RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRET DU 24 Septembre 2009
(n° 19 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/00543-LL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2008 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 20505585
APPELANTE ET INTIMEE
Madame [L] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Mme [I] [Y] (CATRED) en vertu d'un pouvoir spécial
APPELANTE ET INTIMEE
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE [Localité 7] (CAF 75)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Mme [F] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2009, en audience publique, les parties assistée et représentée ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Madame Béatrice OGIER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Béatrice OGIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur les appels régulièrement interjetés par Madame [U] et la caisse d'allocations familiales de [Localité 7] d'un jugement rendu le 15 janvier 2008 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 7] dans un litige opposant les deux parties ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que Madame [U], de nationalité malienne, a demandé, le 1er septembre 2002, le bénéfice de l'allocation d'éducation spéciale en faveur de son fils [C], né le [Date naissance 1] 2000 au Mali, et, le 25 décembre 2004, des prestations familiales au titre de ses trois enfants [C], [M], née le [Date naissance 3] 1996 et [Z], née le [Date naissance 6] 2008 au Mali et arrivés en France le 2 avril 2001 pour le premier et le 25 décembre 2004 pour les deux autres ; que la caisse d'allocations familiales a rejeté ses demandes en raison de la non-production du certificat de contrôle médical de l'Office des Migrations Internationales ; que Madame [U] a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable ;
Par jugement du 15 janvier 2008, le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 7] a décidé que le droit aux prestations familiales de Madame [U] était ouvert à compter du 1er septembre 2002 en ce qui concerne l'allocation d'éducation spéciale et du 25 décembre 2004 en ce qui concerne les allocations familiales mais qu'il avait été perdu par l'effet de la loi du 19 décembre 2005 ;
Madame [U] fait déposer et soutenir oralement des conclusions tendant à l'infirmation partielle de cette décision en ce qu'elle a jugé que le droit aux prestations familiales avait été perdu à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 et à la condamnation de la caisse à lui verser l'allocation d'éducation spéciale au titre de son enfant [C] conformément aux décisions de la Commission Départementale d'Education Spéciale et les prestations familiales au titre de ses 3 enfants à compter de janvier 2006. Elle estime que les prestations, dont le bénéfice lui a été reconnu pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, doivent également lui être versées pour la période postérieure dès lors que ces prestations sont attribuées au profit exclusif des enfants et dans leur seul intérêt conformément à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Elle ajoute que le refus du versement des prestations est discriminatoire et contrevient ainsi aux dispositions des articles 14 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme le reconnaît la Haute Autorité de Lutte contre la Discrimination et l'Egalité. Elle soutient que, dans ces conditions, ni l'absence de détention d'un certificat médical de l'OMI, ni l'interruption de la régularité de son séjour en France ne peuvent faire obstacle à l'attribution des prestations litigieuses même pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005. Enfin, elle s'oppose à l'appel incident formulé par la Caisse concernant les prestations afférent à la période antérieure à la loi du 19 décembre 2005 et demande sur ce point la confirmation du dispositif du jugement.
