Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section B
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2008
(no 310 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/00556
Sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 23 février 2006 par la 1ère Chambre J de la Cour d'Appel de PARIS sur recours d'une offre non acceptée du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante -FIVA- rendue le 5 novembre 2004
DEMANDEUR à la SAISINE et au RECOURS
Monsieur Alain X...
demeurant ... Vert-91270 VIGNEUX SUR SEINE
ayant pour avocat Me Romain Y..., avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SCP LEDOUX et ASSOCIES, toque : P 503
DEFENDEUR à la SAISINE et au RECOURS
FONDS d'INDEMNISATION des VICTIMES de l'AMIANTE
ayant son siège Tour Galliéni II-36 avenue du Général de Gaulle
93175 BAGNOLET CEDEX
ayant pour avocat Me Julien Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : M931
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Jacques BICHARD, Président
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Anne-Marie GABER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Régine TALABOULMA
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jacques BICHARD, Président
et par Régine TALABOULMA, Greffière
Monsieur Alain X..., victime d'une contamination par l'amiante, a saisi le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE le 18 décembre 2002 aux fins de voir indemniser son préjudice;
En application de l'article 53 de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000, le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE, par lettre du 5 novembre 2004, a rejeté la demande au motif que le préjudice patrimonial lié à l'incapacité fonctionnelle se trouve entièrement indemnisé par la rente viagère d'invalidité;
Par lettre recommandée + A.R. reçue au Greffe le 21 janvier 2005, Monsieur Alain X..., n'acceptant pas cette offre, a exercé le recours prévu à l'article 53-V de la loi susvisée;
Par arrêt du 23 février 2006, la 1ère chambre-J de cette Cour a :
- débouté Monsieur Alain X... de sa demande ("l'atteinte objective à l'intégrité physique subie se trouvant intégralement indemnisée par les prestations perçues et à percevoir de l'organisme social au titre de la rente viagère d'invalidité");
- laisser les dépens à la charge du FIVA;
Par arrêt du 21 décembre 2006, la Cour de Cassation, 2ème Chambre Civile, a cassé cet arrêt dans toutes ses dispositions et renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Paris autrement composée, au motif qu'il appartenait à la Cour d'Appel, "pour évaluer l'indemnisation due par le Fonds au titre de l'incapacité permanente partielle de M. X..., de comparer les arrérages échus dus par le Fonds jusqu'à la date de sa décision et ceux versés par l'organisme de sécurité sociale pendant la même période, puis, pour les arrérages à échoir à compter de sa décision, de calculer et comparer le capital représentatif de ceux dus par le Fonds et par l'organisme social";
Monsieur Alain X... a saisi la Cour de renvoi le 4 janvier 2007;
Par ordonnance du 13 juin 2007, le délégué du 1er Président de la présente Cour d'Appel a fixé le calendrier de procédure et la date de l'audience de plaidoirie, conformément à l'article 30 du Décret no 2001-963 du 23 octobre 2001 "relatif au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante institué par l'article 53 de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001";
Par conclusions récapitulatives déposées le 27 mai 2008, Monsieur Alain X... demande à la Cour de :
Au visa de l'arrêt de la Cour de Cassation du 21 décembre 2006,
- "donner acte au FIVA de sa proposition, formulée dans ses dernières écritures, au titre du préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle sur le principe",
- constater que le quantum de ce poste de préjudice ainsi que la date retenue par le FONDS demeurent contestés,
En conséquence,
- déclarer la demande de Monsieur Alain X... recevable,
- condamner le FIVA à lui verser une somme de 39 821,37 € au titre des arrérages de rente sur la période du 21 novembre 1997 au 4 mai 2000,
A titre subsidiaire,
- condamner le FIVA à lui verser la somme de 32 461,09 € au titre des arrérages de rente sur la période du 21 novembre 1997 au 4 mai 2000,
En tout état de cause,
