Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 14 MAI 2008
(no , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/17607
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Janvier 2004 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 200310442 - Monsieur SCHIFF, président -
APPELANTE
SOCIÉTÉ HIGH DAM ELECTRICAL INDUSTRIAL PROJECTS CO HIDELECO
société de droit égyptien
représentée par son président et directeur general
ayant son siège social 10 officers building
Extension avenue ramsis
LE CAIRE
EGYPTE
représentée par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
assistée de Me Mohamed LOUKIL (SCP LOUKIL RENARD), avocat au barreau de PARIS, toque : J69
INTIMEE
LA BANQUE DU MAGHREB ARABE POUR L'INVESTISSEMENT ET LE COMMERCE BAMIC
société de droit algérien
prise en la personne de ses représentants légaux
7 Rue Dubois Hydra
BP 520
ALGER
ALGERIE
représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
INTERVENANTE FORCÉE
La société algérienne d'électricité et du gaz
SONELGAZ SPA
entreprise publique de droit algérien
ayant son siège social au 2 bld Krim Belkacen
ALGER
ALGERIE
représentée par la SCP GARNIER
assistée de Me Malika NGUYEN Y...
substituant Me HAFIZ Chams Eddine, avocat au barreau de PARIS, toque : D050
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Marcel FOULON, Président
Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller
Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Delphine LIEVEN
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Marcel FOULON, Président
- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Melle Delphine LIEVEN, greffier présent lors du prononcé.
*
Par acte du 20 août 2002, la société SONELGAZ, société de droit algérien, ( plus loin "SONELGAZ" ) a commandé à la société HIGH DAM ELECTRICAL et INDUSTRIAL PROJECTS CO, société de droit égyptien, ( plus loin "HIDELECO" ) la reconstruction des 190 kms de lignes électriques en Algérie, pour le prix de 7.321.962, 57 US $ ou 144.360.589 dinars algériens.
Pour garantir le paiement d'une partie du prix du marché, SONELGAZ devait choisir une banque algérienne pour émettre un crédit documentaire irrévocable en faveur d'HIDELECO.
SONELGAZ a choisi la Banque commerciale et industrielle d'Algérie ( plus loin "la BCIA" ), société de droit algérien, qui a émis un tel crédit documentaire irrévocable d'un montant de 5.945.183, 29 US $ payable par fractions et expirant le 30 avril 2004.
Le 3 février 2003, la banque du Maghreb arabe pour l'investissement et le commerce
( plus loin "la BAMIC" ) s'est engagée en tant que première banque confirmatrice du crédit émis par la BCIA.
La société HIDELECO a, pour sa part, donné ordre à sa banque, l'Union des banques arabes et françaises ( plus loin "l'UBAF" ) d'émettre un crédit documentaire adossé. L'UBAF s'est engagée en qualité de seconde banque confirmatrice du crédit émis par la BCIA.
Le 21 août 2003, la BCIA a fait l'objet d'une décision de liquidation.
Après ouverture du chantier, les banques, recherchées par HIDELECO, ont refusé les paiements réclamés. Le 22 octobre 2003, HIDELECO a sommé, sans succès, la BAMIC de lui payer la somme de 2.581.315, 52 $, au titre de 8 factures qu'elle avait émises.
Se prévalant d'un principe de créance, HIDELECO a, le 24 octobre 2003, saisi le président du Tribunal de Commerce de Paris, qui, par ordonnance sur requête du 27 octobre suivant, l'a autorisée à pratiquer, au préjudice de la BAMIC, une saisie conservatoire de ses comptes ouverts dans les livres de deux banques ayant leur siège ou une succursale à Paris. Ces saisies ont été pratiquées le 8 décembre 2003.
La BAMIC a saisi le président du Tribunal de Commerce de Paris, aux fins de rétractation de l'ordonnance du 27 octobre 2003 susvisée.
Par ordonnance de référé du 7 janvier 2004, le président du Tribunal de Commerce de Paris a :
- rétracté son ordonnance du 24 octobre 2003,
- prononcé la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées à la requête d'HIDELECO,
- condamné HIDELECO à payer à la BAMIC la somme de 125.000 € à titre de dommages et intérêts,
- débouté la BAMIC du surplus de ses demandes,
- condamné HIDELECO à payer à la BAMIC la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- condamné HIDELECO aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe, qui ont été liquidés.
Le 10 mars 2004, HIDELECO a interjeté appel de cette décision.
L'affaire a fait l'objet de retraits du rôle le 2 juin 2004 et le 31 octobre 2006. Elle y a été rétablie pour la dernière fois le 18 octobre 2007.
Par arrêt du 25 janvier 2007, la Cour d'appel de Versailles a statué sur le fond du litige opposant les parties au crédit documentaire litigieux, condamnant SONELGAZ à payer à HIDELECO la somme de 2.396.496, 30 US $ et déboutant HIDELCO de ses demandes tendant à l'exécution forcée du crédit documentaire.
Par acte en date du 9 octobre 2007, HIDELECO a assigné SONELGAZ en intervention forcée à la présente procédure devant la Cour.
Dans ses dernières conclusions en date du 25 mars 2008, auxquelles il convient de se reporter, HIDELECO fait valoir que SONELGAZ se devait de choisir la banque nationale algérienne BNA, présentant toutes les garanties de solvabilité et non la BCIA, pour émettre le crédit documentaire litigieux ; qu'elle a, pour sa part, effectué 8 utilisations du crédit documentaire, la BAMIC, comme l'UBAF, les rejetant du fait qu'elles n'avaient pas pris préalablement de garantie sur la BCIA avant de donner leur confirmation ; que ces deux banques, qui ne disposent d'aucun recours contre la BCIA, ont cherché à se dérober à leurs obligations ; que les 8 utilisations ont fait l'objet d'une levée de réserves de la part du donneur d'ordre, ce qui mettait la BAMIC dans l'obligation de payer ; que sa créance était fondée en son principe ; qu'il existe un manque de liquidité dans le secteur bancaire algérien ; que la défaillance des banques est un événement suffisamment inquiétant pour qu'elle ait songé à prendre quelques garanties ; que la BAMIC n'a apporté aucun élément crédible de nature à la rassurer ; que la BAMIC prétend que la saisie litigieuse revêt un caractère dolosif sans apporter la preuve d'un prétendu dol ; que sa propre bonne foi ne saurait être mise en cause ; que la BAMIC ne démontre pas de quelle manière elle aurait pu percevoir des intérêts sur les avoir déposés auprès de l'UBAF ; que l'on ne peut savoir quelle tromperie aurait été sanctionnée par le premier juge ; qu'elle a exposé au juge des requêtes que la BAMIC opposait des contestations pour refuser de payer en évoquant "divers prétextes sans fondement" ; que le juge des référés n'a pas justifié le montant des dommages et intérêts alloués à la BAMIC, alors que le juge des référés de Nanterre a débouté à deux reprises les banques, dont la BAMIC, de leurs demandes de dommages et intérêts ; que la mauvaise foi de la BAMIC devait être relevée, alors qu'elle a adopté une stratégie globale consistant à suspendre ses engagements mettant en cause la BCIA ; qu'elle a demandé en vain à SONELGAZ de choisir une autre banque que la BCIA, cette dernière exigeant qu'elle poursuive ses travaux et qu'elle actionne les banques ; que le président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre a accordé à l'UBAF la mainlevée des saisies pratiquées, tout en rejetant sa demande de dommages et intérêts, alors que le juge de Paris a ordonné une telle mainlevée en la condamnant au paiement de dommages et intérêts et de sommes au titre de l'article 700 du CPC ; qu'elle a surtout interjeté appel pour poursuivre l'infirmation de ces deux condamnations ; qu'en effet, l'arrêt du 25 janvier 2007 de la Cour d'appel de Versailles a statué sur le paiement du principal en condamnant SONELGAZ au paiement des huit utilisations du crédit documentaire en sa faveur et en faveur de l'UBAF au titre de l'unique utilisation payée par cette banque, au motif que SONELGAZ avait choisi la BCIA comme banque émettrice, alors qu'il était contractuellement prévu qu'elle fasse intervenir la BNA ; qu'elle est donc recevable à attraire SONELGAZ en intervention forcée, aux fins de garantie des sommes qui pourraient être mises à sa charge.
Elle demande à la Cour :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise,
- de débouter la BAMIC de ses demandes,
- de la dire recevable en son appel en garantie formé contre SONELGAZ,
- de dire que cette dernière devra la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle,
- de condamner SONELGAZ à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,
- de condamner SONELGAZ et/ou la BAMIC à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- de condamner SONELGAZ et /ou la BAMIC aux dépens, dont distraction au profit de la SCP AUTIER, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Dans ses dernières conclusions en date du 28 mars 2008, auxquelles il convient de se reporter, la BAMIC fait valoir que c'est en violation des dispositions de la loi du 9 juillet 1991 et du décret du 31 juillet 1992 qu'HIDELECO a fait pratiquer à ses dépens les saisies litigieuses, alors qu'elle n'était pas titulaire d'une créance paraissant fondée en son principe et que n'était pas établie une circonstance susceptible de menacer son recouvrement ; qu'HIDELECO a pratiqué les mesures litigieuses pour tenter d'obtenir un paiement indu du crédit documentaire en cause ; qu'en ayant recours, en dehors du principe de la contradiction, à de telles mesures, tout en tenant le juge des référés dans l'ignorance de données essentielles, HIDELECO s'exposait à être sanctionnée ; que selon les dispositions de l'article 9-b des RUU 500, invoqué par HIDELECO devant le juge des requêtes, un crédit documentaire ne constitue pour la banque confirmante un engagement de paiement que pour autant que les documents stipulés dans le texte du crédit documentaires soient présentés à la banque confirmante et que les termes et conditions du crédit soient respectés ; que c'est en raison d'irrégularités relevées par l'UBAF et elle, à cet égard, qu'elle a refusé le paiement des 8 utilisations de crédit ; que, du fait de ces irrégularités, les banques n'étaient pas tenues à paiement et HIDELECO ne devait réclamer paiement qu'à SONELGAZ ; que la Cour d'appel de Versailles a rejeté les demandes d'HIDELECO dirigées contre elle, reconnaissant la pertinence des irrégularités opposées par l'UBAF et elle ; que les prétendues levées de réserves éventuelles qui auraient été notifiées par SONELGAZ à la BCIA ne contiennent aucune référence au crédit documentaire litigieux, ni aucune signature de SONELGAZ et sont assorties de dates apposées de façon anarchique, donc suspecte ; que la mention de levée de réserves "éventuelles" ne se rapporte, par nature, à aucune irrégularité précise, ne pouvant donc s'appliquer à aucune utilisation d'un crédit documentaire ; qu'un donneur d'ordre ne peut, par anticipation, lever toutes les irrégularités susceptibles d'affecter les documents avant qu'elles lui aient été signalées par le banquier émetteur, ce qui reviendrait à amender le crédit documentaire et est prohibé ; que de telles levées de réserves éventuelles qui émaneraient de SONELGAZ lui sont inopposables, alors que la BCIA, son seul mandant, ne lui a notifié aucune levée de réserves en bonne et due forme ; qu'HIDELECO s'est prévalue d'un swift du 12 août 2003 émanant de la BCIA, en l'assimilant à tort, à une levée de réserves ; qu'une telle levée suppose des formes et usages auxquels la BCIA n'a pas eu recours ; que l'engagement de payer que prend la banque confirmante ne tient que dans la mesure où les documents sont conformes aux termes et conditions du crédit documentaire, nonobstant toute levée de réserves pouvant émaner du donneur d'ordre si elle est répercutée par la banque émettrice à la banque confirmante ; qu'HIDELECO était irrecevable et mal fondée à invoquer du chef d'une des utilisations du crédit documentaire litigieux un quelconque principe de créance ; surabondamment, que l'analyse parcellaire et tendancieuse du système bancaire algérien à laquelle s'est livrée HIDELECO ne pouvait établir la réalité de quelque circonstance susceptible de menacer le recouvrement de la créance invoquée par HIDELECO ; qu'aucune insolvabilité ou insuffisance d'actif dont elle souffrirait n'a été démontrée par l'appelante ; qu'il a été établi qu'elle disposait en France d'importants avoirs ; que ses avoirs, à concurrence de 10.113.077 US $ et
3.359, 66 €, ont été frappés d'indisponibilité à compter du 8 décembre 2003 ; qu'HIDELECO a porté atteinte à sa réputation et à son honorabilité ; que c'est en s'abstenant de communiquer au juge des requêtes des données précises et des pièces déterminantes qu'HIDELECO a trompé ce dernier ; qu'HIDELECO avait connaissance des défaillances de SONELGAZ pour les avoir dénoncées par une mise en demeure du 17 octobre 2003, et avait conscience de ce que la mise en jeu de la responsabilité des banques confirmantes n'était pas justifiée ; que le solde créditeur des comptes saisis est isolé dans les livres du tiers saisi sur un compte spécial qui ne peut être productif d'intérêts ; qu'elle est, donc, fondée à réclamer paiement de ces intérêts ; que le créancier prétendu doit supporter les frais occasionnés par des mesures conservatoires jugées abusives.
Elle demande à la Cour :
- de confirmer l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande d'intérêts,
- de débouter HIDELECO de ses demandes,
- d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande d'intérêts,
Statuant à nouveau, de ce chef,
- de condamner HIDELECO à lui verser les intérêts au taux légal portant sur les sommes de 10.113.077 US $ et 3.359, 66 €, du 8 décembre 2003 au 15 janvier 2004,
En tout état de cause,
- de condamner HIDELECO à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- de condamner HIDELECO aux dépens, dont distraction au profit de Maître COUTURIER, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Dans ses dernières conclusions en date du 31 mars 2008, auxquelles il convient de se reporter, SONELGAZ fait valoir qu'elle a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, qui n'est "pas définitif" ; que dans une affaire similaire, le président du Tribunal de Commerce de Paris a rejeté les arguments de la BAMIC, au motif que la liquidation de la BCIA ne pouvait libérer les banques confirmantes de leurs obligations; que l'appel en intervention forcée est soumis à des conditions qui doivent être appréciées strictement ; qu'aucun élément nouveau n'est venu justifier sa mise en cause ; subsidiairement, que dès la mise en place du crédit documentaire, elle était dégagée de toute obligation de paiement ; qu'un engagement par crédit documentaire est totalement indépendant du contrat commercial principal ; qu'elle ne peut, comme maître de l'ouvrage, être mise en cause pour garantir la défaillance d'une banque dans le cadre d'un tel crédit ; qu'elle a été entraînée dans un contentieux qui n'est pas de son fait ; qu'HIDELCO jette le discrédit sur elle, entreprise publique qui importe annuellement plusieurs millions de dollars US ; que HIDELECO, qui n'a pas tenu ses engagements contractuels, ayant abandonné le chantier, veut à la fois bénéficier des dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles et percevoir de nouvelles sommes en espérant voir la Cour condamner la banque ou elle.
Elle demande à la Cour :
- de la dire recevable en son exception d'irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée,
- de débouter HIDELECO,
- de condamner HIDELECO à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,
- de condamner HIDELECO à lui verser la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- de condamner HIDELECO aux dépens, dont distraction au profit de la SCP GARNIER, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que, selon les dispositions de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; qu'il incombe à celui qui se prétend créancier de prouver que les conditions requises sont réunies ;
Qu'HIDELECO, pour solliciter de telles mesures, s'est prévalue d'une créance dont elle a affirmé qu'elle était fondée en son principe aux motifs que, dans le cadre d'un crédit documentaire, la BAMIC, banque confirmante, était débitrice envers elle d'une obligation de paiement direct et autonome par rapport à l'obligation de la banque émettrice et que le principe de l'obligation de la BAMIC était reconnu par l'envoi d'un courrier "swift du 12 mai 2003 faisant connaître la levée par l'acheteur des réserves ( spécieuses) prétextées par la BAMIC pour échapper à ses obligations par l'acheteur" ;
Que, pour affirmer que des circonstances étaient susceptibles de menacer le recouvrement de cette créance, HIDELECO a invoqué "la crise de liquidités de l'économie algérienne", "la crise du secteur bancaire algérien", l'impossibilité pour la BAMIC de se retourner contre la banque émettrice et le risque d'expiration du délai du crédit documentaire ou de fractions de celui-ci avant qu'elle obtienne un titre exécutoire ;
Considérant que, sur le premier point, la créance d'HIDELECO n'était fondée en son principe que si la régularité des documents du crédit documentaire n'était pas contestée ; qu'en effet, l'article 9-b des Règles et Usances uniformes de la chambre de commerce internationale relatives aux crédits documentaires, RUU 500, stipule que la confirmation d'un crédit documentaire irrévocable par une autre banque... constitue un engagement ferme de la banque confirmante s'ajoutant à celui de la banque émettrice et précise que la banque confirmante doit payer pour autant que les documents stipulés lui soient présentés et que les termes et conditions du crédit soient respectés ;
Que, selon les dispositions de l'article 14 a des RUU 500, si la banque émettrice autorise une autre banque à payer... contre des documents présentant l'apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, la banque confirmante est obligatoirement tenue de rembourser la banque désignée qui a payé et de lever les documents ;
Que, selon les dispositions de l'article 14 b des RUU 500, au reçu des documents, la banque émettrice et/ou la banque confirmante doit déterminer, "sur la seule base des documents, si ceux-ci présentent ou non l'apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit. Si les documents ne présentent pas cette apparence, les banques peuvent refuser de lever les documents" ; que ces banques peuvent approcher le donneur d'ordre pour obtenir de celui-ci la levée des irrégularités ; que si elles refusent les documents, elles doivent notifier leur refus, indiquer toutes les irrégularités qui les amènent à refuser ;
Qu'en l'espèce, il est avéré qu'avant la présentation, par HIDELECO de sa demande d'autorisation de saisie conservatoire, la BAMIC avait repris à son compte des irrégularités relevées par l'UBAF, affectant les documents afférents à 7 utilisations du crédit considéré et avait relevé des irrégularités figurant dans ceux ayant trait à une 8ème utilisation, que l'UBAF devait, ensuite, reprendre à son compte ;
Que si l'existence de réserves émises par la BAMIC à réception des documents afférents à toutes les utilisations litigieuses, a été évoquée par HIDELECO, alors qu'elle requérait les saisies litigieuses, elle n'a présenté ces réserves que de façon elliptique et critique, alors que l'existence de telles réserves était de nature à remettre en cause le principe de créance dont elle se prévalait ;
Que la seule référence, par la requérante, à une "levée de réserves du 12 mai 2003", s'agissant d'utilisations qui n'étaient pas encore intervenues, permettait de constater que, quelle que soit la teneur du document invoqué, il ne pouvait constituer levée de réserves afférentes à ces utilisations, dès lors qu'une telle levée de réserves ne pouvait porter sur des réserves "éventuelles" et que les documents correspondants n'avaient pas encore été présentés à la BAMIC ;
Qu'à la date du 12 mai 2003, en effet, ni le donneur d'ordre, ni la BCIA, banque émettrice, ne pouvaient avoir émis, accepté et notifié à la BAMIC une quelconque levée de réserves afférentes aux documents présentés à cette dernière à compter du 13 octobre 2003 ;
Qu'HIDELECO ne produit pas le courrier swift du 12 mai 2003 invoqué par elle dans sa requête, mais verse aux débats un courrier de sa part, en date du 31 juillet 2003, adressé à SONELGAZ, dans lequel elle demandait à cette société de changer de banque émettrice, mais aussi "d'accepter les irrégularités dans les documents d'expédition des fournisseurs", après avoir rappelé que la BAMIC et l'UBAF, étaient "en train de créer des obstacles dans les documents d'expédition ( de ces ) fournisseurs" ; qu'elle confirmait, ainsi, avant de présenter sa requête, sa connaissance des irrégularités invoquées tant par l'UBAF que par la BAMIC, la portée de ces irrégularités, la nécessité de lever les réserves invoquées et le fait qu'à cette date, cette levée de réserves n'était pas intervenue ;
Que la production, par HIDELECO, d'un courrier, non signé, à en-tête de SONELGAZ, daté du 1er septembre 2003 et destiné à la BCIA, selon lequel "à la réception des documents de réalisation, nous vous autorisons à lever toutes réserves éventuelles", ne constitue pas la preuve d'une levée effective des réserves émises par les banques intervenant au crédit documentaire, à réception des documents considérés ;
Que, de même, la production, par HIDELECO d'une attestation du 3 octobre 2004, en vertu de laquelle SONELGAZ dit avoir procédé à la "levée de toutes réserves éventuelles au temps opportun lors des expéditions" du matériel en cause, ne constitue pas la preuve d'une levée effective de réserves émises par les banques, qui serait intervenue avant la présentation, par l'appelante, de sa requête ;
Qu'après avoir fait pratiquer les saisies conservatoires litigieuses, HIDELECO a fait assigner au fond et en validité de saisies devant les tribunaux de commerce de SIDI A..., PARIS et NANTERRE, se désistant des procédures engagées à SIDI A... et PARIS, pour ne laisser subsister que celle engagée à NANTERRE, à laquelle la BCIA, l'UBAF et la BAMIC étaient parties ;
Que l'arrêt du 25 janvier 2007 de la Cour d'appel de Versailles, s'il fait l'objet d'un pourvoi en cassation, a, pour autant, autorité de chose jugée ;
Que la Cour, si elle doit se situer à la date de la demande d'autorisation de saisie, pour apprécier si elle était fondée, peut se référer, pour statuer, sur des éléments portés à sa connaissance au moment où elle se prononce ;
Que ledit arrêt a constaté le bien-fondé des refus opposés par l'UBAF et la BAMIC, aux huit présentations litigieuses et jugé que la preuve n'était pas rapportée de levées de réserves invoquées par HIDELECO ; que cet arrêt ne mentionne pas l'évocation, par HIDELECO, d'une levée de réserves qui serait intervenue le 12 mai 2003 ; que SONELGAZ, donneur d'ordre, ne conclut pas sur l'existence d'une telle levée de réserves ;
Considérant que, sur le second point, l'évocation, par HIDELECO, lorsqu'elle a présenté sa requête, de "la crise de liquidités de l'économie algérienne" comme de "la crise du secteur bancaire algérien" constitue une généralité qui ne démontrait en rien une circonstance susceptible de menacer le recouvrement de sa créance prétendue envers la BAMIC ;
Que "l'impossibilité pour la BAMIC de se retourner contre la banque émettrice", si elle était avérée, alors que la BCIA avait fait l'objet d'une décision de liquidation, ne démontrait pas plus l'insolvabilité de l'intimée que son insuffisance d'actif ;
Qu'enfin, le "risque d'expiration du délai du crédit documentaire ou de fractions de celui-ci" n'étant qu'éventuel et non précisé, ne constituait pas plus la preuve d'une circonstance de nature à menacer le recouvrement de la créance invoquée ;
Qu'HIDELECO ne fondait, donc, pas sa demande sur une prétendue incapacité financière de la BAMIC à honorer ses obligations, pour autant qu'elles existent ; que la BAMIC démontre, au demeurant, sa solvabilité ;
Qu'en se référant aux dispositions des RUU 500, en mentionnant l'existence de réserves opposées aux présentations du crédit documentaire en cause, quoiqu'en les minimisant et en n'en présentant pas la nature, et en faisant valoir des motifs généraux, sans rapport avec la situation financière propre de la BAMIC, HIDELECO présentait au juge qu'elle saisissait par requête une demande qui pouvait et devait être rejetée ;
Que c'est, donc, à juste titre, que le premier juge a rétracté l'ordonnance du 24 octobre 2003 et ordonné la mainlevée des saisies conservatoires litigieuses ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la main-levée des saisies conservatoires litigieuses est intervenue le 15 janvier 2004, ce qu'a constaté la Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt susvisé ;
Qu'HIDELECO, en se contentant de solliciter l'infirmation de l'ordonnance entreprise, forme une demande qui, en ce qu'elle tend à la rétractation d'une décision d'autorisation de saisie qui, depuis, a été levée, est devenue sans objet ;
Considérant qu'HIDELECO justifie avoir été incitée par SONELGAZ, qui ne la payait pas, à solliciter les banques pour obtenir l'exécution du crédit documentaire ;
Que, le 17 octobre 2003, HIDELECO a répondu à cette incitation en sommant SONELGAZ de donner ordre à une banque présentant toutes les garanties financières et de cesser de lui proposer de se retourner contre d'autres banques pour obtenir l'exécution de ses propres obligations ;
Que, par l'effet des saisies autorisées en vertu de l'ordonnance rétractée par le premier juge, HIDELECO a rendu indisponible les avoirs saisis ;
Qu'en vertu des dispositions de l'article 22 de la loi du 9 juillet 1991, le "juge de l'exécution" a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier prétendu à des dommages-intérêts en cas d'abus de la saisie ;
Que s'il est manifeste que le comportement d'HIDELECO a été source de préjudice pour la BAMIC, l'existence de ce préjudice ne constitue pas, à elle seule, l'abus de procédure invoqué par cette dernière ;
Qu'un tel abus aurait supposé, par exemple, que l'appelante ait dissimulé au juge saisi l'existence de réserves émises par la banque confirmante, à réception des documents dont la régularité pouvait seule fonder son obligation ;
Que s'il peut être reproché à HIDELECO d'avoir minimisé la portée desdites réserves, il ne peut être affirmé qu'il a trompé la religion du juge saisi, quant à leur existence ;
Qu'il n'y a lieu, en conséquence, à condamnation d'HIDELECO au paiement de dommages et intérêts, l'ordonnance entreprise devant être infirmée, de ce chef ;
Considérant que la BAMIC se prévaut, par ailleurs, d'un préjudice dont elle demande réparation ;
Que la saisie litigieuse a entraîné l'indisponibilité de ses avoirs saisis ; que ces avoirs, s'il ne sont pas sortis de son patrimoine, ne pouvaient, pendant le cours de leur saisie, être productifs d'intérêts, ce qui constitue un préjudice manifeste pour la BAMIC ;
Que, du 8 décembre 2003 au 15 janvier 2004, la BAMIC a été privée d'intérêts portant sur les sommes de 10.113.077 US $ et 3.359, 66 € ;
Que la créance de la BAMIC étant, sur ce point, incontestable, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande, de ce chef, et de faire droit à cette demande ;
Considérant que l'évolution du litige impliquant la mise en cause de tiers devant la Cour d'appel, au sens de l'article 555 du CPC, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celle-ci, modifiant les données juridiques du litige ;
Que si SONELGAZ était partie au crédit documentaire dès l'origine, la décision de la Cour d'appel de Versailles du 25 janvier 2007 constitue une circonstance de droit modifiant les données juridiques du présent litige ; que l'assignation en intervention forcée de SONELGAZ est, donc recevable ;
Considérant que si SONELGAZ a incité HIDELECO a se tourner vers les banques confirmantes pour obtenir paiement, l'appelante est seule responsable de l'engagement de la procédure de saisie à l'origine de sa condamnation ; que SONELGAZ, quand bien même elle a été condamnée par les juges du fond à payer à HIDELECO la somme de 2.396.496, 30 US $ à raison de son choix d'une banque émettrice non prévue contractuellement, ne saurait être tenue à garantir l'appelante des conséquences de l'engagement hasardeux, par elle, d'une procédure infondée ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter les demandes d'HIDELECO, y compris en ce qu'elles sont dirigées contre SONELGAZ ;
Considérant que SONELGAZ ne démontre pas avoir subi de préjudice résultant du comportement de la BAMIC à raison de la procédure de saisie considérée ; que sa demande de dommages et intérêts, serait-elle provisionnelle, sera rejetée ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de SONELGAZ les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la présente instance ;
Qu'il serait, en revanche, inéquitable de laisser à la charge de la BAMIC les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la présente instance ;
Qu'HIDELECO, qui succombe, devra supporter la charge des dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du CPC ;
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société HIGH DAM ELECTRICAL INDUSTRIAL PROJECTS CO - HIDELECO à paiement de dommages et intérêts à la BANQUE DU MAGHREB ARABE POUR L'INVESTISSEMENT ET LE COMMERCE - BAMIC,
L'infirme en ce qu'elle a rejeté la demande de la BANQUE DU MAGHREB ARABE POUR L'INVESTISSEMENT ET LE COMMERCE - BAMIC, tendant à la condamnation de la société HIGH DAM ELECTRICAL INDUSTRIAL PROJECTS CO - HIDELECO au paiement d'intérêts à valoir sur ses avoirs saisis,
Statuant à nouveau sur ces points,
Rejette la demande de la BANQUE DU MAGHREB ARABE POUR L'INVESTISSEMENT ET LE COMMERCE - BAMIC tendant à l'allocation de dommages et intérêts,
Condamne la société HIGH DAM ELECTRICAL INDUSTRIAL PROJECTS CO - HIDELECO à verser à la BANQUE DU MAGHREB ARABE POUR L'INVESTISSEMENT ET LE COMMERCE - BAMIC les intérêts, au taux légal, portant sur les sommes de 10.113.077 US $ et 3.359, 66 €, du 8 décembre 2003 au 15 janvier 2004,
Confirme l'ordonnance entreprise, pour le surplus,
Y ajoutant,
Constate que la mainlevée des saisies litigieuses est intervenue le 15 janvier 2004,
Constate que la demande d'infirmation de la décision ordonnant cette mainlevée est devenue sans objet,
Déclare recevable l'appel en intervention forcée de la SOCIETE ALGERIENNE DE L'ELECTRICITE ET DU GAZ - SONELGAZ,
Rejette les demandes de la société HIGH DAM ELECTRICAL INDUSTRIAL PROJECTS CO - HIDELECO,
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la SOCIETE ALGERIENNE DE L'ELECTRICITE ET DU GAZ - SONELGAZ,
Rejette la demande formée par la SOCIETE ALGERIENNE DE L'ELECTRICITE ET DU GAZ - SONELGAZ fondée sur l'article 700 du CPC,
Condamne la société HIGH DAM ELECTRICAL INDUSTRIAL PROJECTS CO - HIDELECO à verser à la BANQUE DU MAGHREB ARABE POUR L'INVESTISSEMENT ET LE COMMERCE - BAMIC la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
Condamne la société HIGH DAM ELECTRICAL INDUSTRIAL PROJECTS CO - HIDELECO aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT