RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRET DU 11 Septembre 2009
(n° 4 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/00685-LMD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juin 2008 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 07/00834/B
APPELANT
Monsieur [S] [H]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Georges GINIOUX, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE
INTIMEES
SA PAPREC
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Pascal CHAUCHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C 128
Ayant pour avoué la SCP Jean-Philippe AUTIER, avoué près la Cour d'Appel de PARIS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS (CPAM 93)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Mme [B] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2009, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Madame Béatrice OGIER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Béatrice OGIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il sera rappelé que :
Le 14 mai 2002 Monsieur [H] a été victime d'un accident du travail au sein de la société PAPREC, laquelle a pour activité la récupération, le tri et le recyclage des déchets, notamment les papiers, cartons et emballages.
Monsieur [H], qui travaillait sur une déchiqueteuse intégrant un broyeur de papier est intervenu pour opérer un débourrage afin d'extraire des papiers coincés par le rotor, et sa main s'est alors trouvée écrasée par la machine.
Par jugement du 17 mai 2005 le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris a fixé le taux d'incapacité permanente de Monsieur [H] à 30 %, chiffre qui a été porté à 60% par une décision du 1° août 2006.
Monsieur [H] a été licencié pour inaptitude physique en juillet 2003.
Par lettre du 16 mai 2007, après échec de la tentative de conciliation, Monsieur [H] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny d'une demande en réparation fondée sur la faute inexcusable de la société PAPREC.
Par jugement du 10 juin 2008, le tribunal a :
-débouté Monsieur [H] de ses demandes tendant à ordonner à la société PAPREC de communiquer les adresses de diverses personnes, et de sa demande d'enquête,
-débouté Monsieur [H] de ses demandes tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de la société PAPREC dans l'accident dont il a été victime et des indemnisations par lui réclamées.
Par déclaration du 18 juillet 2006 Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 27 mai 2009 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, l'appelant demande à la Cour de :
-infirmer le jugement, subsidiairement ordonner une enquête,
-ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer les préjudices corporels, mentaux et psychologiques endurés par lui, outre ses préjudices esthétiques et d'agrément,
-prononcer la majoration de sa rente,
-lui allouer une indemnité de 30 000 € au titre de la perte de ses facultés de promotion,
-condamner la société PAPREC à payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 5 mai 2009 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société PAPREC demande à la Cour de :
-débouter Monsieur [H] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-le condamner à payer la somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées soutenues oralement à l'audience par son représentant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine Saint Denis demande à la Cour de prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour :
Considérant qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé la salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il appartient à la victime invoquant la faut inexcusable de l'employeur de prouver que celui-ci , qui avait ou devait avoir conscience du danger auquel elle était exposée, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que l'accident dont Monsieur [H] a été victime le 14 mai 2002 est lié à l'opération de débourrage de la déchiqueteuse ; que l'appelant soutient que les faits sont dus aux conditions spécifiques dans lesquelles s'opérait cette opération, fréquente en raison de la présence de papier mouillé bloquant la machine, et sans que la sécurité des employés soit assurée ; qu'en effet, lors même que la machine était arrêtée, comme le prescrivaient les instructions officielles, elle restait pour autant dangereuse du fait que le rotor pouvait cependant se remettre en mouvement de par son propre poids, ce qu'attestent nombre d'ouvriers et ce que pourrait en attester un nombre plus important si leur audition pouvait s'effectuer ;
Considérant que Monsieur [H] relève que les contrôles dont se prévaut la société PAPREC, soit les visites trimestrielles effectuées par une société Sovisa, ne sont pas recevables, les comptes rendus correspondant n'étant attestés par aucune signature ou tampon ; qu'en revanche les doléances ou remarques utiles des salariés ne pouvaient être répercutées en l'absence d'un Comité d'Hygiène et de Sécurité, malgré l'effectif des salariés concernés ;
Considérant qu'il résulte effectivement des éléments versés aux débats, et notamment des attestations de Messieurs [Z] et [M] qui ont travaillé ou, pour le premier, travaillait sur la machine concernée le jour de l'accident, que fréquemment le débourrage du papier conduisait à des risques d'accident du fait que le déchiqueteur pouvait continuer à tourner bien que le moteur fût arrêté ;
Considérant que ces constatations, appuyées par des explications techniques précises, émanent d'utilisateurs et ne peuvent être écartées au motif qu'elles 'défient les lois de la physique' ou que les contrôles qui auraient été faits n'en font pas état ;
Considérant que la société PAPREC mentionne elle-même que l'origine de l'accident serait due à la faute de Monsieur [H] qui aurait remis en mouvement le rotor en s'appuyant dessus ;
Considérant que cette version des faits impliquerait, en définitive, que soit engagée la responsabilité de l'employeur puisqu'elle repose sur la faculté qu'une simple manoeuvre du salarié suffise à mettre en jeu sa sécurité ;
Considérant, de fait, qu'il n'apparaît pas que la société PAPREC ait jamais, en dehors de contrôles techniques portant sur la maintenance des machines, intégré et pris en compte les risques induits par les opérations de débourrage en ce que, moteur coupé, le rotor n'était pour autant pas passif, et qu'aucun dispositif ne permettait de le bloquer complètement ;
Mais, considérant que dans le cas précis de Monsieur [H], ce dernier a clairement déclaré aux responsables de l'enquête diligentée par Caisse Primaire d'Assurance Maladie que : 'la machine n'était pas arrêtée au moment de l'AT car il ne fallait pas perdre de temps ' -ce en contradiction avec la déclaration d'accident du travail faite par la société PAPREC le 17 mai 2002, le témoignage de Monsieur [Z], et les propres écritures actuelles de l'appelant : considérant que cette déclaration ne peut être écartée, qu'il n'existe aucun motif pour lequel l'intéressé aurait induit en erreur la Caisse ;
Considérant qu'il en découle que les carences et les fautes de la société PAPREC, relevées ci dessus ne peuvent être retenues dans un rapport de cause à effet, la propre faute de Monsieur [H] les primant en ce qu'elle constitue par elle-même la cause exclusive du dommage subi par son auteur ;
Considérant par ailleurs que Monsieur [H] ne prétend pas que cette mesure de sécurité de bon sens ait été inconnue de lui - ce que démentirent d'ailleurs les photos des écriteaux d'interdiction versées aux débats par la société PAPREC, et non contestés par l'appelant - qu'il ait été novice dans ce travail, ou encore contraint de passer outre ;
Considérant, de fait, que l'inspection du travail n'a pas relevé de manquement à la législation du travail ;
Considérant ainsi que les manquements à l'obligation de sécurité imputables à la société PAPREC n'ont pas été directement à l'origine de l'accident du 14 mai 2002 ;
Considérant en conséquence que le jugement est confirmé ;
Considérant qu'aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs :
Confirme le jugement entrepris ;
Rejette toutes autres demandes ;
Dit que l'appelant est dispensé du paiement du droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
Le Greffier, Le Président,