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23/09/2009 | FRANCE | N°08/11403

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 23 septembre 2009, 08/11403


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2009



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/11403



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 03/02696





APPELANT



Monsieur [K] [N]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par la SCP BOMMART-F

ORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assisté de Me Didier DALIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P337







INTIMES



Monsieur [B] [T]

[Adresse 2]

[Localité 9]

représenté par Me François TEYT...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2009

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/11403

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 03/02696

APPELANT

Monsieur [K] [N]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assisté de Me Didier DALIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P337

INTIMES

Monsieur [B] [T]

[Adresse 2]

[Localité 9]

représenté par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assisté de Me Philippe SCHMITT, avocat au barreau de PARIS, toque : A677

STE INTERNATIONAL DENTAL RESEARCH

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

STE NEWAVE MEDICAL INC

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 12]

défaillant

STE DENTSPLY INTERNATIONAL INC

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 5]

représenté par la SCP MOREAU, avoués à la Cour

assisté de Me Pierre COUSIN, avocat au barreau de BARREAU DE PARIS, toque : R 159

Maître [X] [P]-[S]

prise en sa qualité de représentant des créanciers et de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société I.D.R SA

[Adresse 6]

[Localité 7]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Juin 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Dominique ROSENTHAL, Conseiller

Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL

ARRET : DEFAUT

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant

été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Vu les appels formés :

- le 29 mai 2006 par M. [K] [N],

- le 28 juin 2006 par la société Dentsply International inc,du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 2ème section, n° de RG : 03/2696), prononcé le 4 mai 2006,

Vu les conclusions (12 janvier 2007) de Mme [X] [P], intimée ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la s.a. International Dental Research,

Vu les dernières conclusions (25 janvier 2008) de M. [B] [T], intimé et incidemment appelant,

Vu les dernières conclusions (1er février 2008)  de M. [K] [N], appelant et intimé,

Vu les dernières conclusions (1er février 2008) de la société Dentsply International inc, appelante et intimée,

Vu le précédent arrêt du 3 décembre 2008 par lequel cette cour, statuant sur les appels susvisés, a renvoyé l'affaire à la mise en état afin d'assurer la régularité de la délivrance de l'acte de signification à la société Newave Medical inc, intimée,

Vu l'assignation 908 et signification de conclusions signifiée le 3 novembre 2008 à la société Newave Medical ,

Vu les conclusions (25 mars 2009) de la société Dentsply International,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 23 juin 2009,

* *

SUR QUOI,

Considérant que M. [T], prothésiste dentaire, et M. [N], chirurgien dentiste, ont déposé le 3 septembre 1993 un brevet français enregistré sous le n° 93 10537 et publié sous le n° 2 709413 intitulé « Prothèse dentaire et matériau pour sa réalisation » ; qu'ils ont, par contrat du 4 janvier 1994, organisé les modalités d'exercice de leurs droits de copropriété à parts égales sur ce brevet notamment en ce qui concerne la concession de licences et le dépôt de brevets étrangers sous priorité de ce brevet français ; que, par acte du 22 août 1994, M. [T] a donné pouvoir à M. [N] de déposer à son seul nom un brevet européen et des brevets aux Etats-Unis, au Japon, au Canada, au Brésil et en Australie ; que, par contrat du 6 janvier 1995, M. [N] a concédé à la société International Dental Research une licence exclusive d'exploitation du brevet français et de ses extensions étrangères ; que, par contrat du 26 juin 2002, la société International Dental Research a cédé son fonds de commerce à la société Dentsply International, la société Newave Medical étant partie à ce contrat en qualité de cessionnaire des brevets ;

Considérant que M. [T], estimant avoir été spolié de ses droits du fait de la cession intervenue sans son accord au profit de la société Dentsply International, a assigné M. [N], la société International Dental Research et la société Newave Medical en indemnisation de son préjudice, la société Dentsply International étant assignée à seule fin que le jugement lui soit déclaré opposable ;

Que le tribunal, ayant retenu :

- que M. [N] avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. [T] en cédant à la société Newave Medical, en pleine propriété, le brevet français n° 93 10537 et ses extensions étrangères alors qu'il n'en était que copropriétaire,

