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22/10/2008 | FRANCE | N°08/16635

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0149, 22 octobre 2008, 08/16635


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

14ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2008

(no , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16635

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Août 2008 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG no 08/00660

APPELANTE

S.A. BOULANGER agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

Rue de la Haie Plouviers

59273 FRETIN

représentée p

ar la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cou

assistée de Maître Pascal GASTEBOIS avocat plaidant pour HWH toque R 188

INTIMEES
...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

14ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2008

(no , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16635

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Août 2008 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG no 08/00660

APPELANTE

S.A. BOULANGER agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

Rue de la Haie Plouviers

59273 FRETIN

représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cou

assistée de Maître Pascal GASTEBOIS avocat plaidant pour HWH toque R 188

INTIMEES

Syndicat FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE SERVICES ET FORCE DE VENTE pris en la personne de ses représentants légaux

197 rue du Faubourg Saint Martin

75010 PARIS

représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour

assistée de Maître Thierry DOLIEB avocat PARIS Toque 1272

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFTC DU VAL DE MARNE prise en la personne de ses représentants légaux

11-13 rue des Archives

94010 CRETEIL CEDEX

représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour

assistée de Maître Thierry DOLIEB avocat PARIS Toque 1272

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2008, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur Marcel FOULON, Président

M. Renaud BLANQUART, Conseiller

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Raymonde FALIGAND

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur Marcel FOULON, Président

- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER, greffier présent lors du prononcé.

***********

Le dimanche 11 novembre 2007, la DDTE du Val de Marne a constaté que des salariés de la SA BOULANGER ( plus loin "BOULANGER" ) travaillaient dans le magasin "BOULANGER" au centre commercial THIAIS VILLAGE, à THIAIS, après avoir constaté que ce magasin était ouvert tous les dimanches depuis le 29 août 2007, alors que ladite société ne pouvait se prévaloir d'aucune dérogation préfectorale lui permettant une telle ouverture le dimanche.

Par jugement du Tribunal de Police d'Ivry sur Seine du 15 mai 2008, BOULANGER a été déclarée coupable de 424 contraventions, pour avoir donné à des salariés le repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche.

Après avoir été autorisés à assigner d'heure à heure, par acte des 5 et 6 mai 2008, la fédération des syndicats CFTC commerce services et force de vente ( plus loin " la CFTC-CSFV" ) et l'union départementale des syndicats CFTC du Val de Marne ( plus loin "l'UD CFTC" ) ont assigné en référé 23 sociétés, parmi lesquelles BOULANGER, pour voir constater qu'exploitant dans le centre commercial "THIAIS VILLAGE", elles ne respectaient pas les dispositions de l'article L 221-5 du Code du travail, qu'elles n'avaient fourni aucune autorisation administrative de dérogation dominicale prévues aux articles L 226 et R 221-1 du Code du travail, d'interdire à ces sociétés toute opération commerciale réalisée en contravention avec l'article L 221-4 du Code du travail, sous astreinte de 2.500 € par infraction constatée et par salarié.

Par acte du 10 juin 2008, la CFTC-CSFV et l'UD CFDT ont assigné Madame B..., gérante de la boutique HEYTENS dans le même centre commercial aux mêmes fins.

Par conclusions d'intervention volontaire, l'union départementale des syndicats confédérés FORCE OUVRIERE du Val de Marne ( plus loin "l'UD FORCE OUVRIERE" ) et la fédération des employés et cadres FORCE OUVRIERE ( plus loin " la fédération FORCE OUVRIERE" ) sont intervenus volontairement à l'instance, aux mêmes fins.

Par ordonnance du 21 août 2008, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL a :

- dit irrecevable la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé les requérants à assigner en référé d'heure à heure,

- prononcé la jonction des procédures susvisées,

- donné acte à l'UD FORCE OUVRIERE et à la fédération FORCE OUVRIERE de leur intervention volontaire,

- prononcé la disjonction des instances opposant, d'une part, les syndicats demandeurs aux sociétés et, d'autre part, les intervenants volontaires à ces sociétés,

- renvoyé cette dernière instance à une autre audience,

- rejeté les demandes de sursis à statuer,

- rejeté les demandes de médiation,

- rejeté les demandes de nullité de l'ordonnance sur requête, de rétractation de ladite ordonnance et du procès-verbal du 24 février 2008,

- rejeté la nullité des actes accomplis par les représentants des syndicats requérants et dit leurs demandes recevables,

- constaté l'intérêt à agir des syndicats requérants,

- constaté l'existence d'une contestation sérieuse s'agissant des demandes visant la société HEYTENS et Madame B...,

- constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite causé par les sociétés défenderesses aux requérants,

- interdit aux sociétés défenderesses d'employer des salariés le dimanche en violation de l'article L 3132-3 du Code du travail et ce, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée et par salarié,

- dit que la CFTC-CSFV et l'UD CFTC, pourraient se faire assister par l'huissier de leur choix pour faire procéder à tout constat de la violation de l'interdiction prononcée par cette ordonnance et, notamment, se faire communiquer tout document justifiant de l'identité et de la qualité de salarié du personnel travaillant sur place, et recueillir les dires des clients et de tout sachant,

- condamné chacune des parties défenderesses à l'exception de la société HEYTENS, de Madame B... et de la société DECATHLON à payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du CPC à chacun des syndicats requérants,

- condamné les syndicats requérants à payer à la société HEYTENS la somme de 500 € au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné in solidum les défenderesses à l'exception de la société HEYTENS, de Madame B... et de la société DECATHLON aux dépens,

- condamné in solidum les syndicats requérants à supporter les dépens afférents à l'action introduite par eux à l'encontre de la société HEYTENS,

- dit n'y avoir lieu à exécution sur minute de cette décision.

Le 26 août 2008, la SA BOULANGER a interjeté appel de cette décision. Elle a été autorisée à plaider à jour fixe à la date du 30 septembre 2008. L'appelante, à sa demande, a été autorisée, par le Président de cette chambre, à assigner pour l'audience du 10 septembre 2008, ce qu'elle a fait.

Dans ses conclusions du 10 septembre 2008, auxquelles il convient de se reporter, la SA BOULANGER fait valoir :

- que l'assignation introductive d'instance est nulle du fait du défaut de pouvoir des syndicats intimés, que cette assignation a été délivrée à la demande de la CFTC-CSFV "représentée par son président", alors qu'il n'est versé aucune délibération du congrès fédéral, instance suprême de ce syndicat, prouvant qu'une décision concernant une action à engager à son encontre a été prise dans les conditions de majorité prévues aux statuts de ce congrès, qu'après l'audience de renvoi, deux pouvoirs supplémentaires ont été produits, qui sont insuffisants à couvrir l'irrégularité de la délibération du "bureau" dans la mesure où 8 signatures étaient exigées pour que l'acte soit valable, que l'assignation a également été délivrée à la demande de l'UD CFTC, "représentée par son président", que si ce dernier peut agir en justice, le conseil ou le bureau de cette union donnent mandat à des militants pour agir en leur nom, que le président aurait donc dû recevoir un mandat pour agir en justice, ce dont il n'a pas été justifié, que les action et demandes sont, donc, irrecevables,

- que le procès-verbal de constat établi par Maître DI PERI le 24 février 2008 est nul, puisque cet huissier ne lui a pas remis une copie de la requête préalable du 20 février 2008 et de ses pièces lors du déroulement des mesures d'instruction,

- que la demande initiale des intimées de lui voir interdire toute opération commerciale dans le centre Thiais Village est irrecevable devant le juge des référés, seule une interdiction de faire travailler des salariés le dimanche sans autorisation pouvant être demandée et prononcée,

subsidiairement,

- qu'une autorisation préfectorale de déroger à la règle du repos dominical a été accordée le 18 août 2008, qu'elle a reçue le 21 août 2008 et dont le premier juge n'a pas eu connaissance en temps utile, que les dispositions de l'ordonnance entreprise créent une situation irréversible et d'une gravité importante dans la mesure où il y a une différence de traitement avec la société DECATHLON, qui bénéficiait d'une telle dérogation, que l'arrêté du 18 août 2008 n'a pas été "retiré", comme le prétendent les intimées, mais remplacé, le 28 août suivant par un autre arrêté prenant en compte exclusivement la nouvelle codification du Code du travail, que le premier, comme le second de ces arrêtés, ont produit leur effet, que la Cour devant apprécier la réalité du trouble à la date où elle statue, force est de constater que le trouble manifestement illicite invoqué n'existe plus, que seule est à considérer la prise d'effet des arrêtés considérés et non pas son opposabilité,

subsidiairement,

- qu'elle est susceptible de se prévaloir des dispositions de la loi du 3 janvier 2008 qui instaure une dérogation légale au repos dominical au bénéfice des établissements de commerce de détail d'ameublement, le juge des référés n'étant pas "compétent" pour écarter, à son profit, le bénéfice de cette loi, que le trouble manifestement illicite doit s'apprécier au regard du contexte juridique de chaque situation, que la notion d'établissements de commerce de détail d'ameublement n'existe pas dans la nomenclature des activités françaises, qu'elle est classée, par l'INSEE, en tant que commerce de détail d'appareils électro-ménagers en magasin spécialisé, que, dans cette nomenclature, l'équipement du foyer regroupe les commerces de détail d'appareils électroménagers en magasin spécialisé et le commerce de détail de meubles en magasin spécialisé, que la réglementation sur l'urbanisme commercial fait référence à un sous-secteur "équipement" qui regroupe les activités de commerce au détail de meubles et les commerce de détail d'appareils électroménagers, qu'elle commercialise des meubles, au regard de la signification des termes "meuble", "ameublement" et de la qualification de "meubles meublants" des appareils électroménagers, que les intimées ne caractérisent, donc, pas le trouble manifestement illicite qu'elles invoquent, le juge des référés ne pouvant interpréter la loi, que l'intention du législateur n'était pas de réserver la dérogation légale aux seuls établissements de négoce de meubles, la mention faite aux établissements de détail d'ameublement lui permettant de bénéficier de cette dérogation légale, qu'une des dérogations légales de l'article 3132-12 du Code du travail n'est pas réservée aux établissements ayant pour activité principale celle visée par la dérogation, que la Cour de cassation interprète de façon large les cas de dérogation à la règle du repos dominical, que le juge des référés n'est pas "compétent" pour écarter à son profit les dispositions de la loi du 3 janvier 2008,

- que les intimées justifient du recours qu'elles ont formé contre les arrêtés préfectoraux dont elle a bénéficié, que ce recours, même s'il est suspensif, ne permet pas de conclure à l'existence d'un trouble manifestement illicite, que ce recours n'a pas été porté à sa connaissance, que les intimées ne démontrent pas qu'elle aurait embauché des salariés le dimanche depuis le dépôt de ce recours.

Elle demande à la Cour :

- d'annuler l'assignation introductive d'instance,

- de dire la CFTC-CSFV et l'UD CFTC irrecevables en leur action et leurs demandes,

- de prononcer la nullité du procès-verbal établi le 28 février 2008 par Maître DI. PERI,

- de débouter les intimés de leurs demandes,

Subsidiairement,

- de dire qu'il n'existe pas de trouble manifestement illicite ni urgence, justifiant l'interdiction requise,

- de dire n'y avoir lieu à référé,

- de débouter les intimés de leurs demandes,

- de les condamner chacun au paiement d'une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC,

- de les condamner aux dépens, dont distraction au profit de la SCP MONIN D'AURIAC DE BRONS, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Dans leurs dernières conclusions en date du 10 septembre 2008, auxquelles il convient de se reporter, la CFTC-CSFV et l'UD CFTC font valoir :

- que l'usage de la procédure à jour fixe ne s'imposait pas alors que la dérogation préfectorale accordée suspendait les effets de l'ordonnance entreprise,

