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02/07/2008 | FRANCE | N°30

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0091, 02 juillet 2008, 30


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 02 JUILLET 2008

(no 30, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2008/06267

Décision déférée à la Cour : no 08-D-05 rendue le 27 mars 2008

par le CONSEIL DE LA CONCURRENCE

DEMANDEUR AU RECOURS :

- La société CDG PARTICIPATIONS, SA

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : 1, allée de la Louve 93420 VILL

EPINTE

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assistée de Maître Sophie X... et Maître ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 02 JUILLET 2008

(no 30, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2008/06267

Décision déférée à la Cour : no 08-D-05 rendue le 27 mars 2008

par le CONSEIL DE LA CONCURRENCE

DEMANDEUR AU RECOURS :

- La société CDG PARTICIPATIONS, SA

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : 1, allée de la Louve 93420 VILLEPINTE

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assistée de Maître Sophie X... et Maître Michel Y...

la SELARL FLECHEUX et ASSOCIES

...

DÉFENDEUR AU RECOURS :

- La société LAGARDERE SERVICES, SA

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : 2, rue Lord Byron 75008 PARIS

- La société AELIA, SAS

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : 114, avenue Charles de Gaulle 92200 NEUILLY SUR SEINE

représentées par la SCP BERNABE CHARDIN CHEVILLER,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assistées de Maître Sergio SORINAS,

avocat au barreau de PARIS

toque J 21

CLEARY GOTTLIEB STEEN ET HAMILTOL

12, rue de Tilsitt 75008 PARIS

- La société AÉROPORTS DE PARIS

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : ...

représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU JUMEL,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assistée de Maître Hugues B... et Marie-Cécile C...,

avocats au barreau de PARIS

toque T 12

Cabinet BREDIN PRAT

130, rue du faubourg Saint Honoré 75008 PARIS

EN PRÉSENCE DE :

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE

11 rue de l'Echelle

75001 PARIS

représenté par M. Thierry DAHAN, muni d'un pouvoir

Mme LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

BAT.5, 59 BD VINCENT AURIOL

D.G.C.C.R.F

75703 PARIS CEDEX 13

représentée par Mme Laurence NGUYEN-NIED, munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

- M. Didier PIMOULLE, Président

- M. Christian REMENIERAS, Conseiller

- Mme Agnès MOUILLARD, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Hugues WOIRHAYE, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Didier PIMOULLE, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.

* * * * * *

La société AÉROPORTS DE PARIS (ci-après ADP) est chargée en vertu de l'article L.251-2 du code de l'aviation civile d'aménager, d'exploiter et de développer les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle, de Paris-Orly et de Paris-Le Bourget. Elle assure, dans ce cadre, la gestion des emplacements commerciaux en zone sous douane situés dans ces aéroports.

La société LAGARDERE SERVICES, filiale à 100 % du groupe LAGARDERE, gère les activités du groupe dans le secteur du commerce de détail dans les aéroports, par l'intermédiaire de sa filiale, la société AELIA. Cette société holding regroupe des participations dans des sociétés qui exploitent des commerces «duty free» et en «zones réservées». CDG Participations (ci-après CDGP), est une société holding qui contrôle six filiales dont l'activité est consacrée au commerce de détail dans les aéroports : Créative (boutiques de mode, de maroquinerie et d'articles pour enfants), Koba (boutiques de lingerie et d'articles balnéaires), Vaness (boutiques de cadeaux et de souvenirs), Gourmet (boutiques de gastronomie).

ADP assure la gestion des emplacements commerciaux en zone sous douane, tout d'abord, dans le cadre d'un système d'exploitation semi-directe mis en place avec LAGARDERE SERVICES et AELIA au travers d'une entreprise commune, la Société De Distribution Aéroportuaire (SDA), dont elles détiennent, chacune, 50 % du capital. C'est ainsi qu'aux termes d'un protocole d'accord du 28 juillet 2006, ADP et AELIA ont confié à SDA l'exploitation des points de vente «alcools-tabacs et parfums-cosmétiques-gastronomie» des aérogares d'Orly Ouest et Sud et de l'aérogare no3 de Paris-Charles-de-Gaulle.

Depuis la modification du statut d'ADP, intervenue en 2005, la gestion des emplacements commerciaux concernant les autres activités s'opère dans le cadre de baux civils, même si, dans la plupart des cas, en dépit de l'abandon du régime de la domanialité publique, ADP continue à procéder à des appels d'offres qui ne sont pas soumis au code des marchés publics. C'est ainsi que ADP a concédé l'exploitation d'emplacements commerciaux à des filiales de la société AELIA ainsi qu'à des filiales de CDGP, dont Créative.

L'attribution d'un emplacement commercial donne lieu au versement par les exploitants à ADP d'une redevance exprimée en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par le concessionnaire ainsi qu'au versement d'un minimum garanti, le plus souvent exprimé en montant par passager. Le taux de redevance évolue de 2 à 40 % en fonction d'éléments objectifs constitués, d'une part, par l'emplacement des boutiques et, d'autre part, par le secteur d'activité concerné, la presse ou les produits son-photo-vidéo étant peu rentables, au contraire de l'alcool, du tabac et des cosmétiques.

Le 16 janvier 2008, CDGP a saisi le Conseil de la concurrence (ci-après le Conseil) de pratiques mises en oeuvre par ADP et la société LAGARDÈRE SERVICES dans la gestion des concessions commerciales des aéroports parisiens.

CDGP dénonce «des pratiques d'abus de position dominante d'ADP sur le marché de l'attribution des concessions commerciales dans les aéroports parisiens ayant pour objet ou pour effet de l'évincer du marché connexe du commerce dans les aéroports parisiens, en favorisant notamment sa filiale SDA» ainsi que «des pratiques d'entente et d'abus de position dominante collective d'ADP et LAGARDERE SERVICES ayant pour objet ou pour effet de renforcer artificiellement la position de LAGARDERE SERVICES et indirectement d'ADP sur le marché du commerce dans les aéroports parisiens et d'empêcher corrélativement l'accès des concurrents à ce marché ou leur maintien ».

Au soutien de sa saisine, CDGP précise qu' ADP a demandé en 2006 à sa filiale Créative, qui avait remporté en 2002 l'appel d'offres pour les concessions sur les terminaux ABC et D de l'aéroport CDG2 pour la période 2003-2008, d'entreprendre des travaux s'inscrivant dans le cadre de la réhabilitation de la zone commerciale sous douane du terminal A. Après réalisation de ces travaux, par lettre du 7 juillet 2006, ADP a notifié à CDGP, que la concession était prolongée jusqu'au 30 juin 2012 pour permettre l'amortissement des investissements. CDGP prétend que c'est dans le cadre de cette relation contractuelle qu'ont été révélées certaines des pratiques reprochées à ADP, notamment celles qui justifient la demande de mesures conservatoires, ainsi formulée:

- «enjoindre à ADP de modifier les conditions financières de la négociation du bail civil en écartant la clause stipulant le taux de redevance à 25 % du chiffre d'affaires et en appliquant à compter du 1er juillet 2007, dans le cadre du nouveau bail, un taux de 10 % tel que proposé par CDGP ;

- enjoindre à ADP de maintenir Créative dans les lieux dans l'attente de la signature du nouveau bail à des conditions économiques acceptables et en conséquence de ne pas donner suite aux mises en demeure d'avoir à quitter les lieux ;

- enjoindre à ADP d'entreprendre immédiatement la procédure de délivrance des badges au personnel sur place de Créative afin de lui permettre d'accéder à la zone sous douane après le 31 mars 2008 ".

Le 27 mars 2008, le Conseil a rendu la décision 08-D-05 suivante :

Article 1er : La saisine au fond enregistrée sous le numéro 08/0007 F est rejetée.

Article 2 : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 08/0008M est rejetée.

LA COUR :

Vu l'assignation délivrée le 14 avril 2008 par la société CDGP à la société ADP, à la société LAGARDÈRE SERVICES , à la société AELIA ainsi qu'au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, par laquelle elle saisit la cour, en application des dispositions des articles L.464-7 et R.464-20 du code de commerce, d'un recours tendant :

- à l'annulation de la décision du Conseil en ce qu'il a rejeté la saisine au fond et la demande de mesures conservatoires ;

- à dire et juger que les faits invoqués par CDGP dans la saisine étaient appuyés d'éléments suffisamment probants pour étayer la vraisemblance de pratiques contraires aux articles L.420-1 et L.420-2 du code de commerce et à renvoyer en conséquence l'affaire devant le Conseil pour la poursuite de l'instruction au fond ;

- à dire et juger que les pratiques dénoncées dans la saisine sont susceptibles de constituer des pratiques contraires aux articles L.420-1 et L.420-2 du code de commerce et que les pratiques dénoncées portent une atteinte grave et immédiate aux intérêts de la société Créative et de CDGP, du secteur intéressé et des consommateurs et en conséquence, enjoindre à ADP :

*d'une part, de modifier les conditions financières du bail civil en écartant les clauses initiales de redevance et en formulant une offre comportant des redevances établies de manière objective, transparente et non discriminatoire, et proportionnée à la valeur du service par ADP ;

*d'autre part, d'accepter une date d'échéance du contrat d'occupation des locaux concernés conforme à l'accord résultant de la lettre d'ADP du 7 juillet 2006 ;

- à obtenir la condamnation d'ADP et de LAGARDÈRE SERVICES au versement une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de les condamner aux dépens ;

Vu le recours «en annulation et en réformation» de la décision du Conseil formé le 16 avril 2008 par la société CDGP ;

Vu l'ordonnance rendue par le magistrat délégué le 5 mai 2008 ordonnant la jonction des recours ;

Vu le mémoire déposé le 2 mai 2008 par la société CDGP à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 22 mai 2008, par lequel elle demande à la cour :

- à titre principal, d'annuler la décision du Conseil en ce qu'elle a rejeté la saisine au fond et la demande de mesures conservatoires ;

- de dire et juger que la société ADP abuse de la position dominante qu'elle détient sur le marché de la gestion des emplacements commerciaux sous douane dans les aéroports parisiens, et que les sociétés ADP et LAGARDERE SERVICES ont mis en oeuvre des pratiques d'entente anticoncurrentielle et d'abus de position dominante collective sur les marchés avals de l'exploitation des boutiques sous douane dans les aéroports parisiens ;

- de condamner ces pratiques et d'enjoindre à ADP et à LAGARDERE SERVICES d'y mettre fin ;

- à titre subsidiaire, de dire et juger que les faits invoqués dans sa saisine sont appuyés d'éléments suffisamment probants pour étayer la vraisemblance de pratiques contraires aux articles L.420-1 et L.420-2 du code de commerce ;

- en conséquence, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, de renvoyer l'affaire au Conseil de la concurrence pour poursuivre l'instruction au fond ;

- en tout état de cause, et dans l'attente de la décision au fond, de déclarer recevable la demande de mesures conservatoires ;

- de dire et juger que les pratiques dénoncées portent une atteinte grave et immédiate aux intérêts de la société Créative et de CDGP, du secteur intéressé et des consommateurs ;

- en conséquence, enjoindre à ADP, d'une première part, de suspendre la consultation partenariat avec Aéroports de Paris dans le cadre d'une Société Opératrice pour l'aménagement, l'exploitation et le développement de commerces sur les aéroports Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly, pour les activités «modes et accessoires»engagée le 31 mars 2008 et modifiée le 21 avril 2008 en ce qu'elle a inclus les surfaces ABCD de CDG 2 dans le périmètre de la consultation ; d'une deuxième part, de modifier les conditions financières du bail civil en écartant les clauses initiales de redevance et en formulant une offre comportant des redevances établies de manière objective, transparente et non discriminatoire, et proportionnée à la valeur du service rendu par ADP et, d'une troisième part, d'accepter une date d'échéance du contrat d'occupation des locaux concernés conformes à l'accord résultant de la lettre d'ADP du 7 juillet 2006 ;

- de condamner la société ADP et la société LAGARDERE SERVICES à lui verser une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de les condamner aux dépens ;

Vu le mémoire déposé le 19 mai 2008 par la société ADP ;

Vu le mémoire déposé le 19 mai 2008 par la société LAGARDÈRE SERVICES et par la société AELIA ;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence, déposées le 21 mai 2008 ;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, déposées le 23 mai 2008 et les observations complémentaires du 26 mai 2008 tendant à la rectification d'une erreur matérielle ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties avant l'audience ;

Ouï à l'audience publique du 27 mai 2008, en leurs observations orales, le conseil de la requérante qui a été mis en mesure de répliquer et a eu la parole en dernier, ainsi que le représentant du Conseil de la concurrence, celle du ministre chargé de l'Economie et le ministère public ;

SUR CE :

Sur la recevabilité du recours, que la cour est tenue d'examiner d'office ;

Considérant que, par la décision attaquée, le Conseil a rejeté à la fois la saisine au fond et la demande de mesures conservatoires ; que, selon les articles L. 464-7 et R. 464-20 du code de commerce, les décisions prises au titre de l'article L. 464-1 peuvent être frappées de recours dans le délai de dix jours à compter de leur notification, par voie d'assignation, tandis que, selon les articles L. 464-8 et R. 464-12, celles mentionnées à l'article L.462-8 peuvent être frappées de recours dans le délai d'un mois à compter de leur notification, par voie de déclaration déposée au greffe de la cour ; que se pose donc la question du délai et de la forme applicables aux recours formés contre cette décision ;

Considérant que l'article L. 462-8, alinéa 2 du code de commerce dispose que le Conseil de la concurrence peut rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ; qu'en outre, aux termes de l‘article R 464-1 du même code, la demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond du Conseil de la concurrence ;

Considérant qu'il résulte de ces textes que, lorsque le Conseil est saisi d'une demande de mesures conservatoires, il lui appartient de vérifier préalablement si les faits invoqués sont appuyés d'éléments suffisamment probants et, dans la négative, de rejeter la saisine ; qu'eu égard au caractère accessoire de la demande de mesures conservatoires, le rejet de la saisine par application de l'article L. 462-8 du code de commerce emporte rejet, par voie de conséquence, de la demande de mesures conservatoires, sans examen de celle-ci ;

Qu'il suit de là que la décision rendue sur ce fondement entre dans les prévisions de l'article L. 464-8 du Conseil de la concurrence et que sont donc inapplicables les dispositions de l'article L. 464-7 du code de commerce, propres aux recours contre les décisions se prononçant sur les mesures conservatoires ;

Considérant qu'en l'espèce, la notification effectuée par le Conseil de la concurrence le 1er avril 2008, mentionnait qu'un recours pouvait être formé dans un délai de dix jours ; qu'en l'état d'une notification comportant un délai inexact, il doit être considéré que le délai de recours n'a pas couru ; qu'il suit de là que le recours formé par CDGP, par déclaration déposée au greffe de la cour le 16 avril 2008, est recevable ;

Sur le fond

Considérant, en premier lieu, que CDGP maintient qu' ADP s'est rendue coupable d'un abus de position dominante qu'elle prétend caractériser, tout d'abord, par l'existence de pratiques de prix abusifs et discriminatoires résultant de «l'économie des contrats»; qu'à cet égard, la requérante expose qu'à la suite de l'ouverture du terminal S3 de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, ADP a procédé, en 2007, au sein de cet aéroport, à un changement d'affectation des compagnies aériennes qui a abouti à un transfert massif des vols de la compagnie Air France qui contribuaient jusqu'alors à la formation de 19 % du chiffre d'affaires de sa filiale Créative et qu'en l'absence de remplacement par des vols à valeur contributive équivalente, cette société a subi une baisse sensible de son chiffre d'affaires journalier; qu'en refusant de faire droit à sa demande de réduction du montant de la redevance afin de lui permettre de retrouver un équilibre d'exploitation, ADP a imposé à sa filiale des conditions caractérisant un abus de puissance économique ; que ces conditions, fixées sans tenir compte de la valeur du service rendu et sans prendre en considération la valeur contributive de la clientèle des terminaux sont non seulement abusives mais encore discriminatoires à l'égard de Créative dès lors, d'une part, que son concurrent direct, la société PAP, bénéficie de son côté d'un apport considérable de chiffre d'affaires par suite de l'affectation de l'essentiel des «vols contributifs» sur les terminaux où elle est implantée et, d'autre part, que les filiales du groupe LAGARDERE SERVICES, présentes sur tous les terminaux, peuvent grâce aux bons résultats obtenus sur un terminal «contributif» procéder à une compensation des pertes observées sur un terminal moins «contributif»;

Que CDGP prétend, ensuite, que l'abus de position dominante imputé à ADP résulte des comportements discriminatoires d'ADP observés au profit des sociétés du groupe LAGARDERE SERVICES ou de SDA dans le cadre de l'exécution des concessions, tels que, par exemple, les conditions d'extension du périmètre d'activité de VIRGIN (AEROBOUTIQUE) ou les conditions d'octroi de certains emplacements à ses filiales à la suite de l'effondrement du terminal E de l'aéroport Charles de Gaulle ;

Qu'enfin, la requérante fait état de pratiques anticoncurrentielles dans l'attribution des concessions commerciales par ADP, détentrice d'une facilité essentielle, en évoquant également des situations particulières censées illustrées par le fait qu' ADP aurait, notamment, manifesté une absence de transparence et d'objectivité dans l'attribution et le renouvellement des contrats ou encore aurait procédé à la diffusion d'informations privilégiées à l'occasion d'un appel d'offres;

Considérant, en deuxième lieu, que CDGP maintient qu'en définissant ensemble une stratégie commune de développement de l'exploitation commerciale des plates-formes aéroportuaires, stratégie qui a pour objet sinon pour effet de renforcer artificiellement les parts de marché du groupe LAGARDERE SERVICES au détriment des autres opérateurs et de se répartir les emplacements commerciaux entre SDA et les sociétés du groupe LAGARDERE SERVICES dans un intérêt commun, ADP et LAGARDERE SERVICES se sont rendues coupables d'une entente ; que la requérante prétend démontrer cette pratique anticoncurrentielle par le lien structurel entre ces deux sociétés résultant, notamment, de leur partenariat au sein de la société SDA, partenariat qui leur permet de procéder à une concertation permanente dans l'exploitation des concessions ainsi qu'à une coordination constante de leurs comportements sur le marché considéré; que c'est ainsi que, comme l'attestent divers comptes rendus de réunions, SDA bénéficie d'informations privilégiées à caractère stratégique dépassant le cadre de son activité propre et dont «elle fait structurellement bénéficier les sociétés de son groupe» ; qu'en outre, CDGP fait valoir qu' à l'occasion de déclarations publiques les représentants d'ADP ont fait état d'une communauté d'intérêts avec LAGARDERE SERVICES et d'une volonté commune avec cette entreprise de développer leur activité commerciale sur les aéroports de Paris;

Considérant, en dernier lieu, que CDGP maintient , au soutien de son recours du chef d'un éventuel abus de position dominante collective, que LAGARDERE SERVICES et SDA, d'une part, ADP par l'intermédiaire de SDA, d'autre part, détiennent collectivement un pouvoir de marché sur le marché de la vente au détail sous douane dans les aéroports parisiens ; que cette domination collective résulte de l'existence d'une structure commune (SDA) et se manifeste, par ailleurs, par des indices de concertation dans leur comportement passé (rachat de Saresco, protocole de juillet 2006 ...) et actuel (échanges d'informations, partage des métiers entre SDA et les filiales du groupe LAGARDERE SERVICES) ;

Considérant que l'article L.462-8 du code de commerce dispose : «Le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir de l'auteur de celle-ci, ou si les faits sont prescrits au sens de l'article L.462-7, ou s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence.

Il peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants.(...)» ;

Considérant que la cour, saisie d'un recours formé contre une décision de rejet de saisine fondée sur l'article L.462-8, alinéa 2, du code de commerce, doit vérifier si les faits invoqués, tels qu'ils ont été soumis au conseil, étaient appuyés d'éléments suffisamment probants, étant observé que le rejet sur ce fondement n'est pas revêtu de l'autorité de la chose décidée et n'exclut pas une nouvelle saisine autrement étayée ;

Qu'il en résulte que les éléments qui n'ont pas été produits devant le Conseil ne peuvent l'être pour la première fois devant la cour ;

Qu' à cet égard, la cour observe que la discrimination en faveur des boutiques de mode implantées dans le terminal CDG 2 invoquée par CDGP ainsi que les prétendues irrégularités dans la procédure de consultation en cours concernant la création d'une entreprise commune dans le secteur de la mode évoquées par la requérante dans ses écritures d'appel n'étaient pas mentionnées dans la saisine ;

En ce qui concerne les marchés pertinents affectés et les positions concurrentielles des entreprises en cause

Considérant qu'en l'état des investigations auxquelles il a procédé dans le cadre de sa saisine, le Conseil a conclu (points 67 à 102 de la décision), ce que ni la requérante ni LAGARDERE SERVICES et AELIA ne contestent utilement :

- qu'il existe un marché amont de la gestion des emplacements commerciaux sous douane sur lequel ADP est en monopsone ;

- que peuvent être envisagés plusieurs marchés de détail de l'exploitation des boutiques sous douane dans les aéroports parisiens sur lequel le groupe LAGARDERE SERVICES serait en position dominante ;

- qu'ADP peut être considéré comme étant en position de monopole sur le marché de l'offre de services aéroportuaires sur l'escale de Paris ;

En ce qui concerne les faits d'abus de position dominante imputés à ADP

Considérant que le Conseil a procédé, au préalable, à une exacte analyse des faits évoqués dans la saisine, en relevant que les pratiques imputées à ADP par CDGP lors des procédures d'attribution des emplacements commerciaux et pour la fixation des taux de redevance et lors de l'exécution des contrats pourraient relever, soit d'une stratégie de prix excessifs, soit d'une discrimination entre la filiale d'ADP et ses concurrents, les deux pratiques n'étant pas exclusives;

Considérant que, dans un tel cadre, c'est à juste titre que, même si les taux de redevance et le minimum garanti versés par le bénéficiaire d'un emplacement commercial sont uniformément applicables à tous les concessionnaires, le Conseil s'est attaché à vérifier l'absence de discrimination tarifaire déguisée, les conditions initialement convenues dans les baux ne tenant pas compte des modifications ultérieures d'affectations de vol ;

Qu'à cet égard, il ressort du dossier que les modifications d'affectations de vol et de répartition du trafic au sein de chaque aérogare sont susceptibles d'avoir une incidence importante sur le chiffre d'affaires et donc sur la marge des concessionnaires, avec une variation de chiffre d'affaires, établie par le dossier, de 1 à 30 entre les passagers les moins «contributifs» et les plus «contributifs» (point 12 de la décision) ;

Considérant, toutefois, les aéroports modifiant fréquemment l'affectation des compagnies aériennes entre leurs différents terminaux pour des motifs tenant à la gestion des flux aéroportuaires et aux demandes des compagnies aériennes, que les entreprises intègrent cet aspect de leur activité future dans leurs réponses aux appels d'offres, ce que révèle en tant que de besoin, comme le fait utilement observer ADP, l'article 3 de l'accord concernant Créative qui stipule: «le bénéficiaire ne pourra prétendre à aucune indemnité à raison (...) des troubles et interruptions qu'apporteraient éventuellement à son exploitation l'exercice du service public de transport aérien et notamment les conditions de fonctionnement et de gestion de l'aéroport ou l'évolution de ces conditions, l'évolution du trafic aérien, l'application des mesures de sécurité, de police, de douane et de circulation....» ;

Que le caractère variable du trafic, connu des candidats à l'exploitation de ces commerces, constitue précisément l'un des éléments qui caractérisent l'activité commerciale sous douane en aéroport, et que tous les exploitants de boutiques sous douane sans distinction ont été confrontés au problème de l'adéquation du taux de redevance aux facultés contributives des voyageurs affectés à leur terminal ;

Qu'au surplus, il ressort du dossier que, pendant l'exécution du contrat, les concessionnaires disposent d'une «marge de négociation» qui est effectivement utilisée, notamment en cas d'imprévu, comme en témoignent les propositions de modification du bail, notamment la suppression du versement minimum garanti, ou la prolongation de sa durée, adressées à CDGP par ADP (point 138 de la décision) ;

Considérant, dès lors, que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil a décidé que la plainte ne comporte pas d'éléments suffisamment probants au sens de l'article L.462-8 du code de commerce pour établir que ADP aurait pu commettre des discriminations dans l'attribution des emplacements commerciaux ou la définition des taux de redevances ou encore que cette société aurait eu pour objectif, en refusant de négocier le taux de redevance imposé à CDGP, de distordre la concurrence entre concessionnaires, en pratiquant des tarifs excessifs à l'égard de la requérante ;

En ce qui concerne les faits d'abus de position dominante collective et d'entente

Considérant que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil a estimé que les faits d'entente et d'abus de position dominante collective invoqués dans la saisine n'étaient pas appuyés d'éléments suffisamment probants ;

Considérant que le Conseil a procédé à une exacte analyse des faits de la saisine, en relevant que si la création par ADP et LAGARDERE SERVICES de la société SDA, filiale commune, permet de caractériser l'existence d'un lien structurel entre ces entreprises, il n'en demeure pas moins que l'existence d'une entente ainsi que d'une position dominante collective implique la démonstration de l'adoption d'une ligne d'action commune sur le marché, ainsi définie au cas d'espèce : «la seule ligne d'action commune à ADP et à LAGARDERE SERVICES, présents à deux étages différents de la structure verticale, pourrait consister à s'entendre pour maximiser le surplus extrait en aval des acheteurs, puis à le partager» (point 144 de la décision);

Or considérant, tout d'abord, que le Conseil retient exactement qu'il ressort du dossier (points 145 et 146 de la décision) :

- qu' ADP n'a pas choisi de faire bénéficier les clients des magasins installés dans les aéroports d'une concurrence entre ces magasins, chacun de ceux-ci étant en effet, dans le terminal concerné, en position de monopole pour le type de produit qu'il distribue ;

- que «c'est au travers de la réduction des taxes aéroportuaires permise par la rentrée de recettes en provenance des boutiques que les passagers profitent de cette politique financée par les passagers à haute contribution qui font des achats en boutique» ;

- que la politique d'ADP concernant SDA et les concessionnaires, dont LAGARDERE SERVICES comme CDGP consiste sur le marché de détail à éviter toute concurrence frontale entre eux, les concessionnaires étant en effet invités à pratiquer des prix de monopole et à maximiser leur chiffre d'affaires en exploitant le consentement des passagers captifs qui transitent par les aérogares ;

- que le comportement de ADP, qui la conduit ainsi «à maximiser le surplus de la filière verticale constituée par ADP et SDA», ne résulte nullement d'une entente ou d'un comportement collectivement abusif ;

Que la cour observe, pour sa part, s'agissant plus précisément des «engagements comportementaux mutuels d'ADP et de LAGARDERE SERVICES résultant de protocoles d'accord passés entre les deux entreprises (...) mettant en oeuvre les moyens d'une action commune pour parvenir à une meilleure synergie opérationnelle et commerciale» qui sont mis en exergue par la requérante, que LAGARDERE SERVICES peut utilement lui opposer :

-qu'ADP n'est pas partie au protocole d'achat de SARESCO, et que cet accord ne comporte aucun engagement de LAGARDERE SERVICES à l'égard d'ADP ;

- que le protocole du 28 juillet 2006 relatif à l'extension des activités de SDA ne révèle pas non plus le moindre engagement de la part de LAGARDERE SERVICES et d'ADP en ce qui concerne des activités autres que celles de leur filiale commune, cet accord se bornant à organiser les modalités pratiques de l'extension du champ des activités traditionnelles de SDA ainsi qu'une modification du mode de direction de cette dernière ;

Considérant, ensuite, s'agissant des échanges d'informations allégués par la requérante, que le Conseil constate avec perti nence que les seuls échanges établis par l'instruction portent sur des prévisions de trafic qui sont publiées mensuellement et adressées à l'ensemble des concessionnaires ;

Considérant, enfin, que le dossier révèle (points 149 et 150 de la décision) qu'ADP ne réserve pas un traitement de faveur aux filiales de LAGARDERE SERVICES et que, dans le cadre des appels d'offres auxquels il continue de procéder, les filiales de LAGARDERE SERVICES n'ont pas été favorisées comme l'attestent les derniers appels d'offres lancés en février 2007 et en novembre 2007 qui ont été remportés au détriment de AELIA ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le Conseil a rejeté la saisine au fond et, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires;

Que le recours sera rejeté ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le recours,

Condamne la société CDG Participations aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Benoit TRUET-CALLU Didier PIMOULLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0091
Numéro d'arrêt : 30
Date de la décision : 02/07/2008

Analyses

CONCURRENCE - Conseil de la concurrence - Décision - Recours - Annulation de la décision du Conseil - / JDF

L'article L. 462-8, alinéa 2 du code de commerce dispose que le Conseil de la concurrence peut rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants .En outre, aux termes de l`article R. 464-1 du même code, la demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond du Conseil de la concurrence. Il résulte de ces textes que, lorsque le Conseil est saisi d'une demande de me- sures conservatoires, il lui appartient de vérifier préalablement si les faits invoqués sont appuyés d'éléments suffisamment probants et, dans la négative, de rejeter la saisine. Eu égard au caractère accessoire de la demande de mesures conservatoires, le rejet de la saisine par application de l'article L. 462-8 du code de commerce emporte rejet, par voie de conséquence, de la demande de mesures conservatoires, sans examen de celle-ci. Il suit de là que la décision rendue sur ce fondement entre dans les prévisions de l'article L. 464-8 du code de commerce et que sont donc inapplicables les dispositions de l'article L. 464-7 de ce code, propres aux recours contre les dé- cisions se prononçant sur les mesures conservatoires


Références :

Articles L. 462-8, alinéa 2, L. 464-8 et R. 464-1 du code de commerce.

Décision attaquée : Conseil de la Concurrence, 27 mars 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-07-02;30 ?
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