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22/10/2009 | FRANCE | N°07/13676

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 22 octobre 2009, 07/13676


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 22 OCTOBRE 2009



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/13676



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08087





APPELANTE:



S.A. BOURSE DIRECT

agissant en la personne de ses représentants légaux

ayant son sièg

e social [Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Maître Olivier DILLENSCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS, toque A8...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 22 OCTOBRE 2009

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/13676

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08087

APPELANTE:

S.A. BOURSE DIRECT

agissant en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Maître Olivier DILLENSCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS, toque A866 (FAVARO & ASSOCIES) et de Maître Jean-Jacques DAIGRE, avocat au barreau de Paris, toque L 130

INTIMES:

Société IMC SECURITIES BV

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 6] (PAYS BAS)

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Maître Quentin BRUNO, avocat au barreau de Paris , toque T 300 (CABINET GIDE-LOYRETTE-NOUEL)

Monsieur [X] [V] [T]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assisté de Maître Anne Marion DE CAYEUX, avocat au barreau de Paris, toque K 180 (SELARL D.B.C)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Septembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Evelyne DELBES, Conseiller

Madame Caroline FEVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur David GUIMBERTAUD

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame marie-Claude HOUDIN, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

En 1996, la société Bourse Direct, société d'investissement effectuant la réception et la transmission d'ordres pour compte de tiers, membre d'Euronext, a ouvert dans ses livres un compte au nom de M. [T], qui passait ses ordres de bourse par Internet.

Le 8 janvier 2007 au matin, M. [T] a passé un ordre d'achat de 231 actions Gaz de France au prix de 34,03 € et un ordre d'achat de 230 actions Gaz de France au prix du marché.

Ces ordres ont été annulés par M. [T] avant l'ouverture du marché et n'ont donc pas été exécutés.

Puis, M. [T] a passé quelques instants plus tard, un nouvel ordre électronique d'achat, 'au prix du marché', de 2 313 406 titres Gaz de France.

La société IMC Securities B.V., prestataire de service d'investissement hollandais et membre d'Euronext, a alors présenté un ordre de vente de 3 000 000 actions Gaz de France au prix de 37,95 €, suivi d'un second ordre de vente de 1 000 000 actions Gaz de France au prix de 35 €.

Dès l'enregistrement de ces transactions, la cotation de l'action Gaz de France a été suspendue pendant une heure.

Le prix total d'achat de l'ordre passé par M. [T] était de 88 122 385 €, somme que la société Bourse Direct a réglé à la société IMC Securities B.V. contre l'achat des 2 313 406 actions.

M. [T] ne disposant pas de cette somme sur son compte, les actions Gaz de France ont été revendues en quelques jours et la moins-value enregistrée s'est élevée à 6 482 319 € portée au débit de son compte, compte qui a été débité de la somme figurant au crédit pour seulement 43 914,84 €.

Saisi par la société Bourse Direct, le président du tribunal de commerce de Paris a rendu deux ordonnances les 24 janvier et 15 février 2007 ordonnant la mise sous séquestre des documents de l'opération et la communication de ces documents à la société Bourse Direct.

Exposant que c'est à la suite d'une erreur matérielle que M. [T] a passé l'ordre invraisemblable ci-dessus indiqué et estimant que la société IMC Securities B.V. avait failli à ses obligations d'arbitragiste, la société Bourse Direct a saisi par assignation à jour fixe du 16 mai 2007 le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 10 juillet 2007, a :

- rejeté ses demandes dirigées contre la société IMC Securities B.V.,

- dit inopposable à M. [T] les transactions réalisées et notamment celle du 8 janvier 2007,

- dit que le compte de M. [T] sera rétabli en son état antérieur à la dite transaction avec un solde créditeur de 43 914,84 €,

- condamné la société Bourse Direct à payer à la société IMC Securities B.V. la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts et à M. [T] celle de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Par déclaration du 26 juillet 2007, la société Bourse Direct a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 25 juin 2009, la SA Bourse Direct demande à la Cour :

- de prononcer la nullité de la cession intervenue entre elle-même et la société IMC Securities B.V. le 8 janvier 2007 portant sur 2 110 556 actions Gaz de France au cours de 37,95 €,

