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04/06/2008 | FRANCE | N°07/08617

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0089, 04 juin 2008, 07/08617


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 4 JUIN 2008

No du répertoire général : 07/08617

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 22 mai 20

07 par Maître Marie-Laure X..., avocat substituant Maître Thibault de MONTBRIAL, avocat de Monsieur Lyèce Y..., demeuran...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère CHAMBRE - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES

DECISION DU 4 JUIN 2008

No du répertoire général : 07/08617

Décision contradictoire en premier ressort

Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 22 mai 2007 par Maître Marie-Laure X..., avocat substituant Maître Thibault de MONTBRIAL, avocat de Monsieur Lyèce Y..., demeurant chez Monsieur Mohamed Y..., ... EN BRIE ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 7 mai 2008 à 9 heures 30 ;

Vu la présence de Monsieur Lyèce Y... ;

Ouï, Monsieur Lyèce Y..., Maître Marie-Laure X..., avocat plaidant pour Maître Thibault MONTBRIAL, avocat représentant Monsieur Lyèce Y..., Maître Cyrille Z..., avocat plaidant pour la SCP UETTWILLER GRELON GOUT CANAT, avocats associés représentant Monsieur A... Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 7 mai 2008, le requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;

Attendu que Monsieur Lyèce Y..., poursuivi pour viols, tentative de viol et violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours par le conjoint de la victime, a été placé sous mandat de dépôt le 10 avril 2004, a été mis en liberté sous contrôle judiciaire le 1er juillet 2004 et a bénéficié, le 24 janvier 2006, d'une ordonnance de non-lieu confirmée par arrêt de la 5ème chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris du 6 décembre 2006 ; que cette décision est définitive ;

Qu'il a ainsi été incarcéré pendant 2 mois et 22 jours ;

Attendu que Monsieur Lyèce Y... sollicite dans ses dernières conclusions une indemnité globale de 177.586,66 € (117.586,66 € au titre de son préjudice matériel, 30.000€ au titre de son préjudice corporel et 30.000 € au titre de son préjudice moral) ainsi qu'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que l'Agent judiciaire du Trésor dénie à Monsieur Lyèce Y... le droit à l'indemnisation de son préjudice matériel autre que la perte de salaires durant la période d'incarcération et de son préjudice corporel du fait de l'aggravation du diabète invoquée et nous demande d'accorder la somme de 3.000 € en réparation du préjudice résultant de l'aggravation de l'état dépressif et de limiter à 16.042 € la réparation de son préjudice matériel résultant de la perte de salaires et à 4.500 € celle de son préjudice moral ;

Attendu que la demande de Monsieur Lyèce Y..., déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;

Attendu qu'en vertu de l'article 149 du code de procédure pénale, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;

Que les moyens développés par le requérant, tirés, notamment, des conséquences d'accusations infamantes, du sentiment d'injustice qui en découle, du comportement de ses deux plus jeunes enfants à son égard résultant de l'attitude de son épouse, plaignante dans cette affaire et de l'un de ses associés, n'ont donc pas à être pris en considération ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu qu'au vu des fiches de paie communiquées, Monsieur Y... établit l'existence d'une perte de salaires directement imputable à sa détention provisoire, justifiant qu'il lui soit versé une somme de 16.239,06 € à ce titre ;

Que, par ailleurs, s'il ressort des pièces versées aux débats qu'il avait été relevé une baisse du chiffre d'affaires de la société PRATIC'MAN dont il est associé antérieurement à son incarcération pour des raisons, de ce fait, indépendantes de cette situation, il est cependant incontestable que son incarcération a eu une incidence sur la marche de ladite société dont elle a aggravé les mauvais résultats au-delà de la stricte période de détention dès lors que, directeur commercial en charge du portefeuille de clientèle de plus de 55 %, une partie de sa clientèle s'est détournée de la société après avoir appris les raisons de son absence temporaire ;

Qu'étant intéressé aux résultats de l'entreprise, il a ainsi également perdu une chance d'obtenir des commissions et primes plus importantes que celles qu'il a perçues, directement en relation avec son incarcération au cours des mois ayant suivi sa libération; qu'il convient de lui accorder la somme de 20.000 € à ce titre ;

Sur le préjudice corporel :

Attendu que, pour prétendre à l'allocation d'une indemnité au titre de son préjudice corporel, autonome de son préjudice moral, Monsieur Y... allègue une aggravation de son diabète dont l'Agent judiciaire du Trésor conteste le lien de causalité avec la détention provisoire ;

Que l'Agent judiciaire du Trésor offre en revanche de réparer le préjudice spécifique résultant de l'aggravation de l'état dépressif du requérant qu'il estime en relation directe avec son incarcération ; qu'il y a donc lieu, prenant acte de cette offre, d'allouer la somme de 3.000 € proposée à ce titre ;

Que, s'il est regrettable que le médecin traitant du requérant n'ait pas établi un certificat se prononçant sur le lien allégué entre la détention subie par Monsieur Y... et l'aggravation du diabète dont il souffrait antérieurement, il ressort cependant des certificats médicaux que le traitement a été augmenté dans les jours qui ont suivi sa libération ; que sans connaître l'évolution "normale" de cette pathologie en l'absence de certificat, il n'en demeure pas moins qu'il est ainsi démontré que le requérant s'est trouvé juste après sa détention soumis à un traitement plus lourd, signe qu'il existe une relation directe entre la détention subie et l'aggravation de son état qu'il convient d'indemniser à hauteur de 5.000€;

Qu'il y a donc lieu de lui accorder la somme globale de 8.000 € en réparation de son préjudice corporel ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;

Attendu que Monsieur Lyèce Y..., né le 31 juillet 1951, était âgé de 52 ans lors de sa mise en détention, marié avec la plaignante et père de trois enfants âgés de 24, 12 et 11 ans ;

Qu'il a souffert de l'absence de visite de certains membres de sa famille, notamment de ses plus jeunes enfants, en raison des circonstances de la plainte, ainsi que de la peur de partager sa cellule avec des co-détenus inconnus et dangereux ;

Qu'en outre, la nature des faits reprochés a contribué à rendre les conditions de détention plus difficiles par l'attitude de ses co-détenus ;

Que son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation et qu'il s'agissait d'une première incarcération ;

Attendu que la détention que Monsieur Y... a subie lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée et en considération des éléments susvisés, particulièrement de l'importance du choc carcéral, il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 6.000 € ;

Attendu que l'article 700 du code de procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire ; que l'équité commande de fixer l'indemnité due au titre des frais irrépétibles à la somme de 1.500 € ;

PAR CES MOTIFS,

ALLOUONS à Monsieur Lyèce Y... une indemnité de CINQUANTE MILLE DEUX CENT TRENTE-NEUF EUROS SIX CENTIMES (50.239,06 €) en réparation de son préjudice matériel, corporel et moral outre la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

REJETONS le surplus des prétentions de Monsieur Lyèce Y...,

Décision rendue le 4 juin 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0089
Numéro d'arrêt : 07/08617
Date de la décision : 04/06/2008

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-06-04;07.08617 ?
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