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11/09/2008 | FRANCE | N°4

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0134, 11 septembre 2008, 4


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre B

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2008

(no 4 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/08909

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG no 04/03312

APPELANT

Monsieur Christophe X...

...

92300 LEVALLOIS PERRET

représenté par Me Benjamin Arron COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 1131

INTIMÉE

S

A PAPETERIES DE MAUDUIT

7 Avenue Ingres

75016 PARIS

représentée par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : NAN701,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre B

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2008

(no 4 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/08909

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG no 04/03312

APPELANT

Monsieur Christophe X...

...

92300 LEVALLOIS PERRET

représenté par Me Benjamin Arron COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 1131

INTIMÉE

SA PAPETERIES DE MAUDUIT

7 Avenue Ingres

75016 PARIS

représentée par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : NAN701, substitué par Me Guillemette PEYRE, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : NAN701,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Thierry PERROT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Président

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats

L'affaire a été mise en délibéré au 19 juin 2008, prorogée au 3 juillet 2008 puis au 11 septembre 2008.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mme Nadine LAVILLE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. X... était engagé par la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT suivant lettre de confirmation d'embauche, valant contrat à durée indéterminée, car dûment signé par les parties les 14 et 16 novembre 1988, avec effet au 19 décembre 1988, en qualité de cadre commercial export, avec application de la Convention Collective Nationale des Ingénieurs et Cadres de la Production de Papiers, Cartons et Celluloses, et moyennant une rémunération fixe annuelle brute de 200 000 F (30 489,80 €) sur 13 mois, outre une part variable jusqu'à 10 % de du fixe.

Il occupait tout d'abord les fonctions de directeur régional des ventes, du 19 décembre 1988 au 31 décembre 2002, puis celles de responsable clients à partir du 1er janvier 2003.

Le salarié percevait, en dernier lieu, une rémunération mensuelle brute s'établissant en moyenne à la somme de 4 028,83 €.

M. X... était convoqué, par lettre du 13 janvier 2004, remise en mains propres le jour même, -lui ayant par ailleurs notifié une mise à pied conservatoire-, à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 16 janvier 2004, et licencié, par LRAR du 21 janvier 2004, pour faute lourde.

Il saisissait le conseil de prud'hommes de PARIS, ayant, par jugement du 10 octobre 2005 :

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT à verser à M. Christophe X... les sommes de :

* 12 086,49 €, à titre d'indemnité de préavis ;

* 774,60 €, au titre des congés payés afférents ;

* 30 384 €, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, étant rappelé qu'en vertu de l'article R 516-37 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, cette moyenne étant fixée à la somme de 4 029 € ;

* 500 €, au titre de l'article 700 du NCPC ;

- débouté M. X... du surplus de sa demande ;

- débouté la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT aux dépens.

Régulièrement appelant de cette décision, M. X... demande à la Cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

débouté M. X... du surplus de sa demande ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

condamné la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT à verser à M. X... les sommes de :

12 086,49 €, à titre d'indemnité de préavis ;

774,60 €, au titre des congés payés afférents ;

30 384 €, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, étant rappelé qu'en vertu de l'article R 516-37 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, cette moyenne étant fixée à la somme de 4 029 € ;

débouté la SAS PAPETERIES DE MAUDIT de sa demande reconventionnelle ;

condamné la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT aux dépens ;

Et, y ajoutant,

A titre principal :

juger que les faits reprochés par l'employeur dans la lettre de licenciement sont prescrits et ne peuvent dès lors faire l'objet d'une sanction disciplinaire ;

A titre subsidiaire :

constater l'absence de faute dans l'exécution de son contrat de travail par M. X... ;

constater l'absence de cause réelle et sérieuse au titre du licenciement de M. X... ;

requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT à payer à M. X... les sommes suivantes :

* 96 691,92 €, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 24 172,98 €, au titre du préjudice distinct résultant des procédés vexatoires dans la mise en oeuvre du licenciement ;

* 4 023,83 €, au titre du non-respect de la procédure de licenciement ;

* 24 172,96 €, au titre de la contrepartie financière contractuelle de la clause de non-concurrence prévue par le contrat de travail ;

* 5 000 €, au titre de l'article 700 du NCPC.

La SAS PAPETERIES DE MAUDUIT entend voir :

- dire l'appel principal de M. X... mal fondé ;

- dire l'appel incident de la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT bien fondé ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X... des demandes suivantes :

4 028,83 €, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure ;

24 172,98 €, à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire ;

96 691,92 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 24 mois de salaire ;

24 172,96 €, au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

1 500 €, au titre de l'article 700 du NCPC ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

dit que la faute de M. Z... n'était pas une faute lourde ;

alloué à M. Z... les sommes suivantes :

* 12 086,49 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 774,60 €, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 30 384 €, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 500 €, au titre de l'article 700 du NCPC ;

débouté la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT de sa demande reconventionnelle ;

Statuant à nouveau :

- débouter M. Z... de l'intégralité de ses chefs de demande ;

- le condamner à rembourser à la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT la somme de 35 754,98 € versée au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris ;

- condamner le même à verser à la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT la somme de 1 500 €, au titre de l'article 700 du NCPC.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites visées le 26 mars 2008, et réitérées à l'audience.

SUR CE,

- Sur le licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement, fixant les limites du litige, est ainsi libellée :

"Par courrier en date du 13 janvier 2004, nous vous avons convoqué à un entretien préalable de licenciement qui a eu lieu vendredi 16 janvier 2004, en présence de votre responsable hiérarchique.

Au cours de cet entretien, nous vous avons reproché une utilisation frauduleuse de la carte France Télécom mise à votre disposition pour l'exercice de votre activité professionnelle.

Nous avons en effet constaté que le numéro de cette carte était utilisé par des tiers, souvent à partir du poste téléphonique de votre domicile, parfois alors même que vous vous trouvez en déplacement professionnel.

Le nombre d'appels est très important chaque jour, et, pratiquement, tous les jours de chaque mois.

Une analyse effectuée sur le seul mois d'octobre 2003 fait ressortir :

- des appels : 29 jours sur les 31 jours du mois, dont :

* 30 appels le 08/10 * 21 appels le 23/10

* 27 appels le 10/10 * 22 appels le 27/10

* 38 appels le 14/10 * 29 appels le 28/10

* 43 appels le 17/10 * 20 appels le 30/10

Au total, 450 appels sur ce mois, soit une moyenne de 15 appels par jour.

Les destinations d'appel sont très variées, sans aucun rapport avec les zones géographiques correspondant à votre activité professionnelle :

- nombreux appels sur la région parisienne, vers les opérateurs de téléphones mobiles, voire des destinations plus lointaines, par exemple, toujours en octobre :

* HAUTE GARONNE, 6 fois le 05/10

* USA, le 11/10

* ESPAGNE, le 13/10

* ALPES MARITIMES, le 16/10

* CANADA, le 17/10

* HAUTE SAVOIE, le 22/10

* QATAR, 3 fois le 18/10

* EGYPTE, le 29/10

Pour le mois d'octobre, les sommes facturées à la société correspondant à l'utilisation de votre carte s'élèvent à 567 €, hors taxes.

Pour l'année 2003, elles se montent à 2 850 €.

Au cours de l'entretien, vous avez reconnu avoir utilisé votre carte pour un usage autre que professionnel, et que les appels vers le QATAR et la HAUTE SAVOIE étaient à destination de membres de votre belle-famille et de votre famille.

Cette utilisation détournée d'un moyen professionnel et dans de telles proportions constitue un abus intolérable qui porte un préjudice important à la société et engendre une perte de confiance définitive à votre égard.

Nous avons donc décidé de procéder à votre licenciement pour faute lourde, sanction privative de toute indemnité et de préavis.

La mise à pied conservatoire notifiée le 13 janvier 2004, est confirmée, jusqu'au jour de rupture de votre contrat de travail. Cette période ne sera pas rémunérée.

A réception de la présente, vous cesserez de faire partie des effectifs de la société.

Nous vous adresserons votre certificat de travail et solde de tout compte.

Vous devrez restituer l'ensemble des moyens mis à votre disposition pour l'exercice de votre activité professionnelle. Un rendez-vous vous sera fixé à cet effet.

Nous vous informons que nous levons la clause de non-concurrence qui figure à votre contrat de travail. De ce fait, aucune indemnisation ne vous sera due à ce titre.

Nous vous rappelons, pour conclure, que vous restez tenu à une obligation de discrétion à l'égard de la société..." ;

Considérant que le licenciement de M. X... repose ainsi sur le seul motif pris de l'utilisation abusive et frauduleuse de sa carte France Télécom, emportant, selon l'employeur perte de confiance définitive en son salarié ;

* Sur la prescription des faits invoqués :

Considérant, en droit, que l'article L 122-44 alinéa 1er du code du travail dispose que :

"Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales" ;

Considérant, en l'espèce, que l'employeur est fondé à soutenir que, depuis l'attribution de téléphones portables, le maintien des cartes FRANCE TELECOM au bénéfice des salariés auxquels elles avaient été précédemment fournies ne se justifiait qu'à titre d'outil de dépannage, ce qui explique, en raison de leur utilisation, devenue résiduelle, qu'elles aient cessé de faire l'objet de contrôles de facturation spécifiques, ceux-ci s'étant ainsi tout naturellement reportés sur celle des portables ;

Qu'il s'en déduit que l'employeur pouvait demeurer dans l'ignorance de la fréquente utilisation par M. X... de cette carte FRANCE TELECOM, alors même qu'il disposait d'un portable dont il se servait d'ailleurs tout autant que les autres commerciaux ;

Qu'il est au surplus établi par les diverses attestations émanant de salariés ou ex-salariés de l'entreprise et dont M. X... se prévaut lui-même que la société n'avait pas pour habitude d'exercer un contrôle systématique et minutieux des factures téléphoniques de ses salariés ;

Que l'intimée fait donc légitimement valoir, au vu de l'ensemble de ces éléments, être demeurée un temps dans l'ignorance de l'usage abusif par M. X... de sa carte FRANCE TELECOM ;

Que l'employeur établit en effet que cet usage abusif ne lui était révélé qu'à réception, le 12 novembre 2003, d'une facture éditée par FRANCE TELECOM le 7 du même mois ;

Qu'il résulte encore des productions que l'attention de l'employeur avait initialement été attirée, en novembre 2003, sur l'utilisation, éminemment frauduleuse, de la carte FRANCE TELECOM de M. ABT, puisque celui-ci n'était plus salarié de l'entreprise depuis quelque deux ans et demi, ce qui motivait la demande de résiliation de cette carte par fax du 24 novembre 2003 ;

Que ce n'est qu'à la faveur de la révélation de ces faits, que la société, par ailleurs alertée sur les montants des communications facturées au titre de l'utilisation de la carte de M. X..., soit à hauteur de 678 € TTC sur le seul mois d'octobre 2003, était amenée à procéder à diverses investigations, en sollicitant de FRANCE TELECOM un relevé de factures détaillées pour ce mois-ci, édité le 27 novembre 2003 et transmis à l'entreprise les jours suivants, puis la transmission de l'ensemble des factures détaillées des communications de l'entière année 2003, éditées le 4 décembre 2003, et adressée dans les jours suivants ;

Qu'il est ainsi suffisamment démontré par l'employeur qu'il n'a pu se convaincre des abus commis au titre de l'utilisation de la carte téléphonique de M. X... qu'à cette époque ;

Considérant, par ailleurs, que le salarié ne saurait donc utilement arguer de la concomitance entre l'engagement de sa procédure de licenciement et son refus de mutation sur le site de QUIMPERLE à compter du 27 mars 2004, jusqu'à prétendre que le véritable motif de la rupture de son contrat de travail initiée par l'employeur résiderait bien plutôt dans ce refus de mutation que dans l'utilisation frauduleuse de sa carte téléphonique ;

Qu'il sera au demeurant observé, à cet égard, que M. X... était astreint à une clause de mobilité figurant expressément en son contrat de travail, en sorte que l'employeur était en droit de lui imposer sa mutation, ne constituant dès lors pas une modification de son contrat de travail, mais, tout au plus, de ses seules conditions de travail, sauf à prononcer son licenciement, alors fondé sur une faute grave, s'il persistait à refuser cette mutation ;

Que la rupture du contrat de travail de l'intéressé repose donc sur les seuls motifs avancés au soutien de son licenciement et non, sous couvert de ceux-ci, sur son refus de mutation, qui pouvait d'ailleurs être, en tant que tel, distinctement sanctionné ;

Considérant, en toute hypothèse, que l'intimée justifie donc en l'occurrence, en l'état de l'ensemble des éléments sus-énoncés de la cause, n'avoir été informée de l'utilisation abusive de la carte FRANCE TELECOM de M. X... qu'en novembre 2003, et n'avoir acquis une connaissance exhaustive du caractère frauduleux de l'usage qui en avait été fait qu'en décembre 2003, en sorte que les faits n'étaient pas prescrits lorsqu'elle a initié la procédure de licenciement en convoquant le salarié à un entretien préalable par courrier du 13 janvier 2004, remis en mains propres le même jour ;

Que, le délai de prescription édicté par le texte susvisé ne courant en effet que de leur révélation effective à l'employeur, s'entendant de sa connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits litigieux, ceux-ci ne sont ici aucunement prescrits ;

* Au fond :

Considérant qu'il s'évince des productions que la carte téléphonique de M. X... faisait l'objet d'un usage régulier, sinon quasi-quotidien, à des fins exclusivement personnelles, et bien au-delà de l'utilisation en étant faite par les autres salariés, dont, notamment, les commerciaux de la société ;

Qu'ainsi, la facture du seul mois d'octobre 2003, s'élevant à 678 € TTC, révèle un nombre d'appels conséquent, puisque s'établissant effectivement à 450, sur 29 des 31 jours du mois considéré soit une moyenne significative de l'ordre de quinze appels par jour ;

Qu'ainsi, sur l'entière année 2003, le coût des communications passées au moyen de cette carte était de 3 408 € TTC, soit nettement plus que celui enregistré du chef des autres détenteurs d'une semblable carte téléphonique au sein de la société ;

Qu'il est encore avéré que l'usage régulier et hors normes de cette carte était non seulement le fait de M. X... mais aussi celui de tiers, auxquels il avait donc manifestement communiqué le code confidentiel nécessaire à son utilisation, car sans lequel celle-ci est impossible, au regard de la procédure devant être suivie pour ce faire, intégrant précisément la mise en oeuvre d'un tel code ;

Que l'utilisation frauduleuse de cette carte est d'autant plus sûrement acquise aux débats que des appels étaient passés grâce à celle-ci alors même que M. X... se trouvait en déplacement professionnel, 77 appels étant ainsi passés entre le 13 et le 15 octobre 2003, et ce, depuis son domicile de LEVALLOIS-PERRET, un téléphone fixe distinct, ou encore un portable, dont les numéros étaient précisément identifiés ;

Qu'il en était de même sur la période du 18 au 20 novembre 2003, où pas moins de16 appels étaient encore passés avec sa carte quand le salarié se trouvait en ALLEMAGNE, et toujours depuis son domicile, un téléphone fixe correspondant au domicile d'un membre de sa belle-famille, ou à partir du même portable que précédemment ;

Qu'il suit nécessairement de là que ces appels sont largement le fait de tiers, auxquels le salarié avait forcément, -mais bien à tort-, communiqué son code confidentiel, étant en effet responsable, à l'instar d'une carte bancaire, de l'utilisation de la carte téléphonique lui ayant été attribuée, et, pour le moins, par définition, garant de l'absence de toute utilisation excessive par ses soins, et, a fortiori, frauduleuse par des tiers, de cette dernière ;

Qu'au surplus, les facturations détaillées font également apparaître l'existence d'appels passés pendant les week-ends, notamment en octobre 2003, mais aussi en août 2003, ou bien encore durant ses congés, en janvier 2003, février 2003, ou octobre 2003, et ne pouvant donc en aucun cas se rattacher à l'exercice de l'activité professionnelle du salarié ;

Qu'enfin, alors que M. X... avait pour secteur d'activité l'EUROPE occidentale, et que ses clients se trouvaient ainsi essentiellement en ALLEMAGNE, au BENELUX, en ANGLETERRE, en SUEDE ou en FRANCE, nombre de ces appels, enregistrés en octobre 2003, sont à destination de l'étranger (ETATS-UNIS, ESPAGNE, CANADA, QATAR, EGYPTE), étant notamment précisé que la belle-famille de l'intéressé réside au QATAR, où maints appels ont également été passés, dont un nombre significatif pendant les week-ends, de janvier à juin 2003 ainsi qu'en août 2003, au même titre que de fréquents appels ont été enregistrés à destination des ETATS-UNIS ;

Considérant, pour autant que les faits ainsi reprochés soient assurément constitués, que l'employeur ne saurait valablement persister à vouloir leur conférer la qualification de faute lourde qu'il leur a bien pourtant donnée dans la lettre de licenciement, en l'absence de toute intention dolosive du salarié, dont il n'est en effet nullement établi qu'il ait jamais entendu délibérément nuire à l'entreprise, fût-ce même en laissant utiliser par des tiers, membres de sa famille ou proches, sa carte téléphonique, après leur en avoir communiqué le code confidentiel, les premiers juges ayant donc à bon droit écarté cette qualification de faute lourde ;

Considérant toutefois, dans la mesure où les faits ne se limitent pas à un usage abusif, car seulement excessif par le salarié lui-même de la carte téléphonique lui étant attribuée à usage professionnel, voire, accessoirement, par tolérance, à titre privé, mais consistent aussi en une utilisation frauduleuse par des tiers, avec le nécessaire assentiment de M. X..., leur ayant fourni son code confidentiel, que le licenciement est non seulement fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais repose encore ici sur une faute grave ;

Qu'en effet, le fait de permettre à des tiers, en leur révélant son code confidentiel, de faire de sa carte téléphonique un usage étant dès lors, par essence, nécessairement frauduleux, caractérise indéniablement une faute revêtant un tel degré de gravité, -et d'autant plus avéré s'agissant d'un cadre de l'entreprise-, rendant ainsi impossible la poursuite de la relation de travail, y compris pendant la durée, limitée, mais néanmoins de trois mois, du préavis, et quand bien même l'employeur avait tôt fait de solliciter par fax auprès de FRANCE TELECOM la résiliation immédiate de la carte téléphonique de M. X... dès le 14 janvier 2004, tant il en résultait une perte de confiance en son salarié, ne pouvant certes, en tant que telle, constituer un motif de licenciement, mais n'en procédant pas moins objectivement de la gravité intrinsèque des faits sus-énoncés ;

Considérant par suite que le jugement, ayant donc exactement débouté l'intéressé de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sera néanmoins infirmé pour, statuant à nouveau, débouter également l'appelant de ses demandes formulées tant au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, que de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- Sur le non-respect de la procédure de licenciement :

Considérant qu'en l'état de la convocation, par lettre du 13 janvier 2004, lui ayant été remise en mains propres le jour même, en vue de l'entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 16 janvier 2004, force est de constater que le salarié a disposé, pour préparer sa défense, y compris même se faire assister, d'un délai suffisant, en l'espèce seul requis au regard des textes alors applicables, puisque, aussi bien, l'exigence d'un délai d'au moins cinq jours ouvrables entre la convocation et l'entretien n'a été uniformément posée que par l'ordonnance no 2004-602 du 24 juin 2004 ;

Que l'appelant a donc été justement débouté de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure ;

- Sur le préjudice distinct du licenciement :

Considérant, s'il est de principe que, même intervenu pour cause réelle et sérieuse, voire pour faute grave, le licenciement peut encore ouvrir droit pour le salarié à l'indemnisation du préjudice distinct par lui néanmoins subi en raison des circonstances brutales ou vexatoires ayant pu présider à la rupture de son contrat de travail, que l'intéressé, ne justifiant toutefois pas de l'existence de telles circonstances ayant pu lui valoir de souffrir un semblable dommage, a été à juste titre débouté de ses prétentions indemnitaires émises de ce chef ;

- Sur la clause de non-concurrence :

Considérant que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de M. X..., comportant une contrepartie financière, réservait par ailleurs expressément à l'employeur la faculté d'en relever le salarié, dans un délai maximum de huit jours suivant la rupture de son contrat de travail ;

Que l'intimée, ayant précisément usé de cette faculté, en libérant le salarié de toute obligation de non-concurrence dès la lettre de licenciement, ne saurait être redevable de quelconques dommages-intérêts à raison d'une obligation qui n'avait ainsi plus cours, et dont M. X... n'était dès lors plus tenu ;

- Sur le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire :

Considérant, quand bien même M. X... est certes à présent débouté de l'ensemble des fins de son action, qu'il n'y a pas lieu de le condamner à rembourser à la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT la somme de 35 754, 98 € que celle-ci lui a versée au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance, tant une telle restitution lui est d'ores et déjà acquise de droit, par le seul effet de l'infirmation de la décision déférée, et avec intérêts courant eux-mêmes de plein droit au taux légal à compter du présent arrêt ;

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant que M. X..., succombant en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, sera condamné aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, sans que l'équité commande davantage que la situation économique respective des parties de faire application de l'article 700 du CPC au profit de l'intimée ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirmant le jugement,

Et, statuant à nouveau,

Juge le licenciement de M. X... fondé sur une faute grave ;

Déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Dit n'y avoir lieu de condamner M. X... à rembourser à la SAS PAPETERIES DE MAUDUIT la somme de 35 754,98 € que celle-ci lui a réglée au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance, tant une telle restitution lui est d'ores et déjà acquise de droit, par le seul effet et dans les limites de l'infirmation de la décision déférée, et avec intérêts courant eux-mêmes de plein droit au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC en la cause ;

Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires ;

Condamne M. X... aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0134
Numéro d'arrêt : 4
Date de la décision : 11/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 10 octobre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-09-11;4 ?
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