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27/10/2009 | FRANCE | N°08/15389

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 27 octobre 2009, 08/15389


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 27 OCTOBRE 2009



(n° 311, 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/15389



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/01129





APPELANTS



Monsieur [Y] [D]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté p

ar la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour

assisté de Me Véronique COUTURIER CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D61





Madame [Z] [W] épouse [D]

[Adresse 3]

[Adr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 27 OCTOBRE 2009

(n° 311, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/15389

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/01129

APPELANTS

Monsieur [Y] [D]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour

assisté de Me Véronique COUTURIER CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D61

Madame [Z] [W] épouse [D]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour

assistée de Me Véronique COUTURIER CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : D61

INTIMES

Société FIDUCIAIRE 94 prise en la personne de ses représentants légaux.

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour

assistée de Me D. LOURS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 133

SCP RAFFIN, avocat au barreau de PARIS

Maître [X] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour

assisté de Me D. LOURS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 133

SCP RAFFIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 septembre 2009, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***************

M. [Y] [D] est propriétaire en propre d'un fonds de commerce par lui créé, donné en location gérance à la société anonyme familiale Dagstaff selon acte sous seings privés du 23 mars 1974, moyennant une redevance annuelle assise sur le chiffre d'affaires de 30 000 frs soit 4753,47 €, dont la révision annuelle, prévue contractuellement, ne sera jamais appliquée.

En 1992, les époux [Y] [D], actionnaires majoritaires de la société Dagstaff, accompagnés de leur expert comptable, le cabinet Alain Guilloux, ont contacté Maître [X] [N], avocat au sein de la société Fiduciaire 94, pour examiner les solutions permettant d'optimiser les structures d'exploitation de la société Dagstaff, dans le but d'intégrer le fonds de commerce aux actifs sociaux, lequel, aux termes d'une consultation datée du 20 octobre 1992 leur a soumis deux possibilités, soit l'augmentation de capital, par remise d'actions correspondant à la valeur du fonds à M.[D], soit l' acquisition par la société Dagstaff dudit fonds avec règlement à ce dernier par inscription en compte courant.

La seconde solution a été choisie et Maître [N], chargé d'opérer la cession du fonds de commerce, a alerté ses clients sur la nécessité de ne pas en surévaluer la valeur afin que l'opération ne puisse s'analyser comme un 'acte anormal de gestion' pour la société.

La vente a été passée le 2 novembre 1992 au prix de 5 000 000 Frs aux termes d'un acte rédigé par Maître [N], avec résiliation le même jour du contrat de location gérance.

Le 16 juin 1995, les époux [D] se sont vu notifier un redressement aux fins de réintégrer dans les bénéfices industriels et commerciaux de M.[D] pour l'année 1992 le montant de l'avantage consenti, l'administration fiscale leur reprochant de ne pas avoir, pendant plus de 17 ans, réévalué la redevance annuelle de location gérance et d'avoir commis ' un acte anormal de gestion caractérisé' dès lors que la société Dagstaff a bénéficié d'une renonciation à recette sans contrepartie pour l'entreprise individuelle : elle a réintégré dans les bases de l'impôt les sommes non encaissées et a procédé à la taxation des mêmes sommes à titre de distribution de dividendes : par voie de conséquence, M.[D] s'est vu refuser le bénéfice de l'exonération de plus-value de l'article 151 septies du code général des impôts, son chiffre d'affaires étant dès lors plus élevé que le forfait prévu pour l'exonération.

A la suite de ce redressement, les époux [D] se sont vu réclamer une somme de 1 265 222 Frs au titre des revenus 1992 ainsi qu'une somme de 103 250 Frs au titre de la CSG.

Le recours amiable des époux [D] ne leur a permis qu'un dégrèvement partiel de CSG, la requête déposée par les époux [D] devant le tribunal administratif, puis devant la cour administrative d'appel de Paris a été rejetée par cette dernière le 2 mars 2006, les contraignant à régler une somme de 500 000 frs et à fournir au Trésor public des garanties, dont une hypothèque sur un de leurs biens.

Les époux [D] ont recherché la responsabilité de leur avocat et de la Fiduciaire devant le tribunal de grande instance de Paris et demandé leur condamnation in solidum à leur payer la somme de 254 000 € de dommages et intérêts, faisant grief à leur avocat de leur avoir donné de mauvais conseils, de n'avoir pas suffisamment analysé le contrat de location de gérance en ce qu'il contenait la révision, de ne pas leur avoir proposé une solution efficace, de ne pas les avoir avertis des risques fiscaux qu'ils encouraient en réalisant cette opération qu'il leur a présentée comme courante, alors que l'administration fiscale est très vigilante pour une telle opération dite 'fermée'.

