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07/10/2009 | FRANCE | N°08/16062

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 07 octobre 2009, 08/16062


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 7 OCTOBRE 2009



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16062



Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 2006 par la 19ème chambre B de la Cour d'Appel de PARIS (RG : 02/12834 ) sur appel d'un jugement rendu le 27 novembre 1997 par la 6ème chambre 3ème section du tribunal de grande instance de BOBIGNY (

RG : 96/10538)



Arrêt du 21 mai 2008, 3ème chambre civile- Cour de Cassation RG : 570 FS-D



DEMANDEURS A LA SAISINE

INTIMES



Monsieur [I] [P]

...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 7 OCTOBRE 2009

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16062

Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 2006 par la 19ème chambre B de la Cour d'Appel de PARIS (RG : 02/12834 ) sur appel d'un jugement rendu le 27 novembre 1997 par la 6ème chambre 3ème section du tribunal de grande instance de BOBIGNY ( RG : 96/10538)

Arrêt du 21 mai 2008, 3ème chambre civile- Cour de Cassation RG : 570 FS-D

DEMANDEURS A LA SAISINE

INTIMES

Monsieur [I] [P]

Madame [J] [P]

demeurant tous deux [Adresse 1]

représentés par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour

assistés de Maître JOIN LAMBERT (SCP CHATENET JOIN LAMBERT) avocat

DEFENDERESSE A LA SAISINE

APPELANTE

SA COMPAGNIE EUROPEENNE D'ASSURANCES INDUSTRIELLES - CEAI

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour

assistée de Maître JEAN avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 juin 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Michel ZAVARO, président

Madame Marie-José THEVENOT, conseillère

Madame Dominique BEAUSSIER, conseillère

qui en ont délibéré.

rapport oral de Monsieur ZAVARO président conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Hélène ROULLET

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur ZAVARO, président et par Madame ROULLET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Les époux [P] ont conclu avec la SCIP le 24 juillet 1992 un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan. L'ouvrage devait être achevé dans le délai de 9 mois à compter du 26 septembre 1992. Ils en ont refusé la réception le 7 juillet 1993. L'expert [F], désigné en référé le 2 février 1994 a constaté dans son rapport déposé le 14 mars 1996 que le sous sol de l'immeuble avait été construit 30 cm trop bas de telle sorte que le garage n'était pas accessible et qu'il convenait de démolir et de reconstruire le pavillon. Par jugement du 27 novembre 1997, le tribunal de grande instance de BOBIGNY a condamné la CEAI en sa qualité de garant financier de l'achèvement de l'ouvrage à payer aux époux [P] la somme de 1,5 million de francs eu égard à l'impossibilité de reconstruire le pavillon à l'identique en raison de la modification du POS.

Les époux [P] ont obtenu le 17 août 1999 le permis de démolir la construction existante et de la reconstruire. La CEAI a, sur la demande des maîtres de l'ouvrage désigné un nouvel entrepreneur. Les travaux ont été réceptionnés le 1er août 2001 avec des réserves.

La cour d'appel de céans, a par arrêt du 1er avril 2004 désigné Monsieur [W] en qualité d'expert avant dire droit sur le compte des parties. L'expert a déposé son rapport le 28 juillet 2005 et la cour dans un arrêt du 7 décembre 2006 a infirmé le jugement déféré et condamné la CEAI à payer aux époux [P] un solde de 4.807 € en principal outre les dépens et 15.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Cour de cassation, par un arrêt du 21 mai 2008 a cassé cet arrêt en ce qu'il condamne la CEAI au paiement de la somme de 4.807 €. La cassation a été prononcée pour les raisons suivantes :

Le retard ouvrant droit à pénalités a été de 2.922 jours. L'arrêt cassé l'a réduit de 270 jours pour tenir compte d'un délai raisonnable d'instruction du dossier, de démolition et de reconstruction.

La cour d'appel n'a pas précisé si elle mettait à la charge du garant financier d'achèvement les travaux de réalisation de l'escalier et du chauffage intégré non compris dans le marché initial ni répondu aux conclusions des époux [P] qui demandaient que la CEAI soit condamnée à leur payer le coût de reprise des faïences et des carrelages ainsi que les honoraires de l'architecte chargé de l'établissement du nouveau permis de construire.

La cour d'appel a écarté la prime d'assurance dommages ouvrage au motif que son montant était indéterminé.

Les époux [P] concluent le 27 octobre 2008. Ils demandent que la CEAI soit condamnée à leur payer 175.774 €, somme incluant d'une part le coût de reconstruction de toutes les prestations hors marché réalisées avant la démolition, les frais de maîtrise d''uvre et d'assurances dommages ouvrage exposés pour la démolition reconstruction et d'autre part les non conformités et désordres de la nouvelle construction ainsi que 43.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les dépens et les frais d'expertise.

