Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre-Section A
ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2008
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 16977
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2007- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 03 / 00387
APPELANTE
Madame Anne-Marie X... épouse Y...
née le 27 avril 1949 à PARIS 8ème
de nationalité française
profession : directeur de sociétés
demeurant...
représentée par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoués à la Cour
assistée de Maître Christian Z..., avocat plaidant pour la SCP Z... VAISSE et Associés, avocats au barreau de PARIS, toque : R 038
INTIMÉES
Madame Evelyne A... veuve X...
née le 15 décembre 1942 à PARIS 12ème
de nationalité française
sans profession
demeurant... SUR SEINE
Mademoiselle Sandrine X...
née le 20 juillet 1973 à PARIS 14ème
de nationalité française
sans profession
demeurant...
représenté par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour
assistées de Maître Philippe B..., avocat plaidant pour la SCP COTTY VIVANT MARCHISIO B..., avocats au barreau de PARIS, toque : R 59
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Présidente
Madame Dominique REYGNER, Conseillère
Madame Isabelle LACABARATS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats : Madame Nathalie C...
lors du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, présidente et par Madame Christiane BOUDET, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
CamilleD... veuve X... est décédée le 5 août 1997, laissant pour lui succéder ses deux enfants :
- Anne-Marie X... épouse Y...
- Jean-Luc X..., lequel est décédé le 12 décembre 1997, laissant
* son épouse, Evelyne A...,
* sa fille, Sandrine X....
L'acte de partage de la succession de CamilleD... veuve X... a été signé le 27 février 1998.
Après un jugement d'incompétence du tribunal de grande instance de Nanterre du 14 novembre 2002, Madame Anne-Marie Y... a assigné Madame Evelyne X... et Mademoiselle Sandrine X... devant le tribunal de grande instance de Paris en rescision de cet acte de partage.
Par jugement du 27 septembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit Madame Anne-Marie Y... épouse Y... irrecevable en sa demande de rescision du partage pour dol et mal fondée en sa demande de rescision du partage pour lésion,
- débouté les défenderesses de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné Madame Anne-Marie Y... épouse Y... aux dépens et au paiement à Madame Evelyne X... et à Mademoiselle Sandrine X... d'une somme de 4 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 11 septembre 2008, Madame Anne-Marie Y... épouse Y..., appelante, demande à la cour, infirmant le jugement, de :
- dire recevable son action sur le fondement du dol,
- ordonner la rescision du partage pour dol,
- ordonner une expertise,
subsidiairement,
- ordonner la rescision du partage pour cause de lésion,
plus subsidiairement,
- ordonner une expertise,
- dire qu'il sera procédé à un nouveau partage,
- débouter les intimées de leur demande reconventionnelle,
- condamner solidairement Madame Evelyne X... et Mademoiselle Sandrine X... aux dépens et au paiement d'une somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures du 5 septembre 2008, Madame Evelyne A... veuve X... et Mademoiselle Sandrine X..., qui relèvent appel incident, entendent voir :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit Madame Anne-Marie Y... irrecevable en sa demande de rescision du partage pour dol et mal fondée en sa demande de rescision du partage pour lésion,
- réformer le jugement et condamner Madame Anne-Marie Y... à leur payer chacune une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,
y ajoutant,
- condamner Madame Anne-Marie Y... aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 80 000 euros à chacune d'elles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
SUR LE DOL
Considérant que le premier juge a estimé l'action en rescision pour dol de Madame Anne-Marie Y... irrecevable au motif qu'elle avait aliéné une partie de son lot après la découverte du dol prétendu ;
Qu'à l'appui de son appel, Madame Anne-Marie Y... soutient en substance que sur leur insistance, elle a accepté l'attribution à sa belle-soeur et à sa nièce de l'ensemble des actions de la société LES FRERES X... dont elle s'est vue imposer la valorisation proposée par un expert mandaté par son frère avant son décès, dont elle n'avait jamais vu le rapport et qui l'a mise en condition en évoquant une situation financière difficile de l'entreprise ; que si elle a eu par la suite connaissance d'évaluations supérieures, elle n'a eu connaissance du dol dont elle avait été victime que lorsque, sur décision judiciaire, ce rapport lui a été communiqué le 3 septembre 2004, soit postérieurement aux cessions de certains lots de la succession ;
Considérant qu'en vertu de l'article 892 du code civil, le cohéritier qui a aliéné son lot en tout ou partie, n'est plus recevable à intenter l'action en rescision pour dol ou violence prévue à l'article 887 si l'aliénation qu'il a faite est postérieure à la découverte du dol ou à la cessation de la violence ;
Qu'en l'espèce, il est établi et d'ailleurs non contesté par Madame Anne-Marie Y... que depuis le partage intervenu en février 1998, elle a vendu le 22 février 1999 un immeuble situé à Touques et le 26 février 1999 un appartement situé... provenant de la succession de Camille LISSAC ; qu'elle a encore cédé le 3 mai 2004 à la société OPTIC EVOLUTION les 3 261 actions de la société LES FRERES X... qui lui avaient été attribuées par l'intermédiaire de la société SIVICOM dont elle détenait le contrôle à la suite du partage ;
Qu'il n'est pas formellement démontré que Madame Anne-Marie Y... ait eu connaissance au moment du partage du rapport établi à la demande de Monsieur Jean-Luc X... par Monsieur E..., expert comptable, au vu duquel les actions de la société LES FRERES X... ont été évaluées à 106 francs, qui lui a été communiqué le 3 septembre 2004 sur décision du juge de la mise en état et qui lui aurait révélé le dol dont elle se dit victime ;
Mais que dans un courrier du 15 novembre 2000 à Madame Evelyne X..., elle évoque déjà sa " mauvaise foi ", dénonçant son refus de communication du rapport E... elle met en doute " l'honnêteté du procédé " et lui fait part de son intention d'interroger ses conseils sur " les voies judiciaires permettant de remettre en cause le partage " ; que dans son assignation du 20 septembre 2001 devant le tribunal de grande instance de Nanterre tendant à la rescision du partage pour cause de lésion, invoquant le refus de communication du rapport E... qui semblait avoir effectué une évaluation catastrophique de la société et l'intervention de ce dernier pour que les héritiers abandonnent le compte courant de Camille LISSAC au motif que son remboursement occasionnerait pour la société une situation financière insupportable, voire un dépôt de bilan, elle affirme avoir été " trompée " sur la valeur des actions de la société LES FRERES X... ;
Qu'il résulte suffisamment de ces éléments que Madame Anne-Marie Y... avait dès ce moment conscience du dol dont elle se dit victime et n'était plus recevable à l'invoquer devant le tribunal par conclusions du 7 décembre 2004 alors qu'elle avait entre temps, cédé les parts de la société LES FRERES X... le 3 mai 2004 ;
Qu'au demeurant, Madame Anne-Marie Y..., qui était entourée dans le cadre des opérations de partage de ses propres conseils à même de la renseigner sur la valeur de l'entreprise, ne précise pas en quoi la connaissance de ce rapport lui aurait permis de découvrir le dol invoqué ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
SUR LA LESION
Considérant qu'en vertu de l'article 887 du code civil, les partages peuvent être rescindés lorsqu'un des co-héritiers établit, à son préjudice, une lésion de plus du quart et qu'en application de l'article 890, pour juger s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage ;
Considérant que le premier juge ayant notamment relevé que Madame Anne-Marie Y..., qui prétendait qu'elle aurait dû recevoir 40 837 863, 30 francs alors qu'elle avait reçu 32 509 931, 80 francs, ne pouvait invoquer une lésion de plus du quart, celle-ci prétend en premier lieu devant la cour qu'il y aurait lieu de tenir compte d'une lésion inférieure au quart en raison de la volonté manifestée par la défunte de ne pas accepter une autre source d'inégalité entre ses héritiers que celles résultant de ses dispositions testamentaires et que l'évaluation dérisoire des actions LISSAC génère une " lésion suffisante " dont une expertise devra déterminer l'ampleur ;
Que si Camille LISSAC a, par testament du 20 novembre 1979, institué ses deux enfants ses légataires universels avec la précision qu'ils auraient chacun vocation à la moitié de sa succession, elle a, par codicilles des 21 mai et 26 décembre 1986 légué à son fils, en plus de sa part, les bureaux qu'elle possédait dans la Tour Gamma et la nue propriété d'un studio et parking à Fontenay sous Bois et qu'il ne résulte pas de ces actes une volonté certaine de la testatrice d'exclure qu'un héritier puisse bénéficier d'une autre source d'inégalité que celle définie par ses legs préciputaires et d'imposer une égalité plus rigoureuse que celle résultant des dispositions légales et dont le respect exigerait que soit prise en considération une lésion de moins d'un quart ;
Considérant qu'après avoir critiqué la méthode suivie par Monsieur E... pour dénoncer une minoration de la valeur des actions de la société LES FRERES X... retenue dans le cadre du partage, Madame Anne-Marie Y... se prévaut d'une étude de l'entreprise par Monsieur POLACK, commissaire aux comptes, datée de janvier 2001, qui ne peut être retenue dès lors qu'elle prend en compte les résultats dégagés par l'entreprise de 1997 à 1999, soit postérieurement au partage et qu'elle diffère sensiblement d'une autre étude établie en avril 2001 par Monsieur POLACK produite par les consorts Y... dans le cadre d'une procédure arbitrale ayant opposé les parties ; qu'encore, alors qu'il résulte des courriers adressés par ce dernier à Jean-Luc X... les 11 et 23 décembre 1997 qu'il avait à l'époque été précisément mandaté par Madame Anne-Marie Y..., dans le cadre de la liquidation de la succession de Camille LISSAC, pour procéder à une évaluation des titres des sociétés LES FRERES X... et SIVICOM, cette évaluation, dont l'appelante était donc à même de se prévaloir dans le cadre du partage, n'est pas produite ;
Que Madame Anne-Marie Y... ne peut plus utilement invoquer le prix de cession de 399, 09 euros l'action obtenu en 2004, soit 6 ans après le partage ;
Que l'administration des impôts, qui a de son côté procédé à un redressement fiscal finalement arrêté sur la base 208 francs l'action, avait d'abord estimé à 445 francs la valeur de l'action à la date du partage mais qu'à supposer que cette valeur doive être retenue, les conditions légales de la lésion ne seraient pas atteintes ;
Qu'ainsi, l'appelante, qui n'apporte aucun élément sérieux sur la valeur prétendue de l'action LES FRERES LISSAC à l'époque du partage et son incidence sur l'équilibre de ce partage n'établit pas l'existence d'une lésion de plus du quart dont la charge de la preuve lui incombe ;
Que c'est à juste titre que, rappelant qu'il n'appartenait pas au juge d'ordonner une mesure d'instruction pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, le tribunal a enfin débouté Madame Anne-Marie Y... de sa demande d'expertise ;
Que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS
Considérant que le présent litige témoigne d'un acharnement procédural partagé qui s'inscrit dans un contexte de conflit autant économique que familial et que les intimées ne démontrent pas que Madame Anne-Marie Y... ait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice ni qu'il en soit résulté pour elles un préjudice distinct de celui qui sera indemnisé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elles seront en conséquence déboutées de leur demande de dommages et intérêts ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement,
DEBOUTE les parties de toutes demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE Madame Anne-Marie Y... aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et au paiement à Madame Evelyne A... veuve X... et Mademoiselle Sandrine X... d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du même code.
La Greffière, La Présidente,