Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère CHAMBRE-Section N
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES
DECISION DU 4 JUIN 2008
No du répertoire général : 07 / 00584
Décision contradictoire en premier ressort
Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée au greffe le 22 janvier 2007 par Maître Daphné X..., avocat substituant Maître GARBARINI, avocat de Monsieur Jean-Marc A..., demeurant San Antonio 20220 L'ILE ROUSSE ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 7 mai 2008 à 9 heures 30 ;
Vu l'absence de Monsieur Jean-Marc A... ;
Ouï, Maître Daphné X..., avocat plaidant pour Maître Pascal GARBARINI, avocat représentant Monsieur Jean-Marc A..., Maître Cyrille Z..., avocat substituant la SCP UETTWILLER GRELON GOUT CANAT, avocats associés représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 7 mai 2008, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
Attendu que Monsieur Jean-Marc A..., poursuivi pour participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, a été placé sous mandat de dépôt le 4 septembre 2001 et mis en liberté sous contrôle judiciaire le 11 juillet 2002 ;
Qu'il a été relaxé le 25 novembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris, jugement confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 octobre 2006 ; que cette décision est définitive ;
Qu'il a ainsi été incarcéré pendant 10 mois et 8 jours ;
Attendu que Monsieur Jean-Marc A... sollicite une indemnité globale de 61. 960 € (11. 960 € au titre de son préjudice matériel et 50. 000 € au titre de son préjudice moral) ;
Que l'Agent judiciaire du Trésor nous demande de limiter à 4. 903, 60 € la réparation de son préjudice matériel sous réserve du justificatif du paiement des honoraires et à 13. 000 € celle de son préjudice moral ;
Attendu que la demande de Monsieur Jean-Marc A..., déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;
Attendu qu'en vertu de l'article 149 du code de procédure pénale, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;
Que les moyens développés par le requérant, tirés de la longueur de l'information et de la sévérité du contrôle judiciaire, n'ont donc pas à être pris en considération ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu qu'il ressort de la facture de son avocat que les honoraires demandés par ce dernier à Monsieur Jean-Marc A... en rapport avec sa détention provisoire se sont élevés à la somme de 5. 382 € TTC ; qu'aucune disposition n'exige que le requérant justifie s'être acquitté du paiement des honoraires pour prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice matériel en rapport direct avec son incarcération et dont il demeure débiteur à l'égard de son conseil ;
Qu'il y a donc lieu de lui verser la somme précitée à ce titre ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;
Attendu que Monsieur Jean-Marc A..., né le 7 avril 1965, était âgé de 36 ans lors de sa mise en détention, divorcé sans enfant ;
Que les conditions de sa détention ont été rendues plus difficiles en raison de la nature des faits reprochés (mise en examen dans le cadre des actes de terrorisme commis par le groupe clandestin " Armata Corsa " en Corse) et de l'éloignement de sa famille puisqu'il a été incarcéré à Fleury-Mérogis alors que sa famille vit en Corse comme lui ;
Que, par ailleurs, s'il a déclaré au juge d'instruction lors de son interrogatoire du 11 janvier 2003 avoir déjà été incarcéré pendant une durée de deux mois, une telle déclaration n'est cependant étayée par aucune pièce et particulièrement pas par son casier judiciaire qui ne porte trace d'aucune condamnation, en sorte qu'il n'est pas possible de retenir avec certitude, comme l'affirme l'Agent judiciaire du Trésor, que le requérant avait déjà été détenu avant l'incarcération visée dans la présente procédure ;
Attendu que la détention qu'il a subie lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée et en considération des éléments susvisés, particulièrement de l'importance du choc carcéral, il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 18. 450 € ;
PAR CES MOTIFS,
ALLOUONS à Monsieur Jean-Marc A... une indemnité de VINGT TROIS MILLE HUIT CENT TRENTE DEUX EUROS (23. 832 €) en réparation de son préjudice matériel et moral.
Décision rendue le 4 juin 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE