Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRET DU 15 MAI 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/01247
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 02/18224
APPELANTS
Monsieur Michel X...
demeurant ... - Commune de Saint-Bon Hôtel le CHABICHOU
73120 SAINT BON
représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-Michel BALOUP, du barreau de PARIS, toque : B139
Madame Marie-Louise Z... épouse X...
demeurant ... - Commune de Saint-Bon Hôtel LE CHABICHOU
73120 SAINT BON
représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-Michel BALOUP, du barreau de PARIS, toque : B139
INTIMEE
S.A.S. WHBL 7 venant aux droits de la société SOFAL prise en la personne de ses représentants légaux
demeurant 53 rue de Châteaudun
75009 PARIS
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Véronique LAUBIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P454, de la SCP VERSINI CAMPINCHI
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Marie-Christine DEGRANDI, Conseiller
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Melle Sandrine KERVAREC
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président, et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Selon acte authentique du 23 décembre 1987, M. Michel X... et Mme Marie-Louise Z..., son épouse, ont acquis une maison située à Saint-Tropez, opération financée à hauteur de 2 700 000 francs au moyen d'un prêt au taux de 10,60 % l'an et remboursable en 144 mensualités du 25 janvier 1988 au 25 décembre 1999 consenti par la Société Financière Sofal.
Par jugement du 31 décembre 1990, le tribunal de commerce de Saint-Tropez a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard du GIE Groupe X... et à celui de chacun de ses membres, dont M et Mme X....
La société Sofal a déclaré sa créance le 18 décembre 1995.
Sa requête en relevé de forclusion présentée le 17 février 1996, a été déclarée irrecevable par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 1er octobre 1998 infirmatif de l'ordonnance du 20 novembre 1996 qui y avait fait droit.
Par jugement du 23 juillet 2002, le tribunal de commerce de Saint-Tropez a prononcé la clôture par extinction du passif de la procédure collective concernant les époux X....
Par acte du 3 décembre 2002, ces derniers ont assigné la société WHBL 7, venant aux droits de la société Sofal, devant le tribunal de grande instance de Paris afin de la voir condamner à leur restituer, sur le fondement de l'article 1376 du Code civil, les mensualités qu'ils lui ont versées entre le 31 juillet 1990, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, et le 31 janvier 1995.
Par jugement contradictoire du 12 avril 2005, le tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné la société WHBL 7 à rembourser aux époux X... la somme de 280 505,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2002,
- dit la société WHBL 7 recevable en sa demande reconventionnelle,
- condamner les époux X... à payer à l'intéressée la somme de 586 983,90 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonné la compensation entre ces deux condamnations à due concurrence de la somme principale de "28 505,58 euros",
- condamné les époux X... à payer à la société WHBL 7 la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande.
Par déclaration du 25 mai 2005, les époux X... ont interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 2 novembre 2006, la Cour a, à la demande des parties, ordonné le retrait de l'affaire de son rôle.
Les époux X... ont obtenu son rétablissement le 22 janvier 2007.
Dans leurs dernières conclusions, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 20 juin 2007, ils demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il les a condamnés à payer à la société WHBL 7 la somme de 586 983,90 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- statuant à nouveau quant à ce,
- débouter la société WHBL 7 de sa demande reconventionnelle,
- y ajoutant,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la société WHBL 7 à leur payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 24 août 2007, la société WHBL 7 demande à la Cour de :
- confirmer le jugement dont appel,
- y ajoutant et rectifiant l'erreur matérielle affectant son dispositif,
- condamner les époux X... à lui payer la somme de 586 983,90 euros à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2005 capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- ordonner la compensation entre les créances réciproques à concurrence de la somme de 280 505,58 euros,
- condamner les époux X... à lui payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
LA COUR :
Considérant que le jugement dont appel n'est pas critiqué en ce qu'il a condamné la société WHBL 7 à rembourser aux époux X... la somme de 280 505,58 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2002 ; qu'il est confirmé de ce chef ;
Considérant que la capitalisation des intérêts est de droit et sera ordonnée à compter du 20 juin 2007 ;
Considérant que la société Sofal n'a pas déclaré sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l'égard des époux X... dans les délais légaux et sa requête en relevé de forclusion a été définitivement déclarée irrecevable comme prescrite par un arrêt du 1er octobre 1998 ;
Considérant que la société WHBL 7 forme à l'encontre des époux X... une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts d'un montant égal à celui de sa créance éteinte ; qu'elle fait grief aux appelants d'avoir sciemment omis de l'inscrire sur la liste des créanciers qu'ils avaient l'obligation de remettre au représentant des créanciers et de l'avoir entretenue dans la croyance qu'ils étaient toujours in bonis en réglant, pendant cinq ans après l'ouverture de leur procédure collective, les échéances de remboursement du prêt, tous éléments constitutifs, selon elle, d'un comportement frauduleux qui a provoqué l'extinction de sa créance et la perte du bénéfice de son inscription d'hypothèque ;
Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle de la société WHBL 7
Considérant que les époux X... soutiennent que la demande reconventionnelle de la société WHBL 7 se heurterait à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt rendu le 1er octobre 1998 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; qu'ils font valoir que, pour rejeter la demande en relevé de forclusion de la société Sofal, la Cour a jugé que la société Sofal ne démontrait pas s'être trouvée dans l'impossibilité de déclarer sa créance par suite d'une fraude de leur part ; qu'ils arguent de l'identité de fait et d'objet entre cette procédure et la présente instance dans laquelle la société WHBL 7 se prévaut de la même fraude à l'appui de sa demande reconventionnelle ;
Considérant que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même ;
Considérant que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence était saisie d'une demande en relevé de forclusion alors que cette Cour doit statuer sur une action en responsabilité ; qu'en outre, la Cour d'Aix-en-Provence a, pour déclarer irrecevable la demande en relevé de forclusion de la société Sofal, jugé que le délai prévu par l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 pour la former était délai préfix ; qu'aucun caractère décisoire ne peut, dès lors, être attribué à sa motivation selon laquelle la société Sofal n'avait pas rapporté la preuve d'une fraude de ses débiteurs, en réponse à un moyen qu'elle n'a examiné qu'en précisant "même si la force majeure ou la fraude pouvait interrompre le délai de l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985", c'est-à-dire de façon superfétatoire ;
Considérant que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée doit donc être rejetée ;
Considérant que les époux X... font encore plaider que la demande reconventionnelle formée par la société WHBL 7 serait prescrite comme formée plus de 10 ans après :
- le 8 août 1990, date d'expiration du délai de 8 jours dans lequel ils devaient remettre au représentant des créanciers la liste de ceux-ci,
- ou le 30 août 1990, date de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc,
- ou enfin le 1er août 1991, date d'expiration du délai de l'action en relevé de forclusion;
Considérant que la prescription des actions en responsabilité ne court qu'à compter du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci n'établit pas qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'y a donc pas lieu de retenir, comme point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité de la société WHBL 7, la date à laquelle la société Sofal aurait dû ou pu apprendre l'existence du jugement d'ouverture ou agir en relevé de forclusion, mais le 1er octobre 1998, date du rejet de son dernier recours pour échapper à l'extinction de sa créance, qui consacre son dommage, et, au plus tôt, le 24 avril 1995, date du courrier aux termes duquel l'administrateur judiciaire des époux X... l'a informée du prononcé du jugement d'ouverture et lui a révélé que les délais pour déclarer sa créance et agir en relevé de forclusions étaient expirés ;
Considérant que la demande reconventionnelle de la société WHBL 7, formée par conclusions le 7 juillet 2003, n'est donc pas prescrite ; que le jugement dont appel est ainsi confirmé en ce qu'il a dit cette demande recevable ;
Sur le fond
Considérant qu'il est constant que les époux X... n'ont pas mentionné la société Sofal dans la liste des créanciers qu'ils devaient remettre aux organes de leur procédure collective au représentant des créanciers et ont continué à régler, par prélèvements sur leur compte bancaire personnel, les échéances du prêt pendant cinq ans après le prononcé de leur redressement judiciaire ;
Considérant que la société WHBL 7 n'établit cependant pas que ces circonstances puissent, d'une part, traduire un comportement frauduleux de la part de ses débiteurs, qui ont pu de bonne foi penser, ainsi qu'ils l'indiquent, que la procédure collective n'avait été ouverte que du chef de leurs activités professionnelles et qu'ils n'avaient donc pas à mentionner sur la liste à remettre au représentant des créanciers leurs dettes personnelles, d'autre part, présenter un lien de causalité avec le préjudice allégué ;
Considérant en effet que les énonciations de l'acte de prêt du 23 décembre 1987 établissent que la société Sofal connaissait la qualité de commerçants des emprunteurs, restaurateurs à Courchevel ; que des termes de l'arrêt du 1er octobre 1998, il ressort, en outre, que le jugement d'ouverture a été publié au Bodacc le 30 août 1990 à la requête du tribunal de commerce de Saint-Tropez et le 7 octobre 1990 à la requête du tribunal de commerce d'Albertville en une publication mentionnant le redressement judiciaire de chacun des époux X... ; qu'il appartenait donc à la société Sofal, professionnelle du crédit, de veiller à la sauvegarde de ses droits et de surveiller, pour ce faire, la situation de ses débiteurs commerçants, notamment par le biais des publications au Bodacc, et sa négligence à cet égard l'a seule mise dans la situation d'ignorer le prononcé du jugement d'ouverture et de subir l'extinction de sa créance ;
Considérant que la société WHBL 7 recherche par conséquent en vain la responsabilité des époux X... et doit être déboutée de la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts qu'elle forme à leur encontre ;
Considérant qu'aucune considération d'équité ne commande de faire application, en l'espèce, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant que le jugement dont appel est donc infirmé en toutes ses dispositions autres que celles qui ont été ci-dessus confirmées ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société WHBL 7 à payer aux époux X... la somme de 280 505,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2002 et en ce qu'il a dit la société WHBL 7 recevable en sa demande de dommages et intérêts ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau quant à ce,
Déboute la société WHBL 7 de toutes ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Ajoutant au jugement déféré,
Dit que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 20 juin 2007 ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société WHBL 7 aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT