Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre-Section A
ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2008
(no, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 04 / 15463
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2004- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 00 / 14663
APPELANTES
Madame Margaret Evelyne X...
née le 20 septembre 1947 à PARIS 15ème
de nationalité française
profession : employée
demeurant 2 et...
Madame Marie-Christine X... épouse Y...
née le 9 janvier 1945 à PARIS 15ème
de nationalité française
sans profession
demeurant...
représentées par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoués à la Cour
assistées de Maître François Z..., avocat plaidant pour la SCP NEVEU SUDAKA et Associés, avocats au barreau de PARIS, toque : P 43
INTIMÉES
Madame Madeleine AliceJulienneB... veuve X...
née le 5 juillet 1930 à SAINT MAURICE S / AVEYRON (Loiret)
de nationalité française
demeurant...
décédée le 19 mai 2005 à Paris 15ème
INTERVENANTES VOLONTAIRES
Madame Christine Mireille Elisabeth C...
née le 20 juin 1955 à CHUELLES (45)
de nationalité française
profession : secrétaire
ès-qualités de co-héritière de feue Mme D... veuve X...
demeurant...
représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour
assistée de Maître Joseph E..., avocat au barreau de PARIS, toque : C 933
Madame Cécile F... Lucienne C... épouse G...
née le 2 février 1953 à SAINT MAURICE SUR AVEYRON (Loiret)
de nationalité française
ès-qualités de co-héritière de feue Mme D... veuve X...
demeurant...
représentée par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Maître Emmanuel H..., avocat au barreau de PARIS, toque : L 301 plaidant pour la SELARL RACINE, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, présidente
Madame Isabelle LACABARATS, conseillère
Madame Dominique REYGNER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats : Monsieur I...
lors du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, présidente et par Madame Christiane BOUDET, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Marius X... est décédé le 24 janvier 2000 ; divorcé de Madame J... dont il avait eu deux enfants, Margaret X... et Marie-Christine X... épouse Y..., il s'était remarié en 1978, sous contrat de séparation de biens, avec Madame Madeleine D... et avait adopté les deux filles de celle-ci Christine C... et Cécile C... épouse G....
Estimant que la déclaration de succession de leur père ne révélait qu'une partie infime de son patrimoine, ce qui conduisait à penser que celui-ci avait été porté au nom de son épouse sous forme de donations déguisées, Mesdames X... / Roques ont saisi le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 17 mai 2004, a rejeté leurs prétentions à l'exception de leur demande de sursis à statuer concernant le déblocage des fonds concernant la rente de Madame X....
Cette décision a, en outre, :
- attribué à Madame Christine K... sous réserve des droits des co-héritiers réservataires en cas de dépassement de la quotité disponible, la nue-propriété des 9. 005 actions de la SA Parc de Marcilly
-déclaré rapportables à la succession les donations faites par Monsieur X... le 1er avril 1993 à Mademoiselle Christine K... et le 23 décembre 1992 à Madame Cécile K..., le prêt de 1. 100. 000 francs consenti aux époux G... selon les conditions de l'article 869 du code civil pour ces trois libéralités et la donation du 12 novembre 1981 à Madame Marie-Christine X... pour la valeur évaluée à 154. 430, 85 € (article 860 du code civil)
- autorisé Me L... notaire chargé de la succession à rembourser à Madame X... les sommes de 12. 476, 76 €, 954, 81 €, 962, 87 €, 974 €, 984 €, 692, 60 €, 3. 365, 77 €, 19. 704, 52 € et 7. 854, 93 €
- sursis à statuer sur le déblocage des fonds concernant la rente de Madame X... jusqu'à la liquidation des droits des parties
-rejeté les demandes de dommages-intérêts des défenderesses
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mesdames X... ayant relevé appel de cette décision, la cour, par arrêt du 26 octobre 2005 a, avant dire droit, ordonné une expertise confiée à Monsieur M... avec la mission de déterminer l'origine des fonds ayant permis la constitution du patrimoine de Veuve X... en examinant notamment les modalités de financement des acquisitions immobilières auxquelles elle a procédé, l'évolution de ses comptes titres et PEA et en précisant l'origine des fonds qui ont été utilisés pour sa participation à la SA Le Parc de Marcilly, les SCI Madras et Gama, à la construction de la maison de Sorel Moussel et les donations faites à ses filles.
Par dernières conclusions du 19 février 2008 Mesdames X..., appelantes, demandent de :
- réformer le jugement
-qualifier les opérations suivantes de donations déguisées entre époux, donations indirectes ou dons manuels, soit l'achat du studio avenue Rodin, les titres ou liquidités à la Banque Worms, les 12060 actions de la SA Parc de Marcilly, plan Sogecap, parts sociales des SCI Madras et Gama et financement du capital de l'assurance vie GAN
-les dire nulles en application de l'article 1099 du code civil
-voir condamner Mesdames C... es qualités d'héritières de leur mère à en payer la valeur au bénéfice de la succession de Marius X... après détermination éventuelle à dire d'expert sur le fondement de l'article 1099-1 du code civil
-les voir condamner sur le même fondement au paiement à la succession des comptes courants dans la SCI Gama et de la SA Parc de Marcilly à concurrence des sommes de 3. 048. 272 francs et 200. 500 francs soit 464. 706 € et 30. 566 € sous réserve de leur caractère exigible et remboursable en l'état des comptes de la Société
-qualifier encore de donations déguisées, indirectes ou dons manuels l'apport de 17. 665 parts de la SA Parc de Marcilly à Madame Christine Perricaudet, le prêt de 370. 000 francs soit 56. 406 € aux époux G..., le prêt de 1. 100. 000 francs soit 167. 694 € aux époux G..., le bail à construction, la donation de 500. 000 francs soit 76. 224, 50 € de Madame X... à chacune de ses filles
-dire ces donations rapportables à la succession pour être intégrées à l'actif
-désigner un notaire pour procéder à tout inventaire complémentaire, déterminer l'actif successoral et les droits respectifs des héritiers et ce dans la perspective de la mise en oeuvre des opérations de compte liquidation et partage
-dire irrecevable et mal fondée la demande de Mesdames X... en paiement de la rente mensuelle de 5. 000 francs indexée
-subsidiairement, dire que cette obligation pèse sur chacun des héritiers à concurrence de sa part et surseoir à statuer dans l'attente de la liquidation des droits des héritiers
-dire que l'appartement... est échu à Mesdames Marie-Christine et Margaret X... conformément au testament
-dire que le sort de la dette Guyot-Sionnest aujourd'hui réglée sera défini en fonction de l'attribution de l'appartement du... aux concluantes ou à tous les héritiers
-réserver sa liquidation dans le cadre des opérations de partage
-dire et subsidiairement " que la demande en paiement des charges, au-delà du fait qu'elle est injustifiée du chef de l'usufruitier auprès du nu-propriétaire et ce au regard de l'article 605 du code civil et subsidiairement improprement dirigée contre les seules défenderesses la qualité de nue-propriétaire si elle doit échoir à Mesdames C... les obligeant dans les mêmes proportions et l'intégrer quel que soit son sort dans les comptes de liquidation "
- dire Mesdames X... et C... irrecevables et mal fondées en leurs demandes
-les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement de 25. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 30 avril 2008 Madame Christine C... en son nom et en qualité d'héritière de Madame Madeleine D... veuve X... demande de :
- autoriser Me L... à lui verser en sa qualité d'héritière de Veuve X... le paiement d'une rente indexée tous les 30 de chaque mois suivant le décès de Marius X... soit 2. 803, 85 € par mois depuis le 28 février 2000, l'arriéré étant à calculer au jour du règlement soit 176. 648, 95 € arrêté en mai 2005 et augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2001 et ordonner la capitalisation des intérêts depuis le 28 février 2001
- condamner solidairement Madame Marie-Christine X... épouse Y... et Madame Margaret X... au paiement de 15. 500 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi par Madame D... tant du fait du caractère abusif de la procédure que de la résistance abusive à autoriser le remboursement des sommes avancées par Veuve X... et le déblocage de la rente
-confirmer le jugement pour le surplus
-les condamner de même au paiement de 15. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 23 septembre 2008 Madame Cécile G..., à titre personnel et en qualité de co-héritière de Madeleine D... veuve X... demande de :
- autoriser Me L... notaire à rembourser à Mesdames K... es qualités la somme de 1. 000 € avancée au titre de la taxe foncière et à régler aux mêmes la rente allouée à Veuve X... liquidée à 176. 648, 95 € à la date du décès avec intérêts légaux à compter du 5 avril 2001, avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil
-débouter les appelantes de leur demande d'attribution de l'appartement...