La caisse d'allocations familiales de [Localité 7] fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions d'appel incident demandant à la Cour d'infirmer la décision en ce qu'elle a accordé le versement des prestations à partir de septembre 2002 pour l'AES et du 25 décembre 2004 pour les prestations familiales. Elle considère, en effet, que les enfants ne remplissaient pas les conditions requises pour ouvrir droit aux prestations dès lors qu'ils n'étaient pas en possession du certificat médical de l'OMI exigé par l'article D 511-2 alors en vigueur. Elle ajoute qu'il n'est pas justifié des autorisations provisoires de séjour pour toutes les périodes au titre desquelles des prestations sont demandées et se prévaut du fait que depuis le 29 décembre 2006, l'intéressée réside sur le territoire français sans titre de séjour. La Caisse demande, en revanche, la confirmation de la décision en ce qui concerne la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, en faisant observer que les nouvelles dispositions de l'article D 512-2 ne sont contraires ni à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour :
Considérant qu'aux termes des articles L 512-1 et L 512-2 du code de la sécurité sociale ' toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales' ; que 'bénéficient de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers titulaires d'un titre exigé d'eux pour résider régulièrement en France' ;
Considérant qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, l'article D 511-2 du code disposait que la régularité du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à sa charge et au titre desquels il demande des prestations familiales pouvait être justifiée par la production d'un des titres de séjour ou document de circulation prévus à l'article D 511-1 alors en vigueur et, à défaut, par la production du certificat de contrôle médical délivré par l'Office des Migrations Internationales ;
Considérant qu'il en résulte que pour la période antérieure à cette loi, les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficiaient de plein droit des prestations familiales, sans avoir besoin de justifier du certificat de contrôle médical délivré par l'Office des Migrations Internationales ;
Considérant qu'en revanche, le bénéfice des prestations ne peut être accordé qu'en faveur des étrangers séjournant eux-mêmes régulièrement en France ; que cette obligation faite aux étrangers de justifier de la régularité de leur séjour dans l'Etat de l'organisme social auquel ils demandent une prestation ne contrevient à aucune des conventions internationales applicables ;
Considérant qu'en l'espèce, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, Madame [U], dont il n'est pas contesté qu'elle assure la charge effective et permanente de ses trois enfants dont [C] qui s'est vu reconnaître par la commission départementale d'éducation spéciale un taux d'incapacité ouvrant droit à l'allocation d'éducation spéciale, justifie d'autorisations provisoires de séjour pour certaines périodes seulement ;
Considérant dès lors que, si c'est à bon droit que les premiers juges ont décidé que le droit aux prestations familiales de Madame [U] au titre de ses enfants était ouvert à compter du dépôt des demandes de prestations jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, il convient cependant d'exclure les périodes au cours desquels Mme [U] était elle-même dépourvue de titre de séjour pour résider régulièrement en France ;
Considérant que l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 27 février 2006, pris en application de la loi du 19 décembre 2005, dispose dorénavant que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à sa charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents qu'il énumère ; qu'est ainsi exigé de l'enfant mineur un document de séjour qui lui soit personnel ;
Considérant toutefois que cette réglementation qui subordonne le bénéfice des prestations familiales à la justification de la régularité du séjour des enfants mineurs porte une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit à la protection de la vie familiale garantis par les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant dès lors que Madame [U] qui a la charge effective et permanente de ses 3 enfants mineurs, a droit aux prestations familiales pour toute la période où elle séjourne régulièrement en France, sans qu'il puisse utilement lui être reproché de ne pas produire l'un des documents exigés par l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale pour justifier de la régularité du séjour de ses enfants ;
Qu'il y a donc lieu de réformer aussi la décision entreprise relativement aux prestations afférentes à la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 ;
Par ces motifs :
Vu leur connexité, joint les appels suivis sous les numéros 08/00543 et 08/00757 du répertoire général ;
Déclare Madame [U] et la Caisse d'allocations familiales de [Localité 7] recevables et partiellement bien fondées en leurs appels respectifs ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le droit aux prestations familiales de Madame [U] était ouvert :
- à compter du 1er septembre 2002 en ce qui concerne l'allocation d'éducation spéciale
- Ã compter du 25 septembre 2004 en ce qui concerne les allocations familiales
L'infirme en ce qu'il a décidé que le droit aux prestations a été perdu par l'effet de la loi du 19 décembre 2005 et en ce qu'il a accordé le bénéfice des prestations durant les périodes où Madame [U] ne résidait pas régulièrement en France ;
Statuant à nouveau,
Dit que Madame [U] a droit aux prestations postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 mais que le service de ces prestations s'est trouvé interrompu au cours des mois d'avril à mai 2004, août à septembre 2004, janvier à avril 2006 et à compter du 29 décembre 2006 ;
La renvoie devant la caisse pour la liquidation de ses droits ;
Dit n'y avoir lieu à application du droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;
Le Greffier, Le Président,