- qu'elles ont déposé la liste de leurs dirigeants bien avant d'assigner et ont, donc, une existence légale, qu'il leur est reconnu par le code du travail un droit général d'ester en justice, leur intérêt à agir étant constant, que la délibération désignant le président de la CFTC CSFV a été prise à la majorité de 8 voix sur 15 membres du bureau, deux des 6 personnes l'ayant votée disposant de 2 procurations, que le 21 janvier 2008, le bureau fédéral a réitéré l'autorisation d'ester en justice donnée à son président, après confirmation, par l'inspection du travail, de la rédaction prévue de procès-verbaux d'infractions, que s'agissant de l'UD CFTC, la qualité conférée à son président pour ester en justice implique, sauf dispositions statutaires, le pouvoir de décider de l'opportunité de l'action en justice, que, selon les termes des statuts de l'UD CFTC, son président peut agir en justice, aucune disposition ne confiant ce pouvoir à un autre organe statutaire,

- que les appelantes ne contestent pas employer en toute illégalité des salariés le dimanche, ce qui constitue un trouble manifestement illicite,

- que les dérogations dont se prévaut l'appelante ont été retirées rétroactivement suivant arrêté du 28 août 2008 ayant effet rétroactif, que l'appelante n'a bénéficié d'une dérogation qu'à compter du 28 août 2008, que le principe de non-rétroactivité des actes administratifs est un principe général du droit, que les dérogations invoquées sont réputées n'avoir jamais existé, que les dérogations invoquées n'ayant pas été publiées avant le prononcé de l'ordonnance entreprise, c'est à bon droit que le premier juge a constaté le trouble manifestement illicite, que dès lors qu'il est accordé une dérogation, il n'existe plus d'infraction aux règles du repos dominical, aucune astreinte ne pouvant être alors liquidée, qu'elles ont formé un recours en annulation des dérogations accordées, que ce recours est, de plein droit, suspensif, que le trouble étant actuel, la Cour ne peut que confirmer l'ordonnance entreprise,

- que l'existence d'un projet de loi est sans incidence sur l'état actuel de la législation,

- que la société BOULANGER n'a pas déclaré, en sollicitant une dérogation administrative, avoir une activité de vente de meubles, que le législateur a entendu limiter strictement l'exception du commerce d'ameublement au principe du repos hebdomadaire, que la société BOULANGER n'a pas pour activité principale le commerce de détail d'ameublement,

- que, s'agissant de la validité du constat d'huissier du 24 février 2008, la Cour de cassation a décidé que la seule remise de l'ordonnance sur requête était suffisante si elle permettait à son destinataire de connaître la portée de la requête, que tous les huissiers ont attesté avoir remis la requête aux appelantes, s'agissant d'un document unique, que la remise de la requête est une formalité dont l'omission est une nullité de forme, que ce moyen de nullité doit être invoqué avant toute défense au fond et suppose la démonstration d'un grief, que ce moyen n'a pas été soulevé in limine litis, les sociétés appelantes n'alléguant aucun grief, alors qu'elles ont pu, en lisant l'ordonnance, contrôler la légalité de la mesure de constat, que l'emploi irrégulier de salariés le dimanche a été constaté également par procès verbaux dressés le 11 novembre 2007 de l'inspection du travail, que les procès-verbaux de constat d'huissiers litigieux ne font que confirmer la poursuite d'une infraction avérée,

- que le recours à la procédure d'appel à jour fixe est manifestement abusif.

- que le simple rappel de la succession de décisions et d'actions diligentées par elles depuis le mois de septembre 2007, démontre à lui seul l'urgence à statuer, un défaut d'urgence ne pouvant se déduire de l'ancienneté de la situation dénoncée, qu'aucune tolérance ne peut autoriser la poursuite d'une activité illicite,

Elles demandent à la Cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

- de condamner l'appelante à payer à chacune d'elles la somme de 1.000 € pour procédure abusive,

- de condamner l'appelante à payer à chacune d'elles la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- de condamner l'appelante, solidairement avec d'autres appelantes, dans le cadre de procédures voisines, mais distinctes, aux dépens, dont distraction au profit de Maître GUIZARD, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Le 11 septembre 2008, la Cour, compte tenu de la fixation rapide de cette affaire et du dépôt de nouvelles conclusions en tout début d'audience, a demandé aux intimées, s'agissant de la présente procédure, de répondre aux moyens et arguments figurant dans les dernières conclusions de leurs contradicteurs par des notes en délibéré.

Par note en délibéré du 16 septembre 2008, la CFTC CSFV et l'UD CFTC font valoir que le législateur a conféré au recours en annulation diligenté à l'encontre d'une dérogation à la règle du repos dominical un effet suspensif automatique et de plein droit, indépendamment du sens du jugement à intervenir, qu'il y a lieu, en conséquence, de constater qu'un tel recours a été diligenté, qu'il a un effet suspensif et que l'appelante ne peut, donc, employer des salariés le dimanche, que les appelantes ne sauraient demander à la Cour de considérer qu'une infraction pénale ne constituerait pas un trouble manifestement illicite, qu'à toutes fins, elles communiquent une pièce justifiant de la notification de leurs recours par le Tribunal administratif de Melun.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la régularité de l'assignation, eu égard à la qualité pour agir et de l'intérêt à agir de la CFTC CSFV

Considérant que la CFTC CSFV justifie de ce qu'elle a, le 11 juin 2007, déposé ses statuts et la liste des membres de son bureau à la Mairie de Paris, qui lui en accusé réception le 13 juin suivant ; que ce dépôt, antérieur à l'acte introductif d'instance, qu'il constitue un premier dépôt ou un renouvellement d'un dépôt antérieur, atteste de son existence légale ;

Que, syndicat professionnel, la CFTC CSFV a le droit d'ester en justice relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente, conformément aux dispositions de l'article L 411-11 du Code du travail, devenu l'article L 2132-3 du même code ; que son intérêt à agir, pour voir respecter les règles du repos dominical, en ce que leur non-respect est susceptible d'occasionner un préjudice évident à l'intérêt de la profession qu'elle représente, est manifeste ;

Sur la qualité à agir du président de la CFTC CSFV

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 28 bis des statuts de la CFTC CSFV, "sur mandat du bureau fédéral, le président représente la fédération devant toute procédure judiciaire qui concernerait de manière directe ou indirecte la fédération ou les missions dont elle a en charge la défense" ;

Que ces disposition rendent nécessaire la délivrance d'un mandat spécial au président considéré ;

Qu'un tel mandat a été délivré à ce président le 7 novembre 2007 ;

Qu'en vertu des dispositions des articles 29 et 30 des mêmes statuts, le bureau fédéral de la CFTC CSFV ne peut prendre de décisions sans que le quorum de la moitié de ses membres soit réuni ;

Que, sur les 15 membres du bureau fédéral considéré, 6 personnes ont, le 7 novembre 2007, mandaté le président de la CFTC CSFV pour agir en justice, dans le cadre de la présente procédure, 2 d'entre elles disposant, en outre, de pouvoirs délivrés par deux autres membres, le 2 et le 5 novembre 2007, dont l'existence et la régularité ne sont pas contestées ;

Qu'ainsi, le mandat contesté a été délivré par 8 personnes, dans le respect du quorum prévu par les statuts de l'intimée ; que l'appelante ne justifie pas de l'absence de mandat qu'elle invoque, au seul motif que les titulaires de pouvoirs auraient dû signer deux fois la délibération litigieuse, en leurs noms et aux noms de leurs mandants ;

Que les conditions de la délibération considérée, non contestées, sont suffisamment établies ;

Qu'au demeurant, le 21 janvier 2008, soit avant la délivrance de l'acte introductif d'instance, le bureau fédéral de la CFTC CSFV, dont 13 membres étaient présents et deux représentés, a "réitéré l'autorisation donnée à son président, le 7 novembre 2007, d'agir en justice à l'encontre des commerçants du centre commercial THIAIS VILLAGE et, en tant que de besoin, donné mandat à nouveau à ce président, pour toute procédure ... afin de faire respecter les dispositions légales relatives au repos hebdomadaire", sans que les conditions de réitération de ce mandat soient contestées ;

Que c'est à juste titre que le premier juge a, donc, constaté qu'il avait été donné mandat spécial d'agir en justice au président de la CFTC CSFV, pour la présente procédure et que ce syndicat avait la capacité d'engager la présente instance ;

Sur la régularité de l'assignation, eu égard à la qualité pour agir et de l'intérêt à agir de l' UD CFTC

Considérant que l'UD CFTC justifie de ce qu'elle a, les 12 janvier 1995 et 8 juillet 2003, déposé ses statuts et la liste des membres de son bureau à la Mairie de Créteil, qui lui en accusé réception les mêmes jours ; que ce dépôt, antérieur à l'acte introductif d'instance, qu'il constitue un premier dépôt ou un renouvellement d'un dépôt antérieur, atteste de son existence légale ;

Qu'ayant pour objet l'étude et la défense des intérêts économiques, professionnels et sociaux, communs aux syndicats et sections de syndicats, l'UD CFTC a le droit d'ester en justice relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente, conformément aux dispositions de l'article L 411-11 du Code du travail, devenu l'article L 2132-3 du même code ; que son intérêt à agir, pour voir respecter les règles du repos dominical, en ce que leur non-respect est susceptible d'occasionner un préjudice évident à l'intérêt de la profession qu'elle représente, est manifeste ;

Sur la qualité à agir du président de l'UD CFTC

Considérant que, selon les dispositions de l'article 34 des statuts de l'UD CFTC, son président représente officiellement l'union et peut agir en justice ;

Que le mandat spécial prévu par l'article 41 des mêmes statuts n'est prévu qu'en ce qui concerne les militants et non le président de l'union ;

Que la qualité conférée au président de l'UD CFTC par l'article 34 des statuts de cette union pour ester en justice implique, à défaut d'autres dispositions statutaires le concernant, le pouvoir de décider de l'opportunité de l'action en justice ;

Que l'UD CFTC, représentée par son président, avait, donc, la capacité d'engager la présente instance ;

Qu'il n'y a lieu à annulation de l'acte introductif d'instance, délivré par des demandeurs recevables en leur action et leurs demandes ;

Sur la régularité du procès-verbal de constat d'huissier établi par Maître DI PERI

Considérant que, devant la Cour, la question de la régularité du procès-verbal de constat d'huissier établi par Maître DI PERI est invoquée in limine litis et, donc, régulièrement ;

Considérant que l'article 495 du CPC stipule, en matière d'ordonnances sur requête, que copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée;

Que la violation de ces dispositions, destinées à faire respecter le principe de la contradiction, ne constitue, donc, pas une simple irrégularité de forme ;

Que les intimées ayant été autorisées, par ordonnance du 21 février 2008, à faire constater l'éventuelle ouverture, un dimanche, du magasin BOULANGER, l'huissier constatant a noté, le dimanche 24 février suivant, avoir remis une copie de cette "ordonnance" à une employée présente dans ce magasin ;

Que l'huissier considéré atteste, par ailleurs, que "toutes les sociétés visitées par ses soins ont été destinataires d'une copie intégrale de la requête du 20 février 2008 et de l'ordonnance du 21 février 2008, remises à la personne désignée, rappelant qu'il s'agissait d'un document unique, l'ordonnance ne pouvant être "10 juin" ( "disjointe", manifestement ) de la requête" ;

Que BOULANGER, qui n'a pas sollicité la rétractation de l'ordonnance d'autorisation de constat du 21 février 2008, ne conteste pas la teneur ou la portée de cette attestation ;

Qu'il n'y a, donc, lieu à annulation du procès-verbal de constat du 24 février 2008 ;

Considérant, au surplus, que la décision dont les intimées demandent la confirmation consistant à interdire pour l'avenir l'ouverture du magasin BOULANGER, à Thiais, le dimanche, au vu de constatations répétées et non contestées de la DDTE d'une telle ouverture tous les dimanches depuis le 29 août 2007 et le 11 novembre suivant, indépendamment du constat d'une nouvelle ouverture par huissier, le dimanche 24 février 2008, l'annulation requise ne saurait justifier, à elle seule, l'infirmation de l'ordonnance entreprise ;

Sur le fondement de la demande

Considérant que les intimées n'ont saisi le premier juge qu'en invoquant l'existence d'un trouble manifestement illicite ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 809 alinéa 1 du CPC, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Que l'application de ces dispositions n'est pas subordonnée à la preuve d'une urgence;

Sur la la loi applicable en matière de repos hebdomadaire

Considérant que l'acte introductif d'instance ayant été délivré après le 1er mai 2008, la codification du Code du travail applicable à compter de cette date est applicable au présent litige ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 3132-3 du Code du travail, le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche ;

Que la violation de ces dispositions de la loi est constitutive d'une infraction pénale ;

Qu'en vertu des dispositions de l'article L 3132-20 du Code du travail, lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet, un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l'établissement ;

Que la loi no2008-3 du 3 janvier 2008 a, en outre, modifié les dispositions de l'article L 221-9 du Code du travail, se référant à son ancienne codification, en ce que sont, désormais, admis de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement les établissements appartenant à diverses catégories, parmi lesquelles les établissements de commerce de détail d'ameublement ;

Sur la dérogation administrative accordée à BOULANGER

Considérant que BOULANGER justifie avoir obtenu, par arrêté préfectoral du 18 août 2008, modifié le 28 août suivant, eu égard à la nouvelle codification du Code du travail, une dérogation administrative lui permettant d'employer du personnel le dimanche, selon les critères d'une charte sociale portant sur le travail dominical en Val de Marne et les engagements de l'entreprise, à compter de la date de notification des arrêtés considérés, intervenue, s'agissant du premier de ces actes, le 21 août 2008 ;

Que le second de ces arrêtés n'a pas "retiré" le premier, mais l'a "remplacé", selon ses propres termes, en le modifiant, renouvelant, donc, la dérogation accordée ; qu'aucun de ces actes n'a d'effet rétroactif ;

Que seule la notification de ces arrêtés à la société considérée, le 21 août 2008, pour le premier, leur a donné effet, sans que cette circonstance soit conditionnée à une publication;

Que les intimées justifient, pour leur part, avoir, le 5 septembre 2008, formé un recours en annulation des deux arrêtés susvisés ;

Qu'en vertu des dispositions de l'article L 3132-24 du Code du travail, les recours présentés contre les décisions prévues aux articles L 3132-20 et L 3132-23 du même code ont un effet suspensif ;

Que BOULANGER ne saurait prétendre que l'existence de ce recours n'a pas été portée à sa connaissance, alors que les intimées justifient de la communication de leur requête, par le Tribunal administratif de Melun à BOULANGER et au magasin BOULANGER, le 15 septembre 2008 ;

Que, du fait de l'effet suspensif du recours engagé par les intimées, BOULANGER ne peut, donc, se prévaloir de la dérogation qu'elle invoque qu'entre le 21 août 2008 et le 15 septembre 2008, l'illicéité de la situation dénoncée n'ayant manifestement cessé qu'entre ces deux dates ;

Sur l'application à BOULANGER de la loi du 3 janvier 2008

Considérant que BOULANGER a, en 2008, demandé à bénéficier de dérogations préfectorales lui permettant d'employer des salariés le dimanche ;

Que, selon ses propres indications venant à l'appui de cette demande, elle a pour activité le "commerce et vente de produits multimédia et d'équipement électroménager", la convention collective relative à l'activité qu'elle exerce dans son établissement de Thiais étant "la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager" ;

Que BOULANGER n'a, donc, pas pour activité principale le commerce de détail d'ameublement ;

Que les intimées justifient de ce que, pendant le cours des débats parlementaires précédant la promulgation de la loi du 3 janvier 2008, une distinction claire a été opérée entre les commerces de détail d'ameublement, devant bénéficier de la loi, et les secteurs de l'équipement de la maison et du bricolage, ne devant pas en bénéficier, un amendement tendant à faire bénéficier ces derniers de la loi ayant été rectifié dans le sens contraire ; qu'en dépit des raisons pour lesquelles un tel amendement a été proposé, le législateur n'a pas prévu de dérogation légale au bénéfice d'autres établissements que ceux précisément et limitativement énoncés ;

Qu'il n'y a lieu, dès lors, pour le juge de l'évidence, de rechercher si, au regard de la nomenclature de l'INSEE ou de "la réglementation sur l'urbanisme commercial" il y aurait lieu d'assimiler des commerces d'ameublements à des commerces de vente de produits multimédia ou d'équipement électroménager ; qu'il n'y a, pas plus, lieu de rechercher si BOULANGER commercialise ou non, de façon principale ou accessoire, des objets qui pourraient être qualifiés de meubles, au sens général du vocabulaire ou du droit ;

Que BOULANGER ne démontre, donc, pas qu'elle bénéficie des dispositions de la loi du 3 janvier 2008 ;

Sur le trouble manifestement illicite

Considérant que la violation des dispositions de la loi est constitutive d'un trouble manifestement illicite, alors au surplus, qu'une telle violation est passible de sanctions pénales ;

Qu'une telle violation de la loi a été constatée au sein du magasin "BOULANGER", à Thiais, de BOULANGER, par la DDTE le dimanche 11 novembre 2007 et "tous les dimanches depuis le 29 août 2007" ; que la persistance de cette violation a été constatée le dimanche 24 février 2008, par huissier, à 10h55 et 14h45, 27 salariés étant, alors, présents ;

Que BOULANGER ne conteste nullement la réalité de ces constatations ; que la dérogation dont elle a bénéficié à compter du 21 août 2008 ne saurait être invoquée par elle comme marquant l'arrêt manifeste et définitif du trouble qui lui est reproché, alors que l'effet de cette dérogation a été suspendu par le recours formé par les intimées et notifié le 15 septembre 2008 ;

Que le trouble manifestement illicite auquel le premier juge a mis fin consiste en un emploi de salariés le dimanche, en l'absence d'autorisation, dont des illustrations ont été récemment constatées, s'agissant de l'appelante, avant la saisine de ce juge ; que la demande des intimées tend à faire cesser ce trouble pour l'avenir, à en prévenir le renouvellement ;

Qu'en sollicitant la confirmation de la décision faisant droit à cette demande, les intimées ne demandent pas à la Cour d'interdire à BOULANGER toute opération commerciale dans le centre Thiais Village ;

Que le premier juge, dont les parties s'accordent à dire qu'il ignorait l'intervention d'un arrêté de dérogation, qui n'a été notifié à la seule appelante que le jour du prononcé de l'ordonnance entreprise, ne pouvait prendre cette circonstance en considération ;

Que la Cour doit, quant à elle, apprécier les éléments portés à sa connaissance au jour où elle statue ;

Qu'en dépit d'une dérogation accordée à l'appelante, qui n'a eu d'effet que du 21 août 2008 au 15 septembre 2008, les constatations d'une pratique persistante et récente de BOULANGER, pratique non autorisée avant le 21 août 2008 et depuis le 15 septembre 2008, justifiaient l'interdiction, pour l'avenir, d'un nouvel emploi de salariés par ces sociétés, un dimanche ;

Que BOULANGER ne prétend pas, au demeurant, avoir abandonné ces pratiques ou avoir l'intention de les abandonner ; que l'interdiction requise est, donc, justifiée et utile, les demandes des intimées étant fondées ;

Qu'il n'y a lieu, pour la Cour, de fonder sa décision sur des dispositions de l'ordonnance entreprise concernant des tiers à la présente procédure d'appel, qui ne lui sont pas soumises ;

Qu'il n'appartient pas aux juges de se substituer au législateur pour considérer qu'une violation de la loi en vigueur ne serait pas constitutive d'un trouble manifestement illicite, au seul motif que cette loi serait susceptible de changement ;

Qu'il y a lieu, dès lors, de confirmer l'ordonnance entreprise ;

Sur les autres demandes

Considérant que ne peut être constitutif d'un abus l'exercice, par une partie, du droit d'exercer un recours qui lui est reconnu par la loi ; qu'il y a lieu de débouter les intimées de leur demande de dommages et intérêts, de ce chef ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimées les frais irrépétibles qu'elles ont exposés pour la présente instance ;

Que l'appelante, qui succombe, devra supporter, in solidum, la charge des dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du CPC ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE SERVICES ET FORCE DE VENTE CFTC CSFV et l'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFTC DU VAL DE MARNE,

Condamne la SA BOULANGER à payer :

- à la FEDERATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE SERVICES ET FORCE DE VENTE, CFTC CSFV, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- à l'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CFTC DU VAL DE MARNE, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

Condamne la SA BOULANGER aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0149
Numéro d'arrêt : 08/16635
Date de la décision : 22/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Créteil, 21 août 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-10-22;08.16635 ?
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