- que la société Newave Medical avait engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de M. [T] en cédant à son tour la pleine propriété de ces brevets à la société Dentsply International,

- que cette dernière avait elle-même engagé sa responsabilité délictuelle en procédant de mauvaise foi à l'acquisition de ces mêmes brevets,

a condamné in solidum M. [N], la société Newave Medical et la société Dentsply International à payer à M. [T] 300.000 euros de dommages et intérêts pour la perte des redevances, cette somme portant intérêts à compter du jugement,

Qu'il a, par ailleurs, jugé que la société Dentsply International avait commis des actes de contrefaçon au préjudice de M. [T] en reproduisant sans son autorisation onze photographies dont il était l'auteur et l'a condamnée de ce chef à payer 5.000 euros à M. [T], débouté M. [T] de ses autres demandes, notamment dirigées contre Mme [P], ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société International Dental Research et débouté la société Dentsply International de ses demandes en garantie dirigées contre les sociétés International Dental Research et Newave Medical ;

1. Sur la procédure :

Considérant que, par acte du 3 novembre 2008, la société Dentsply International a fait signifier à la société Newave Medical :

- le jugement dont appel du 4 mai 2006,

- la déclaration d'appel du 28 juin 2006,

- les conclusions de mise hors de cause du 12 janvier 2007 de Mme [P], ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société International Dental Research,

- les conclusions de M. [T] du 25 janvier 2008,

- les conclusions de la Société Dentsply International du 1er février 2008,

- les conclusions de M. [N] du 1er février 2008,

- le précédent arrêt du le 9 avril 2008,

- les conclusions de révocation et de nouvelles fixations de la société Dentsply International, du 18 septembre 2008,

- les notes en délibéré de M.[T], de M. [N] et de la Société Dentsply International,

Que l'acte a été transmis dans les formes prévues par les articles 684 et suivants du code de procédure civile et délivré le 24 novembre 2008 à la société Corporation service company, désignée par la société destinataire en qualité de «Registered Agent» pour être habilitée à recevoir de tels actes en son nom conformément à la loi de l'État du Delaware ; que la société Corporation service company a cependant refusé l'acte ainsi délivré ;

Considérant qu'il résulte ainsi des pièces versées au débat qu'il n'est pas établi que la société Newave Medical, destinataire de l'acte, en a eu connaissance en temps utile ; que, néanmoins, l'acte a été régulièrement transmis en application des dispositions internationales modificatives de la Convention de la Haye et relatives à la transmission des actes, mises en vigueur le 1er mars 2006 entre la France et l'autorité centrale américaine représentée par son délégataire la société Process Forwarding International ; qu'un délai de six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte et qu'aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu ; que les conditions prévues par l'article 688 du code de procédure civile pour que l'affaire puisse être examinée au fond sont donc réunies ;

Considérant qu'il résulte de l'article 474 du code de procédure civile que, en cas de pluralité de défendeurs cités pour le même objet, lorsque l'un au moins d'entre eux ne comparaît pas, la décision est rendue par défaut si elle n'est pas susceptible d'appel et si l'une au moins des parties qui n'a pas comparu n'a pas été citée à personne ;

Considérant, de ce qui précède, que la société Newave Medical , qui ne comparaît pas, n'a pas été citée à personne ; que l'arrêt sera en conséquence rendu par défaut ;

Considérant qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au tribunal de commerce de Paris à l'égard de la société International Dental Research le 6 mars 2003, M. [Z] et Mme [P] étant respectivement désignés en qualités d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers ; que la liquidation judiciaire a été prononcée le 19 août 2004 ; que, par jugement du 24 octobre 2006, le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif ; qu'il en résulte que Mme [P], qui n'a plus qualité pour représenter la société International Dental Research, est fondée à solliciter sa mise hors de cause comme elle l'a fait par ses conclusions du 12 janvier 2007 ; qu'il suit de là que les demandes formées contre elle par la société Dentsply International sont irrecevables ;

2. Sur la copropriété :

Considérant qu'il est constant que le brevet français enregistré sous le n° 93 10537 intitulé «Prothèse dentaire et matériau pour sa réalisation» a été délivré conjointement à MM [T] et [N] qui en sont donc copropriétaires ;

Que les rapports entre les copropriétaires de ce brevet ont été réglés par un contrat signé entre eux le 4 janvier 1994 d'où il résulte, en substance, que  «les droits, prérogatives, bénéfices ainsi que les obligations, risques et charges résultant de l'existence du brevet en cause seront partagés dans les proportions précitées », soit 50 % pour chacun de MM [T] et [N] (article I), et que, s'agissant des dépôts de brevets étrangers, «M. [N] aura, d'un commun accord avec M. [T], la charge d'effectuer les formalités de dépôt desdits brevets ainsi que de suivre la procédure de délivrance» (article III) ;

Considérant que, dans le prolongement de cet article III, par un acte du 22 août 1994 intitulé « donnation (sic) de pouvoir  », M. [T] a donné son accord pour que M. [N] procède, au nom des deux copropriétaires, au dépôt d'un brevet européen et de brevets pour l'Australie, le Brésil, le Canada, le Japon les U.S.A. et l'Europe ;

Considérant qu'il est constant que M. [N] a effectué les formalités de dépôt du brevet pour l' Australie (23 mai 1995), le Brésil, (3 mai 1995) le Canada (2 septembre 1994) les États-Unis d'Amérique (1er mai 1995), le Japon (10 mai 1995) et l'Europe (2 septembre 1994) ;

Considérant que le contrat de copropriété du 4 janvier 1994 prévoyait, en cas de désaccord des copropriétaires sur la liste des pays étrangers où le brevet devait être déposé, que l'un d'entre eux pouvait le déposer seul et en acquérir ainsi la pleine propriété et le pouvoir de concéder des licences, exclusives ou non, sans consultation de l'autre partie (article III, alinéa 7) ;

Considérant qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions de celles de la donation de pouvoir du 22 août 1994 que les parties se sont entendues sur la liste des pays étrangers dans lesquels le brevet devait être déposé ; que toutes les formalités accomplies par M. [N] en vertu de cet accord l'ont donc été au nom des deux copropriétaires ; que le dernier alinéa de l'article VII du contrat de copropriété, prévoyant la pleine propriété de l'un d'eux sur un brevet déposé dans un pays étranger sans l'accord de l'autre copropriétaire n'a donc pas trouvé à s'appliquer, de sorte que M. [N] n'est pas fondé à soutenir que M. [T] ne disposerait de droits de copropriété que sur le seul brevet américain, à l'exclusion des autres qui ne seraient pas entrés dans le champ d'application du contrat de copropriété du 24 janvier 1994 ; que les droits de M. [T] sont en réalités égaux à ceux de M. [N] sur l'ensemble des brevets déposés ;

3. Sur la cession des brevets :

Considérant que l'article V du contrat de copropriété du 22 janvier 1994 disposait : «chaque partie pourra céder librement tout ou partie de sa quote-part de copropriété. Le tiers cessionnaire se trouvera alors subrogé de plein droit au cédant dans les droits et obligations prévus aux présentes» ;

Considérant qu'il résulte du contrat du 27 juin 2002 intitulé dans sa version française « acte de cession de fonds de commerce - contrat de vente et d'achat d'actifs» («asset purchase and sale agreement»), que la société Dentsply International a acquis le fonds de commerce de la société International Dental Research comprenant un certain nombre d'actifs dont les brevets, énumérés en annexe du contrat, donnés pour étant la propriété de la société Newave Medical, filiale de la société International Dental Research ;

Considérant que, parmi les brevets ainsi vendus par l'effet de ce contrat, sont mentionnés à l'annexe 1.1.1. du contrat le brevet français «Prothèse dentaire et matériel pour la réaliser» n° 93.10537 et ses extensions pour l'Australie, le Brésil, le Canada, l'Europe, le Japon et les U.S.A. ;

Considérant que cette cession supposait que la société Newave Medical fût devenue préalablement propriétaire des brevets ainsi transmis à la société Dentsply ; que cette condition était satisfaite - au moins en apparence - par un acte intitulé « cession de brevet », daté du même jour, 27 juin 2002, joint en annexe 4.1.4. au contrat de cession de fonds de commerce, en vertu duquel la société Newave Medical, désignée comme «le cessionnaire» («assignee») acquiert du «Cédant», dont l'identité n'est pas précisée, les brevets qui doivent être cédés à la société Dentsply International, également désignée comme le « Cessionnaire » dans la suite du même acte ;

Considérant, à la lumière du contrat de cession de fonds de commerce et des explications des parties, que cette cession de brevet doit s'analyser comme la cession, par M. [N], seul signataire de l'acte, à la société Newave Medical, des brevets énumérés dans l'annex 1.1.1. ; qu'il en résulte que M. [N] a cédé seul, à la société Newave Medical, les brevets que celle-ci a immédiatement cédés à la société Dentsply International ;

Mais considérant qu'il a déjà été indiqué que les brevets objets de ces transactions étaient, non pas la propriété du seul M. [N], mais que ce dernier en était seulement le copropriétaire à parts égales avec M. [T] ;

Considérant qu'une personne ne peut transférer plus de droits que ceux dont elle dispose ; que M. [N] n'a pu céder que sa part des brevets ; que la part de M. [T] sur ces mêmes brevets est demeurée sa propriété ;

Considérant que c'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que Monsieur [N] n'étant titulaire que de la moitié des brevets cédés, n'a pu transmettre à la société Newave Medical que sa quote-part, de même que cette dernière n'a transmis à la société Dentsply International que ce qu'elle a régulièrement acquis, de sorte que, au terme de cet acte de cession, M. [T] se trouve en réalité copropriétaire avec la société Dentsply International ;

4. Sur la responsabilité contractuelle de M. [N] à l'égard de M. [T] :

Considérant que le contrat de copropriété du 22 janvier 1994 comportait, en son article VII, les dispositions suivantes :  «préalablement à toute cession partielle ou totale d'une quote-part de copropriété, le cédant devra notifier par lettre recommandée, à l'autre copropriétaire son intention de cession, le nom du tiers acquéreur éventuel, ainsi que les conditions financières de ladite cession. L'autre copropriétaire bénéficiera en ce cas d'un droit de préemption à l'égard du tiers à conditions égales.» ;

Considérant que M. [N] ne prétend pas qu'il aurait notifié à M. [T] son intention de céder les brevets à la société Newave Medical en le tenant informé des conditions financières de la cession ; qu'il explique, tout au contraire, qu'il n'avait aucune obligation de tenir M. [T] informé de ses pourparlers avec la société Dentsply International, encore moins de le faire intervenir à l'acte, d'une part parce que le brevet français avait été annulé et se trouvait dépourvu de toute valeur, d'autre part parce que le brevet américain n'entrait pas dans le champ du contrat de copropriété ;

Mais considérant, sur le premier point, qu'il est acquis au débat que, par arrêt du 27 février 2002, la cour de céans a prononcé la nullité des revendications 1, 2, 3, 6, 7 et 10 du brevet français, mais laissé subsister les revendications 4, 5, 8 et 9 du même brevet, qui n'étaient pas contestées, de sorte que l'argument de M. [N] sur ce point n'est pas exact ;

Que, sur le second point, il a été précédemment indiqué que les extensions à l'étranger du brevet français, spécialement le brevet déposé aux États-Unis d'Amérique, entraient dans le champ du contrat de copropriété ; de sorte que, sur ce point encore, l'argument de M. [N] n'est pas fondé ;

Considérant que c'est donc encore à juste titre que le tribunal a retenu que M. [T] était en droit de se prévaloir d'une faute contractuelle commise à son préjudice par Monsieur [N] pour avoir contrevenu aux obligations contenues dans l'article VI du contrat de copropriété ;

5. Sur la responsabilité délictuelle de la société Dentsply International à l'égard de M. [T] :

Considérant qu'il est constant qu'il n'existe aucune relation contractuelle entre la société Dentsply International et M. [T] portant sur la cession des brevets ; que si cette cession est susceptible d'engager la responsabilité de la première à l'égard du second, le fondement de celle-ci ne peut être que délictuel ;

Considérant que M. [T] reproche à la société Dentsply International, pour l'essentiel, d'avoir acheté les brevets litigieux en contractant avec M. [N] seul, ès qualités de représentant légal des sociétés International Dental Research et Newave Medical, alors qu'elle savait que ces mêmes brevets n'étaient pas la propriété des seuls cédants, mais appartenaient pour moitié au copropriétaire dont elle ne pouvait ignorer l'existence ;

Considérant que, dans l'annexe 1.1.1. du contrat de cession, qui donne la liste des brevets cédés, le nom de M. [T] figure dans les mentions relatives au brevet français ; que, dans l'annexe 5.7., il est indiqué, au point 4, que « International Dental Research, M. [N] et M. [T] ont intenté une action en contrefaçon du brevet contre Herdeus Kulzer GmbH (société à responsabilité limitée) en France, laquelle action est actuellement en cours» ;

Que, s'il est vrai que l'annexe 1.1.1. comporte une note selon laquelle : «Brevet FR retiré, confirmé en appel le 27 février 2002, Appel auprès de la Cour Suprême en instance», il est exclu, à la lecture du contrat de cession, notamment de ses articles 4.1.3 et 4.1.4., que la société Dentsply International n'ait pas reçu communication de cet arrêt qui n'annulait que partiellement le brevet en cause ;

Considérant, à cet égard, que le tribunal, par des motifs, suffisants et pertinents, que la cour adopte, a exactement relevé (page 7 du jugement), au vu des documents relatifs aux brevets dont la société Dentsply International a nécessairement eu - ou devait avoir aux termes même des stipulations contractuelles - connaissance, tels que l'état des inscriptions au Registre national des brevets et la licence exclusive au profit de la société International Dental Research, de l'existence de la copropriété sur les titres à elle cédés ; que les premiers juges ont tout aussi pertinemment observé que, connaissant cette situation de copropriété, il appartenait à la société Dentsply International de se faire communiquer la convention de copropriété pour connaître la portée et les modalités de celle-ci, ce qui eût été une diligence normale de la part d'un acquéreur de bonne foi ;

Considérant, de surcroît, que le luxe scrupuleux d'exigences et de précisions qui alourdit le contrat de cession, s'il peut conduire à penser que la société Dentsply International n'a oublié aucune précaution pour s'assurer de l'authenticité des droits des cédants, de la sincérité de leurs déclarations et de la pleine propriété des actifs dont elle faisait l'acquisition, s'accommode mal de la rédaction embarrassée, dont la lecture laisse perplexe, de l'acte précédemment analysé, annexé au contrat, par lequel Newave Medical, quoique présentée en préambule comme propriétaire des brevets, est désignée par la suite comme cessionnaire de ceux-ci pour les acquérir d'un cédant non identifié, même s'il ne peut s'agir que de M. [N] seul ; qu'il ne peut être admis qu'une société rompue aux affaires de cette nature comme la société Dentsply International se soit, sans mauvaise foi, satisfaite d'un tel acte ;

Considérant que c'est en définitive par une exacte analyse des circonstances de la cause que le tribunal a conclu que la société Dentsply International a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de M. [T] en se rendant complice des fautes commises par les vendeurs successifs ; qu'il en résulte que M. [N] et la société Dentsply International doivent ensemble répondre du préjudice causé à M. [T] du fait de la cession intervenue au mépris de ses droits de copropriétaire ;

6. Sur les demandes de M. [T] fondées sur la cession et l'exploitation des brevets :

Considérant que M. [T] réclame globalement la condamnation solidaire de M. [N] et de la société Dentsply International à lui payer 7.250.000 euros pour l'indemniser de la spoliation de ses droits de brevets sur le brevet français n° 93 10 537 et sur les demandes de brevets étrangers ;

Mais considérant qu'il résulte de l'analyse précédente des circonstances de la cause que, comme l'a exactement retenu le tribunal, les actes de cession n'ayant pas eu pour effet de transmettre aux acquéreurs successifs plus de droits qu'ils n'en avaient eux-mêmes M. [T], qui, ainsi qu'il le dit lui-même, n'a rien vendu, et qui se trouve, depuis l'acte de cession, copropriétaire avec la société Dentsply International, n'est pas fondé à prétendre à indemnisation à hauteur de la moitié du prix de vente ;

Considérant que M. [T] est en revanche fondé à réclamer, au titre de la cession des brevets, premièrement, une indemnisation de la perte de son droit de préemption, deuxièmement, une indemnité au titre de l'exploitation des brevets ;

6.1. Sur la perte du droit de préemption :

Considérant que, en organisant la cession des brevets dans les conditions précédemment rappelées au mépris du droit de préemption reconnus au copropriétaire par l'article VII du contrat de copropriété, M. [N] et la société Dentsply International ont commis une faute préjudiciable à M. [T] dont ils lui doivent réparation ;

Considérant que le tribunal a estimé que ce préjudice était de pur principe, M. [T] ne disposant d'aucune structure d'exploitation ; que M. [T], qui s'abstient d'individualiser, par une demande spécifique, le montant de son préjudice à ce titre, explique que, s'il avait été tenu informé des intentions de M. [N], il aurait pu reprendre la totalité des droits pour les donner en licence à une autre société ;

Considérant que le préjudice de M. [T] s'analyse donc en une perte de chance ;

Que, compte tenu des circonstances de la cause, de l'absence d'éléments concrets produits par M. [T] sur les moyens de financement qui lui auraient permis de proposer un prix équivalent à celui offert par la société Dentsply International , du peu d'empressement manifesté par M. [T] pour suivre personnellement l'évolution et l'exploitation des brevets dès lors qu'il s'en est remis à M. [N], aussi bien sur les dépôts à l'étranger que sur la concession de licences, que le préjudice de M. [T] est en effet de principe, comme l'ont retenu les premiers juges, et sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 5.000 euros ;

6.2. Sur l'indemnité au titre de l'exploitation des brevets :

Considérant que le contrat de copropriété du 4 janvier 1994 disposait, dans son article II :

«M. [N] pourra concéder des licences exclusives ou non sur la base du brevet déposé après avoir consulté M. [T].

Les revenus nets perçus à l'occasion de ladite concession seront répartis entre les parties au prorata des parts de copropriété telle que définie à l'article I ci-dessus» ;

Considérant que, en application de ces dispositions, par contrat du 6 janvier 1995, M. [N] a concédé une licence d'exploitation à la société International Dental Research ; que cette licence était stipulée (article 1.4.) «personnelle, incessible et intransmissible» ; qu'elle ne fait pas partie des actifs cédés à la société Dentsply International énumérés à la section 1. «Actifs» du contrat de cession du 27 juin 2002 ; que cette absence correspond d'ailleurs à la logique de ce contrat de cession puisque, la société Dentsply, qui prétendait acquérir la totalité des droits de propriété des brevets, n'avait que faire d'une autorisation d'exploiter des brevets dont elle était désormais la maîtresse ;

Considérant que, par l'effet du contrat de cession, la société Dentsply International et M. [T] se trouvent respectivement, dans leur rapports, dans la situation d'un copropriétaire exploitant et d'un copropriétaire non exploitant ; qu'une telle situation, prévue par l'article L.613-29 du code de la propriété intellectuelle, oblige le copropriétaire exploitant à indemniser équitablement le copropriétaire qui n'exploite pas personnellement le brevet ; que cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal de grande instance ;

Considérant, en l'espèce, que cette indemnité doit être fixée en tenant compte, d'une part, des éléments versés au débat relatifs à l'exploitation par la société Dentsply International des brevets en cause, d'autre part du fait que rien n'empêche M. [T] d'exploiter personnellement ces mêmes brevets dont il est resté copropriétaire ou d'accorder, pour sa part, une licence d'exploitation ;

Considérant qu'il convient de préciser que les brevets en cause se réduisent, d'une part au brevet français limité à ses revendications 4, 5, 8 et 9 après l'annulation des revendications 1, 2, 3, 6, 7 et 10 par arrêt confirmatif de cette cour du 27 février 2002, d'autre part au brevet américain ; que le brevet européen a en effet été annulé en totalité par décision de l'Office européen des brevets du 19 février 2002 confirmée par décision de la Chambre des recours du 14 février 2007 ; que, par ailleurs, les demandes déposées au Canada, au Japon et au Brésil ont été rejetées et que le brevet australien a encouru la déchéance ;

Considérant que les revendications demeurées valides du brevet français sont conçues comme suit :

«4. Prothèse selon l'une quelconque des revendications l à 3, caractérisée en ce que la charge minérale contenue dans le liant polymère contient essentiellement un verre de borosilicate finement broyé.

