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04/03/2008 | FRANCE | N°06/21278

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0165, 04 mars 2008, 06/21278


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

4ème Chambre - Section A

ARRET DU 04 MARS 2008

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/21278

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2006 -Tribunal de Commerce de MEAUX

APPELANTE

SAS CHAMBORELLE

ayant son siège ... ZA

77124 CREGY LES MEAUX

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LA

VARENE, avoués à la Cour

assistée de Me Christian X..., avocat au barreau de PARIS, toque : E 1219

INTIMEES

S.A.R.L. WIS

ayant son siège ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

4ème Chambre - Section A

ARRET DU 04 MARS 2008

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/21278

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2006 -Tribunal de Commerce de MEAUX

APPELANTE

SAS CHAMBORELLE

ayant son siège ... ZA

77124 CREGY LES MEAUX

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour

assistée de Me Christian X..., avocat au barreau de PARIS, toque : E 1219

INTIMEES

S.A.R.L. WIS

ayant son siège ...

75013 PARIS

prise en la personne de son gérant

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Edouard Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : K 24

S.A. Z... DIFFUSION FRANCE

ayant son siège ...

75013 PARIS

prise en la personne de ses représentants légaux

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Edouard Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : K 24

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président

Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, Conseiller

Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : lors des débats : Mme Jacqueline A...

ARRET : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Nous, Alain CARRE-PIERRAT, président et par Nous, Michèle SAGUI, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel interjeté le 7 décembre 2006 par la société Chamborelle d'un jugement rendu le 7 novembre 2006 par le tribunal de commerce de Meaux qui:

- l'a condamnée à payer à la société WIS, la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'atteinte à ses droits d'auteur sur le modèle Alain Z... A0021,

- l'a condamnée à payer à la société Mikli Diffusion France, la somme la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- a ordonné la publication de la décision dans trois journaux au choix des sociétés WIS et Z... Diffusion France et à ses frais dans la limite de 3000 euros par insertion,

- lui a interdit, sous une astreinte dont il s'est réservé la liquidation de 1500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement, de détenir, d'offrir, de vendre les produits Marco B... référencés 14151 et plus généralement tous produits contrefaisants,

- a ordonné la saisie et la destruction de tous produits, documents, supports contrefaisants lui appartenant en tous lieux où ils se trouveraient,

- l'a condamnée à payer à chacune des sociétés WIS et Z... Diffusion France la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens,

- a ordonné l'exécution provisoire;

Vu les dernières conclusions, signifiées le 10 décembre 2007, par lesquelles la société Chamborelle, poursuivant l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, demande à la Cour, statuant à nouveau, de débouter les sociétés WIS et Z... Diffusion France de toutes leurs demandes, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens;

Vu les dernières écritures, signifiées le 7 janvier 2008, aux termes desquelles, les sociétés Mikli Diffusion France et WIS, poursuivant la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, prient la Cour de rejeter les demandes et prétentions de la société Chamborelle et de la condamner à payer à chacune la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que:

- la société WIS, sarl, gérée par Alain C..., a pour activité la conception et la création d'articles de lunetterie, notamment de montures de lunettes optiques; elle est propriétaire de la marque française, Alain Z..., déposée le 4 novembre 2001pour désigner notamment les lunettes, montures de lunettes, verres de lunettes, lentilles optiques;

- la société Mikli Diffusion France, S.A, ci-après MDF, est titulaire d'une licence exclusive de fabrication, distribution et commercialisation pour la France, sous la marque Alain Z..., des modèles de lunettes conçus par la société WIS,

- elles exposent avoir découvert au mois de mai 2004 la commercialisation par la société Chamborelle, sous la marque Marco B..., d' une monture de lunettes référencée 14151 qui présenterait des caractéristiques identiques à celles du modèle Alain Z... référencé A0021 dont la société WIS revendique les droits d'auteur pour l'avoir créé en 1999,

- après avoir procédé le 27 juillet 2004, dûment autorisées par ordonnance présidentielle, à une saisie-contrefaçon au siège de la société Chamborelle, les sociétés WIS et MDF ont introduit, par assignation délivrée le 20 août 2004, la présente instance en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire;

Considérant, en droit, qu'en vertu de l'article L 111-1 du Code précité, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous; ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial; que l'article L 112-1 du même Code confère cette protection à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu que cette oeuvre présente un caractère original;

Considérant que la société Chamborelle, contestant le grief de contrefaçon, laquelle se définit par l'exploitation de l'oeuvre sans le consentement de son auteur, fait valoir en premier lieu que la qualité d'auteur de la société WIS n'est pas établie, en second lieu que la création revendiquée est dépourvue de l'originalité requise pour ouvrir droit à la protection instituée par les dispositions précitées;

Sur la titularité des droits,

Considérant qu'il incombe à celui qui recherche le bénéfice de cette protection de rapporter la preuve de sa qualité d'auteur, condition de sa recevabilité à agir;

Mais considérant en l'espèce, que la société Chamborelle conteste vainement à la société WIS la qualité d'auteur du modèle revendiqué, qu'elle a déposé sous enveloppe Soleau portant le numéro d'enregistrement de l'I.N.P.I 54 863 en date du 6 octobre 1999, qu'elle a, en tout état de cause, divulgué et fait commercialiser à compter de cette date, sous la marque Alain Z... dont elle est propriétaire;

Qu'en effet, en vertu des dispositions de l'article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, non rapportée en la cause, à celui sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée, de sorte que, en l'absence de revendication d'une personne physique ou morale qui s'en prétendrait le créateur, les actes d'exploitation font présumer à l'égard des tiers contrefacteurs que celui qui exploite l'oeuvre est titulaire des droits d'exploitation sur cette oeuvre;

Qu'il s'ensuit que la société WIS et la société MDF sont recevables à agir au titre de l'atteinte aux droits intellectuels et patrimoniaux attachés à la qualité d'auteur;

Sur la validité des droits,

Considérant que le modèle revendiqué, référencé A0021, est présenté comme répondant aux caractéristiques suivantes:

- une monture en demi-cercle fixée aux verres par une tige plate descendant de chaque côté du pont jusqu'au niveau des plaquettes; cette monture en demi-cercle ne sertit pas les verres, elle est décalée sur l'avant des verres,

- une barre pliée selon un galbe harmonieux et progressif d'une extrémité à l'autre des tenons; cette barre a été usinée, un fraisage a été effectué pour la rendre plus lisse,

- une courbe tout en rondeur au niveau de l'oreille pour faciliter l'ajustage de la branche,

- un pont nasal indépendant du cercle,

- une charnière flex invisible,

- un bras de charnière recourbé à 180o, se terminant par un fixe-charnière formant une demi-boule qui englobe la vis, fixé au centre de la plaquette,

- une forme spécifique des verres;

Mais considérant que pour être éligible à la protection de son modèle au titre du droit d'auteur, la société WIS doit établir son caractère d'originalité comme constituant une création présentant des caractéristiques esthétiques détachables de tout caractère fonctionnel et exprimant la personnalité de son auteur à travers des choix qui lui sont propres;

Or considérant que, la société WIS ne caractérise en aucune manière l'originalité, au sens précité de son modèle;

Que d'une part, elle fait référence à des éléments purement fonctionnels dépourvus de toute recherche esthétique ou ornementale propre au modèle en question quand elle décrit un bras de charnière recourbé, un pont nasal indépendant du cercle, une charnière flex invisible, une courbe en rondeur destinée à faciliter l'ajustage de la branche sur l'oreille, le fraisage rendu nécessaire pour rendre la barre plus lisse;

Que d'autre part, évoquant sans plus de précision le galbe harmonieux et progressif de la barre et la forme spécifique des verres, elle ne caractérise pas davantage la singularité, au plan esthétique, du modèle en question;

Considérant en outre, qu'au terme de l'examen d'ensemble du modèle revendiqué, auquel la Cour a procédé, et de l'appréciation globale qui en est résulté, il apparaît non seulement que les éléments qui composent le modèle sont connus, par leur formes et proportions, pour appartenir au fonds commun de la lunetterie mais encore que ces éléments ensemble, ni par leur agencement ni par leur combinaison, ne confèrent au modèle une physionomie propre qui traduit un parti-pris esthétique et porte l'empreinte de la personnalité de son créateur;

Qu'il s'ensuit, par infirmation du jugement déféré, que la monture de lunette A0021 commercialisée sous la marque Alain Z... n'est pas éligible à la protection légale instituée aux Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle;

Qu'il se déduit du défaut de protection du modèle qu'elle lui opposent, que les sociétés WIS et MDF ne sauraient faire grief à la société Chamborelle d'avoir commis des actes de contrefaçon de ce modèle de sorte que, encore par infirmation du jugement déféré, leurs demandes au titre de la contrefaçon seront rejetées;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire,

Considérant en droit, que le principe de la liberté du commerce implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant, notamment, à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, préjudiciable à l'exercice paisible et loyal du commerce;

Considérant que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion, doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, outre le caractère plus ou moins servile de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté, l'originalité et la notoriété du produit copié;

Mais considérant, au terme de l'examen comparatif d'ensemble auquel la Cour a procédé, que les modèles en cause révèlent des différences tenant à la forme et à la dimension des verres, plus rectangulaire et plus large dans le modèle contesté, ainsi qu'à l'épaisseur des branches et au dessin formé par la monture sur le côtés représentant un angle quasi-droit dans le modèle Alain Z... et une sorte de S dans le modèle contesté;

Considérant que les différences observées revêtent en l'espèce une importance toute particulière s'agissant de montures de lunettes destinées à s'adapter, tant au plan technique qu'au plan esthétique, aux caractéristiques propres et singulières d'un visage, de sorte que le moindre détail spécifique au modèle considéré est susceptible d'influer sur le choix du client;

Qu'il s'ensuit que la société MDF n'est pas fondée à invoquer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur normalement informé, raisonnablement avisé et attentif des produits en cause;

Considérant que la société MDF, qui se garde de reprocher à sa concurrente de vendre à perte ou à vil prix, ne saurait lui interdire, en vertu de la liberté du commerce de pratiquer de meilleurs prix;

Considérant que la société MDF reproche en outre à la société Chamborelle une diffusion parasitaire en ce qu'elle aurait cherché à tirer profit de son expérience, de son savoir-faire et de ses investissements;

Mais considérant que le parasitisme est caractérisé dès lors qu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements;

Or considérant que la société MDF, qui ne justifie pas des investissements propres au modèle de monture en cause, dont par ailleurs elle ne démontre pas qu'ils constituent, par la publicité qui en est faite, l'un de ses produits phares, n'est pas fondée, au regard des critères ci-dessus rappelés, à reprocher à la société Chamborelle d'avoir cherché, en l'imitant, à détourner sa clientèle et à tirer profit du suucès rencontré par ses produits;

Qu'il s'ensuit que la concurrence déloyale et parasitaire n'est pas établie de sorte que le jugement déféré mérite d'être infirmé en ce qu'il a indemnisé de ce chef la société MDF;

Sur les autres demandes,

Considérant que le sens de l'arrêt et l'équité commandent de débouter les sociétés WIS et MDF de leurs demandes au titres des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de faire droit à la demande formée sur ce même fondement par la société Chamborelle en lui allouant la somme de 10 000 euros;

Considérant que les sociétés WIS et MDF qui succombent en leurs prétentions devront supporter les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel;

PAR CES MOTIFS,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute les sociétés WIS et MDF de toutes leurs demandes,

Les condamne in solidum à payer à la société Chamborelle la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0165
Numéro d'arrêt : 06/21278
Date de la décision : 04/03/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-03-04;06.21278 ?
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