- condamner les appelantes solidairement à lui payer 25. 000 € pour frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que les appelantes soutiennent, en substance, que les intimées n'ont pas fourni à l'expert les justificatifs de l'origine des fonds ayant permis à Veuve X... de se constituer un patrimoine tant immobilier que mobilier, que les opérations réalisées n'ont pas généré de disponibilités, que rien ne justifie que Veuve X... ait pu se constituer un patrimoine important, alors qu'elle a peu travaillé pendant sa vie et ne disposait que d'une faible retraite tandis que son mari a poursuivi une carrière florissante, qu'il existe des présomptions de donations déguisées, notamment pas des prêts non remboursés et un bail à construction trahissant une intention libérale par Marius X... tant au profit de son épouse qu'au profit de ses filles adoptives ;
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert dressé au vu des éléments fournis, que Madame D... détenait au moment de son mariage la somme de 7. 500 francs par voie de succession, et sa part du prix de vente d'un bien de sa précédente communauté, qu'elle a constitué un PEL pour 48. 000 francs, a acquis un appartement pour 192. 000 francs revendu 630. 000 francs en 1990 et constitué un portefeuille de valeurs générant une plus value importante ; qu'elle a ainsi constitué pendant la vie commune 99 % de son patrimoine tandis que Marius X... qui possédait déjà des revenus importants a fait progresser son patrimoine de 43 % ; qu'entre 1996 et 1999 le couple a perçu en moyenne annuelle 783. 000 francs d'autres revenus : fonciers, valeurs mobilières, gains de cession de valeurs et bénéfices non commerciaux et professionnels ;
Considérant que la preuve de l'existence de donations déguisées par Marius X... à son épouse incombe aux appelantes ; que celle-ci suppose établie la preuve de remise d'argent par Marius X... à son épouse pour acheter des biens et l'intention libérale de Marius X... ;
Considérant que l'expert indique qu'il ne lui a été communiqué aucun élément permettant de déterminer l'origine des fonds ayant permis à Madame X... d'acquérir en 1995 12. 060 actions de la SA Parc de Marcilly, initiée par sa fille Christine N..., pour un total de 1. 206. 000 francs ni l'origine des fonds versés sur son compte courant ; que Madame D... a souscrit en février 1987 25 parts de SCI Madras au capital de 10. 000 francs, qui a acquis un immeuble commercial au moyen d'un prêt ; qu'à compter de 1997 il n'y a plus eu de locataires, que la SCI a accusé un déficit important et que l'emprunt a été remboursé par la vente de l'immeuble appartenant à SCI Gama ; que celle-ci, dont 25 parts pour 2. 500 francs souscrites par Madame D..., a acquis un immeuble avec un prêt de 10 ans ; que cette société était déficitaire de plus de 9 millions de francs en 1999 ;
Considérant qu'aucune preuve n'est apportée que les fonds ayant servi aux acquisitions et souscriptions faites par Madame D... appartenaient à Marius X... ; que si Madame D... ne disposait pas de facultés importantes lors de son mariage, l'imbrication des comptes et déclarations fiscales établit suffisamment des opérations communes, à tout le moins indivises entre les époux, que si la situation de Madame D..., moins florissante que celle de son mari, peut constituer une présomption de dons faites par celui-ci, cette présomption est combattue par la preuve de l'existence d'économies placées avec discernement, éventuellement grâce aux conseils précieux de son mari, homme d'affaires avisé ; qu'elle n'a eu qu'une participation limitée à la SA Parc de Marcilly constituée à l'initiative de sa fille avec des fonds personnels provenant en partie grâce à une donation rapportable de Marius X... ; que les SCI Madras et Gama ont fait faillite ;
Considérant que le contrat d'assurance vie souscrit auprès du GAN échappe, sauf preuve, non rapportée, du caractère excessif des primes, aux règles des successions ;
Considérant qu'outre l'absence de remise de fonds personnels de Marius X..., la preuve d'une intention libérale envers l'épouse n'est pas rapportée dès lors que le défunt ne s'est pas appauvri, qu'il a accru son propre patrimoine parallèlement à celui de son épouse laquelle s'est associée à ses affaires au cours d'une vie commune de 23 ans ;
Considérant que s'agissant des libéralités consenties à ses enfants, le premier juge a justement ordonné le rapport des donations de 500. 000 francs faites à chacune de ses filles adoptives tout comme celle consentie à sa fille par le sang Marie-Christine X..., d'une valeur de 600. 000 francs, et le prêt, non remboursé, de 1. 100. 000 francs accordé à Madame G..., dispositions qui ne sont pas critiquées et qu'il y a lieu de confirmer ;
Considérant que les époux G..., propriétaire d'un terrain à Sorel Moussel ont consenti aux époux O... un bail à construction en exécution duquel ceux-ci ont fait édifier à fonds communs une maison ; que si la construction, par accession, est devenue propriété des époux G..., les époux O... en ont eu la jouissance jusqu'au décès du survivant d'eux qui constituait une contrepartie aux dépenses supportées ;
Considérant qu'un prêt de 370. 000 francs a été consenti aux époux G... par Madame Veuve X... sans qu'il soit démontré que Marius X... ait participé à cette avance de fonds ;
Considérant que le contrat de rente viagère relatif à l'appartement du... n'ayant plus été exécuté à compter d'avril 2000, la crédirentière a fait délivrer un commandement pour 168. 635, 88 francs ; que Veuve X... a obtenu par ordonnance de référé du 29 mars 2001 que le notaire en charge de la succession débloque les fonds nécessaires au paiement de cette dette ; qu'aucune demande n'est formée de ce chef, un titre exécutoire ayant réglé cette question ;
Considérant qu'à bon droit le premier juge a dit que le déblocage des fonds en vue du paiement par la succession aux héritières de Veuve X... des arrérages de la rente viagère voulue par le défunt et restés impayés après le décès de celui-ci ne pourrait s'effectuer qu'après détermination des droits respectifs des parties à la succession de Marius X... ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant que le jugement sera également confirmé sur le remboursement de diverses dépenses acquittées par Veuve X... pour le compte de la succession et récapitulées dans le dispositif du jugement, ces demandes n'étant pas critiquées ; qu'il convient d'y ajouter la somme de 1. 000 € réglée par Madame Christine C... es-qualités d'héritière de sa mère au titre de la taxe foncière 2004 ;
Qu'il le sera enfin sur l'exécution du legs particulier consenti à Madame Christine K... des 9. 005 actions de la SA Parc de Marcilly par codicille du 4 février 1997 dans la limite de la quotité disponible ;
Considérant que le premier juge a justement refusé de désigner un notaire dès lors qu'il n'était pas demandé l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage, étant au surplus observé qu'aucune critique sérieuse n'est avancée à l'égard des opérations de Maître L... ;
Considérant qu'il n'est pas établi que la procédure poursuivie résulte d'une intention de nuire ou d'un comportement fautif de la part de Mesdames X... ; que la demande de dommages-intérêts sera rejetée ;
Que l'équité permet de faire droit à la demande formée par les intimées au titre de l'article 700 dans la mesure fixée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré
Rejette la demande de dommages-intérêts
Condamne Mesdames Marie-Christine X... et Margaret X... aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à chacune des intimées la somme de 10. 000 € par application de l'article 700 du même code.
La Greffière, La Présidente,