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03/10/2008 | FRANCE | N°333

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0014, 03 octobre 2008, 333


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section B

ARRET DU 03 OCTOBRE 2008

(no 333 , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/18366

Décision déférée à la Cour : décision rendue le 22 Septembre 2006 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions -CIVI- du Tribunal de Grande Instance de PARIS -CIV no 05/00204

APPELANT

Monsieur Jean-Jacques, Lucien, Gaston X...

demeurant ...

75008 PARIS

re

présenté par Me Véronique KIEFFER-JOLY, avoué à la Cour

INTIME

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET d'AUTRES ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section B

ARRET DU 03 OCTOBRE 2008

(no 333 , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/18366

Décision déférée à la Cour : décision rendue le 22 Septembre 2006 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions -CIVI- du Tribunal de Grande Instance de PARIS -CIV no 05/00204

APPELANT

Monsieur Jean-Jacques, Lucien, Gaston X...

demeurant ...

75008 PARIS

représenté par Me Véronique KIEFFER-JOLY, avoué à la Cour

INTIME

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET d'AUTRES

64 rue Defrance

94682 VINCENNES CEDEX

représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assisté de Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1217

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Jacques BICHARD, Président et Anne-Marie GABER, Conseillère, chargés du rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jacques BICHARD, Président

Marguerite-Marie MARION, Conseillère

Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Jacqueline Z...

ARRET : CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président

et par Régine TALABOULMA, Greffière

*******

Vu l'appel interjeté le 20 octobre 2006 par Jean-Jacques X..., piéton de nationalité française victime d'un accident de la circulation le 15 février 2003 à Londres (Royaume Uni), à l'encontre de la décision du 22 septembre 2006 de la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) du ressort du tribunal de grande instance de Paris, qui a déclaré irrecevable la requête de Jean-Jacques X... au regard de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, retenant qu'il n'est pas établi que les faits à l'origine de son préjudice constituent une infraction pénale, «eu égard à la soudaineté et l'imprévisibilité de la traversée du piéton qui est descendu sur la chaussée sans regarder et sans prendre les précautions utiles pour assurer sa propre sécurité, comportement qui revêt incontestablement un caractère en relation causale avec le préjudice»,

Vu les dernières conclusions du 16 mai 2008, par lesquelles Jean-Jacques X..., faisant en particulier valoir que le chauffeur du taxi qui l'a heurté dans un lieu touristique alors qu'il se trouvait sur une piste cyclable et aurait pu l'éviter a commis une infraction involontaire qui lui a causé un grave préjudice moral, corporel et professionnel et qui n'a pas été indemnisé, demande à la Cour de dire que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dit Fonds de garantie, devra lui verser 800.000 euros en application des articles R 50-23 et suivants du Code de procédure pénale, subsidiairement, une provision qui ne saurait être inférieure à 80.000 euros si la cour estime utile d'ordonner une expertise judiciaire aux fins dévaluer les dommages subis, et, en tout état de cause, de lui allouer 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions du 15 mai 2008, par lesquelles le Fonds de garantie, faisant essentiellement valoir que le caractère matériel d'une infraction pénale n'est pas établi, et, subsidiairement, que la demande d'indemnisation ne repose sur aucun élément précis tant financier que corporel, et que celle de provision est excessive en l'absence de documents comptables et d'éléments précis sur le préjudice résiduel, sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions, subsidiairement, la désignation d'un expert médical, et le rejet de la demande d'indemnisation à hauteur de 800.000 euros, plus subsidiairement, la réduction de la provision de 80.000 euros demandée,

Vu l'ordonnance de clôture du 6 juin 2008,

SUR CE,

Aux termes de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à sa personne, lorsque sont réunies certaines conditions (non litigieuses en la cause).

Il n'est pas contesté que ce droit à réparation peut concerner un français victime d'une infraction commise à l'occasion d'un accident de la circulation survenu à l'étranger, mais les parties s'opposent sur l'existence de faits présentant en l'espèce le caractère matériel d'une infraction.

Il sera rappelé que l'accident dont Jean-Jacques X... a été victime s'est produit non loin de la cathédrale Saint Paul à Londres, alors qu'il voulait prendre un bus situé de l'autre côté de la chaussée avec un ami (Michaël B...), qui a vu le flot de circulation et déclare : « Cependant Jean-Jacques est descendu sur la chaussée et a été pratiquement aussitôt heurté par un taxi...Je n'avais pas vu le taxi sauf quand il l'a heurté».

Le chauffeur de taxi (Mario C...), dont l'alcootest s'est révélé négatif (selon déclaration de l'agent Michael D...), a indiqué avoir vu le piéton marcher vers lui sur le trottoir, mentionnant que celui-ci «a tourné la tête pour regarder dans la direction opposée et... est descendu sur la chaussée», et qu'il roulait à environ 20 miles à l'heure (30 km/h) lorsqu'il l'a heurté.

Son passager arrière (Robert E... Collien) a précisé que :

-«La circulation était fluide»,

-le taxi roulait vers l'Est et un «homme est descendu du trottoir sur notre côté gauche environ dix à quinze mètres devant le taxi. Il regardait vers » l'Est,

-«Le chauffeur de taxi n'a pas eu le temps de l'éviter»,.

-il a remarqué que «le pare brise était endommagé près du montant de la portière avant gauche. Le rétroviseur de la portière gauche était cassé et pendait. Il y avait également des traces sur la portière avant gauche» .

Un autre chauffeur de taxi (Benjamin F...), témoin «par la vitre arrière», a déclaré: «depuis la vitre avant passager, la circulation était lente de 5 à 8 mile/heure, j'ai vu le restant de l'accident lorsqu'un piéton est tombé sur le sol en se faisant prendre le bras alors que son ami lui portait secours...A mon avis, je n'ai vu qu'une partie de l'accident, mais de mon expérience... ce tronçon...de route est toujours emprunté par les piétons qui veulent passer de l'autre côté de la route sans regarder, surtout les piétons des pays où on conduit à droite».

Une personne se trouvant sur le trottoir (Suzanne G...), a indiqué avoir vu l'homme «descendre du trottoir et s'avancer sur la voie» Est, ajoutant :

«Il n'a pas regardé où il allait et n'a pas vérifié sur sa droite que la voie était libre. On aurait dit qu'il vérifiait s'il y avait de la circulation du mauvais côté. J'ai vu alors un taxi noir heurter l'homme. Je crois que le taxi ne pouvait absolument pas s'arrêter ni éviter l'homme qui est descendu sur la chaussée sans hésiter. Le taxi noir ne roulait pas à une vitesse excessive».

Lors de l'arrivée de l'agent Stewart H... et du fonctionnaire de police Cari la victime était étendue sur la chaussée.

Jean-Jacques X... soutient que, compte tenu de la fréquentation du quartier, le chauffeur de taxi en cause, professionnel de la route, devait être particulièrement vigilant. Toutefois, le seul fait que l'accident ait pu survenir dans ce contexte ne peut suffire à caractériser une imprudence ou négligence du conducteur alors que les témoins ne font pas état d'une conduite inadaptée de ce dernier.

Jean-Jacques X... prétend également qu'au moment de l'accident il se trouvait sur une piste cyclable (non protégée par une murette) bordant le trottoir sur une largeur de 1,70 mètre. Cependant, il n'est pas réellement établi qu'au moment des faits, après être descendu du trottoir, il était «nécessairement» sur cette piste, alors qu'aucune des personnes présentes n'en a fait mention et que le croquis du point de choc produit, qui ne représente pas la piste cyclable, le situe sur la chaussée (même s'il «n'était pas au milieu» de celle-ci).

Jean-jacques X... estime ensuite que le taxi aurait pu l'éviter. Il se fonde à cet égard sur un calcul de distance de freinage élaboré à partir de la vitesse «lente» mentionnée par le chauffeur du taxi non impliqué dans l'accident. Or, il ne peut être considéré que cette vitesse est forcément exacte, alors que le conducteur du véhicule impliqué, qui n'avait (contrairement à ce qui est soutenu) aucun intérêt à surestimer sa vitesse, a déclaré une vitesse près de trois fois supérieure, compatible avec la circulation fluide évoquée par son passager (dont Jean -Jacques X... souligne la qualité de photographe professionnel, renvoyant implicitement au sens de l'observation de l'intéressé).

Il ne peut pas plus être admis, en retenant la vitesse déclarée par le chauffeur du taxi impliqué, que celui-ci avait le temps de s'arrêter alors que Jean-Jacques X... s'accorde à admettre qu'une distance de 12,76 mètres était alors nécessaire pour ce faire, et que le passager du taxi a estimé que celui-ci se trouvait à une distance de 10 à 15 mètres, ce qui n'exclut nullement l'impossibilité d'empêcher l'accident. Les témoins qui ont pu voir l'ensemble des faits ont d'ailleurs estimé que le conducteur ne pouvait pas éviter le piéton (alors qu'il roulait à une vitesse n'apparaissant pas excessive).

En réalité, Jean-jacques X... qui produit une attestation tendant à démontrer qu'il avait vécu à Londres et connaissait le quartier, est apparu aux témoins (l'ayant vu descendre du trottoir) comme ne prêtant nullement attention à la circulation. Il soutient néanmoins que le chauffeur du taxi n'a pas contrôlé son véhicule en roulant «soit très près de la piste cyclable.. Soit peut être même sur la piste cyclable» ( page 17 de ses écritures). A cet égard, le seul fait que le rétroviseur du taxi ait subi un choc important ou que le taxi ait heurté le bras de Jean-Jacques X... après qu'il soit descendu du trottoir ne suffit pas à établir que le véhicule impliqué débordait de sa voie de circulation, étant rappelé qu'il n'a pas été réellement démontré que la victime était sur la piste cyclable ni que le choc pouvait être évité.

Enfin, le fait que le chauffeur de taxi ne s'est arrêté que 300 mètres après le point de choc ne peut suffire à caractériser une infraction en lien avec le préjudice dont il est demandé réparation alors qu'il est établi que l'intéressé est revenu sur les lieux (avec son passager) dès qu'il s'est arrêté, et a pu ainsi être rapidement contrôlé et entendu lors des constatations effectuées sur place. De même, le fait qu'il n'apparaît pas avoir déclaré l'accident à son assureur est sans incidence pour la solution du présent litige, étant observé qu'au vu du rapport de police le conseil de cet assureur a estimé qu'aucun manquement n'était imputable au conducteur du véhicule impliqué qui paraissait être visible et correctement placé sur la voie, et rouler dans la limite de la vitesse autorisée.

En définitive, les éléments produits ne permettent pas de retenir que les faits (à l'origine des préjudices invoqués) présentent le caractère matériel d'une infraction (même involontaire) commise par un tiers, et les demandes de Jean-Jacques X... ne peuvent dès lors être accueillies.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

Les conditions d'application de l'article 700 du Code de procédure civile ne sont pas réunies au profit de l'appelant et il convient de rejeter sa demande à ce titre.

Par application des articles R 91 et R 92,15o du Code de procédure pénale, les dépens seront mis à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes des parties;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public dont le montant pourra être recouvré directement par la SCP HARDOUIN, avoué, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 333
Date de la décision : 03/10/2008

Références :

Décision attaquée : C.I.V.I près le tribunal de Paris, 22 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-10-03;333 ?
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