Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2008
(no , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/16831
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2007 - Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG no 06/04093
APPELANTE
ASSOCIATION SIDACTION - ENSEMBLE CONTRE LE SIDA
représentée par son président
ayant son siège 228, rue du Faubourg Saint Martin - 75010 PARIS
représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour
assistée de Maître Julie BONNIER-HAMON, avocat plaidant pour la SCP SAÏD LEHOT MONTEIRO BONNIER, avocats au barreau de l'ESSONNE
INTIMÉE
l'Association SOCIÉTÉ PROTECTRICE DES ANIMAUX "SPA"
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège 39, boulevard Berthier - 75017 PARIS
représentée par Maître Lionel MELUN, avoué à la Cour
ayant pour avocat Maître Eric-Denis FERRÉ, du barreau de PARIS, toque : C 1151, qui fait déposer son dossier
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 octobre 2008, en audience publique, l'avocat ne s'y étant pas opposé, devant Madame Isabelle LACABARATS, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, présidente
Madame Isabelle LACABARATS, conseillère
Madame Dominique REYGNER, conseillère
Greffier :
lors des débats : Monsieur Daniel COULON
lors du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Claudine A... est décédée le 9 décembre 2002 à Montreuil, laissant deux héritiers réservataires.
Elle avait laissé un testament olographe du 1er octobre 1992, ainsi libellé :
" j'institue pour légataires universelles par parts égales de tous mes biens meubles et immeubles qui composent ma succession au jour de mon décès :
a) la Société Protectrice des Animaux dont le siège est 39 boulevard Berthier, Paris 17ème,
b) L'agence Française de Lutte contre le Sida, dont le siège est immeuble Le Berry, 2 rue Auguste Comte, 92170 Vanves ".
Par jugement du 3 juillet 2007, le tribunal de grande instance de Bobigny a débouté l'Association Ensemble contre le Sida de ses demandes tendant à se voir déclarer habile à bénéficier du legs à parts égales avec la SPA, en remplacement de l'AFLS, dissoute le 30 octobre 1996.
Par dernières conclusions du 17 septembre 2008, l'ASSOCIATION ENSEMBLE CONTRE LE SIDA, (E.C.S.) devenue SIDACTION, appelante, demande à la cour, infirmant le jugement, de :
- interpréter le testament ambigu,
- la dire habile à bénéficier dudit legs par parts égales avec la SPA, en remplacement de l'AFLS,
- lui accorder l'envoi en possession pour sa part de legs,
- débouter la SPA de l'ensemble de ses demandes,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 22 septembre 2008, la SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX (S.P.A.) entend voir :
- écarter des débats la pièce no 17 de l'association E.C.S.et la lettre des parents de la défunte datée du 20 août 2007,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'association E.C.S. de ses demandes tendant à interpréter le testament et à se voir déclarer habile à bénéficier du legs par parts égales avec elle,
infirmant pour le surplus,
- dire que la SPA doit bénéficier de la totalité de la quotité disponible,
- condamner l'association E.C.S. à lui payer 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- la condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
SUR LA PROCÉDURE
Considérant que l'ordonnance de clôture prononcée le 23 septembre 2008 ayant été révoquée le 30 septembre et reportée à la date des plaidoiries à la demande conjointe des parties, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les pièces communiquées par SIDACTION le 17 septembre et que son adversaire a été en mesure de discuter contradictoirement ;
SUR LE FOND
Considérant que l'association SIDACTION demande à la cour, par interprétation du testament, de la substituer à l'AFLS et invoque à cet effet, au titre des éléments intrinsèques, la similitude des objectifs et moyens mis en oeuvre par l'association avec ceux de l'AFLS et au titre des éléments extrinsèques, les liens entre la testatrice et SIDACTION ; que subsidiairement, elle conclut au rejet de la demande de la S.P.A. de bénéficier de la totalité de la quotité disponible en application de l'article 1044 du code civil dès lors que la testatrice a assigné la part de chacun des colégataires dans la chose léguée ;
Que la SPA réplique que le testament ne présente aucune ambiguïté justifiant son interprétation, la dissolution de l'AFLS n'étant pas de nature à le rendre ambigu, que la testatrice qui connaissait l'E.C.S. n'a pas entendu la gratifier, que l'article 1039 du code civil prévoit expressément que le testament devient caduc si son bénéficiaire n'a pas survécu au testateur, que d'autres associations de lutte contre le Sida seraient mieux susceptibles de bénéficier du legs que l'E.C.S., que les buts poursuivis par les deux associations ne sont pas les mêmes ; qu'à l'appui de son appel incident, elle fait valoir que le legs s'analyse en un legs universel conjoint donnant lieu à accroissement de sorte qu'elle a vocation à devenir légataire universelle et doit bénéficier de la totalité de la quotité disponible ;
Considérant que si en vertu de l'article 1039 du code civil toute disposition testamentaire devient caduque lorsque, comme en l'espèce, son bénéficiaire n'a pas survécu au donateur, il résulte du testament litigieux qu'au delà de l'identité de l'organisme désigné comme légataire d'une part de ses biens, qui n'existait plus à la date de son décès, l'intention de la testatrice a été d'apporter son soutien à la lutte contre le Sida ainsi que le confirment ses parents dans un courrier du 20 août 2007, communiquée sous le no 14 ; que Monsieur et Madame A... précisent que leur fille leur avait confié son souhait que ses biens puissent servir la lutte contre le Sida, qu'elle était très impliquée dans ce combat et aurait été extrêmement déçue et contrariée de voir que la partie de ses biens qu'elle réservait à la lutte contre le Sida ne lui serait pas donnée ; qu'il importe dans ces conditions que la volonté de la testatrice soit respectée et que le testament produise son effet ;
Que par les pièces qu'elle verse au débat, dont ses statuts et ceux de l'ancienne Agence Française de Lutte contre le Sida, SIDACTION, justifie que comme cette association, elle a pour objet la lutte contre le Sida, notamment par le soutien de la prévention et de la recherche ainsi que des actions de communication publique et d'éducation en partenariat avec le Ministère de l'Education Nationale ; que dans leur courrier du 20 août 2007, les parents de Claudine A... ajoutent que si son état dépressif l'a sans doute empêchée de modifier son testament, leur fille appréciait l'action menée aussi bien en ce qui concerne la prévention que la recherche par SIDACTION qu'elle avait choisi de soutenir ; que l'intention libérale de Claudine A... à l'égard de SIDACTION est en outre corroborée par les dons réguliers et non négligeables qu'elle a adressés chaque année à l'association dès sa constitution en 1994 et jusqu'à quelques semaines seulement avant son décès, dont justifie SIDACTION ;
Qu'il convient en conséquence, infirmant le jugement, d'accueillir l'association SIDACTION en ses demandes ;
PAR CES MOTIFS
INFIRMANT le jugement et statuant à nouveau,
DIT l'association SIDACTION habile à bénéficier du legs des biens meubles et immeubles composant la succession de Claudine A... au jour de son décès par parts égales avec la SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX,
L'envoie en possession,
DEBOUTE la SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX de l'ensemble de ses demandes,
LA CONDAMNE aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière, la Présidente,