- d'ordonner la remise en état des parties dans la situation antérieure à cette cession,

- de condamner en conséquence la société IMC Securities B.V. à lui verser la somme de 5 913 819,31 €, avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2007,

- de condamner la société IMC Securities B.V. à lui payer la somme de 568 499,34 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2007 à titre de dommages et intérêts compensatoires,

- de condamner la société IMC Securities B.V. à lui payer la somme de 60 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- de constater l'opposabilité à M. [T] de la transaction boursière intervenue le 8 janvier 2007 portant sur 2 110 556 actions Gaz de France au cours de 37,95 €,

- de condamner la société IMC Securities B.V. à lui payer la somme de 6 482 318,66 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2007,

- de condamner la société IMC Securities B.V. à lui payer la somme de 60 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 10 avril 2009, la société de droit néerlandais IMC Securities B.V. demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris,

- de débouter la société Bourse Direct de ses demandes,

- de condamner la société Bourse Direct à lui payer la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice d'image et celle de 50 000 € pour appel abusif,

- de condamner la société Bourse Direct à lui payer la somme supplémentaire de 30 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 12 décembre 2008, M. [T] demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris,

- de débouter la société Bourse Direct de ses demandes,

- de condamner la société Bourse Direct à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et celle de 15 000 € au visa de l'article 559 du Code de procédure civile,

- de condamner la société Bourse Direct à lui payer la somme de 20 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions de procédure du 11 septembre 2009, la société Bourse Direct demande à la cour d'écarter des débats les conclusions signifiées par M. [T] le 1er septembre 2009.

CELA ÉTANT EXPOSÉ,

LA COUR,

Sur la procédure

Considérant que le 20 mars 2009, les parties ont été informées de la date des plaidoiries au 18 septembre 2009 et de la date de clôture au 26 juin 2009 ; qu'à la demande des parties, la clôture a été reportée au 4 septembre 2009, date à laquelle elle a été rendue ;

Considérant que le 1er septembre 2009, M. [T] a signifié des conclusions, alors que ses précédentes écritures étaient du 12 décembre 2008 ; qu'il présente de nombreux moyens nouveaux dans ces écritures nouvelles portant sur la faute commise par la société Bourse Direct; qu'il augmente au surplus le montant des dommages et intérêts sollicités ainsi que le montant de l'indemnité formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant qu'au vu de tous ces éléments nouveaux, la société Bourse Direct n'a pas été mise en mesure de répondre avant la clôture à ces écritures qui violent le principe du contradictoire ; qu'en conséquence, il convient d'écarter les écritures de M. [T] signifiées le 1er septembre 2009 ;

Sur les relations entre la société Bourse Direct et M. [T]

Considérant qu'il est constant que M. [T] n'a jamais souhaité acquérir 2 313 406 actions Gaz de France et que la transaction a été lancée à la suite d'une erreur qu'il n'a pas pu rectifier ; que M. [T] a écrit à la société Bourse Direct dès le 8 janvier 2007 en ces termes : 'de toute évidence, il y a eu défaillance ou malveillance dans les divers rouages de transmission d'ordre. Il est clair que je rejette cette transaction pour laquelle je ne suis pas responsable et qui m'a été imposée. Vous voudrez bien rétablir mon compte dans l'état dans lequel il se trouvait avant cette énorme aberration qui me rend malade' ; qu'il importe peu de savoir si l'erreur provient d'une faute de manipulation de sa part ou d'un dysfonctionnement informatique provisoire du système, dès lors que la société Bourse Direct reconnaît que cet ordre d'achat ne peut que résulter d'une erreur et n'est pas l'expression de la volonté de son client ;

Considérant que M. [T] reproche des fautes à la société Bourse Direct, et notamment d'avoir violé son obligation de couverture au visa de l'article 321-62 du règlement général de l'AMF ;

Considérant que, contrairement à ce que prétend la société de bourse, M. [T] est recevable à soulever le défaut de couverture, dès lors que la réglementation relative à l'obligation de couverture est édictée tant dans l'intérêt de l'opérateur et de la sécurité du marché que dans celui du donneur d'ordres ;

Considérant que l'ordre ayant été passé via internet, la société Bourse Direct devait respecter les dispositions de l'article 321-62 du règlement général de l'AMF qui impose au prestataire habilité qui fournit les services de réception et transmission d'ordres via internet de disposer d'un système automatisé de vérification du compte et qui stipule qu'en cas d'insuffisance de provisions et de couvertures, le système doit assurer le blocage de l'ordre ;

Considérant que faute d'avoir assuré ce blocage qui aurait dû intervenir immédiatement, la société Bourse Direct a commis une faute dont elle doit répondre ;

Considérant par contre qu'il est établi par le télégramme adressé le 9 janvier 2007 à M. [T] que celui-ci ne pouvait pas couvrir sa position, ce qui autorisait la société Bourse Direct à procéder à la revente des titres, ce qu'elle a régulièrement fait après en avoir avisé son client par courrier du 11 janvier 2007 ;

Considérant que M. [T] demande à la cour de dire que cet ordre lui est inopposable et que la société Bourse Direct demande quant à elle d'en prononcer la nullité ;

Considérant que les fautes commises par la société Bourse Direct n'entraînent pas la nullité de l'ordre dans ses relations avec son client ; que par contre la société Bourse Direct doit répondre des conséquences dommageables de l'inexécution de ses obligations, telles que rappelées ci-dessus ; qu'en l'espèce, il convient de prononcer l'inopposabilité à M. [T] de l'ordre ainsi passé et de condamner la société Bourse Direct à lui restituer la somme prélevée sur son compte, avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2007 ;

Considérant que M. [T] demande encore l'allocation de dommages et intérêts pour préjudice moral, au motif que la société Bourse Direct lui a adressé les 1er et 6 février et 10 avril 2007 des mises en demeure de régler la somme due ;

Considérant que la somme allouée en première instance à ce titre est raisonnable et correspond au préjudice subi par M. [T] à titre moral à la suite des tracas subis ;

Considérant que M. [T] sollicite l'allocation de dommages et intérêts pour réparer le préjudice financier qu'il a subi entre le 8 janvier et le 15 juin 2007, à la suite de la perte de la somme de 43 914,84 € qui a été débitée de son compte ; qu'il expose que la hausse du CAC 40 a été de 10,40 % au cours de cette période ;

Considérant que la somme de 1 000 € doit lui être allouée à ce titre, dès lors qu'il ne peut pas être établi que les ordres de bourse qu'aurait passés M. [T] s'il avait encore disposé d'une couverture lui aurait rapporté un revenu de 10 % au cours de ces cinq mois ;

Considérant que M. [T] demande encore l'allocation de la somme de 15 000 € pour procédures abusives ;

Considérant que la société Bourse Direct reconnaissant dès l'origine que l'ordre passé était 'aberrant'et qu'il ne correspondait pas à la volonté de son client, il convient d'allouer à M. [T] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts, dès lors qu'il a été intimé en appel par la société Bourse Direct ;

Sur les relations entre les sociétés Bourse Direct et IMC Securities B.V

Considérant que la société Bourse Direct expose que la société IMC Securities B.V. a commis une faute en déstabilisant le marché, puisque le cours de l'action a doublé en quelques instants ; qu'elle soutient que la société IMC Securities B.V. savait qu'en passant un tel ordre de vente elle provoquerait un blocage du marché du titre Gaz de France et ferait varier artificiellement le cours du titre ; qu'elle relève enfin que la société IMC Securities B.V. n'a pas rempli son rôle d'arbitragiste, puisqu'aucun arbitrage n'a été réalisé ;

Considérant que la société Bourse Direct conclut que la société IMC Securities B.V. a commis une faute équipollente au dol en agissant de manière délibérée et en permettant sciemment de réaliser une opération démesurée en contravention avec les règles d'Euronext et en mettant en danger son cocontractant et la sécurité et l'intégrité du marché ; qu'elle expose encore qu'il y a eu également absence d'accord sur la chose et le prix de vente des titres ; qu'elle indique qu'elle est en droit d'invoquer la violation de l'ordre public boursier par la société IMC Securities B.V. qui a perturbé l'indice CAC 40 et le cours du titre Gaz de France et qui a contrevenu aux dispositions des articles 321-24, 321-88, 321-91 du règlement de l'AMF ;

Considérant que la société Bourse Direct conclut qu'en sa qualité de commissionnaire de son client, elle demande à la cour de prononcer l'annulation de l'ordre d'achat erroné ;

Mais considérant que la société Bourse Direct n'a pas agi en qualité de mandataire de son client, mais de commissionnaire, comme elle le reconnaît elle-même ; qu'en cette qualité, elle agit sur le marché boursier en son nom propre et s'engage à titre personnel dès lors qu'elle a passé l'ordre reçu de son client ; que l'article L. 421-11 du Code monétaire et financier dispose d'ailleurs que les membres négociateurs d'un marché réglementé sont responsables de l'exécution des ordres qu'ils reçoivent ; que dès lors, la relation entre Bourse Direct et M. [T] ne peut pas être opposée à IMC Securities B.V. ;

Et considérant que si un ordre de bourse peut toujours être annulé avant son exécution, il ne peut plus l'être dès lors qu'il a été exécuté, et ce afin d'assurer la sécurité et la stabilité du marché, sauf dans quatre cas limitatifs, à savoir s'il y a eu violation des règles de négociation, négociation à un cours aberrant, erreur de saisies ou négociation dans des conditions imprévues; qu'il est précisé à l'instruction Euronext qu'en cas d'erreur de saisie, Euronext doit recevoir la demande d'annulation dans les quinze minutes suivant la transaction et recueillir l'accord des contreparties ;

Considérant que la société Bourse Direct ne prétend pas avoir saisi Euronext d'une telle demande d'annulation pour erreur de saisie dans les quinze minutes de la transaction ;

Considérant que la société Bourse Direct demande encore de voir prononcer la nullité de la transaction à la suite de fautes graves déstabilisant le marché commises par la société IMC Securities B.V. ;

Considérant que la société IMC Securities B.V. a répondu à l'offre d'achat qui a été passée sur le marché ; qu'elle a respecté la règle selon laquelle la variation du cours entre deux séances ne peut pas être supérieure à 10 % en fixant un prix de départ de l'action Gaz de France à 37,95 € ; que la société Bourse Direct reconnaît d'ailleurs que cette règle a été respectée ;

Considérant que la société IMC Securities B.V. a ensuite livré les titres vendus dans le délai de trois jours conformément au règlement de l'AMF, ce qui est également reconnu par la société Bourse Direct ; que le fait que la société IMC Securities B.V. ait été dans l'obligation de racheter à Bourse Direct une partie des titres vendus afin de pouvoir les lui livrer relève du fonctionnement habituel des marchés à terme et ne constitue pas une faute ;

Considérant que le droit commun de la vente doit nécessairement être adapté à la transaction qui a été conclue sur Euronext entre IMC Securities B.V. et Bourse Direct ; que le particularisme de la réglementation boursière justifie la mise en oeuvre de règles spécifiques qui ne peuvent pas s'analyser à une vente au sens strict du Code civil, dès lors que ces règles sont destinées à assurer la sécurité et la rapidité des transactions boursières ; qu'en tout état de cause, contrairement à ce que prétend la société Bourse Direct, celle-ci a procédé à l'achat des titres Gaz de France à un prix déterminable, puisqu'il s'agissait du prix du marché et elle a donné son consentement à l'acquisition des titres qu'elle avait elle-même demandés en sa qualité de commissionnaire et de membre du marché Euronext ;

Considérant que la société Bourse Direct évoque encore l'enrichissement sans cause dont a profité la société IMC Securities B.V. en encaissant une plus-value ;

Mais considérant que la plus-value réalisée par la société IMC Securities B.V.a une cause légitime, résultant du fonctionnement normal des marchés financiers ;

Considérant que la société Bourse Direct indique que la société IMC Securities B.V. savait qu'elle réalisait une opération démesurée, dès lors que celle-ci représente à elle seule 75%

du total des échanges de ce titre au cours de la séance du 8 janvier 2007 et conclut qu'en sa qualité d'arbitragiste, IMC Securities B.V. était tenue de ne pas vendre ;

Mais considérant que si le 8 janvier 2007, une totalité de 5 276 300 titres Gaz de France ont été échangés, il résulte de la pièce produite par la société IMC Securities B.V. et non contestée par l'appelante que le 4 janvier les transactions ont porté sur 1 241 753 actions et que le 5 janvier 2007 ont été échangés 3 074 417 actions Gaz de France; qu'il résulte de cette indication que les transactions sur le titre Gaz de France étaient en progression, ce qui peut s'expliquer par le contexte économique de l'époque autour de l'avenir de cette entreprise, comme le montrent les articles de presse produits aux débats ;

Considérant qu'il convient de savoir si la société IMC Securities B.V. a contrevenu aux règles de marché au regard du Code monétaire et financier ;

Considérant que le carnet d'ordre central de l'action Gaz de France produit aux débats fait ressortir une variation importante du cours du titre qui a immédiatement doublé, justifiant la suspension de la cotation pendant une heure, afin de permettre à celle-ci de revenir à un cours plus conforme à son cours de la veille ;

Considérant que si le marché a été déstabilisé pendant un laps de temps d'une heure, provoquant une modification corrélative du CAC 40, la faute en revient également à la société Bourse Direct, qui a proposé une telle quantité de titres à l'achat, et à la société IMC Securities B.V., qui a proposé de vendre ces titres ;

Mais considérant que même si la société IMC Securities B.V., tout comme la société Bourse Direct qui a passé un ordre d'achat d'une telle importance, pouvait envisager que l'exécution de la transaction allait momentanément déstabiliser la cotation de la valeur Gaz de France, il n'est pas justifié que la société IMC Securities B.V. a utilisé les techniques ou les procédures en vigueur dans le but d'induire en erreur les autres membres du marché concerné ou les clients ou qu'elle a provoqué intentionnellement des décalages de cours pour en tirer avantage ; qu'aucun ordre artificiel n'a été conclu en l'espèce ; qu'il n'est pas plus démontré que la société IMC Securities B.V. a exercé des manoeuvres dans le but d'entraver le fonctionnement du marché ;

Et considérant que si la société IMC Securities B.V. pouvait s'étonner de la passation d'un ordre d'achat d'une telle importance, il n'est pas démontré qu'elle a commis un dol, les manoeuvres dolosives qu'elle aurait pratiquées n'étant pas établies et l'intention dolosive n'est pas plus établie ;

Considérant enfin que l'AMF a indiqué à Bourse Direct le 11 mai 2009 qu'elle n'avait aucune compétence pour apprécier la conformité de l'opération litigieuse au droit qui lui est applicable ; qu'elle poursuit en indiquant que si la société IMC Securities B.V. a manqué aux règles applicables, cette faute relève du contrôle des autorités néerlandaises ;

Qu'il n'est pas soutenu que l'autorité des marchés néerlandaise a prononcé une sanction à l'encontre de la société IMC Securities B.V. ;

Considérant qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité de la transaction intervenue régulièrement à la reprise de la cotation du titre Gaz de France ;

Considérant que la société IMC Securities B.V. demande à la cour de condamner la société Bourse Direct à la somme de 80 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile et de l'article 559 du même code ; qu'elle demande en outre l'allocation de la somme de 50 000 € pour appel abusif ;

Considérant que toutes ces demandes se recoupent ; que l'exercice d'une voie de recours ne saurait constituer un abus de droit, en l'absence de malice, de mauvaise foi ou d'une erreur grossière, équipollente au dol qui ne sont pas ici démontrées ; que la société IMC Securities B.V. doit donc être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts ;

Considérant qu'il apparaît équitable d'allouer à M. [T] et à la société IMC Securities B.V. la somme respective de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Ecarte des débats les conclusions signifiées par M. [T] le 1er septembre 2009,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Bourse Direct à payer à M. [T] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et celle de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive,

Condamne la société Bourse Direct à payer à M. [T] une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,

Condamne la société Bourse Direct à payer à la société IMC Securities BV. une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société Bourse Direct aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 07/13676
Date de la décision : 22/10/2009

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°07/13676 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-10-22;07.13676 ?
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