5. Prothèse selon la revendication 4, caractérisée en ce que la dimension particulaire moyenne du verre de borosilicate est comprise entre 0,02 et 2 pm.

8. Prothèse selon la revendication 7, caractérisée en ce que la résistance à la flexion de la masse de reconstitution est au moins de l'ordre de 110 Mpa, lorsqu'elle n'a pas été recuite, et au moins de (illisible) lorsqu'elle a été recuite.

9. Prothèse selon l'une des revendications 7 et 8, caractérisée en ce que la dureté de· la masse de reconstitution est au moins de l'ordre de 500 N/mm2 lorsqu'elle n'a pas été recuite et au moins de l'ordre de 600 N/mm2 lorsqu'elle a été recuite.» ;

Considérant que la société Dentsply International expose (p. 16 de ses dernières écritures) que le brevet américain a été délivré avec seulement 9 revendications portant toutes sur une prothèse et que la protection du matériau composite polymérisable a été refusée par l'Office américain des brevets et des marques ;

Considérant que M. [T] fonde ses demandes sur les constats réalisés les 23 octobre et 8 novembre 2007 qui établissent que les différents produits, le metall-primer, une poudre opaque, une masse dentine, une masse incisale (ses dernières étant ·commercialisées sous la forme de seringues) sont vendus en France sous la marque Cristobal avec l'indication du brevet «US patent 6 597 0785», qui est la référence du brevet américain ;

Mais considérant que force est de constater que M. [T] n'oppose aucun argument aux explications de la société Dentsply International aux termes desquelles les brevets litigieux, dans la mesure où ils demeurent valides, concernent, non pas des produits de la nature de ceux qui sont indiqués et qui ne peuvent consister qu'en des matériaux composites polymérisables correspondant à ceux décrits dans le brevets français et dont la protection a été précisément refusée, mais à des prothèses, dont il n'est pas question dans les constats auxquels se réfère M. [T] ;

Que, pour contester les explications de la société Dentsply selon lesquelles elle n'exploite aucun produit entrant dans le champ de la protection des brevets, M. [T] se borne à indiquer que la référence du brevet américain figure sur l'emballage de certain des produits commecialisés par cette société ;

Mais considérant que la présence d'une telle mention est insuffisante à prouver que les produits qu'elle recouvre entre en effet dans le champ du brevet visé ;

Considérant, en définitive, que M. [T] , qui ne démontre pas que la société Dentsply International exploite effectivement les brevets dont il se prévaut, n'apporte pas la preuve des circonstances nécessaires au succès de ses prétentions ; qu'il sera débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'exploitation des brevets ;

Qu'il suit de là que M. [T] sera débouté de sa demande tendant à ce que son nom soit associé au sigle copyright sur les instructions du produit « Cristobal » ;

7. Sur les demandes de M. [T] fondées sur l'utilisation par la société Dentsply International de photographies dont il est l'auteur sans son autorisation :

Considérant que M. [T] reproche à la société Dentsply International d'avoir reproduit sans son autorisation et sans mention de son nom des photographies dont il est l'auteur sur son site internet et dans diverses publications ;

Considérant que la société Dentsply International ne conteste pas ces faits mais fait valoir sans pertinence que le contrat de cession de fonds de commerce emportait à son profit la cession de tous les droits incorporels et en particulier de droits de propriété littéraire et artistique ;

Considérant en effet, d'une part, que M. [T] n'était pas partie au contrat invoqué par la société Dentsply International, d'autre part, que le fait de publier des documents photographiques sans indication du nom de l'auteur constitue une atteinte au droit moral de celui-ci, que ce droit moral de l'auteur, par essence, ne peut être compris dans les actifs du fonds de commerce d'une personne morale n'ayant, au surplus, aucun lien avec l'auteur ;

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour fait siens que le tribunal a condamné de ce chef la société Dentsply International à payer 5.000 euros de dommages-intérêts à M. [T] ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

8. Sur les autres demandes de M. [T] :

Considérant que le tribunal a exactement relevé que le savoir-faire invoqué par M. [T], au demeurant rendu public par ses articles et conférences, était la propriété de la société International Dental Research ; qu'il a rejeté à juste titre sa demande de ce chef ;

Que les demandes de M. [T] fondées sur une prétendue perte des redevances payées par d'autres sociétés que la société Dentsply International ou sur l'allégation que ses autres inventions risquent de se trouver limitées dans leur exploitation au regard des droits acquis par la société Dentsply International ne sont assorties d'aucune justification et doivent être rejetées ;

9. Sur les demandes en garantie de la société Dentsply International :

Considérant que la société Dentsply International demande la condamnation de M. [N], de la société Newave Medical, de la société International Dental Research et de Mme [P], ès qualités, à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre du fait de l'action engagée par M. [T], ainsi qu'à lui payer 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que la société Dentsply International fonde ses demandes sur les dispositions du contrat de cession du 27 juin 2002 auquel M. [N] n'était pas partie à titre personnel mais en qualité de représentant légal des sociétés International Dental Research et Newave Medical ; que la demande de la société Dentsply International, en ce qu'elle est dirigée contre M. [N] pris personnellement ne peut donc être accueillie ;

Considérant qu'il a déjà été indiqué que les demandes formées par la société Dentsply International contre la société International Dental Research sont irrecevables ; que Mme [P], ès qualités, est mise hors de cause ;

Considérant, au regard des dispositions du contrat de cession par lesquelles les cédants, notamment la société Newave Medical, affirmaient que les avoirs ou éléments du fonds de commerce cédés ne faisaient l'objet d'aucune réclamation et s'engageaient à garantir la société Dentsply de tout conflit avec les tiers, qu'il y a lieu d'accueillir la demande de garantie formée par la société Dentsply International contre la société Newave Medical ;

Considérant que la société Dentsply ne justifie du fait de l'action de M. [T], d'aucun préjudice distinct de la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée d'avoir à exposer des frais pour sa défense, ce qui ne peut donner lieu qu'à l'application éventuelle de l'article 700 du code de procédure civile ; que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;

10. Sur la demande de M. [N] tendant à la condamnation de M. [T] à lui payer 63.000 euros :

Considérant que M. [N] demande à la cour de « condamner en tant que de besoin M. [T] à [...] verser la somme de 63. 000 € ; que cette demande, qui n'est associée explicitement à aucun moyen identifiable, à supposer qu'elle soit la suite des développements de l'appelant sur les « conséquences juridiques et financières de la non participation de M. [T] aux frais supportés par le Docteur [N] et International Dental Research sur le brevet litigieux », ne peut se comprendre dès lors que, dans ses écritures, l'appelant indique (page 22) que « les stricts frais et honoraires payés par le Docteur [N] s'élèvent à ce jour, pour le maintien en vigueur et la défense des brevets, à la somme de 67.616 €, somme à laquelle doit être condamné hauteur de 50 % M. [T] », ce qui n'explique pas la demande formée à hauteur de 63.000 euros, au demeurant assortie d'aucun justificatif ; que cette demande sera rejetée ;

11. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que M. [T] succombe pour l'essentiel de ses prétentions ; qu'il supportera en conséquence la charge des dépens de première instance et d'appel ; que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* *

PAR CES MOTIFS 

STATUANT par défaut,

MET hors de cause Mme [P], ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société International Dental Research,

DÉCLARE irrcevables les demandes présentées contre Mme [P], ès qualités, par la société Dentsply International,

CONFIRME le jugement entrepris sur la condamnation de la société Dentsply International à payer 5.000 euros de dommages-intérêts à M. [T] à titre de dommages-intérêts pour l'utilisation sans autorisation des photographies dont il est l'auteur,

Le RÉFORMANT pour le surplus et STATUANT à nouveau,

CONDAMNE in solidum M. [N] et la société Dentsply International à payer à M. [T] 5.000 euros à titre de dommages-intérêts du chef de la privation de son droit de préemption,

CONDAMNE la société Newave Medical à garantir la société Dentsply International du chef de cette condamnation,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes contraires à la motivation,

CONDAMNE M. [T] aux dépens de première instance et d'appel d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/11403
Date de la décision : 23/09/2009

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°08/11403 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-09-23;08.11403 ?
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