Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2008
(no 807 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/10920
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Mai 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 08/029791 prononcée par Monsieur X...
APPELANTE
S.A.S. AEC PARTNERS agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal
27 avenue Pierre 1er de Serbie
75116 PARIS
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Y... de MOULINS BEAUFORT, avocat au barreau de PARIS, toque : B 502
INTIME
Monsieur Eric Z...
...
74000 ANNECY
représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Philippe A..., avocat au barreau de PARIS
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COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 novembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette SCHOENDOERFFER, président
Madame Martine PROVOST-LOPIN, conseiller
Madame Sophie DARBOIS, conseiller
qui en ont délibéré
sur le rapport de Madame Henriette SCHOENDOERFFER
Greffier, lors des débats : Madame Emmanuelle TURGNÉ
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Henriette SCHOENDOERFFER, président, qui a remis la minute à Madame Emmanuelle TURGNÉ greffier, pour signature.
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M. Eric Z... a créé en 2001 2002 une société Laboratoires La Licorne, dite LLL, ayant pour activité la création de produits dermatologiques et qui a, notamment, mis au point un système breveté dit Skin-Evidence qui permet d'établir le profil individuel de peau des clients des dermatologues, chirurgiens esthétiques ou autres exploitants de "Spas médicalisés".
Désirant céder sa société M. Eric Z... s'est adressé à la société AEC Partners qui a pour activité le conseil et l'assistance en management (stratégie, organisation d'entreprise, création de valeur etc...) et fusions-acquisitions (cession/acquisitions d'entreprises, valorisation d'actifs, opérations sur capital etc...).
Après divers échanges, M. Eric Z... a confié en juin 2007 à la société AEC Partners un mandat non exclusif d'assistance en vue de la cession de sa participation dans le capital de cette société LLL.
Aux termes du mandat, la société AEC Partners avait pour mission d'assister M. Eric Z... dans :
« la finalisation d'un dossier présentant l'opération et permettant l'analyse et l'évaluation de la société et de son projet basé sur le Skin-Evidence TMVisio,
la revue des documents que vous aurez préparés en réponse aux questions des acquéreurs potentiels,
l'identification non exhaustive des acquéreurs qui pourraient être intéressés par l'opération puis l'établissement d'un commun accord de la liste des acquéreurs à contacter,
l'approche des acquéreurs potentiels retenus,
la mise en oeuvre du schéma juridique fiscal et financier retenu,
et les négociations jusqu'à la conclusion définitive de l'opération ».
La rémunération de la société AEC Partners était fixée, en cas de réalisation de l'opération à la somme de 150 000 euros à laquelle devaient s'ajouter 3 % sur la partie de la valeur des sociétés comprises entre 6,5 millions et 12 millions, plus 4 % sur la partie de la valeur des sociétés supérieures à 12 millions.
Il était précisé :
- on entend par « valeur des sociétés », la valorisation de 100 % de ce qui aura été versé à tous les actionnaires de la société augmentée de la dette financière nette consolidée. Si la transaction comprend un montant futur non déterminé, telles que « earn out » ce montant sera inclus dans la base de calcul de la commission de succès, « l'earn out » étant un complément de prix convenu au moment de la cession mais dont le montant est fixé postérieurement à la signature en fonction des résultats futurs de la société vendue.
- en cas de vente du « contrôle direct ou indirect de la société » la commission ne pourra être inférieure à la somme de 200 000 euros que l'acquéreur ait été ou non présenté par cette société.
Courant novembre 2007 la société LLL a été cédée à une société MEMSCAP sans l'intervention de la société AEC Partners qui a réclamé le règlement d'une commission de succès de 239 200 euros.
M. Eric Z... s'est refusé au paiement de cette somme en faisant valoir que la société acquéreur n'avait pas été présentée par la société AEC Partners qui n'avait fourni aucune prestation justifiant le paiement de la rémunération demandée.
La société AEC Partners a fait assigner M. Eric Z... devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris en paiement à titre de provision de la somme de 239 200 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2008 et aux fins de communication sous astreinte de tout document de nature à déterminer les modalités de calcul de la « valorisation de 100 % de ce qui aura été versé à tous les actionnaires de la société LLL augmenté de la dette financière nette consolidée » et de tout « montant futur non déterminé tel que « earn out » et en particulier tout élément relatif aux dettes de LLL à la date de la cession, aux créances détenues par MEMSCAP, au montant total du coût de développement du système Skin-Evidence supportée par MEMSCAP, aux éléments de prix prévus au profit des ex actionnaires de LLL non fixés dans leur montant à la date de la cession de LLL à MEMSCAP de type « earn out ».
Par ordonnance rendue le 27 mai 2008, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a débouté la société AEC Partners de sa demande de provision et de ses demandes au titre de l'article 145 du code de procédure civile, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens à la charge de la société AEC Partners.
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La société AEC Partners a interjeté appel de cette décision le 4 juin 2008.
Par ses dernières conclusions signifiées le 12 novembre 2008, elle demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a jugé que la clause fondant son droit à commission est parfaitement claire,
- l'infirmer en ce qu'elle rejette la demande de provision formée par elle et ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que M. Eric Z... est tenu de lui payer le montant minimum de la commission de succès prévu par leur contrat daté du 16 mai 2007 en cas de cession de contrôle,
- condamner M. Eric Z... à lui payer à titre de provision la somme de 200 000 euros hors taxe soit 239 200 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2008, sans préjudice de son droit à réclamer tout montant complémentaire qui lui serait dû en exécution du contrat,
- condamner M. Eric Z... à lui payer la somme de 15 500 euros sauf à parfaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens de première instance et d'appel.
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M. Eric Z..., par ses dernières conclusions signifiées le 9 octobre 2008, demande à la cour, au visa des articles 32-2 et 873 du code de procédure civile, 1134 et 1156 et suivants du code civil, de :
à titre principal,
- constater que AEC Partners ne démontre aucun dommage imminent ni aucun trouble manifestement illicite,
en conséquence,
- se déclarer incompétente,
à titre subsidiaire,
- constater que la demande de la société AEC Partners se heurte à de nombreuses contestations sérieuses,
en conséquence,
- renvoyer cette société à mieux se pourvoir,
en tout état de cause,
- condamner la société AEC Partners à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamner la société AEC Partners à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société AEC Partners aux entiers dépens de première instance et d'appel.
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Par conclusions de procédure du 13 novembre 2008, M. Eric Z... demande que les pièces communiquées et conclusions signifiées le 12 novembre 2008 soient écartées des débats, et ce, d'autant plus que certaines sont produites en langue anglaise.
Par conclusions du même jour, la société AEC Partners s'oppose à la demande.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 novembre 2008.
CECI EXPOSE, LA COUR,
Considérant que la date prévue pour l'ordonnance de clôture ayant été repoussée au 20 novembre 2008, il n'est pas démontré que du seul fait de son domicile à Malaga (Espagne) M. Eric Z... n'était pas en mesure de conclure sur les pièces nouvellement communiquées et de répondre aux conclusions signifiées le 12 novembre 2008 ;
Considérant cependant qu'un certain nombre des pièces produites sont rédigées en langue anglaise sans être accompagnées d'une traduction ;
Considérant que la société AEC Partners soutient que les pièces en langue anglaise peuvent parfaitement être retenues car il est inutile pour la cour de les examiner attentivement au stade du référé -et même du fond- parce que l'obligation de paiement de M. Eric Z... est fondée sur une obligation contractuelle ;
Considérant que s'il est inutile que la cour examine attentivement les pièces produites, ainsi que le soutient la société AEC Partners, la communication de ces pièces aux débats est tout aussi inutile ;
Que les pièces non traduites dont « l'examen attentif (...) est inutile au stade du référé (et même du fond) » seront donc écartées des débats ;
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Considérant que la société AEC Partners qui vise dans ses conclusions les dispositions de l'article 873 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile en faisant valoir qu'une provision lui est « incontestablement due » n'agit que sur le fondement du second alinéa de ce texte qui dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ;
Qu'il importe peu, dès lors, que l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite ne soit pas démontrée ;
Considérant qu'il ressort des pièces produites qu'avant de signer le mandat dont se prévaut la société AEC Partners, en juin 2007, à une date non exactement précisée dans l'acte, M. Eric Z... a rejeté plusieurs des mandats qui lui étaient proposés par cette société ; que le mandat qu'il a signé porte la mention expresse à la page 5, article 6, qu'il s'agit d'un « mandat non exclusif » ; qu'il convient cependant de constater que pour autant cette mention n'a pas entraîné la modification de l'obligation au paiement de la rémunération de succès quel que soit le prix de vente et que la société AEC Partners soit ou non intervenue dans la vente ; que la seule modification qui accompagne la non-exclusivité du mandat quant à la rémunération de la société AEC Partners est la possibilité de faire prendre en charge par l'acquéreur le coût de l'intervention de cette société ;
Considérant que la commune intention des parties quant à l'introduction dans le contrat de la mention de mandat non-exclusif et de ses conséquences relève d'un débat de fond qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher ;
Considérant, en outre, que la signature d'une convention d'honoraires préalablement à l'exécution d'une mission confiée à un professionnel n'interdit nullement au juge de réduire les honoraires convenus lorsqu'ils sont excessifs eu égard aux diligences effectuées ;
Que la question de l'appréciation de l'exécution ou non de la mission confiée à la société AEC Partners, notamment la finalisation d'un dossier présentant l'opération et permettant l'analyse et l'évaluation de la société et de son projet basé sur le Skin-Evidence TMVisio, la revue des documents préparés par M. Eric Z... en réponse aux questions des acquéreurs potentiels et la mise en oeuvre du schéma juridique fiscal et financier retenu, relève également du seul juge du fond ;
Considérant que la contestation par M. Eric Z... de son obligation n'est pas a priori dénuée de fondement ; que les conditions d'intervention du juge des référés ne sont, en conséquence, pas remplies en l'espèce ;
Que l'ordonnance sera confirmée, sauf à dire n'y avoir lieu à référé ;
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Considérant que M. Eric Z... qui demande, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, le paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive agit en réalité sur le fondement de l'article 1382 du code civil, étant observé les articles 32-1 et 559 du code de procédure civile qui disposent qu'en cas d'action ou d'appel abusif le juge peut condamner à une amende civile, « sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés » ne constituent pas le fondement juridique d'une telle demande ;
Considérant qu'en toute hypothèse, M. Z... n'établit pas que l'action a été introduite et que l'appel a été interjeté avec une volonté de nuire ou une intention malicieuse ; qu'en l'espèce, la société AEC Partners a pu se méprendre sur ses droits ; que l'intimé sera donc débouté de ce chef de demande ;
Considérant que l'équité commande de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire,
Dit que les pièces non traduites et dont « l'examen attentif (...) est inutile au stade du référé (et même du fond) » seront écartées des débats ;
Confirme l'ordonnance entreprise sauf à dire n'y avoir lieu à référé ;
Déboute M. Eric Z... de sa demande de dommages-intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société AEC Partners aux dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT