Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
24ème Chambre-Section C
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2008
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 06677
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 4 juillet 2007 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PARIS-Section D / Cabinet 10
RG no 03 / 44076
APPELANT
Monsieur Louis Michel X...
Né le 9 novembre 1956 à Suresnes (Hauts de Seine)
demeurant...
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Hélène Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C676,
INTIMÉE
Madame Colette Z... épouse X...
Née le 6 mars 1958 à La Cadière et Cambo (Gard)
demeurant...
représentée par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Martine A..., avocat au barreau de PARIS, toque : U0009,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 octobre 2008, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
Marie-Laure ROBINEAU, présidente chargée du rapport
Claire MONTPIED, conseillère
Martine DE MAXIMY, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Nathalie GALVEZ
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé en audience publique par Marie-Laure ROBINEAU, présidente.
- signé par Marie-Laure ROBINEAU, présidente et par Nathalie GALVEZ, greffière présente lors du prononcé.
****
LA COUR,
M. Louis Michel X..., né le 9 novembre 1956 à Suresnes (Hauts-de-Seine) et Mme Colette Z..., née le 6 mars 1958 à La Cadière-et-Cambo (Gard), se sont mariés le 9 août 1986 devant l'officier d'état civil de La Cadière-et-Cambo (Gard), après contrat reçu le 16 juillet 1986 par Me B..., notaire à Paris 1er.
De leur union, sont nés Mathieu, le 17 octobre 1987, Elise, le 3 octobre 1988, Michaël, le 30 septembre 1995, et Anaïs, le 13 décembre 1998.
Par ordonnance de non conciliation du 10 mars 2004, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a, notamment, constaté le double aveu, par les époux, de faits qui rendent intolérable le maintien de la vie commune et, prenant acte de leur accord, a pris les mesures provisoires nécessaires.
Mme Colette Z... a assigné son conjoint en divorce le 31 mars 2004.
Une ordonnance sur incident a été rendue le 15 juin 2005 par le juge de la mise en état qui a, notamment, rejeté la demande de M. Louis Michel X... en désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1116 du nouveau code de procédure civile. Cette décision a été confirmée par arrêt du 2 novembre 2006.
Par jugement contradictoire dont appel, du 4 juillet 2007, auquel la Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a :
- prononcé le divorce des époux, sur le fondement de l'ancien article 233 du code civil, avec toutes les conséquences de droit,
- autorisé l'épouse à conserver l'usage du nom de son mari,
- dit M. Louis Michel X... irrecevable en sa demande de prestation compensatoire,
- dit que l'autorité parentale est exercée en commun par les parents sur les deux enfants mineurs avec résidence habituelle chez la mère,
- dit que, sauf meilleur accord, le père bénéficiera d'un droit de visite et d'hébergement :
* une fin de semaine sur deux, du samedi sortie des classes au dimanche 19h,
* la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires,
- fixé à 1. 050 euros par mois avec indexation la contribution à l'entretien et à l'éducation due par M. Louis Michel X... pour Elise, Michaël et Anaïs,
- donné acte à Mme Colette Z... de ce qu'elle assumera la charge de Mathieu, frais de scolarité compris,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.
M. Louis Michel X... a interjeté appel de ce jugement le 25 juillet 2007.
Vu les dernières écritures, auxquelles la cour se réfère, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, en date des 4 septembre 2008 pour M. Louis Michel X..., appelant et 24 septembre 2008 pour Mme Colette Z..., intimée, qui demandent à la Cour de :
* M. Louis Michel X... :
- le dire recevable et bien fondé en son appel,
y faisant droit et statuant à nouveau,
- réformer la décision du premier juge en toutes ses dispositions,
- dire que la prétendue renonciation à une prestation compensatoire qui serait résultée des écritures est de nul effet pour être intervenue avant la fixation par le juge du droit auquel il aurait été renoncé,
- subsidiairement, dire que la renonciation résultant des écritures des 5 mai et 1er septembre 2004 a été rétractée par les écritures des 18 janvier, 15 novembre 2006, 21 mars, 28 mars 2007 et, en dernier lieu, par les conclusions récapitulatives signifiées le 3 avril 2007 et que, par conséquent, elle ne saurait produire aucun effet,
- le dire recevable et bien fondé en sa demande de prestation compensatoire,
- constater que le divorce à intervenir est de nature à entraîner une disparité dans les conditions de vie des époux à son détriment,
- condamner en conséquence Mme Colette Z... à lui verser une prestation compensatoire en capital de 1. 000. 000 euros payable comptant au prononcé du divorce,
- dire que dans l'hypothèse où elle ne réglerait pas cette somme à cette date, elle supportera seule les conséquences fiscales susceptibles d'être induites par sa carence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce sur le fondement de l'article 233 ancien du code civil,
- confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les mesures afférentes aux enfants,
- condamner Mme Colette Z... à lui payer la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
* Mme Colette Z... :
- déclarer M. C... X... mal fondé en son appel,
sur le divorce,
- dire que le divorce prononcé le 4 juillet 2007 a autorité de chose jugée, aucun des époux n'ayant contesté la validité de son consentement,
sur la demande de prestation compensatoire de M. Louis Michel X...,
à titre principal,
- constater que des accords transactionnels sont intervenus entre les époux aux termes desquels M. Louis Michel X... renonçait à l'attribution de toute prestation compensatoire en contrepartie de la cession à son profit par elle notamment du fonds de commerce du théâtre de la Gaîté Montparnasse,
- constater que l'accord entérinant les concessions réciproques transactionnelles des époux a été exécuté les 9 et 19 avril 2004, soit postérieurement à l'assignation en divorce signifiée le 31 mars 2004,
- constater que, par conclusions signifiées le 19 avril 2004 et le 1er septembre 2004, M. C... X... qui avait reçu la contrepartie à sa charge dans la transaction, a renoncé à toute demande de prestation compensatoire,
en conséquence,
- dire que la transaction signée par M. Louis Michel X... et elle-même et exécutée par chacun d'entre eux au cours de la procédure contient des engagements réciproques interdépendants et indissociables soumis au régime juridique de la transaction,
- constater que M. Louis Michel X... n'invoque aucune cause de nullité de la transaction signée et exécutée,
- dire que, par conclusions signifiées postérieurement à l'ouverture de la procédure de divorce, donc une fois son droit ouvert, M. Louis Michel X... a formé l'aveu judiciaire qu'il n'y avait pas lieu, compte tenu de la transaction signée et exécutée, à prestation compensatoire,
- dire qu'il ne peut rétracter cet aveu par une erreur de fait dès lors qu'il avait une parfaite connaissance de la situation financière du théâtre de la Gaîté Montparnasse, de celle de son épouse ainsi que de celle des parents de cette dernière,
- dire que l'aveu judiciaire de M. Louis Michel X... ne saurait être révoqué du seul fait qu'ayant été contenu dans des conclusions antérieures aux dernières conclusions, il ne se trouve pas dans celles-ci,
- dire qu'il n'est pas recevable à se prévaloir " d'une renonciation à sa renonciation " qu'il aurait formulée dans ses conclusions récapitulatives de première instance dès lors que la renonciation à un droit produit un effet immédiat et ne peut plus être " considéré comme étant abandonné ",
- le déclarer irrecevable en sa demande de prestation compensatoire,
à titre subsidiaire
-constater que durant leur mariage les époux disposaient de revenus identiques,
- constater que l'héritage reçu de son père a été perçu par elle quelques mois avant le prononcé de l'ordonnance de non conciliation,
- constater que M. Louis Michel X... ne communique aucune pièce justifiant ses besoins,
- dire que le train de vie des époux durant leur mariage, a été assuré par chacun d'entre eux dans les mêmes proportions,
- dire que l'acquisition par elle du théâtre de la Gaîté Montparnasse ne résulte pas d'une collaboration professionnelle avec l'époux mais qu'il s'agit d'une opération financière qu'elle a réalisée seule,
- dire que, durant le mariage, M. Louis Michel X... n'a pas bénéficié de sa propre situation de fortune, constituée par l'héritage de son père perçu en mars 2003,
en conséquence,
- dire que la rupture du lien conjugal entre les époux n'entraîne aucune disparité dans leurs trains de vie respectifs,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- condamner M. Louis Michel X... à lui payer la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 septembre 2008 ;
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
Considérant que M. Louis Michel X... demande à voir dire son appel recevable ; que cette recevabilité n'est pas contestée ; que les pièces du dossier ne font apparaître aucune fin de non recevoir susceptible d'être relevée d'office ; que l'appel sera déclaré recevable ;
Considérant que l'appel, bien que général, ne porte que sur la prestation compensatoire ; que, le divorce étant acquis et les autres dispositions de la décision n'étant pas critiquées, le jugement sera confirmé de ces chefs ;
Considérant que la loi du 26 mai 2004 relative au divorce est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 ; que les dispositions transitoires prévoient que l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables lors du prononcé de la décision de première instance ; qu'en l'espèce, l'assignation ayant été délivrée antérieurement au 1er janvier 2005, ce sont les règles anciennes qui sont applicables ;
Sur la prestation compensatoire
Considérant que M. Léo Z..., père de Mme Colette Z..., a acquis par l'intermédiaire de la société d'exploitation théâtrale, dite la SET, les murs et le théâtre de la Gaîté Montparnasse ; qu'en 1998, Mme Colette Z..., par le biais d'un rachat et d'une augmentation de capital, est devenue présidente du conseil d'administration et actionnaire principale de la société ; que M. Louis Michel X..., son époux, détenteur d'une action de la SET, est devenu directeur artistique salarié du théâtre ;
Considérant que, dans le cadre de leur séparation, après de multiples échanges de mails, courriers entre eux et entre professionnels, sur lesquels il est inutile de s'appesantir, une requête en divorce déposée par la femme le 29 décembre 2003 et une déclaration d'acceptation du mari du 9 février 2004, les époux ont signé, entre eux, le 13 février 2004, un protocole d'accord ; que ce protocole prévoyait leur séparation professionnelle et au plan privé et stipulait, notamment, d'une part l'absence de prestation compensatoire dans le cadre du divorce et d'autre part la conclusion, " parallèle et le même jour, d'un protocole d'accord global entre eux-mêmes et la SET, exploitant le fonds de commerce du théâtre de la Gaîté Montparnasse, au terme duquel M. Louis Michel X... qui pourra se substituer une société, acquerra, en contrepartie du respect de la présente convention sur le divorce, ce fonds de commerce en ce compris un contrat de bail visant les locaux au sein desquels est exploité le fonds de commerce du théâtre ainsi que quatre appartements d'habitation " ;
Considérant que ce protocole d'accord global a été soumis à différentes conditions suspensives dont celle du prononcé de l'ordonnance de non conciliation dans le cadre du divorce, dans les conditions visées au premier protocole que M. Louis Michel X... a acceptées ; que M. Louis Michel X..., en tant que de besoin, a " réitéré sa renonciation définitive et sans réserve à toute prestation compensatoire dans le cadre du divorce " ; que l'article 3 du titre IV du protocole d'accord global stipule " Il est rappelé que les promesses et engagements conclus par les soussignés aux titres I, II, et III du présent protocole s'inscrivent dans le cadre d'un accord global et constituent un tout indissociable. En conséquence, et sous réserve de la réalisation des conditions suspensives visées ci-dessus, chaque soussigné sera tenu de respecter intégralement ses engagements dans les délais impartis sous condition du respect intégral par chaque autre soussigné de ses propres engagements " ;
Considérant que c'est dans ces conditions que l'ordonnance de non conciliation a été rendue le 10 mars 2004, l'assignation délivrée le 31mars 2004 et les cessions du fonds de commerce, pour la somme totale de 1. 067. 143 euros, et du bail commercial signées, le 9 avril 2004, entre la SET et la société par actions simplifiée unipersonnelle constituée par M. Louis Michel X... ; qu'à cette même date les époux ont acquiescé, en application des dispositions des articles 409 et 410 du code de procédure civile et 49 du décret du 5 décembre 1975, à la décision ayant pris acte de leur double aveu ; que, le 5 mai 2004, M. Louis Michel X... a conclu au prononcé du divorce, à la confirmation des mesures provisoires et à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à prestation compensatoire ; que le 1er septembre 2004, M. Louis Michel X... a conclu de façon récapitulative aux mêmes fins s'agissant de la prestation compensatoire, précisant que " malgré les disparités financières importantes, il entend renoncer au bénéfice d'une prestation compensatoire " ;
Considérant, dès lors que l'instance en divorce est engagée, que les époux sont maîtres de leurs droits s'agissant de la prestation compensatoire dont ils ont la libre disposition ; que M. Louis Michel X..., son droit étant ouvert, a pu valablement y renoncer ; que sa renonciation non équivoque au bénéfice d'une prestation compensatoire ne saurait être déclarée nulle au motif qu'elle est intervenue avant la fixation de celle-ci par le juge ; que la question est de savoir si M. Louis Michel X... a pu ensuite valablement rétracter cette renonciation ;
Considérant que cette renonciation, confirmée après l'acquiescement des époux au divorce, fait partie d'un accord global ; qu'il importe peu que le théâtre de la Gaîté Montparnasse ait pu être cédé au prix du marché dans la mesure où la décision même de cession a, à l'évidence, pour cause la renonciation du mari à solliciter une prestation compensatoire ; que la nullité des différents protocoles d'accord signés par les parties et des actes conclus en exécution n'est pas poursuivie ; que ces actes, indissociablement liés sauf à mettre en cause leur économie générale, ne sont pas contraires à l'ordre public et font la loi des parties ; que M. Louis Michel X... n'a donc pu valablement revenir sur sa renonciation par des conclusions postérieures ; que le jugement ayant dit irrecevable la demande de prestation compensatoire sera confirmé ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que M. Louis Michel X..., qui succombe, doit supporter les dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise, et ne saurait bénéficier d'une indemnité pour frais de procédure ; qu'il convient d'allouer à Mme Colette Z..., au titre des frais judiciaires non taxables exposés en appel, la somme de 5. 000 euros ;
PREND LA DÉCISION SUIVANTE,
Dit l'appel recevable ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne, en outre, M. Louis Michel X... à payer à Mme Colette Z... la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Condamne M. Louis Michel X... aux dépens d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par la SCP Duboscq-Pellerin, avoué, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE