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29/05/2008 | FRANCE | N°06/07359

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0139, 29 mai 2008, 06/07359


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre C

ARRET DU 29 mai 2008

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/07359

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris (1o Ch) - section encadrement - RG no 05/07354

APPELANT

Monsieur Pascal X...

...

92150 SURESNES

comparant en personne, assisté de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : L.5

INTIMEE

SOCIETE

CANAL +

1, Place du Spectacle

92863 ISSY LES MOULINEAUX CEDEX 9

représentée par Me Eric MANCA, (SCP AUGUST et DEBOUZY), avocat au barreau de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre C

ARRET DU 29 mai 2008

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/07359

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris (1o Ch) - section encadrement - RG no 05/07354

APPELANT

Monsieur Pascal X...

...

92150 SURESNES

comparant en personne, assisté de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : L.5

INTIMEE

SOCIETE CANAL +

1, Place du Spectacle

92863 ISSY LES MOULINEAUX CEDEX 9

représentée par Me Eric MANCA, (SCP AUGUST et DEBOUZY), avocat au barreau de PARIS, toque : P 438, substitué par Me MARTINEZ, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 avril 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise CHANDELON, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président

Madame Françoise CHANDELON, conseiller

Madame Evelyne GIL, conseiller

Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Mme Francine ROBIN, greffier présent lors du prononcé.

Vu l'appel régulièrement interjeté par Pascal X... à l'encontre d'un jugement prononcé le 23 novembre 2005 par le Conseil de prud'hommes de PARIS, section encadrement, chambre 1, qui a statué sur le litige qui l'oppose à la société CANAL + sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son (ses) contrat(s) de travail,

Vu le jugement déféré qui a débouté Pascal X...,

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles,

Pascal X..., appelant, poursuit l'infirmation du jugement déféré et sollicite que la société CANAL + soit condamnée à lui payer :

- 5.000 € au titre de l'indemnité de requalification du contrat de travail,

- 7.945 € au titre de l'indemnité de préavis et 794 € pour les congés payés afférents,

- 23.837 € ou, subsidiairement, 3.310 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 45.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La société CANAL +, intimée, conclut principalement à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE

Du 16 novembre 1995 au 16 septembre 2000, la société CANAL + a engagé Pascal X... comme réalisateur de flash d'information par une série de contrats à durée déterminée successifs.

Estimant que ses fonctions correspondent à un emploi permanent au sein de l'entreprise, il saisissait le Conseil de Prud'hommes le 16 juin 2005 pour voir sanctionner son employeur accusé de pratiquer une gestion du personnel irrégulière en multipliant les contrats précaires.

SUR CE

Sur les possibilités de recours à un contrat à durée déterminée d'usage

Le 10 juillet 1999 est entrée en vigueur la Directive européenne 1999/70/CE du Conseil de l'Union européenne visant à mettre en oeuvre l'accord cadre signé le 18 mars 1999 entre les organisations à vocation générale représentatives dans l'Union Européenne des employeurs et des syndicats, énonçant que la relation de travail devait par principe être organisée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée (CDI), tout en offrant des garanties aux travailleurs sous contrat à durée déterminée (CDD), ce régime étant décrit comme susceptible, dans certaines circonstances, de mieux répondre aux besoins des employeurs et des salariés.

Selon la clause 5 de l'accord cadre, les Etats membres étaient invités à adopter, pour éviter tout abus, une ou plusieurs mesures parmi lesquelles celle d'exiger que des raisons objectives justifient l'adoption de CDD successifs.

Par arrêt du 4 juillet 2006 (ADELENERc/ELLINIKOS ORGANISMOS GALAKTOS CC-212/04) la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a interprété cette clause comme s'opposant à l'utilisation de CDD successifs au seul motif de leur admission par la législation d'un état membre, imposant que les "raisons objectives" qu'elle prévoie soient justifiées par l'existence d'éléments concrets tenant notamment à l'activité en cause et aux conditions de son exercice.

Ces dispositions ont vocation à s'appliquer aux procédures en cours.

Il en résulte que si la combinaison des articles L122-1, L122-1-1, L122-3-10 et D121-2 du Code du travail autorise, dans les secteurs d'activités définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, que certains des emplois soient pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent être conclus avec le même salarié, les normes européennes précitées imposent également au juge de vérifier que le recours à l'utilisation de CDD successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

En l'espèce, il est constant que le secteur de l'audiovisuel figure au nombre des secteurs d'activités visé par l'article D121-2 et que plusieurs accords collectifs autorisent le recours aux CDD pour le métier de réalisateur

Pascal X... soutient cependant qu'aucune raison objective ne motivait les CDD successifs, que son emploi ne peut être considéré comme temporaire au regard de la durée de sa collaboration et que cette condition s'attache aux fonctions exercées par le salarié.

Il estime en conséquence inopérante l'argumentation adverse selon laquelle aucune émission télévisée n'est pérenne, la programmation évoluant nécessairement en fonction de l'audimat.

Cette dernière thèse ne saurait cependant prospérer sauf à estimer contraires à la loi les accords collectifs intervenus qui autorisent la conclusion de CDD pour les métiers du spectacle, cette notion étant entendue dans le sens le plus large, lesquels participent systématiquement, par nature, à l'activité habituelle des chaînes télévisées.

Ces nombreuses conventions signées à différents niveaux, parmi lesquelles l'accord national professionnel interbranche du 12 octobre 1998 consacré exclusivement au recours au CDD d'usage dans le secteur du spectacle, qui a fait l'objet d'un arrêté d'extension le 15 janvier suivant, démontrent qu'au sein de ces catégories professionnelles, il est également de l'intérêt des salariés de prévoir ce type de contrat, ce qui n'est pas contraire à l'accord cadre européen précité qui part du même postulat.

L'employeur produit encore un tract du syndicat CFTD qui se félicite du dernier accord conclu au sein de son entreprise, accordant des avantages supplémentaires aux intermittents, sans remettre ce statut en cause.

Pascal X... produit pour sa part l'accord d'entreprise signé par les réalisateurs avec la chaîne concurrente TF1 qui pose en son article 11-2 le principe de leur embauche en CDD avant de développer deux exceptions, la première, objet de l'article 11-3, étant introduite par l'adverbe "toutefois".

Le CDI organisé par ce dernier texte, après avoir précisé les obligations du salarié signataire, ajoute "la décision de cessation de la série d'émissions ou de l'émission répétitive constituera le terme normal du contrat et sera donc réputée motif réel et sérieux de licenciement..."

Il apparaît ainsi que ce type de CDI a la nature d'un contrat de chantier et n'offre pas davantage de garanties de stabilité d'emploi au salarié que le CDD d'usage.

L'article 11-4 prévoit enfin un CDI TOUTES EMISSIONS permettant d'imposer au salarié de nouvelles affectations qu'il n'est autorisé à refuser qu'une seule fois.

Ces dispositions, bien qu'elles n'aient aucune vocation à influer sur le présent litige, ne concernant que les réalisateurs liés à la chaîne TF1, ont cependant l'intérêt de démontrer la particularité du métier, reconnue par les syndicats de salariés et qui justifie leur accord pour la conclusion de CDD.

Elles permettent de constater, à l'instar des accords signés, que le monde de l'audio-visuel a besoin, pour maintenir son auditoire, de renouveler ses programmes, de modifier leur présentation et, partant, de changer le personnel qui en assume la responsabilité tandis que les salariés ne peuvent être considérés comme "mobiles" dans le métier exercé au regard de leur style, de leur compétence propre ou de leurs aspirations.

Pascal X... est d'ailleurs bien conscient de cette problématique, dès lors qu'il tente de démontrer, dans ses conclusions, que ses activités sont dépourvues de toute connotation artistique, ce qu'il confirmait à l'audience, assimilant ses fonctions à celles d'un simple exécutant.

Il convient cependant de constater qu'il précise dans ses écritures assister à la conférence de rédaction avec les journalistes, être l'interlocuteur de ceux dont les sujets seront diffusés, recueillir les cassettes des sujets à traiter, vérifier la qualité technique des thèmes et le bon déroulement des flash diffusés.

Il en ressort nécessairement qu'il intervenait dans le choix et les modalités de présentation des séquences diffusées, ce qui justifiait d'ailleurs son embauche comme réalisateur et la perception de la rémunération correspondante.

Dès lors que le métier de "réalisateur" relève de ceux pour lesquels les partenaires sociaux, soucieux des intérêts en présence et les plus à même de connaître les caractéristiques de l'emploi ont prévu le recours à des CDD d'usage, ils ont nécessairement admis la nature temporaire de telles fonctions et ces accords constituent les éléments concrets justifiant l'existence des contrats successifs admis pour ces professionnels.

Au surplus, il sera encore précisé :

- que l'emploi exercé s'inscrivait dans la réalisation d'une émission déterminée, des flashs d'information dont la chaîne pouvait souhaiter modifier la présentation nécessairement empreinte du parti pris artistique de Pascal X...,

- que la réalisation de ces flashs ne participe pas l'activité normale et permanente de l'entreprise qui se consacre essentiellement à des diffusions sportives et cinématographiques.

La durée de la collaboration de Pascal X... est dès lors inopérante à caractériser la permanence de l'emploi alléguée.

Sur la forme

Pascal X... reproche à son employeur (pour la première fois en cause d'appel) de ne pas "avoir couvert l'ensemble de (sa) collaboration par des CDD écrits"

L'irrégularité invoquée ne saurait être établie par la seule incapacité pour l'employeur de communiquer tous les contrats l'ayant lié au salarié.

L'exigence d'un procès équitable posé par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ne saurait autoriser la condamnation d'une partie à de lourdes pénalités au seul motif qu'elle n'a pu produire des contrats de travail, signés, pour les premiers il y a plus de douze ans alors d'une part qu'elle n'a aucune obligation légale de conservation et que d'autre part ces contrats, exécutés sans difficulté, précédent ou succèdent à d'autres conventions régulières.

Il en résulte qu'il convient, confirmant le jugement déféré, de débouter Pascal X... de sa demande de requalification et de ses prétentions subséquentes.

Sur la demande de la société CANAL + fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

L'équité ne commande pas l'application de ce texte au profit de l'employeur.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré ;

Déboute la société CANAL + de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Pascal X... aux dépens.

LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0139
Numéro d'arrêt : 06/07359
Date de la décision : 29/05/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 23 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-05-29;06.07359 ?
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