres Biomatrix au cours de 37 $.

Apprenant le lendemain que cet ordre avait été enregistré comme 'ordre jour', c'est à dire expirant à minuit, il annonçait à la société CPR son intention de le renouveler le lundi 6 mars 2000.

Au cours de cette journée l'action a atteint le cours de 37 $.

Exposant n'avoir pu joindre l'opérateur à cette date, alors qu'il se trouvait en Italie, en raison de l'encombrement des lignes constamment signalé par un disque, M. [M] a assigné la société CPR devant le tribunal de grande instance de Paris par exploit du 3 janvier 2002 en réparation de son préjudice.

Par jugement du 30 septembre 2003, il a été débouté de ses demandes.

Le 9 février 2004 il a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance sur incident du 27 janvier 2005, le conseiller de la mise en état a ordonné à la société CPR de verser aux débats le relevé des appels téléphoniques reçus le 6 mars 2000.

Par arrêt du 1er juin 2006, la présente juridiction, autrement composée, a confirmé le jugement et condamné M. [M] au paiement d'une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au motif, notamment, qu'il appartenait à M. [M] d'établir l'impossibilité dans laquelle il s'était trouvé de joindre la société CPR depuis l'Italie.

M. [M] a formé un pourvoi et cet arrêt a été cassé le 22 janvier 2008 aux visas des articles 10 et 11 du code de procédure civile en ces termes:

' Attendu que, pour rejeter les demandes de M.[M] , l'arrêt retient qu'est inutile aux débats la production de la totalité des appels téléphoniques du 6 mars 2000 reçus par la société CPR en provenance d'Italie dès lors que c'est à M. [M] d'établir qu'il n'a pu joindre la société CPR depuis l'Italie;

Attendu qu'en statuant ainsi , alors que chaque partie est tenue d'apporter son concours aux mesures d'instruction, sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus sans avoir égard aux règles gouvernant la charge de la preuve et que la société CPR n'avait pas déféré à l'ordonnance du 27 janvier 2005, la cour d'appel a violé les textes susvisés ';

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 16 juin 2009, M. [M] demande à la Cour de:

- infirmer le jugement,

- condamner la société CPR à lui payer 30.000 € de dommages intérêts,

- condamner la société CPR à lui payer la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 12 mars 2009, la société CPR demande à la Cour de:

- confirmer le jugement déféré,

- condamner M. [M] à lui verser la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que l'article 11 du code de procédure civile invite le juge à tirer toute conséquence de l'abstention ou du refus d'une partie à communiquer une pièce qui lui a été demandée sans avoir égard aux règles gouvernant la charge de la preuve;

Considérant ainsi que la société CPR ne peut soutenir qu'il appartiendrait à M. [M] d'établir la réalité de ses appels du 6 mars 2000 dès lors que le Conseiller de la mise en état lui avait ordonné, dans sa décision du 27 janvier 2005 de produire 'le relevé téléphonique des appels reçus par elle le 6 mars 2000";

Considérant que seul un empêchement légitime exonère la partie qui en a la charge de déférer à la demande fondée sur la disposition précitée;

Considérant que pour justifier son abstention, la société CPR soutient ne pas avoir gardé ce relevé d'appel, ajoutant n'avoir aucune obligation le lui imposant, le règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers préconisant de ne conserver les enregistrements des ordres que pendant six mois et l'article 6,5° de la loi du 6 janvier 1978 prescrivant, sous peine de sanctions pénales, de ne pas conserver de données personnelles pendant une durée excédant celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles ont été collectées;

Mais considérant que le relevé des appels entrants est différent de l'enregistrement des conversations et ne peut être considéré comme entrant dans les prévisions de la loi du 6 janvier 1978;

Considérant encore que le Conseiller de la mise en état ayant relevé dans sa motivation que la société CPR n'alléguait aucune circonstance matérielle susceptible de faire obstacle, par principe, à la communication requise, aucun empêchement légitime ne peut être retenu;

Considérant qu'il convient en conséquence, tirant toute conséquence de l'abstention de la société CPR de considérer établie l'existence des appels infructueux de M. [M];

Considérant que la société CPR ne saurait davantage se prévaloir des dispositions de l'article 9 du contrat signé l'exonérant de responsabilité en cas de rupture des moyens de transmission utilisés, la clause se référant à une hypothèse de force majeure inexistante en l'espèce, l'échec des appels de M. [M] étant présumé être exclusivement imputable à un encombrement des lignes de la société de bourse;