La CEAI conclut le 3 février 2009 à titre principal, à la condamnation des époux [P] à lui payer 216.687,04 € incluant celle de 115.702,80 € versée au titre de l'exécution provisoire du jugement critiqué et celle de 4.807 € au titre de l'exécution de l'arrêt cassé ou à titre subsidiaire, celle de 43.271,65 €. Elle demande en outre les dépens et 15.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur les pénalités de retard :

L'ouvrage devait être livré le 1er août 1993. Il a été livré le 1er août 2001 avec un retard de 8 ans. Le garant est exonéré de toute indemnité lorsque le retard ne dépasse pas 30 jours. Il doit lorsque le retard dépasse ce délai, les pénalités dues à compter du 1er jour de retard sans pouvoir bénéficier de la franchise de 30 jours. La CEAI est donc débitrice de 2922 jours de retard.

Elle entend retirer de ces 2922 jours, le délai nécessaire à la résolution des problèmes de conception, soit de la date de désignation de l'expert jusqu'au dépôt de son rapport. Ce délai ne procède néanmoins pas d'une cause étrangère à l'obligation du garant d'achèvement puisque celui-ci pouvait parfaitement faire exécuter les études de conception dont le maître de l'ouvrage a finalement pris l'initiative. Le garant peut seulement demander à être déchargé des retards consécutifs au fait du maître de l'ouvrage, c'est à dire aux travaux supplémentaires ou modificatifs qu'il a imposé à l'entrepreneur défaillant. L'expert a évalué ce délai à 30 jours ; cette évaluation n'est pas sérieusement discutée. Elle sera donc retenue. Les pénalités de retard seront donc calculées sur la base de 2892 jours à raison d'une indemnité journalière sur le montant de laquelle les parties sont d'accord. L'indemnité s'établit donc à la somme de 1.296.570,03 Frs ou 197.660,87 €.

Sur les services et travaux hors marché cautionné :

L'article L 231-6 du Code de la construction et de l'habitation prévoit qu'en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge, outre les pénalités de retard dont le montant a été fixé au paragraphe précédent :

le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction

les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix.

Au cas d'espèce, le maître de l'ouvrage avait fourni les plans de la maison et fait réaliser des travaux qui n'étaient pas compris dans le marché initial et qu'il a fallu refaire après la démolition de l'immeuble. Il s'agit notamment de l'escalier en voûte sarrasine réalisé par une tierce entreprise au lieu de l'escalier en bois prévu au marché et du chauffage intégré.

L'article L 231-6 a été écrit dans la perspective d'un abandon de chantier nécessitant le choix d'un nouvel entrepreneur chargé d'assurer la reprise et l'achèvement de la construction. Il appartient au garant financier de désigner cet entrepreneur et de supporter les dépassements de prix. La jurisprudence a été amenée à mettre à sa charge la reprise des malfaçons que le premier entrepreneur avait pu commettre. Elle précise même que la caution exécute ainsi sa propre obligation et lui refuse aujourd'hui tout recours contre l'assureur dommages ouvrage. L'extension de l'obligation de souscrire une garantie financière d'achèvement au contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan dont la réalisation peut, sans fraude, être confiée à plusieurs corps de métier, conduit en cas de démolition, à demander au garant financier de supporter la reconstruction d'ouvrages ou de parties d'ouvrage qui ne sont pas compris dans le marché dont il garantit l'exécution.

Dans son arrêt du 21 mai 2008, la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir retenu que les époux [P] ne pouvaient solliciter la prise en charge de tous les ouvrages construits et démolis, quelles qu'en soient la nature et l'origine, sauf les ouvrages hors marchés nécessaires à l'achèvement de la construction.

Les époux [P] demandent le remboursement des honoraires de l'architecte qui a établi les plans du 2ème permis de construire (1.480,98 €) et de la prime versée à l'assureur dommages ouvrage (7.866 €). La CEAI ayant tardé à exécuter ses obligations, il a été nécessaire de demander un nouveau permis de construire. L'assurance dommages ouvrage est une obligation légale. En conséquence, ces deux sommes étaient nécessaires à l'achèvement de la construction et seront supportées par la CEAI.

LA CEAI demande le remboursement des sommes qu'elle a exposés au titre :

de prestations supplémentaires résultant du nouveau permis de construire (conduits de fumée, chape, cloisons, 3 velux, local technique, sanitaires et carrelage (24.638,57 €)

de la reconstitution pour 39.581,60 € après démolition de

l'installation de chauffage central par le sol qui était hors marché

prestations hors marché en équipements électriques

l'escalier sur voûte sarrasine hors marché qui a été confié à une tierce entreprise après suppression de l'escalier bois prévu initialement au marché

carrelages, faïences et escalier combles

de la maîtrise d''uvre d'exécution de ces travaux (7% de leur valeur).

Les époux [P] acceptent de prendre en charge au titre des prestations supplémentaires résultant du nouveau permis de construire : le local technique, 2 mètres carrés de cloisons dans les combles et 2 velux pour une somme de 3890,34 € TTC. Ils contestent les autres demandes formées de ce chef ainsi que celles présentées au titre de la reconstruction d'ouvrages hors marché. Ils ont toutefois signé un ordre de service n° 01 par lequel ils acceptent une plus value de 6.177 francs pour le choix du carrelage de la terrasse, du perron, la pose en diagonale du carrelage de la terrasse et le choix d'un escalier d'accès au comble différent. Il convient donc d'ajouter la somme de 941,68 €.

