RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre B
ARRET DU 13 NOVEMBRE 2008
(no 8 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00658
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Septembre 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG no 05/7565
APPELANTE
S.A.S ALLIANCE PROMOTION
88 avenue de Wagram
75017 PARIS
représentée par Me Philippe SMADJA, avocat au barreau de PARIS, toque : L.223 substitué par Me J AITTOUARES, avocat au barreau de PARIS, toque : R58
INTIMÉE
Madame Geneviève X...
...
78110 LE VESINET
représentée par Me Elisabeth OSTER, avocat au barreau de PARIS, toque : L 75
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle BRONGNIART, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle BRONGNIART, Président
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Greffier : Mme Jocelyne LAMALLE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mme Evelyne MUDRY, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Le 1er juillet 1982, Mme X... a été engagée par la SA OFIM, par contrat à durée indéterminée, en qualité de secrétaire de direction, statut cadre, aux conditions générales de la convention collective nationale de l'immobilier. Par effet de transferts successifs de son contrat de travail, à compter du 1er octobre 2003, elle a travaillé pour la SAS Alliance Promotion. En dernier lieu, sa rémunération était de 5.673,87 €.
Le 14 février 2005, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement économique fixé au 22 février suivant et le 14 mars, elle a été licenciée.
La cour statue sur l'appel interjeté le 12 janvier 2007 par la société Alliance Promotion du jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Paris le 14 septembre 2006, notifié le 22 décembre 2006 qui, après avoir dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, :
- l'a condamnée à payer à Mme X...
. 41.479,88 € au titre d'indemnité contractuelle de licenciement,
. 4.993,24 € au titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
avec intérêts au taux légal à compter de la réception de sa convocation devant le bureau de conciliation,
en rappelant les dispositions de l'article R 516.37 du code du travail et en fixant la moyenne des trois derniers mois à 5.673,87 €
. 30.000 € au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,
. 500 € au titre de l'article 700 du NCPC,
- a débouté la salariée du surplus de ses demandes,
- l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en la condamnant aux dépens.
Vu les conclusions du 3 octobre 2008 au soutien de ses observations orales par lesquelles la société Alliance Promotion demande à la cour de
- constater que ses difficultés économique sont réelles et sérieuses et qu'elle n'a pas pu reclasser Mme X...,
en conséquence
- constater que le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse,
- réformer la décision entreprise
. sur les dommages et intérêts pour rupture abusive et subsidiairement réduire le montant de l'indemnité fondée sur l'article L 1235-5 à de plus justes proportions,
. sur l'indemnité contractuelle de licenciement et en conséquence condamner Mme X... à lui payer 41.479,88 €,
- débouter Mme X... de sa demande de rappel de congés payés et subsidiairement confirmer le jugement de ce chef,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
reconventionnellement
- dire que Mme X... a perçu à titre d'indemnité contractuelle de licenciement la somme de 98.408 € nonobstant la ventilation sur deux postes distincts dans la dernière fiche de paie,
- condamner Mme X... à lui payer 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions du 3 octobre 2008 au soutien de ses observations orales par lesquelles Mme X... demande à la cour, au visa des articles L 122-14-2 et L 321-1 du code du travail ancien, de
- dire que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse et donc abusif,
en conséquence
- condamner la société Alliance Promotion à lui payer
. 338.292 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif en application de l'article L 122-14-5 devenu L 1235-5 et 1235-14,
. 77.324,45 € à titre de rappel sur l'indemnité contractuelle de licenciement,
. 8.721,69 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- prononcer la nullité des deux avertissements des 12 novembre 2004 et 3 janvier 2005 et condamner la société Alliance Promotion à lui payer 8.000 € en réparation du préjudice moral,
- condamner la société Alliance Promotion à lui payer 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,.
- dire que les intérêts au taux légal sont dus à compter du jour de la demande du 20 juin 2005,
- condamner la société Alliance Promotion aux entiers dépens.
SUR QUOI,
Considérant que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est libellée comme suit :
"... nous sommes au regret de vous informer de notre décision de procéder à votre licenciement économique.
