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11/09/2008 | FRANCE | N°06/01739

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0139, 11 septembre 2008, 06/01739


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre C

ARRET DU 11 septembre 2008

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01739 (F.C)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 septembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Bobigny - section encadrement - RG no 03/01066

APPELANTE

S.A.S SIGMAKALON DISTRIBUTION venant aux droits de la société SIGMAKALON EURIDEP

ZI INGRE

45140 SAINT JEAN DE LA RUELLE

représentée par Me Corinne GAB

BAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C 646

INTIME

Monsieur Emile X...

...

50530 DRAGEY

représenté par Me Anne ROMERO, avocat au...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre C

ARRET DU 11 septembre 2008

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01739 (F.C)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 septembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Bobigny - section encadrement - RG no 03/01066

APPELANTE

S.A.S SIGMAKALON DISTRIBUTION venant aux droits de la société SIGMAKALON EURIDEP

ZI INGRE

45140 SAINT JEAN DE LA RUELLE

représentée par Me Corinne GABBAY, avocat au barreau de PARIS, toque : C 646

INTIME

Monsieur Emile X...

...

50530 DRAGEY

représenté par Me Anne ROMERO, avocat au barreau de PARIS, toque : B110

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

Madame Evelyne GIL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mme Francine ROBIN, greffier présent lors du prononcé.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la société SIGMAKALON EURIDEP à l'encontre d'un jugement prononcé le 21 juin 2005 par le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY, qui a statué, en formation de départage, sur le litige qui l'oppose à Emile X... sur sa demande de résiliation de son contrat de travail,

Vu le jugement déféré qui a condamné la société SIGMAKALON EURIDEP à payer à Emile X..., avec exécution provisoire :

- 9.081 € au titre de l'indemnité de préavis et 908 € pour les congés payés afférents,

- 51.047 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 36.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles,

La société SIGMAKALON DISTRIBUTION, venant aux droits de la Société SIGMAKALON EURIDEP, appelante, poursuit l'infirmation du jugement déféré et sollicite que Emile X... soit débouté de ses demandes, condamné à lui rembourser les sommes allouées en exécution du jugement déféré et à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Emile X..., intimé conclut à la confirmation du jugement excepté en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages intérêts pour harcèlement moral et quant au montant des sommes accordées, sollicitant :

- 11.172,75 € au titre de l'indemnité de préavis et 1.117,27 € pour les congés payés afférents,

- 62.805,75 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 74.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 37.000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CELA ETANT EXPOSE

Par contrat à durée indéterminée du 1er mars 1977, Emile X... a été engagé par la société LA SEIGNEURIE, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société SIGMAKALON DISTRIBUTION, en qualité de VRP.

Par avenant du 13 novembre 1984, il est devenu agent de ventes, groupe IV de la convention collective des Industries Chimiques applicable.

Son salaire de base, hors commissionnement, s'élève à 2.609,10 €.

Le 5 mars 2003, il saisissait la juridiction prud'homale, notamment, d'une demande de résiliation de son contrat de travail.

SUR CE

Sur la résiliation du contrat

Emile X... soutient que les méthodes employées par l'employeur constituent un harcèlement moral et une exécution déloyale du contrat justifiant sa résiliation à ses torts.

Au soutien de cette assertion, il livre une chronologie de faits depuis l'année 1997 qui traduirait selon lui la volonté de son employeur de l'acculer à la démission.

Il convient cependant de rappeler que la résiliation judiciaire d'un contrat suppose démontrée par le salarié, une violation grave de ses obligations par l'employeur.

En l'espèce les premiers juges, qui ont rejeté la demande formulée au titre du harcèlement moral ont néanmoins considéré :

- que l'employeur avait modifié le secteur géographique d'intervention du salarié ce qui aurait accru ses difficultés matérielles, sans tenir compte de son état de santé,

- qu'il n'a fait aucun effort pour alléger sa mission.

Cette argumentation ne résulte pas des éléments produits.

Il apparaît en effet que la modification du secteur du salarié est intervenue en 1997, sans lien avec sa maladie, dont l'employeur n'a été avisé que le 18 octobre 2001 et que le salarié n'a alors émis aucune protestation.

Ce dernier ne justifie pas d'une baisse de revenu à compter de cette date en ne produisant pas les bulletins de salaires afférents aux périodes correspondantes tout en précisant que de juillet 2001 à janvier 2002, il a reçu primes et félicitations de sa hiérarchie.

L'employeur a été informé de sa maladie par l'avis délivré par la médecine du travail au cours de sa visite annuelle, rédigé en ces termes :

"Apte avec restriction,

Limitation des déplacements professionnels, lors des poussées évolutives de l'infection présentée"

Si cet avis s'imposait à l'employeur, ce dernier ne pouvait manifestement le suivre que dans la mesure où il était informé des "poussées évolutives", que le médecin suggère ponctuelles.

Or, il convient de constater que si le salarié fait état, dans certains de ces courriers de son état de santé, il n'a jamais sollicité pour les périodes indiquées par la médecine du travail, un aménagement de son travail.

Il résulte au contraire des pièces produites que son médecin traitant a estimé préférable de suspendre son activité pendant les périodes de crise comme en témoignent les arrêts maladie produits :

- du 10 au 20 janvier 2002,

- du 14 au 31 mars 2002,

- du 9 au 21 avril 2002,

- du 19 juin au 12 juillet 2002,

- du 25 juillet au 11 août 2002,

- du 31 août au 6 mars 2003,

- puis à compter du 24 mars 2003 et jusqu'à ce jour.

Il résulte encore d'un courrier du directeur des ressources humaines en date du 24 mai 2002 que ce dernier se déclarait prêt à trouver si nécessaire une activité en adéquation avec vos aspirations et votre état de santé, solution qui n'a pu être mise en oeuvre dès lors qu'aux périodes de congés du salarié, ont succédé presque sans discontinuité ses arrêts pour maladie à compter de cette date.

La motivation des premiers juges ne peut donc être retenue.

Emile X... précise encore que l'employeur n'aurait eu "de cesse de le pousser au départ".

Il en veut pour preuve :

- l'avertissement délivré le 23 avril 2001,

- les difficultés professionnelles inhabituelles rencontrées,

- un projet de modification de son secteur en décembre 2001 (point qui ne sera pas abordé dès lors que le salarié reconnaît que l'employeur ne l'a pas concrétisé),

- le retrait de sa clientèle "grands comptes" le 4 janvier 2002,

- son changement de véhicule en janvier 2002,

- une proposition de mise en place d'un "simulacre d'inaptitude physique totale" le 26 février 2002,

- une absence de proposition de reclassement le 28 mai 2002 après l'admission du salarié au statut de travailleur handicapé par la COTOREP,

- les reproches formulés de mai à juillet 2002,

- la proposition en septembre 2002 d'un "simulacre de licenciement pour faute grave".

Sur l'avertissement du 23 avril 2001

Il convient de constater que contrairement à ce que soutient le salarié le reproche principal qui lui est fait ne concerne pas ses résultats commerciaux mais son attitude, l'employeur stigmatisant son absence dans les salons professionnels et l'absence de réponse aux requêtes clients, accompagnant son envoi de la note de l'un d'eux, qui n'est pas communiquée à la Cour mais dont on peut supposer qu'elle contenait les doléances de son auteur.

L'avertissement délivré ne saurait donc être constitutif d'un quelconque harcèlement, Emile X... ayant d'ailleurs usé de la faculté qui lui était ouverte de le contester mettant en cause la personnalité du client qui s'était plaint.

Sur les difficultés professionnelles inhabituelles

Si le salarié établit des erreurs de facturation et de livraison à deux ou trois de ses clients, l'employeur, qui serait le premier pénalisé par une perte de commandes, ne peut sérieusement être soupçonné d'avoir agi délibérément pour le placer dans une situation défavorable.

Sur le retrait de la clientèle grands comptes

L'employeur pouvant confier à ses salariés les clients qu'il choisit sous réserve que cela n'affecte pas de façon substantielle les commissions afférentes, cet argument ne saurait prospérer faute pour Emile X... de justifier d'une perte de revenus subséquente.

Il sera encore précisé que la modification intervenue dans la répartition de clientèle concernait d'autres salariés comme l'établit le document qu'il communique sous le numéro 35. Il ne s'agit donc pas d'une mesure discriminatoire.

Sur le changement de véhicule en janvier 2002

Cet élément ne résulte d'aucune pièce.

Sur l'absence de proposition de reclassement après la décision de la COTOREP

Il sera rappelé que l'obligation de l'employeur est indépendante de la décision de cet organisme et résulte du seul avis du médecin du travail.

En l'espèce une visite de reprise est intervenue le 10 mars 2003 prévoyant une inaptitude dans le cadre de la seconde visite programmée 15 jours plus tard.

Il apparaît cependant que cette seconde visite n'a pu avoir lieu, Emile X... étant à nouveau en arrêt maladie à compter du 24 mars et jusqu'à ce jour.

Ce grief ne saurait donc prospérer.

Sur les reproches de mai à juillet 2002

Le 13 mai 2002, Emile X... se voyait reprocher une absence à une réunion régionale fixée le 2 mai et à laquelle il avait été invité le 26 avril.

Il résulte du courrier de son employeur que le jour même de la réunion, il a sollicité 9 jours de congés à compter de la même date, ce qui lui a été refusé, l'employeur lui précisant qu'il ne lui donnait l'autorisation, pour les 9 jours envisagés, qu'à compter du lendemain.

Par le même courrier son employeur lui rappelait qu'il comprenait que son activité ne se poursuive pas à son rythme normal au regard de ses problèmes de santé mais lui reprochait l'absence de communication sur ses résultats jugés insuffisants.

Il convient de constater que ce courrier n'est pas un avertissement et que l'employeur se borne à solliciter un "reporting" et des informations sur l'activité du salarié.

Le 14 juin 2002, il lui était encore reproché de ne pas s'être présenté à un rendez vous fixé pour le 12 suivant.

Ne contestant pas cette absence, il précisait qu'il y avait eu un problème de transmission de la télécopie de convocation.

Là encore, il ne peut être considéré que l'employeur a été au-delà de son pouvoir de direction.

Le 15 juillet 2002, il lui était demandé de rédiger une synthèse d'activité, de résultats pour certains produits et d'expliquer les difficultés de recouvrement sur deux clients.

Le 23 juillet il répondait que jusqu'alors on ne lui avait jamais demandé de synthèse d'activité, ajoutant et on gérait quand même et qualifiait de supercherie les autres demandes de renseignements.

Il convient d'observer à nouveau que l'employeur est en droit de modifier ses méthodes de travail et d'exiger des rapports de ses salariés qui doivent se soumettre aux nouveaux impératifs (dont l'employeur précisera ultérieurement qu'ils existent depuis une année)

La proposition d'un simulacre de licenciement pour faute grave

Elle ne résulte que du témoignage d'une personne dont il est impossible de contrôler l'identité en l'absence de toute pièce d'identité jointe.

S'il peut être admis qu'il y a eu, en novembre 2002, un entretien sur un licenciement négocié, ceci traduit à tout le moins une volonté commune des parties de mettre un terme à leurs relations, et non une volonté unilatérale de l'employeur, en raison des difficultés croissantes constatées et retracées ci-dessus.

En l'absence de faute démontrée de l'employeur, il convient, infirmant le jugement déféré, de débouter Emile X... de sa demande de résiliation du contrat et de ses prétentions subséquentes.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L1152-1 du code du travail "Aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel" ;

Selon l'article L1154-1 du même code, il appartient au salarié d'établir les faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement.

Le harcèlement ne pouvant se confondre avec les critiques justifiées induites par le comportement professionnel du salarié, seules établies comme indiqué précédemment, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation afférente.

Sur la demande en restitution des sommes perçues par l'intimé dans le cadre de l'exécution provisoire

Le présent arrêt, infirmatif du jugement déféré, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de ce jugement, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'appelante formée à ce titre.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Il résulte de ce qui précède que Emile X... ne peut y prétendre.

L'équité ne commande pas d'accueillir la demande formulée de ce chef par l'employeur.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Emile X... de sa demande de dommages intérêts pour harcèlement moral ;

L'infirme pour le surplus et déboute Emile X... de l'ensemble de ses prétentions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Emile X... aux dépens.

LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0139
Numéro d'arrêt : 06/01739
Date de la décision : 11/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 23 septembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-09-11;06.01739 ?
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