Il résulte du rapport de l'expert que les autres prestations comptées ci-dessus en 1) ne constituent pas des suppléments résultant du nouveau permis de construire. Il apparaît en effet :

que la souche de cheminée supplémentaire existait dans la construction démolie,

que le premier entrepreneur a réalisé une chape sur l'installation de chauffage central par le sol ; l'expert considère que cette chape représente une plus value par rapport à la chape initialement prévue dans le marché ; les époux [P] le contestent et produisent une coupe de l'entreprise chargée de la pose ainsi qu'un courrier des établissements WAVIN qui confirment leurs explications ;

et que l'augmentation du nombre des velux tient à un problème de fournitures - à une modification du catalogue selon les époux [P] qui sont plus précis- dont le garant financier doit assurer le risque.

En d'autres termes, à l'exception des Velux rendus nécessaires du fait de la modification dans le temps de l'offre du fournisseur et des travaux que les époux [P] acceptent de prendre à leur charge, les demandes de la CEAI présentées en 1) ci-dessus, relèvent en réalité du 2) relatif à l'imputation de la construction des ouvrages démolis en raison de l'erreur d'implantation du premier constructeur.

Le chauffage central étant intégré dans la chape en béton coulé au sol dont la réalisation figure au marché, il est évident qu'il constitue un ouvrage nécessaire à l'achèvement de la construction ; d'ailleurs la CEAI l'admet dans un subsidiaire. Il en va de même des escaliers dans une construction sur plusieurs niveaux, des conduits de fumée dans un immeuble équipé de chauffage central au gaz ou au fuel ainsi que des carrelages et faïences qui constituent des protections nécessaires contre l'eau dans les pièces humides.

Le garant financier d'achèvement doit désigner un constructeur pour achever la construction. Au cas d'espèce, la CEAI a désigné un maître d''uvre et un entrepreneur. Elle supportera seule les frais de maîtrise d''uvre qu'elle a ainsi exposés.

Sur les malfaçons et non-conformités de la nouvelle construction :

Les époux [P] demandent en outre que la CEAI leur paye les travaux non exécutés ou à reprendre (49.608,24 €), les travaux de levée de réserves (12.369,01 €), les non-conformités (41.064,82 €) et les défauts de finition (1582,50 €) tels qu'ils ont été répertoriés par l'expert judiciaire. Ces demandes ne sont pas directement discutées par la CEAI. Celle-ci soutient qu'en sa qualité de caution, elle n'est tenue de reprendre que les prestations qui répondent au critère de l'achèvement de la construction à l'exclusion des travaux hors marché. Elle admet néanmoins une moins-value de 2.389,42 € en raison des réserves relatives à la porte du garage, l'entreprise l'ayant acceptée, et une moins-value de 1.823,29 € pour l'habillage du conduit de fumée, le réseau électrique encastré en sous-sol et le percement inesthétique de la faïence de la salle d'eau de la chambre 3.

En sa qualité de garant financier de l'achèvement, la CEAI n'est pas un constructeur et n'a à répondre ni des inachèvements, ni des non-conformités, ni des malfaçons du constructeur qu'elle désigne pour achever l'ouvrage. Elle ne répond que des fautes ou imprudences qu'elle pourrait commettre dans le choix de cette entreprise ou dans les instructions qu'elle a pu lui donner pour l'exécution de son travail. Les époux [P] n'articulent aucune faute de cet ordre à son encontre. Ils ne se placent d'ailleurs pas sur le terrain de la faute du garant d'achèvement, mais sur celui de l'obligation de faire du constructeur. Il leur appartenait d'attraire celui-ci à l'instance. A défaut, ils seront déboutés de leurs demandes relatives aux malfaçons et non conformités.

Sur les comptes des parties :

Les comptes des parties s'établissent finalement ainsi :

Contrat de construction cautionné : 205.043,93 €

Franchise 5%: 10.252,20 €

Travaux supplémentaires hors contrat : 4.832,02 €

Appels de fonds réglés par le maître de l'ouvrage: 184.310,86 €

Frais de maîtrise d''uvre et d'assurance DO: 9.346,98 €

Remises de l'entrepreneur pour désordres et non conformités : 4. 212,71 €

Pénalités de retard: 197.660,87 €

Total : 220.128,15 € : 395.531,42 €

Reste : 175.403,27 €.

Par ces motifs :

Condamne la CEAI à payer aux époux [P] la somme de 175.403,27 €,

La condamne aux dépens, y compris les frais d'expertise, distraits au profit des avoués en la cause et au paiement aux époux [P] de 35.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/16062
Date de la décision : 07/10/2009

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°08/16062 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-10-07;08.16062 ?
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