Par jugement du 28 mai 2008, le tribunal les a débouté de leurs demandes et les a condamné à payer à Maître [N] et à la société La Fiduciaire la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 29 juillet 2008 par les époux [D],

Vu les conclusions déposées le 24 Novembre 2008 par les appelants qui demandent à la cour d' infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de retenir la responsabilité de Maître [N] pour un manquement à ses obligations de prudence, de conseil et d'information à leur égard, de le condamner in solidum avec la Fiduciaire 94 à réparer leur préjudice, à leur payer la somme de 254 000 € à titre de dommages et intérêts, à chacun une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 19 juin 2009 par les intimés qui demandent à la cour de confirmer le jugement, reconventionnellement de condamner les époux [D] à leur payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer tous les dépens.

SUR QUOI :

Considérant que les appelants reprochent à leur avocat un manquement à son devoir de conseil ; qu'ils font valoir qu'il lui incombait d'analyser la situation existante entre la société Dagstaff et son dirigeant et de tirer les conséquences du défaut de réévaluation, dont le montant était inchangé depuis trois ans ( 1989-1991) ; que faute par lui de se préoccuper des conséquences de droit de cette situation factuelle, l'administration a logiquement constaté l'absence de révision du contrat de location gérance, en violation des termes de ce contrat, dès lors qu'elle a recherché l'adéquation entre la valeur de cession du fonds de 5 000 000 Frs et le montant de la redevance annuelle de location-gérance qui aurait dû être perçue par M. [D], qu'elle a évalué à 10 % soit une somme de 500 000 Frs ; qu'ils rappellent que la mission de Maître [N] ne se limitait pas à celle de rédacteur d'acte mais portait sur l'éventuelle réorganisation des structures sociales appartenant à M. [D], ce qui incluait l'analyse de tous les risques fiscaux du montage par lui proposé ; qu'il leur était en effet loisible de ne rien modifier ou de choisir un autre montage mais toujours en connaissance de cause des risques courus afin de prendre une décision éclairée, soit rester dans l'illégalité, soit remédier à la situation en réactualisant le redevance durant trois années avant de mettre en place l'opération de restructuration ;

Considérant que l'intimé conteste la faute, soutient que le redressement n'a pas porté sur l'évaluation dont il s'est chargé mais a pour cause la non application des clauses du contrat depuis 1974 ; que cet avantage, générateur d'un risque fiscal existant depuis des années, est totalement étranger à sa saisine, en 1992, donc bien postérieurement, et qu'il ne peut se voir reprocher des faits antérieurs de près de 20 ans à son intervention ; qu'il n'était pas chargé de réévaluer le loyer commercial ce qui aurait du être fait depuis 1975 ; qu'il a précisément été particulièrement prudent et attiré l'attention de son client, ce qui est confirmé par la consultation, car en cas de valorisation excessive du fonds, il y avait un risque de qualification d'abus de biens sociaux par M. [D], président du conseil d'administration et principal actionnaire de la société Dagstaff ; que d'ailleurs l'administration fiscale n'a pas remis en cause l'évaluation du fonds de commerce ; qu'il ajoute que l'impôt normalement dû ne peut constituer un préjudice susceptible d'ouvrir droit à une indemnisation et qu'il ne lui incombait pas de conseiller à ses clients de rester dans l'illégalité ;

Considérant sur la faute alléguée que la cour n'entend pas faire sien le raisonnement des premiers juges qui reprochent à l'avocat de n'avoir pas prévenu ses clients du risque de redressement auquel ils s'exposaient en poursuivant l'opération de restructuration dont il était chargé, tout en constatant que ce risque-là existait de toute manière depuis 17 ans, notant que l'administration fiscale pouvait le constater par elle-même dans d'autres circonstances ou par un contrôle fiscal ; qu'en effet, il convient de rappeler qu'aucune faute n'est en l'espèce reprochée à l'avocat dans le cadre des conseils très prudents qu'il a fournis à ses clients pour réaliser l'opération de restructuration, attirant précisément leur attention sur la nécessité d'éviter que l'administration fiscale n'invoque 'l'acte de gestion anormal' ; que les conseils ainsi donnés n'ont pas été la cause du redressement lequel ne s'est pas fondé sur le prix de cession indiqué ; que c'est la redevance non réévaluée qui a été l'élément déclencheur du redressement ; que le devoir de conseil de l'avocat n'inclut pas l'obligation de conseiller le client dans une démarche d'illégalité et que s'il est constant que l'avocat doit fournir à son client tous les éléments d'appréciation utiles dont des mises en garde, y compris fiscales, se rattachant directement à l'opération qu'il conseille, il n'est pas comptable de conséquences fiscales simplement induites aboutissant à ce qu'il soit réclamé au contribuable le paiement d'un impôt légalement dû ;

Considérant en conséquence qu'aucune faute de Maître [N] susceptible d'engager sa responsabilité n'est démontrée, que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés et de leur allouer, au titre de leurs frais irrépétibles de procédure en appel, la somme de 2000 €.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne les époux [Y] [D] à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à Maître [X] [N] et à la société Fiduciaire 94 la somme de 2000 € au titre de l'article 700 dudit code.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/15389
Date de la décision : 27/10/2009

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°08/15389 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-10-27;08.15389 ?
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