- dire et juger que la somme allouée portera intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
- condamner le FIVA au paiement de la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ses seules conclusions déposées également le 27 mai 2008, le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FIVA), demande à la Cour de :
- fixer à la somme de 21 184,56 € l'indemnité due par le FIVA en réparation du préjudice constitué par l'atteinte objective à l'intégrité physique de Monsieur Alain X... pour la période du 24 septembre 1994 au 30 juin 2008,
"- dire que Monsieur Alain X... n'a subi aucune perte de revenus indemnisable pour la période comprise entre le 21 novembre 1997 et le 31 décembre 2006,"
"- le débouter de sa demande formée au titre de sa perte de revenus pour la période postérieure au 31 décembre 2006,"
- le débouter de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant que Monsieur Alain X..., né le 21 avril 1948, a exercé son activité professionnelle en qualité de carrossier peintre de 1965 à 1974 puis comme épandeur de bithume dans les travaux publics (TP) de 1989 à 1997;
Qu'un adénocarcinome bronchique primitif a été diagnostiqué le 20 novembre 1997, date à laquelle Monsieur Alain X... a été placé en arrêt de travail jusqu'à son licenciement intervenu le 4 septembre 2000 en raison de son inaptitude au travail consécutive à sa maladie professionnelle;
Que la COTOREP de l'Essonne lui a reconnu un taux d'incapacité de 80 % le 16 février 1999;
Que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de L'ESSONNE (la CPAM) lui a reconnu un taux d'incapacité de 80 % sur rapport d'évaluation médicale du 24 juillet 2000, porté à 86 % le 18 décembre 2001 sur recours formé par l'intéressé qui bénéficie d'une allocation de cessation anticipée d'activité des Travailleurs de l'Amiante depuis le 1er décembre 2000;
Que, suite à sa saisine du 18 décembre 2002, Monsieur Alain X... a accepté le 11 juin 2003 l'offre d'indemnisation de son préjudice extra-patrimonial (préjudices moral, physique et d'agrément) faite par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE le 28 avril précédent, pour un montant total de 145 000 € et qu'une procédure concernant l'indemnisation au titre de la perte de revenus suit son cours parallèlement au présent dossier;
***
1o sur la recevabilité
Considérant que le FIVA ne discute pas la recevabilité du recours fondé sur l'article 53 V de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000 modifiée dont les conditions sont remplies;
2o sur la réparation du dommage
Considérant que, selon l'article 53, III de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000 modifiée, l'indemnisation de la victime est faite pour chaque poste de préjudice en tenant compte :
- des prestations énumérées à l'article 29 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation,
- des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice;
Considérant que la Cour n'étant saisie que de la question de l'évaluation de l'indemnisation due au titre de l'incapacité permanente partielle et non de celle de la perte de revenus ou préjudice économique de Monsieur Alain X..., les écritures du FIVA sur ce dernier point sont sans objet dans le présent débat;
Considérant par ailleurs que les parties, qui sont en désaccord sur la méthode de calcul de l'indemnisation proposée (modalités d'imputation de la rente versée par les organismes sociaux par rapport à la rente versée par le FIVA), étant remises dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt de cassation, sont libres de modifier les moyens développés à l'appui de leurs prétentions;
Que dès lors, le FIVA n'est pas fondé à critiquer l'évolution des demandes formées par Monsieur Alain X... depuis l'arrêt du 23 février 2006 cassé par l'arrêt du 21 décembre 2006;
Considérant que c'est à tort que Monsieur Alain X... estime qu'il y a lieu de calculer le montant des arrérages de rente du lendemain de la date de constatation médicale de la maladie (21 novembre 1997) à celle du premier versement de la rente de l'organisme social puis à compter de cette date (4 mai 2000), pour déterminer si une indemnité complémentaire est due par le FIVA;
Qu'en effet, comme le fait justement remarquer le FIVA, en motivant la cassation de l'arrêt du 21 décembre 2006 en raison de la méthode calcul retenue, la Cour de Cassation n'a nullement remis en cause le principe selon lequel le montant total des arrérages de la rente versée par les organismes sociaux doit être déduit du montant total de la rente versée par le FIVA sans qu'il y ait lieu d'en limiter l'imputation à la seule période du versement effectif de cette allocation;
Qu'en outre, par la formule "Qu'en statuant ainsi alors qu'il lui appartenait, pour évaluer l'indemnisation due par le Fonds au titre de l‘incapacité permanente partielle de M. X..." la Cour de Cassation désigne nécessairement la Cour d'appel dont, précisément, la méthode de calcul est critiquée et l'arrêt en résultant cassé, et non le FIVA, pour déterminer l'auteur de la décision servant de référence pour "comparer les arrérages échus dus par le Fonds jusqu'à cette" date "et ceux versés par l'organisme de sécurité sociale pendant la même période, puis, pour les arrérages à échoir à compter de" cette date "de calculer et comparer le capital représentatif de ceux dus par le Fonds et par l'organisme social";
Considérant en conséquence que l'indemnisation due par le FIVA au titre du déficit fonctionnel permanent sera calculée selon la méthode ainsi retenue par la Cour de Cassation étant relevé que les parties sont d'accord sur la date de constatation de la pathologie (20 novembre 1994), le taux d'incapacité (100 % selon le barème indicatif du FIVA en raison de l'absence de consolidation) et l'assiette de la rente (16 240 € en 2004 pour le FIVA et 18 538,68 € pour l'organisme social de Monsieur Alain X...);
- pour les arrérages échus
Considérant que l'arriéré de rente versée par le FIVA pour la période du 21 novembre 1997 au 19 septembre 2008 (soit 41 jours en 1997, 10 ans du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2007, 9 mois 19 jours du 1er janvier au 19 septembre 2008) s'élève à la somme de ......................................................................................................174 413,13 €
Que celui versé par l'organisme social de Monsieur Alain X... pour la période du 4 mai 2000 au 1er septembre 2008 (soit 214 jours en 2000, 7 ans du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2007 et 9 mois 19 jours du 1er janvier au 19 septembre 2008) s'élève à la somme de .............................................................................................. 152 271,11 €
Qu'en conséquence, l'indemnisation due par le FIVA s'élève à :
174 413,13 € - 152 271,11 € .......................................................................22 142,02 €;
- pour les arrérages à échoir
Considérant que Monsieur Alain X... précise recevoir de son organisme social une rente annuelle (18 538,68 €) supérieure à la rente servie par le FIVA (16 240 €), que, dès lors, aucune somme ne lui est due non à compter du 30 septembre 2004 mais à compter de la présente décision, conformément à l'arrêt de renvoi du 21 décembre 2006;
***
Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif du présent arrêt;
Considérant, qu'en application de l'article 31 du Décret no 2001-963 du 23 octobre 2001 "relatif au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante institué par l'article 53 de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001", les dépens resteront à la charge du FIVA;
PAR CES MOTIFS,
DIT sans objet les écritures du FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE relatives aux pertes de revenus de Monsieur Alain X...,
FIXE à la somme de 22 142,02 € l'indemnisation du préjudice patrimonial résultant de l'atteinte objective à l'intégrité physique de Monsieur Alain X... du fait de son exposition à l'amiante pour la période du 21 novembre 1997 au 19 septembre 2008,
FIXE à la somme de 16 240 € le montant de la rente annuelle due par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE à compter du présent arrêt, le montant de la rente annuelle servie par l'organisme social de Monsieur Alain X... étant à déduire,
DIT que le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE devra verser à Monsieur Alain X..., dès la notification du présent arrêt :
- les sommes précitées, déduction à venir des provisions déjà versées, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE toutes autres demandes des parties,
LAISSE les dépens à la charge du FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT