Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2009
(n° 222 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/23780
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 9 octobre 2007 emportant cassation partielle d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de PARIS( 3ème chambre - section B ) le 26 janvier 2005 sur appel d'un jugement rendu le par le Tribunal de commerce de PARIS le 22 septembre 2004 sous le n° de RG 2003009007.
DEMANDERESSE A LA SAISINE
Maître [H] [K]
es qualités de mandataire liquidateur de la société ETE ESPACE TELECOMMUNICATIONS EQUIPEMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me MICHEL Frédéric, avocat au barreau de PARIS - toque C 773
DEFENDERESSE A LA SAISINE
S.A. SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE - SFR
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour
assistée de Me CLEDAT, avocat au barreau de PARIS - toque K 112
plaidant pour la SCP CLIFFORD CHANCE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 9 juin 2009 en audience publique, après qu'il en ait été fait rapport par Monsieur ROCHE, conseiller, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur LE FEVRE, président
Monsieur ROCHE, conseiller
Monsieur BIROLLEAU, conseiller
qui ont délibéré
Greffier lors des débats Madame CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE , président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 22 septembre 2004 par lequel le Tribunal de commerce de PARIS a rejeté les demandes formées par la société ETE et son administrateur judiciaire aux fins d'obtenir la condamnation de la société SFR au paiement d'une somme de 12 128 015 euros à titre de dommages et intérêts à la suite du non-renouvellement des contrats de distribution conclus entre les parties et de l'absence d'information sur l'existence d'un réseau concurrent;
Vu l'arrêt du 26 janvier 2005 par lequel la Cour d'appel de PARIS a confirmé en toutes ses dispositions le jugement susvisé ;
Vu l'arrêt du 9 octobre 2007 par lequel la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi formé par Maître [K], ès qualité de liquidateur de la société ETE, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il avait rejeté les demandes d'indemnisation formulées par la société ETE sur le fondement du manquement de la société SFR à ses obligations d'information, et sur la perte de clientèle à raison de la dénonciation des contrats « partenaires », l'arrêt susvisé rendu le 26 janvier 2005,
d'une part au visa de l'article L 330-3 du Code de commerce et au motif que pour rejeter les demandes du liquidateur de la société ETE tendant à la condamnation de la société SFR au paiement de dommages-intérêts à raison de fautes commises lors du renouvellement et de l'exécution des contrats renouvelés, l'arrêt retenait que l'obligation d'information résultant du texte susvisé n'était susceptible d'entraîner la nullité du contrat qu'autant qu'elle avait vicié le consentement du franchisé, et que tel ne peut être le cas, la société ETE étant en charge de plusieurs magasins pour lesquels les contrats ont été renouvelés, ce qui suffisait à démontrer qu'elle était parfaitement informée ; qu'en se déterminant ainsi , alors qu'elle qu'elle relevait que le franchiseur avait manqué à son obligation d'information à l'occasion du renouvellement, fût-il tacite, des accords de franchisage, et sans constater que le dommage dont le franchisé, qui ne poursuivait pas l'annulation de ces contrats, réclamait réparation à raison de ce manquement n'était dû qu'à sa propre faute, la Cour d'appel n'a
pas donné de base légale à sa décision ;
d'autre part au visa de l'article 455 du Code de procédure civile et au motif que la Cour s'était abstenue de répondre aux conclusions de la société ETE soutenant que SFR avait manqué à son obligation contractuelle de tenir le franchisé informé de tous les évènements relatifs à la distribution ;
enfin au visa de l'article 1371 du code civil et au motif que pour rejeter la demande de la société ETE en indemité pour perte de clientèle, l'arrêt retenait qu'il résulte de la formulation même de cette demande qu'une partie de la clientèle est attachée à la société SFR, et l'autre à l'exploitant, que ce n'est que pour cette seconde part que la société ETE pourrait formuler des prétentions, mais qu'elle n'apporte sur ce point aucun élément qui puisse être mis en relation directe et nécessaire avec le fait de SFR ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait, tout à la fois, que le franchisé pouvait se prévaloir d'une clientèle propre, et que la rupture du contrat stipulant une clause de non-concurrence était le fait du franchiseur, ce dont il déduisait que l'ancien franchisé se voyait dépossédé de cette clientèle, et qu'il subissait en conséquence un préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu'il convenait d'évaluer, au besoin après une mesure d'instruction, la Cour d'appel avait violé le texte susvisé ;
Vu la déclaration de saisine de la Cour de céans formée le 11 décembre 2007 par Maître [K], ès qualité ;
Vu, enregistrées le 5 février 2009, les conclusions présentées pas Maître [K], ès qualité, et tendant à faire, notamment :
' dire que les fautes commises par la société SFR ouvrent droit à indemnisation ;
' ordonner la désignation d'un expert à la double fin de déterminer son manque à gagner à la suite du défaut d'information précontractuelle imputable à la société SFR ainsi que la valeur de sa perte de clientèle du fait des agissements de cette dernière ;
' dire que les condamnations indemnitaires porteront intérêts moratoires au taux légal à compter de la date de l'assignation conformément aux dispositions de l'article 1153 du Code civil, sans préjudice de la capitalisation prévue à l'article 1154 du même Code ;
' condamner la société SFR à lui verser la somme de 25 000 euros au titre des frais hors dépens ;
Vu, enregistrées le 12 mai 2009, les conclusions présentées par la société SFR et tendant au débouté de la société ETE de ses prétentions ainsi qu'à la condamnation in solidum de celle-ci et de Maître [K], ès qualité, à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société ETE, mise par la suite en redressement puis liquidation judiciaire, a conclu en 1998 et 1999 avec la société CELLCORP, mandataire de la société SFR, six contrats de franchise, stipulant notamment la perception par le franchisé d'une rémunération forfaitaire fixe, calculée à partir du nombre d'abonnements souscrits dans le point de vente, d'une rémunération variable calculée à partir du chiffre d'affaire encaissé par la société SFR sur les abonnements souscrits par le distributeur, et de primes et compléments en cas de renouvellement de téléphone mobile sans changement de ligne par un abonné SFR ; que ces conventions, conclues pour une période de deux ans renouvelable par période d'un an, sauf dénonciation moyennant un préavis de trois mois, ont été tacitement renouvelées jusqu'à ce que la société SFR refuse, en 2002 et 2003, de procéder au renouvellement de cinq d'entre elles à leur échéance, et notifie la résiliation sans préavis de la sixième, concernant un point de vente situé à [Localité 5] ; que c'est dans ces conditions que, par acte du 14 janvier 2003, la société ETE a assigné la société SFR devant le Tribunal de commerce de PARIS en indemnisation du préjudice subi du fait de ces non-renouvellements et résiliations de contrats et que sont intervenues les trois décisions susvisées ;
Considérant que devant la Cour de renvoi le liquidateur de la société ETE recherche, tout d'abord, la condamnation de la société SFR à raison de son manquement à l'obligation d'information résultant des dispositions de l'article L330-3 du Code de commerce et, notamment, à l'exigence en résultant de fournir à son partenaire « 4°) une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché [...] 5°) une présentation du réseau d'exploitant qui doit comporter [...] l'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée » ; que, toutefois, s'il n'est pas contesté que l'intimée n'a effectivement pas procédé à une telle information, tant lors de la conclusion des «Contrats Partenaires» qu'ultérieurement lors de leur renouvellement et si un tel manquement est nécessairement constitutif d'une faute dont la société SFR doit réparation à la société ETE sans qu'il soit besoin de rechercher préalablement l'éventuel vice apporté à son consentement de ce chef, il convient de relever que Maître [K], ès qualité, ni ne qualifie la nature précise du préjudice subi à ce titre ni ne le quantifie ; qu'il y a ainsi lieu, avant dire droit sur la demande d'expertise formée à ce titre par l'appelante, de renvoyer sur ce point les parties à la mise en état à l'effet d'enjoindre à la société ETE d'apporter les précisions requises quant au préjudice dont elle sollicite réparation et d'inviter la société SFR à présenter ses observations au vu des explications fournies par Maître [K], ès qualité ;
Considérant, en second lieu, que l'appelante réclame également le paiement de dommages et intérêts pour la perte de clientèle induite par le non-renouvellement des contrats conclus entre les sociétés SFR et ETE et sollicite l'indemnisation du préjudice lié à l'enrichissement sans cause dont aurait ainsi bénéficié cette dernière ; que, cependant, l'article 2 des «Contrats Partenaires» litigieux exige qu''au moins 80 % du nombre total des abonnements enregistrés par son point de vente en radiotéléphonie cellulaire en France, soient des abonnements SFR validés par SFR' et demande en conséquence aux franchisés de « ne pas commercialiser en France des services en radiotéléphonie publique identiques ou similaires à ceux offerts par SFR pour des concurrents directs ou indirects de celle-ci dans une proportion supérieure à 20 % du nombre d'abonnements mensuels total enregistré par le point de vente » ; que l'appelante souligne elle-même que «l'enregistrement des demandes d'abonnements SFR constitue l'activité quasi-exclusive de la société ETE puisque cette activité représente plus de 87 % de son chiffre d'affaire global» ; que Maître [K], ès qualité, ne saurait donc utilement se prévaloir d'un quelconque droit privatif sur cette clientèle d'abonnés SFR dès lors que celle-ci est exclusivement attachée aux prestations offertes par l'intimée, telles que les offres de service, les promotions ou la couverture géographique du réseau, fruits des investissements réalisés par l'intéressée, étant observé que les souscripteurs d'abonnements auprès de cette dernière n'ont eux-même aucun lien juridique avec la société ETE même si le contrat lui même a été conclu dans les locaux de celle-ci et par son intermédiaire ; que, par suite, aucune perte ou détournement de clientèle ne saurait être utilement invoqué à ce titre par l'appelante; que, par ailleurs, le non-renouvellement des contrats conclus avec la société SFR est sans incidence sur la clientèle directement attachée au fond exploité par la société ETE et que cette dernière pouvait, de toute façon, continuer à gérer et développer, la clause de non-concurrence stipulée par l'article 16 des contrats non poursuivis ne prévoyant que l'interdiction, pendant une durée d'un an, par le franchisé de démarcher les abonnés de la société SFR ayant souscrit leur abonnement par son intermédiaire ; que, dès lors, en l'absence de toute perte de clientèle indemnisable, l'appelante ne peut qu'être déboutée de sa demande en expertise à l'effet de permettre l'évaluation de son préjudice ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société ETE de sa demande indemnitaire au titre de sa perte de clientèle.
Avant dire droit plus avant,
Rouvre les débats sur les autres demandes.
Renvoie la cause et les parties à la mise en état à l'effet pour la société ETE de préciser la nature et le montant du préjudice dont elle sollicite réparation du fait du défaut d'information imputé à la société SFR et pour cette dernière de présenter ses éventuelles observations au vu des explications fournies par l'appelante.
Dit que l'affaire sera rappelée à la conférence de mise en état des causes du 10 novembre 2009.
Réserve les dépens et frais hors dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT