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10/04/2008 | FRANCE | N°07/00119

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0201, 10 avril 2008, 07/00119


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère chambre - Section K

ORDONNANCE DU 31 JANVIER 2008

Contestations d'Honoraires d'Avocat

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/00119

NOUS, Jean-Pierre MARCUS, Conseiller à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assisté de Geneviève LEAU, Greffier, aux débats et de Nicole X..., Greffière, au prononcé de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :r>
Yannick Y..., avocat

...

75116 PARIS

comparant en personne

Demandeur au recours,

contre une décision en date d...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère chambre - Section K

ORDONNANCE DU 31 JANVIER 2008

Contestations d'Honoraires d'Avocat

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/00119

NOUS, Jean-Pierre MARCUS, Conseiller à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assisté de Geneviève LEAU, Greffier, aux débats et de Nicole X..., Greffière, au prononcé de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Yannick Y..., avocat

...

75116 PARIS

comparant en personne

Demandeur au recours,

contre une décision en date du 12 février 2007 du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :

Driss Z...

...

93360 NEUILLY PLAISANCE

comparant en personne

Défendeur au recours,

Statuant publiquement et par décision contradictoire, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 13 Décembre 2007 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

l'affaire ayant été mise en délibéré au 31 Janvier 2008

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

Vu la décision rendue le 12 février 2007 par le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris ayant fait droit à la demande de Monsieur Z... tendant à la restitution par

Me Y... de la somme de 4.560 euros TTC versée à titre d'honoraires,

Considérant que Me Y... critique cette décision, en invoquant la convention d'honoraires, en date du 22 juin 2005, selon lui annulée à tort aux termes de la décision susvisée ; qu'il fait état, la tenant au contraire pour parfaitement valable, d'une décision de la cour de cassation, du 4 juillet 2007, de laquelle il résulte que la dénonciation d'un mandat de représentation et d'assistance conclu avec un avocat n'a pas d'effet rétroactif et que lorsque la convention est très détaillée, par paliers, rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse servir de base à la rémunération d'une mission partiellement accomplie ; qu'il produit aussi la photocopie d'un extrait du recueil Dalloz relatif à la possibilité d'appliquer une convention d'honoraires lorsque l'avocat a été dessaisi ; qu'il expose en outre que la convention d'honoraires a été régulièrement formée, sans qu'il y ait eu contrainte morale ou dol et qu'elle a été exécutée par lui de bonne foi ;

Que s'il ne conteste pas que son client, ayant à la lettre suivi les avis qu'il lui avait donnés relativement au droit qu'il conservait de conduire, alors que chauffeur de taxi ayant perdu tous les points de son permis de conduire il était venu le consulter en vue de pouvoir récupérer le document lui permettant d'exercer sa profession, a été interpellé, mis en surveillance plusieurs heures durant dans un commissariat de police et convoqué devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour conduite malgré l'invalidation du permis de conduire, il soutient que l'avocat peut parfaitement contester la conformité de la loi et conseiller à son client de ne pas la respecter, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler une "défense de rupture" ; qu'il ajoute que la garde à vue est interdite par rapport à une personne faisant l'objet d'un contrôle routier lors duquel est révélé le délit de conduite d'un véhicule en période de permis annulé par défaut de points et que l'immobilisation du véhicule en pareil cas est impossible juridiquement ; qu'il poursuit en indiquant que la procédure qu'il a engagée pour Monsieur Z... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est toujours pendante, le dossier étant en cours de fixation ; qu'il déclare qu'il continue à suivre cette affaire, Monsieur Z... ne s'étant pas désisté, ni ne l'ayant dessaisi ; qu'il invoque une autre affaire, selon lui similaire, dans le cadre de laquelle sa cliente, bien qu'ayant pu grâce à lui récupérer l'intégralité de ses points perdus, croit devoir continuer à contester ses honoraires ; qu'il affirme que "conduire sans permis en période de permis annulé par défaut de points n'expose à aucune sanction pénale quand on est défendu par Me Y..." et verse aux débats à cet égard deux arrêts rendus respectivement le 4 et le 18 octobre 2007 par cette cour (20e chambre section B) aux termes desquels, la constatation ayant été faite de ce que l'autorité administrative avait restitué les points retirés, ou annulé des arrêtés, il a été jugé que les poursuites n'avaient pas de fondement légal, en sorte que ses clients ont été relaxés ; qu'il remet aussi une liste de nombreuses décisions émanant de diverses juridictions présentées comme ayant de 1998 à décembre 2007 accueilli favorablement les thèses par lui défendues ; qu'il affirme n'avoir "jamais perdu une procédure administrative tendant à obtenir la recapitalisation du capital points d'un client de son cabinet" ce qui représente plusieurs milliers de causes gagnées ;

Considérant que Monsieur Z... répond notamment que l'usage de son permis étant indispensable à l'exercice de sa profession, il lui était nécessaire de pouvoir être en droit de conduire dans les meilleurs délais et que Me Y... lui avait faussement laissé entrevoir une solution rapide ; qu'il fait à cet égard observer qu'alors que la procédure devant la juridiction administrative dont Me Y... fait état, et qui ne présente plus pour lui le moindre intérêt dans la mesure où il a de nouveau passé son permis, serait selon cet avocat toujours en cours, les faits remontent au début de l'année 2005, ce qui ne correspond aucunement à la rapidité annoncée ; qu'il sollicite en conséquence le rejet du recours ;

Considérant, ceci étant exposé, que quels que puissent être l'intérêt des interventions invoqué par Me Y... relativement à d'autres causes et l'existence des procédures distinctes ou jurisprudences diverses dont il est fait état, il apparaît qu'en l'espèce la convention d'honoraires produite est affectée par une imprécision qui la rend équivoque ; qu'en effet en son article 2 il est formulé deux propositions, l'une de fixation des honoraires au temps passé, "sur la base d'un taux horaire de 305 euros HT, valeur 2004", l'autre de forfait ; qu'il

est expressément mentionné que la solution rejetée doit être rayée, ce qui n'a pas été fait; que même si la somme versée (payée selon facture du 22 juin 2005 figurant dans le dossier de Me Y..., en une fois sans "paliers" à hauteur de 560 euros par chèque et le reste en espèces) correspond aux montant des honoraires forfaitaires, et s'il a été écrit à l'article 4: "toutefois la rémunération des diligences de Me Y... lorsqu'elle prend la forme d'un honoraire forfaitaire lui reste définitivement acquise" et aussi que "l'attention de Monsieur Z... a été expressément attirée sur le fait que s'agissant d'un honoraire forfaitaire, aucune demande de remboursement ne pourra être accueillie", ces formules font suite à l'information selon laquelle "toute partie a la faculté de soumettre au bâtonnier ses réclamations" ;

Considérant aussi que dans le courrier daté du 22 juin 2005 joint par Me Y... au projet de convention daté du même jour, celui-ci a indiqué à Monsieur Z... : "la conduite malgré l'annulation de votre permis par défaut de points et le refus de restituer votre titre ne vous exposent donc à aucun risque de condamnation pénale et ne permettent pas à l'agent qui a constaté les faits de prescrire l'immobilisation du véhicule" ; qu'il lui a également déclaré : "Ainsi donc, en conduisant malgré l'annulation de votre permis de conduire par défaut de points, puis en refusant de restituer votre permis annulé par défaut de points, vous pourriez éventuellement être cité devant le tribunal correctionnel. Toutefois, face à cette situation, nous disposons de moyens de défense. En effet, le juge pénal aurait le choix entre surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif (seule juridiction capable de prononcer l'annulation de l'annulation de votre permis) et examiner le fond du dossier pour constater l'irrégularité de l'annulation de votre titre de conduite et prononcer une décision de relaxe" ;

Qu'à ce propos, même si dans les écritures qu'il a déposées à l'appui de ses prétentions,

Me Y... a mentionné, en page 33, que "l'auteur de la décision critiquée /.../ porte un jugement de valeur subjectif sur (ses) prestations, alors qu'il ne dispose pas du bagage intellectuel le lui permettant", il apparaît que celui-ci a exactement relevé qu'en donnant à son client l'assurance que s'il était cité devant le tribunal correctionnel, cette juridiction ne pourrait que surseoir à statuer en attendant le terme de la procédure administrative ou prononcer sa relaxe, il lui donnait une assurance susceptible de se révéler fausse, le tribunal disposant d'une troisième option, à savoir entrer en voie de condamnation ; qu'en tout état de cause, quelles qu'aient pu être les assurances prodiguées et les documents remis en vue d'assurer la protection contre d'éventuelles poursuites, Monsieur Z... (dont il n'est pas contesté que l'épouse est brigadier de gendarmerie) a été interpellé, conduit dans des locaux de police et s'est vu retirer sa carte professionnelle ; qu'il convient aussi de relever que les moyens de défense susceptibles d'être invoqués en cas de citation devant le tribunal correctionnel ne faisaient pas partie du champ d'application de la convention litigieuse, dans laquelle il a été expressément indiqué, parmi de nombreuses autres exclusions : "En outre, l'assistance devant le juge pénal pour toute procédure éventuelle de refus de restituer un permis annulé par défaut de points n'est pas comprise dans la présente convention" ;

Que si ne saurait dans le cadre de la présente procédure être envisagée la question de la responsabilité civile professionnelle de Me Y..., il apparaît qu'outre l'équivoque qui en affecte la parfaite compréhension, la convention d'honoraires invoquée, même complétée par la lettre d'accompagnement, est lacunaire, en l'absence de renseignements complets au sujet des diverses éventualités envisageables ;

Que, de surcroît, il a été mentionné dans la lettre du 22 juin 2005 que le "référé suspension" devant le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, prévu en sus du recours en annulation devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, avait pour unique objet de permettre l'évocation du dossier sur le fond le plus rapidement possible, étant observé que les tribunaux souffrant d'un cruel manque de moyens et étant spécialement encombrés, la procédure sera nécessairement longue et imposera la patience ; qu'il a été ajouté que même si la suspension provisoire d'exécution devait être rejetée eu égard à l'appréciation nécessairement subjective que ferait le président, cette décision n'en aurait pas moins le mérite de hâter la venue du dossier devant le tribunal, seul habilité à prononcer l'annulation de l'arrêté préfectoral ; qu'il a été indiqué : "vous ne devrez donc pas vous inquiéter d'un rejet, plus que probable, par ordonnance, de notre requête en référé-suspension" ;

Qu'il est pourtant évident que Monsieur Z..., chauffeur de taxi, n'était pas particulièrement intéressé par des subtilités juridiques ou l'exercice d'une procédure plus que probablement vouée à l'échec et était désireux de pouvoir au plus tôt exercer normalement sa profession ; qu'il y est en définitive parvenu, de sa propre initiative, dans des conditions d'une particulière simplicité, en passant à nouveau son permis de conduire (ce qui selon les indications par lui fournies a représenté pour lui un coût de 300 euros), tandis que la procédure devant le tribunal administratif, d'après les renseignements fournis par Me Y..., serait en cours de fixation au premier semestre 2008 ; qu'à ce sujet, il n'est pas sans intérêt de noter que cette indication résulte seulement d'une mention manuscrite ajoutée au bas d'une fiche de situation de l'affaire au tribunal administratif de Cergy-Pontoise et que, par ailleurs, sur ce document, il apparaît que Me Y... a adressé à la juridiction concernée une demande de mise au rôle de l'affaire le 20 juin 2007, alors que Monsieur Z... a saisi le bâtonnier d'une demande tendant à la restitution totale des sommes versées en 2006, manifestant par là sans équivoque sa volonté de voir Me Y... cesser de s'occuper de son affaire ;

Que le consentement donné par Monsieur Z... lors de la signature de la convention du 22 juin 2005 a été déterminé par l'idée fausse qu'il avait du droit qu'il croyait acquérir par l'effet du contrat, à savoir la possibilité de bénéficier de la solution la plus sûre et la mieux adaptée à sa situation et qu'il s'est de surcroît engagé dans des conditions marquées par l'équivoque et une insuffisance de précision, caractérisées en outre par une recherche de sécurité financière au profit du conseil, bien supérieure à la garantie de la sécurité du client ;

Que le bâtonnier, après avoir rappelé qu'il est de son devoir d'examiner si les procédures engagées par l'avocat présentaient une utilité certaine et si les assurances par lui données à son client reposaient sur des bases juridiquement solides a, ainsi qu'il convenait, déclaré nulle la convention litigieuse, l'erreur commise par Monsieur Z... présentant un caractère substantiel et ayant vicié son consentement ;

Et considérant que Me Y... soutient que, même en l'absence de convention, les prestations par lui accomplies justifient les honoraires qu'il a perçus ; qu'il fait état de requêtes comportant chacune une vingtaine de pages "fortement motivées et parfaitement à jour des acquis les plus récents de la jurisprudence" et d'un mémoire en réponse rédigé tout spécialement pour répliquer point par point aux écritures prises par le ministre de l'intérieur "qui ne comportent pas moins de 33 pages" ;

Que la valeur ne dépend toutefois pas nécessairement de la longueur et que, sans doute du fait de la haute spécialisation qu'il revendique et du nombre des affaires qu'il traite, les écrits émanant de Me Y... sont marqués par un manifeste caractère répétitif ;

Qu'en tout état de cause les diligences invoquées ne présentaient en pratique aucun intérêt par rapport à la demande émanant du client ; que Me Y... a déclaré que le client n'a aucun droit au rendez-vous avec l'avocat et qu'en l'occurrence, compte tenu de sa pratique, aucun rendez-vous (postérieur au premier) n'était nécessaire ; que le traitement de l'affaire n'était en rien difficile pour Me Y... qui, après avoir mentionné que l'engagement de résultat qu'il a pris "semble dépasser de beaucoup la compétence du rédacteur de la décision critiquée" indique que sa stratégie en la matière est à ce point pertinente qu'elle lui a valu une kyrielle de résultats favorables, dont il dresse "en simple extrait en guise d'illustration" une liste occupant 21 pages, avant d'ajouter pour compléter l'expression de son opinion au sujet du rédacteur de la décision attaquée qui ferait d'après lui immanquablement condamner Monsieur A... s'il assurait sa défense : "on touche là toute la différence entre un spécialiste de la taxation des honoraires, béotien du contentieux de l'annulation du permis par défaut de points et le spécialiste français de ce contentieux. Me Y... peut parfaitement préjuger de la future décision du tribunal correctionnel. Sa parfaite maîtrise de la matière l'autorise même à garantir une décision de relaxe" ;

Qu'en définitive, compte tenu en particulier de ce qui précède et des ressources du client, jeune père de famille, s'étant trouvé au chômage, il apparaît que les honoraires doivent être fixés à la somme de 250 euros HT, un rendez-vous ayant été tenu ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par décision contradictoire ;

Réformons la décision attaquée ;

Fixons les honoraires dus par Monsieur A... à Me Y... à la somme de 250 euros HT, TVA au taux de 19,60% en sus ;

Ordonnons la restitution par Me Y... à Monsieur A... du surplus de la somme de 4.560 euros perçue, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2008, et le paiement par lui des frais d'huissier de justice en cas de signification de la présente décision ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception selon les dispositions de l'article 177 du décret du 27 novembre 1991.

ORDONNANCE rendue le TRENTE ET UN JANVIER DEUX MIL HUIT par J.P. MARCUS Conseiller, qui en a signé la minute avec Nicole X..., Greffière.

LA GREFFIERE LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0201
Numéro d'arrêt : 07/00119
Date de la décision : 10/04/2008

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-04-10;07.00119 ?
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