Considérant qu'il n'est pas contesté que dans le courant de la journée du 6 mars 2000, l'action BIOMATRIX a atteint le cours espéré de 37 $;

Considérant cependant que le cours de cette action était très fluctuant; que les conversations téléphoniques enregistrées établissent que le 2 mars 2000, son correspondant au sein de la société CPR l'avisait d'une variation de 31,5 à 37 $ pendant qu'ils dialoguaient; que M. [M], estimant que le cours pouvait atteindre 40 voire 41 $ achetait 1500 titres au prix de marché qui lui était indiqué de 34,58 $ et donnait, dans un second appel, un ordre de vente à 32 $ pour limiter ses pertes en cas de baisse, lequel était exécuté qui se traduisait par une perte, à cette date, de près de 5.000 €;

Considérant que la conversation téléphonique du 3 mars 2000 révèle que M. [M] pensait que son ordre de vente du 2 mars à 37 $ pour les actions BIOMATRIX qu'il détenait encore était encore valable pour le lendemain; qu'informé du fait que tel n'était pas le cas, il déclarait cette incompréhension sans conséquence dès lors que le cours n'avait pas atteint ce seuil le 3 mars; que pour se prémunir d'une baisse, il donnait encore pour le quart d'heure ou la demie heure suivante un ordre de vente à 33 $, qui n'était pas exécuté, manifestement en raison du maintien de l'action à un cours supérieur; que le même jour il annonçait son appel pour le lundi (6 mars) à 15H30, heure de l'ouverture de la bourse de [Localité 5];

Considérant que si cet appel n'a pu aboutir pour les raisons précitées, le relevé de son compte permet de constater qu'il a poursuivi au delà de cette date aussi bien ses relations avec la société CPR que ses opérations spéculatives sur le produit BIOMATRIX;

Considérant ainsi qu'il est établi qu'il a multiplié les opérations dites 'aller-retour', d'achat et vente la même journée ou à bref intervalle, les 8, 13, 29 mars 2000 puis les 17/19 avril 2000, les 30 août puis 12 octobre et 15 décembre suivant;

Considérant que la valeur de l'action a constamment baissé à compter du 6 mars 2000 pour atteindre son niveau le plus bas, 17,37 $ le 12 octobre;

Considérant que M. [M] qui n'avait pas pu donner son ordre le 6 mars a pu joindre la société CPR le 8, jour d'un de ses 'aller-retour'; qu'il est constant qu'il n'a pas souhaité liquider à cette date les actions qui lui restaient espérant une hausse de leur cours; que les conversations précitées du 2 mars font état, l'une d'une 'manipulation' impliquant le Directeur scientifique de la société ayant permis à la valeur d'atteindre un cours de 45 $, l'autre d'une information obtenue du PDG actuel selon laquelle une fusion serait envisagée avec la société GENZYME;

Considérant qu'il en résulte que si la responsabilité de la société CPR peut être engagée pour n'avoir pas pris toute disposition permettant à son client de passer un ordre au plus haut cours obtenu le 6 mars 2000, elle ne saurait supporter l'intégralité de la perte subie par son client qui a conservé ses actions jusqu'au mois d'octobre 2000 dans la croyance erronée de leur rétablissement;

Considérant au surplus que M. [M] donnant généralement des ordres croisés d'achat et de vente et le cours de l'action variant fortement au cours d'une même séance de bourse, la Cour ne peut, en l'absence de tout élément sur l'évolution du cours ce 6 mars 2000, que relever l'existence d'une perte de chance, à savoir l'exécution de son ordre de vente à 37 $ et non de celle de l'ordre de vente à un montant sensiblement inférieur qu'il avait l'habitude de donner pour limiter ses pertes, étant encore observé que le cours de 37$ aurait pu ne pas être maintenu pour la totalité des actions qu'il souhaitait vendre;

Considérant qu'au regard de ces éléments la Cour estime le préjudice subi à la somme de 3.500€;

Considérant que l'équité commande encore d'allouer à M. [M] une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris;

Condamne la société CPR ONLINE à payer à M. [M] 3.500 € de dommages intérêts outre une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société CPR ONLINE aux dépens d'appel qui comprendront ceux de l'arrêt cassé dont distraction au profit de la SCP Guizard dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/04480
Date de la décision : 29/10/2009

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°08/04480 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-10-29;08.04480 ?
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