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10/09/2008 | FRANCE | N°07/16456

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0165, 10 septembre 2008, 07/16456


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

4ème Chambre-Section A

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2008

(no, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 16456

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2007- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 05 / 03127

APPELANTS

Madame Diana Evangelina X...
...
LA HAVANE
représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour
assistée de Me Randy Y..., avocat au barreau de PA

RIS, toque : E766

Monsieur Patrick Z...
...
31260 MANE
représenté par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

S. A...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

4ème Chambre-Section A

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2008

(no, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 16456

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2007- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 05 / 03127

APPELANTS

Madame Diana Evangelina X...
...
LA HAVANE
représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour
assistée de Me Randy Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : E766

Monsieur Patrick Z...
...
31260 MANE
représenté par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

S. A. R. L. LEGENDE LLC,
agissant poursuites et diligences de son gérant
Suite 606, 1220 New Market Street, Wilmington
Country of Newcastle Delaware 19801
19801 ETATS UNIS
représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

INTIMEE

S. A. R. L. AEDIS
prise en la personne de son gérant
72 Avenue Poincaré
BP 2324
03200 VICHY
représentée par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour
assistée de Me EYRAT-MEYRAND, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président
Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, Conseiller
Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller
qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL

ARRET : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Nous, Alain CARRE-PIERRAT, président et par Nous Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel interjeté le 26 septembre 2007 par la société LEGENDE LLC, Patrick Z...et Diana Evangelina X..., à l'encontre d'un jugement rendu le 13 juin 2007 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- débouté la société LEGENDE LLC de sa demande formée au titre de la contrefaçon de ses droits patrimoniaux portant sur la photographie dite du " Che au béret et à l'étoile " dont KORDA est l'auteur,

- dit qu'en reproduisant ladite photographie en couverture et à l'intérieur de l'ouvrage de la collection Petit Guide intitulé " CHE B...", sans mention du nom de KORDA et en dénaturant l'oeuvre par colorisation et recadrage, la société AEDIS a porté atteinte au droit moral de l'auteur dont Diana Evangelina X...est titulaire,

- débouté Patrick Z...de sa demande formée au titre de la contrefaçon de la marque communautaire no 002 550 036 dont il est propriétaire,

- condamné la société AEDIS à verser à Diana Evangelina X...la somme de 4. 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

- enjoint à la société AEDIS, dans les éditions à venir de l'ouvrage " CHE B..." publié dans la collection Petit Guide, de mentionner le nom de KORDA en qualité d'auteur de la photographie et de restituer à l'oeuvre son aspect original,

- condamné la société AEDIS à verser à Diana Evangelina X...la somme de 3. 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais de constat d'huissier du 21 octobre 2004 ;

Vu les dernières conclusions, signifiées le 2 juin 2008, par lesquelles la société LEGENDE LLC, Patrick Z...et Diana Evangelina X...demandent à la Cour, aux termes d'une énumération de " dire et juger " qui ne sauraient constituer des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du Code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu leur intérêt et leur qualité à agir et a dit qu'en reproduisant la photographie en couverture et à l'intérieur de l'ouvrage de la collection Petit Guide intitulé " CHE B...", sans mention du nom de KORDA et en dénaturant l'oeuvre par colorisation et recadrage, la société AEDIS a porté atteinte au droit moral de l'auteur dont Diana Evangelina X...est titulaire,

- l'infirmer en ce qu'il les a déboutés de leur demande formée au titre de la contrefaçon de leurs droits patrimoniaux sur la photographie dont KORDA est l'auteur outre de la demande formée au titre de la contrefaçon de la marque communautaire no 002 550 036 par Patrick Z...,

Statuant à nouveau,

- dire que Alberto C...GUTTIEREZ, dit KORDA, est l'auteur de la photographie dite du " CHE au béret et à l'étoile ",

- dire que la société AEDIS a reproduit et dénaturé cette photographie sur la couverture (avec une décapitation de la tête du " CHE ") et à l'intérieur du Petit Guide no 77 édité par la société AEDIS,

- dire que la société AEDIS n'a pas respecté l'injonction énoncée au jugement déféré,

- dire que la société AEDIS continue, jusqu'à ce jour, d'utiliser le Petit Guide no 77 dans ses documents publicitaires de l'année 2008,

- dire qu'elle continue, jusqu'à ce jour, de commercialiser et de vendre le Petit Guide no 77 par le biais de ses distributeurs,

- dire que les manoeuvres abusives et les mensonges de la société AEDIS sont constitutifs d'un comportement grave et fautif,

- dire que le procès-verbal de constat d'huissier en date du 11 octobre 2007, illisible et incomplet, doit être écarté des débats de même que ceux des 22 et 23 mai 2008,

- dire que l'utilisation dénaturée de la photographie par la société AEDIS ne respecte pas la volonté de KORDA,

- dire que la société AEDIS s'est rendue coupable de contrefaçon des droits sur la photographie, portant ainsi atteinte aux droits d'auteur moraux et patrimoniaux ainsi qu'aux droits sur la marque communautaire,

- la condamner en conséquence à leur payer collectivement, à titre principal, la somme de 35. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour les préjudices matériels subis, à titre subsidiaire, la somme de 30. 079, 32 euros, à titre infiniment subsidiaire la somme de 25. 672, 075 euros,

- la condamner à payer à Patrick Z...la somme de 10. 000 euros au titre de l'utilisation contrefaisante de la marque communautaire,

- la condamner à payer à Diana Evangelina X...la somme de 15. 000 euros au titre de son préjudice moral,

- lui faire interdiction de reproduire, de publier, d'utiliser et de diffuser la reproduction litigieuse sous astreinte de 250 euros par jour pour chaque infraction constatée à compter du prononcé du jugement,

- la condamner à la publication de l'arrêt à ses frais, dans trois journaux de leur choix, dans la limite d'un coût global de 7. 500 euros HT,

- la condamner à leur verser la somme de 5. 000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris notamment les frais de constat d'huissier, de traduction, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du même Code ;

Vu les dernières écritures, signifiées le 2 juin 2008, aux termes desquelles la société AEDIS prie la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société LEGENDE LLC de sa demande formée au titre de la contrefaçon de ses droits patrimoniaux sur la photographie dont KORDA est l'auteur et Patrick Z...de sa demande formée au titre de la contrefaçon de la marque communautaire dont il est propriétaire et, le réformant pour le surplus, de débouter les appelants de toutes leurs demandes et de les condamner à lui verser la somme de 7. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du même Code ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

- Alberto D..., dit KORDA, est l'auteur de la photographie, mondialement connue, du leader politique cubain d'origine argentine Ernesto B..., dit CHE B..., intitulée " le guérillero héroïque " mais communément désignée comme représentant " le CHE au béret et à l'étoile ",

- aux termes d'un contrat conclu à La Havane le 25 mai 1995, KORDA a cédé à Patrick Z..., pour une durée de 10 ans et dans le monde entier, avec la faculté pour le cessionnaire de concéder des licences d'exploitation commerciale, les droits d'exploitation, de reproduction et de diffusion de la photographie sur tous supports, en particulier le papier, la peinture, l'audiovisuel, le vêtement, les produits dérivés tels les pin's, porte-clés, montres et l'a, en outre, autorisé à procéder, en France et dans tout autre pays, à l'enregistrement à titre de marque de la photographie, seule ou avec la mention " CHE B...",

- KORDA est décédé le 25 mai 2001 à Paris, laissant pour recueillir sa succession sa fille, Diana Evangelina X...,

- cette dernière a prorogé de trois ans, soit jusqu'au 25 mai 2008, la licence d'exploitation cédée par son père à Patrick Z..., tandis que celui-ci a consenti le 14 avril 2002 à la société LEGENDE LLC une licence non exclusive d'utilisation de la photographie pour une durée de un an, renouvelable par tacite reconduction, avec la garantie d'une jouissance paisible des droits conférés,

- faisant grief à la société d'édition AEDIS d'avoir, sans autorisation, reproduit la photographie dénaturée du " CHE au béret et à l'étoile " en page de couverture et en page intérieure d'un ouvrage de la collection Petit Guide paru au premier trimestre 2001 sous le titre " CHE B..." et consacré à la légende du combattant révolutionnaire, Diana Evangelina X..., la société LEGENDE LLC et Patrick Z...l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et en contrefaçon de la marque communautaire no 002550036,

- c'est dans ces circonstances que se présente l'instance ;

Sur les droits d'auteur

* sur la titularité des droits

Considérant en droit, qu'en vertu de l'article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ;

Que ce droit est conféré, selon l'article L 112-1 du même Code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, que sont notamment considérées comme oeuvres de l'esprit, en vertu de l'article L 112-2- 9o, les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ;

Qu'il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité, du seul fait de la création d'une forme originale ;

Considérant en l'espèce, que la photographie dont la protection est revendiquée au titre du droit d'auteur, réalisée le 5 mars 1960 à La Havane au cours d'une manifestation de protestation contre un attentat meurtrier attribué à la C. I. A., représente un portrait de CHE B...à la large carrure, à la fine moustache et aux cheveux longs coiffés d'un béret orné d'une étoile, à la posture combattante et au regard tout à la fois rageur, pensif et lointain ;

Que soulignant la beauté des traits du visage et exaltant la noblesse d'un caractère passionné, épris de justice et habité de la vision d'un avenir idéal, la photographie confère au personnage la stature d'un héros romantique, contribuant ainsi à faire de CHE B...la figure emblématique du mythe de la révolution ;

Qu'il n'est pas contesté que l'oeuvre, empreinte de la sensibilité de son auteur, présente l'originalité requise pour accéder au statut d'oeuvre de l'esprit, digne de la protection instituée aux dispositions précitées du Livre I du Code de la propriété intellectuelle ;

Qu'il n'est pas davantage contesté que KORDA en est l'auteur, la société AEDIS admettant expressément que la publication dans l'hebdomadaire Marianne no 548 en date du 20 octobre 2007, d'un article du journaliste Alain E...faisant état d'une revendication de la paternité de l'oeuvre, émise pour la première fois en 1981 au cours de l'émission de télévision Apostrophe, par le réfugié cubain Juan F..., n'est pas de nature à combattre la présomption qui résulte du fait que l'oeuvre a été divulguée sous le nom de KORDA depuis sa parution le 19 août 1960 dans le journal cubain Revolucion au service duquel le photographe effectuait des reportages ;

Qu'il n'est encore pas contesté que Diana Evangelina X...vient aux droits de l'auteur, en vertu du testament laissé par ce dernier, en date du 5 février 1999, la désignant en qualité de légataire universelle de la succession et d'un jugement d'homologation du tribunal populaire de La Havane du 29 mars 2002, déposés ensemble avec leur traduction française, le 9 avril 2003, au rang des minutes de maître Marie-Laurence G..., notaire au Kremlin-Bicêtre (94) ;

Qu'il n'y a pas lieu, enfin, de mettre en cause la cession des droits d'exploitation sur l'oeuvre à la société LEGENDE LLC, affirmée de concert par Diana Evangelina X..., Patrick Z...et la société LEGENDE LLC en page 17 et en page 20 de leurs écritures ;

* sur la contrefaçon

Considérant en droit, qu'au regard des dispositions de l'article L 335-3 du Code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon est caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, par toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi ;

Qu'au titre des droits patrimoniaux, l'article L 122-4 du même Code dispose que Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. (...) ;

Qu'au titre du droit moral, l'article L 121-1 énonce que L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur. (...) ;

Considérant en l'espèce, qu'il est constant que la société d'édition AEDIS a reproduit la photographie en cause en couverture et en page intérieure d'un ouvrage de sa collection Petit Guide consacré à CHE B..., publié au premier trimestre 2001 ;

Qu'il résulte des constatations de la Cour que les ouvrages de la collection Petit Guide, au nombre de 300 à ce jour, se présentent sous la forme d'un dépliant de huit pages comportant des textes et des illustrations sur des sujets de culture générale, en particulier à caractère historique tels, à titre d'exemple, De Gaulle, Les rois de France, Les présidents des Etats-Unis et se proposent d'enseigner à la jeunesse, de manière didactique et attractive, l'essentiel des connaissances sur la question abordée ;

Que l'ouvrage attaqué, au titre de " CHE B...", affiche d'emblée en page de couverture, en guise de légende à la photographie litigieuse, la devise attribuée au guérillero : " Soyons réalistes, demandons l'impossible " et offre de l'homme comme du chef révolutionnaire, décrit comme " un être d'exception, un combattant héroïque et intransigeant qui aura su aller jusqu'au bout du sacrifice suprême en donnant sa vie pour essayer d'améliorer celle des autres ", animé d'" un profond respect pour la vie humaine, même quand il s'agit de celle d'un ennemi ", un portrait hagiographique qui exalte les idéaux qui ont guidé son action dont les hauts faits sont relatés, depuis le périple entrepris en 1952 " à la rencontre du petit peuple " du continent sud-américain, jusqu'à sa capture et son exécution en Bolivie le 9 octobre 1967, " traqué depuis des mois par des milliers de soldats boliviens-aidés par des conseillers américains de la CIA-, abandonné par Fidel H...qu'il avait aidé à prendre le pouvoir, trahi par ceux-là mêmes qu'il était venu arracher à la misère, ces paysans analphabètes de l'altiplano bolivien, pour qui il rêvait d'ouvrir des écoles dans chaque village " ;

Or considérant que le contrat de cession invoqué par les appelants au soutien de leurs droits patrimoniaux, conclu en date du 25 mai 1995 entre KORDA et Philippe Z..., énonce expressément en son article 1 que la photographie du " CHE au béret et à l'étoile " " est un objet d'utilisation désincarnée, soumis à aucune autorisation ni paiement d'aucun droit, ni à aucun contrôle dit de qualité " et que la cession des droits d'exploitation, de reproduction et de diffusion a été consentie " pour faire respecter le bon usage de ladite photographie et interdire toute utilisation qui ne correspondrait pas aux idées de KORDA quant à sa représentation et afin d'en défendre les droits " ;

Et considérant que KORDA a clairement et précisément exprimé les principes appelés à régir, selon sa volonté, l'exploitation de son oeuvre ainsi qu'en attestent des publications de presse dont la teneur n'est pas contestée ni, en tout état de cause, combattue par une quelconque preuve contraire ;

Considérant en effet, que par un article paru dans l'édition du 28 septembre 2000 du journal l'Humanité, la journaliste Françoise I...rappelle que cette photographie " a fait des milliers de fois le tour du monde, sur des affiches et des cartes postales, sur des bouteilles de parfum ou des briquets sans que jamais l'auteur ne perçoive le moindre dividende.... Mais, pour ce photographe reconnu pour toute son oeuvre, la reproduction à des milliers d'exemplaires de cette image n'était pas un problème mais plutôt un orgueil de la voir sur la poitrine de tant de jeunes à l'aube du XXI ème siècle " et, évoquant le procès que venait d'engager KORDA à la suite de l'utilisation de son oeuvre dans la campagne publicitaire d'une célèbre marque de vodka, rapporte que : " Ce n'est pas pour l'argent que KORDA s'est mis en colère, mais " selon les propres déclarations de celui-ci " pour rejeter cette manière de rendre triviale la signification historique d'une photo. Je ne suis pas d'accord avec cette exploitation commerciale offensante pour la promotion d'un tel produit : Cela porte préjudice à la mémoire de ce guérillero, c'est un manque de respect pour un homme qui s'est distingué mais pas précisément en tant qu'ivrogne " ;

Que, dans une chronique diffusée le 29 mai 2001 sur le site Internet http : / / cyberie. qc. ca / chronik, Jean-Pierre J...indique à l'occasion du décès du photographe que ce dernier " avait déclaré ne rien avoir contre la reproduction de son oeuvre pour promouvoir les idées du CHE " ;

Que, dans une revue de presse intitulée " CHE B...orphelin ", le site Internet http : / / www. photographes. fr, rapporte quant à lui une déclaration de KORDA aux termes de laquelle " En tant que partisan des idéaux pour lesquels CHE B...est mort, je ne suis pas opposé à la reproduction de cette photographie par ceux qui souhaitent perpétuer sa mémoire et la cause de la justice sociale dans le monde " ;

Qu'il s'ensuit de l'ensemble de ces éléments, complémentaires et concordants, que l'auteur a expressément consenti à toute forme d'exploitation de son oeuvre dès lors qu'elle serait respectueuse de son propre engagement au service du leader politique et fidèle aux idéaux pour lesquels ce dernier a combattu ;

Que l'ouvrage critiqué pour contrefaçon, qui destine à la jeunesse le récit épique de la vie de CHE B..., participe incontestablement à la perpétuation de la mémoire du chef révolutionnaire et à la diffusion de sa cause ;

Que de sorte, la représentation dans cet ouvrage de l'oeuvre photographique litigieuse est exempte de critique au regard du voeu exprimé par KORDA ;

Que venant aux droits de ce dernier, les appelants ne sauraient être fondés, sauf à violer la volonté de leur auteur, à se prétendre atteints dans leurs droits patrimoniaux ;

Que par voie de conséquence, le tribunal mérite confirmation en ce qu'il a jugé non caractérisée en l'espèce une contrefaçon à raison de la reproduction de l'oeuvre sans l'autorisation du propriétaire ou de ses ayants-droits ;

Considérant qu'il est constant et en tout état de cause établi au terme des constatations de la Cour que l'ouvrage incriminé ne fait aucunement mention du nom de l'auteur de la photographie reproduite à deux reprises, que par ailleurs, chacune de ces reproductions a fait l'objet de retouches par altération des couleurs, modification des contrastes, mutilation de la partie inférieure de l'oeuvre donnant à voir le buste de CHE B...;

Qu'il s'évince de ces éléments, qu'il a été porté atteinte au droit moral de Diana Evangelina X...venant aux droits de KORDA en raison du défaut de respect de son nom et de son oeuvre, peu important la circonstance objectée par la société AEDIS, nullement établie et en tout état de cause inopérante en l'espèce, selon laquelle les dénaturations en cause, identiques à celles d'ores et déjà observées en couverture de l'ouvrage de Jean K..." CHE B..., compagnon de la révolution ", paru en 1996 aux éditions Gallimard auraient reçu l'approbation de l'auteur ;

Sur les droits de marque

Considérant qu'il est établi que Patrick Z...est propriétaire de la marque figurative communautaire représentant l'oeuvre photographique de KORDA, déposée le 18 janvier

2002, enregistrée le 13 novembre 2003 sous le numéro 002550036 pour désigner les produits et services des classes 16, 25 et 41 et publiée le 5 janvier 2004 ;

Que par confirmation du jugement déféré, celui-ci doit être cependant débouté de son action au fondement de l'atteinte à ses droits privatifs de marque dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la photographie en cause a été reproduite dans l'ouvrage incriminé à seule fin d'illustrer les développements pédagogiques consacrés au personnage historique qu'elle représente, mais nullement employée à titre de marque conformément à la fonction assignée à cette dernière par l'article 4 du règlement CE no 40 / 94 du 20 décembre 1993 de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'au regard des circonstances de l'espèce et des procès-verbaux de constat en date du 11 octobre 2007 et des 22 et 23 mai 2008 qui établissent à compter de juillet 2007 le retrait de la vente des publications incriminées et la suppression des reproductions litigieuses dans les brochures nouvellement éditées, l'appréciation faite par le tribunal du préjudice subi par Diana Evangelina X...des suites de l'atteinte portée à ses droits moraux apparaît raisonnable ;

Qu'en conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société AEDIS à lui verser la somme de 4. 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Qu'il doit être également confirmé en ce qu'il n'a pas estimé nécessaire en la cause d'ordonner une mesure de publication ;

Qu'eu égard à l'évolution du litige et dès lors que la société AEDIS a fait le choix de procéder à la suppression des reproductions litigieuses, le jugement sera par contre infirmé en ce qu'il enjoint à cette dernière de mentionner dans les éditions à venir de l'ouvrage " CHE B..." le nom de KORDA en qualité d'auteur de la photographie et de restituer à l'oeuvre son aspect original ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'au regard du sens de l'arrêt et de l'équité les demandes respectives formées au fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile doivent être rejetées ;

Que succombant à la procédure d'appel, les appelants en supporteront les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a enjoint à la société AEDIS, dans les éditions à venir de l'ouvrage " CHE B..." publié dans la collection Petit Guide, de mentionner le nom de KORDA en qualité d'auteur de la photographie et de restituer à l'oeuvre son aspect original,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute les parties des demandes respectives formées au fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne les appelants aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code précité.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0165
Numéro d'arrêt : 07/16456
Date de la décision : 10/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 13 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-09-10;07.16456 ?
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