En effet le poste de "Secrétaire de Direction" que vous occupez est supprimé afin de réduire nos charges excessives...", et se poursuit par une proposition de pare anticipé, des précisions sur le déroulement du préavis et sur la priorité d'embauche ;
Qu'aux termes de cette lettre, la réduction des charges constitue la finalité de la suppression du poste occupé par Mme X... sans que l'employeur ait précisé le motif économique qui l'imposait ; qu'en l'absence d'indication dans la lettre de licenciement du motif économique qui imposait à la suppression du poste occupé par la salariée, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise (moins de 10 salariés), de l'ancienneté (plus de 22 ans) et de l'âge de la salariée (née le 19 décembre 1949) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L.122-14-5 du Code du travail ancien devenu L 1235-5, par réformation de la décision entreprise, une somme de 125.000 € à titre de dommages-intérêts ;
Considérant qu'il est acquis aux débats que l'indemnité de licenciement contractuelle est plus favorable que l'indemnité légale ou conventionnelle à laquelle Mme X... pourrait prétendre ; que par avenant du 7 janvier 1991, il a été convenu que "en cas de licenciement pour raisons économiques, vos indemnités seront calculées sur la base d'un mois de salaire brut contractuel par année de présence au sein du Groupe soit à compter du 1er juillet 1982" ; qu'en précisant "vos" indemnités l'avenant fait référence aux indemnités auxquelles la salariée peut prétendre de sorte que les indemnités calculées selon cette base contractuelle se substituent à toute autre indemnité de même nature ;
Qu'aux termes du contrat du 1er juillet 1982, la rémunération de Mme X... était constitué d'appointements mensuels d'un montant brut de 6500 frs auxquels s'ajoutaient des divers avantages ("congés payés 5 semaines, 13è mois 1/2 payable 50% fin juin, 50% fin décembre, prime d'ancienneté fixée conformément à l'article 37 du chapitre IX de la convention collective") ; que sur les bulletins de salaire établis par Alliance Promotion le "SALAIRE BRUT" est constitué de la somme du "Salaire de base", de la prime d'ancienneté ("Pr. ancienneté") et du treizième mois ("1/2 13ème mois") ; qu'en conséquence, la base de calcul de l'indemnité contractuelle de licenciement est le salaire brut tel qu'apparaissant sur les bulletins de paie établi par Alliance Promotion ;
Que calculée sur cette base l'indemnité contractuelle due à Mme X... est de 130.274,58 € ; qu'eu égard au préjudice subi par Mme X..., il n'y a pas lieu de réduire le montant de cette indemnité ;
Que si l'indemnité légale de licenciement n'est jamais soumise à cotisations sociales, l'indemnité contractuelle de licenciement est exonérée des mêmes charges tant qu'elle ne dépasse pas certains seuils et notamment le double de la rémunération brute perçue au cours de l'année civile précédant la rupture ; qu'en 2004, au vu des bulletins de paie produits, la rémunération brute de Mme X... a été de 67.040,76 € soit un plafond de 134.081,52 € ; qu'en conséquence, l'indemnité due à Mme X... n'est pas soumise à cotisations sociales ;
Qu'il ressort du dernier bulletin de paie, que l'indemnité de licenciement liquidée par l'employeur à 98.408 €, peu important qu'il l'ait scindée, a été incluse pour 62.996,86 € dans les sommes soumises à cotisations sociales ; que compte tenu de la retenue indûment opérée au titre des charges sociales d'un montant de 10.069,73 €, Mme X... n'a perçu que 88.338,27 € correspondant à 98.408-10.069,73) ;
Qu'en conséquence, Alliance Promotion reste lui devoir 41.936,31 € à titre de solde d'indemnité de licenciement contractuelle ;
Considérant que le 18 novembre 2004, Alliance Promotion a adressé à Mme X... un courrier ayant pour objet la "situation de solde de (son) compte CONGES PAYES" ; que compte tenu des termes précis et non équivoques de ce courrier reproduit dans son intégralité dans le jugement déféré, Alliance Promotion est mal fondée à contester devoir les congés payés 2003/2004, le transfert au cours de l'année de référence restant sans incidence ; que du fait de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse notifié par courrier du 14 mars 2005, Mme X... a été dans l'impossibilité de prendre ses congés avant le 30 avril 2005 ; que déduction faite des primes à caractère annuel qui n'entrent pas dans la base de calcul de l'indemnité de congé payé, il reste dû à Mme X... 4.993,24 € ; que la décision entreprise sera confirmée de ce chef ;
Qu'au titre des congés payés pour la période de référence du 1er juin 2004 au 14 juin 2005, l'employeur a versé la somme de 4.568,96 € (bulletin de paie de mars 2005) ; qu'il ressort des bulletins de paie que pendant cette période le salaire de référence servant d'assiette au calcul de l'indemnité de congés payés s'est élevé à 55.881,50 €, période de préavis inclus ; qu'en conséquence, Alliance Promotion reste lui devoir 1.019,19 € ;
Considérant que dans l'avertissement du 12 novembre 2004, il est reproché à Mme X... une utilisation excessive de son "poste téléphonique fixe de travail" et de son "téléphone mobile professionnel" ; que Alliance Promotion ne verse aucune pièce qui permettent d'imputer à Mme X... les consommations mentionnées sur les relevés détaillés annexés aux factures alors que cette dernière fait valoir qu'elle n'avait pas l'usage exclusif de ce poste ; que contrairement aux affirmations de Alliance Promotion, aucun téléphone mobile n'avait été mis à la disposition de la salariée par l'entreprise ; que Mme X... utilisait son téléphone portable personnel et la société prenait en charge les factures ; qu'en conséquence, cet avertissement n'est pas fondé ;
Que dans l'avertissement du 3 janvier 2005, il est reproché à Mme X... d'avoir "passé depuis le téléphone mobile mis à (sa) disposition pour l'exercice de (son) activité professionnelle 1h38 mn d'appels vers l'étranger" ; qu'à cette date, Mme X... utilisait toujours son téléphone portable personnel à des fins professionnelles avec une prise en charge par l'employeur des factures ; qu'en conséquence, les reproches faits ne sont pas fondés, l'employeur ne pouvant pas exiger de sa salariée une utilisation exclusivement professionnelle de son téléphone portable personnel ;
Qu'en réparation du préjudice moral subi par Mme X... qui a contesté en son temps par l'intermédiaire d'un avocat ces avertissements, il lui sera alloué 1.000 € de dommages et intérêts ;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
LE REFORME sur la liquidation de l'indemnité contractuelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de congés payés et le débouté des demandes fondées sur l'annulation des avertissements
statuant à nouveau
ANNULE les avertissements des 12 novembre 2004 et 3 janvier 2005,
CONDAMNE la société Alliance Promotion à payer à Mme X..., avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 125.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1.000 € de dommages et intérêts préjudice moral subi du fait des avertissements annulés,
CONDAMNE la société Alliance Promotion à payer à Mme X..., avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
. 41.936,31 € à titre de solde d'indemnité de licenciement contractuelle,
. 1.019,19 € à titre de solde d'indemnité de congés payés,
CONDAMNE la société Alliance Promotion à payer à Mme X... 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Mme X... du surplus de ses demandes,
CONDAMNE la société Alliance Promotion aux entiers dépens d'appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,