Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2008
(no , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/21458
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2006 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG no 06/05221
APPELANTS
Monsieur Yves X...
...
94120 FONTENAY SOUS BOIS
Madame Viviane Y...
...
94120 FONTENAY SOUS BOIS
LA MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES - MATMUT-agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
...
76030 ROUEN CEDEX
représentés par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour
assistés de Me Pierre Robert Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : C 673
INTIMÉS ET APPELANTS PROVOQUÉS
Monsieur Gérard A...
appelant provoqué
...
94120 FONTENAY SOUS BOIS
Madame Mireille B... épouse A...
appelante provoquée
...
94120 FONTENAY SOUS BOIS
représentés par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour
assistés de Me C..., avocat au barreau de PARIS, toque : C 1060
INTIMÉS PROVOQUÉS
LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS - M.A.F.- agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
...
75783 PARIS CEDEX 16
Monsieur Yervant D...
...
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentés par la SCP OUDINOT-FLAURAUD, avoués à la cour
assistés de Me E..., avocat au barreau de PARIS,
SARL SOCIÉTÉ AREXCO exerçant sous l'enseigne BATI PLANS
...
94120 FONTENAY SOUS BOIS
défaillante
PARTIE INTERVENANTE FORCÉE
Maître F..., pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société AREXCO exerçant sous l'enseigne BATI PLANS
...
Immeuble LE PASCAL
94000 CRETEIL
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Présidente
Madame Isabelle LACABARATS, Conseillère
Madame Dominique REYGNER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie G...
ARRET :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Mme Marie-France MEGNIEN, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme Y... et M. X..., propriétaires d'un terrain à Fontenay sous Bois ont entrepris d'y faire construire un pavillon ; démarré le 10 juillet 2002 le chantier a été immédiatement interrompu suite à la découverte d'un empiètement des fondations du pavillon voisin appartenant à M. et Mme A... édifié en 1973/74 sous la maîtrise d'oeuvre de M. D..., architecte.
Aucun accord n'ayant pu être trouvé M. H..., expert désigné par voie d'ordonnance de référé le 29 octobre 2002, a déposé un rapport le 25 mars 2004.
Excipant du fait que ce rapport était incomplet, les consorts Le Puil-Relic ont à nouveau obtenu en référé le 15 décembre 2004 la désignation de M. H... qui a déposé un second rapport le 5 décembre 2005.
Par un jugement du 14 février 2007 le tribunal de grande instance de Créteil, saisi par les consorts Y... et Le I... et leur assureur la MATMUT d'une demande de bornage et de paiement du coût de travaux supplémentaires et d'indemnité pour divers préjudices et de recours des époux A... contre la MACIF, M. D..., son assureur et la Sté Arexco, a :
-ordonné la jonction des instances
-débouté M. X... et Mme Y... de leur demande de bornage et d'acte modificatif des limites de propriété
-condamné M. et Mme A... à payer à M.Le I... et Mme Y... la somme de 23.945, 79 € HT outre la TVA au taux en vigueur au titre des travaux supplémentaires avec intérêts légaux à compter du jugement ainsi que 43.991, 20 € pour préjudice immatériel
-débouté la MATMUT protection juridique
-mis la MACIF hors de cause
-condamné M.Manoukian et la Mutuelle des Architectes français (MAF) à garantir M. et Mme A... de l'ensemble des condamnations mises à leur charge y compris les intérêts, l'indemnité pour frais irrépétibles et les dépens
-dit que la MAF pourra opposer les conditions et limites du contrat
-condamné la Sté Arexco à garantir M. et Mme A... du paiement de la somme due au titre du préjudice immatériel avec intérêts, les frais irrépétibles et les dépens
-condamné in solidum M. D..., la MAF et la Sté Arexco à payer à M. et Mme A... la somme de 6.000 € de dommages-intérêts
-condamné la Sté Arexco à garantir M. D... et la MAF du paiement de la somme due au titre du préjudice immatériel ainsi que les dommages-intérêts, les frais irrépétibles et les dépens
-ordonné l'exécution provisoire
-condamné, pour frais irrépétibles, M. et Mme J... à payer aux consorts Y.../Le I... une indemnité de 3.000 € et à la MACIF de 2000 € , in solidum M. D..., la MAF et la Sté Arexco aux époux A... une indemnité de 3.000 €
-condamné in solidum les époux A..., M. D..., la MAF et la Sté Arexco aux dépens.
Appelants de cette décision, les consorts X.../Y... et la MATMUT, par dernières conclusions du 14 janvier 2008 contestent toute responsabilité dans la durée de la procédure imputable à l'inertie des époux A... et les erreurs de leurs conseils, estiment que le premier juge a bien évalué leurs divers chefs de préjudice mais commis une erreur sur le coût total actualisé des travaux et rejeté à tort la demande de l'assureur, demandent, par réformation, de condamner solidairement les époux A... à payer aux consorts I.../Y... la somme de 48.649, 34 € TTC au titre des travaux supplémentaires imposés du fait de l'empiétement, avec intérêts légaux à compter de l'assignation, et à payer à la MATMUT la somme de 1578, 72 €, de confirmer le jugement pour le surplus, de débouter les époux A... de même que M. D... et la MAF de toutes leurs demandes, enfin de condamner M et Mme A... à leur verser 3.500 € pour frais irrépétibles.
Par dernières conclusions du 14 janvier 2008 les époux A... soutiennent que la demande de 48.649, 34 € pour coût des travaux supplémentaires procède d'une mauvaise lecture du rapport et par appel incident demandent de limiter la réparation à ce titre à 22.384, 20 €, imputent aux appelants une mauvaise gestion de leur procès par l'exposé de débordements qu'il leur appartenait de signaler dès l'origine et ne s'estiment responsables que d'un retard de 12 mois; ils discutent chaque chef de préjudice et revendiquent la responsabilité, de nature trentenaire, de leur architecte, justement retenue par le premier juge, sous la garantie non contestée de son assureur, outre la responsabilité de Arexco pour manquement à son obligation de conseil ; ils demandent :
-de leur donner acte qu'ils ne contestent pas la matérialité du débordement des fondations
-de confirmer sur le rejet de la demande de bornage et de rectification des limites de propriété
-vu les deux rapports de M. H...,
-de dire que le délai de 21 mois entre le dépôt de chaque rapport est imputable à M X... et Mme Y...
-de constater que la première mission de l'expert lui permettait d'examiner tous les préjudices et de dire que le coût de la deuxième expertise restera à la charge des appelants
-de ramener la condamnation pour préjudice matériel à 22.384, 20 € à défaut 23.345 € HT soit 27.920, 62 € TTC, de limiter, par infirmation, l'indemnisation des loyers à 10.131, 36 €, rejeter les frais de garde-meubles, confirmer sur le rejet des frais de jardinage, rejeter la demande de la MATMUT et la demande pour perte de surface, limiter la demande pour préjudice d'agrément à 1.200 €, subsidiairement confirmer le jugement sur ce point
-de condamner in solidum M D... et la MAF à les garantir de l'intégralité des condamnations mises à leur charge en principal, intérêts, frais, dépens, frais irrépétibles et divers
-dire que la garantie de la MAF sera totale
-de condamner dans les mêmes conditions la Sté Arexco in solidum avec M. D... et la MAF dans la limite des dommages immatériels à les garantir de l'intégralité des condamnations
-de condamner in solidum Arexco, M. D... et la MAF à leur payer 25.000 € pour frais irrépétibles.
Par dernières conclusions du 12 décembre 2007 M D... et la MAF renvoient au deuxième rapport sur la fixation du préjudice matériel, soutiennent que l'action en responsabilité de l'architecte est prescrite sur le fondement de l'article 1792 du code civil, subsidiairement entendent voir mettre à la seule charge des époux A... les préjudices immatériels qui ne résultent que de leur refus de transigner ensuite des mauvais conseils de leur expert particulier Arexco sauf à ce qu'eux-mêmes soient garantis par cette dernière, les préjudices invoqués étant au surplus excessifs et demandent :
-de rejeter l'appel principal et l'appel provoqué
-de les recevoir en leur appel incident
-de dire l'action contre l'architecte prescrite et de les mettre hors de cause
-subsidiairement,
-de limiter l'indemnisation pour loyers à 10.131, 36 €
-de rejeter l'indemnisation pour frais de garde meubles et la demande de MATMUT
-de limiter le préjudice d'agrément à 1.200 €
-de confirmer le jugement sur la garantie due par la Sté Arexco
-de débouter M X... et Mme Y... ainsi que les époux A... de leur demande pour frais irrépétibles
-de le confirmer sur le droit de la MAF à opposer les limites de sa garantie.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que les dispositions du jugement concernant le rejet de la demande de bornage et d'acte rectificatif ainsi que la mise hors de cause de la MACIF ne sont pas discutées ; qu'elles seront confirmées ;
Considérant que mandaté en référé le 29 octobre 2002 sur une assignation qui exposait, suite au signalement le 11 juillet 2002 par l'entreprise de gros-oeuvre et à l'expertise contradictoire le 25 juillet suivant par le cabinet Frances, la révélation que les fondations mitoyennes du terrain des consorts Y.../Le I... débordaient sur le terrain des consorts X.../Y..., M. H..., après avoir relevé l'accord des parties sur le plan de géomètre situant la ligne de partage des propriétés, a conclu à la nécessité d'araser la fondation empiétante, faute pour les parties de s'accorder sur solution technique respectant la construction A... mais diminuant le terrain des demandeurs ;
Considérant alors qu'ayant constaté après dépôt, en mars 2004, du rapport, que d'autres débordements n'avaient pas été pris en compte par l'expert, les consorts X... Y... ont saisi à nouveau le juge des référés qui par ordonnance du 15 septembre 2004 a commis à nouveau M. H... ; que celui-ci a effectivement constaté la présence de deux grilles de ventilation en mur mitoyen du sous-sol de l'habitation A..., lesquelles ont en définitive été mises hors service durant l'expertise, le débord de la semelle du mur de clôture A..., le débord de tuiles de rives et de gouttières de la toiture A... ; que l'expert a attribué la cause de ces défauts, comme il l'avait fait pour le débord de la semelle, à un manquement aux règles d'urbanisme et aux règles de l'art même si le terrain voisin n'était pas construit à l'époque de l'édification de leur maison ;
Considérant que l'expert a alors chiffré le coût des travaux nécessaires pour remédier à ces défauts, repris, en les actualisant, les travaux préconisés dans son premier rapport et chiffré le tout au vu des devis produits à 48.649, 34 € ;
Considérant que pour contester cette somme et voir limiter la réparation à 23.345,89 € figurant en page 29 du second rapport, les époux A... soutiennent que cette seule somme correspond à des travaux supplémentaires ; que cependant l'expert a, page 41 détaillé les postes de préjudice, y incluant outre les travaux supplémentaires stricto sensu pour corriger les débordements, la majoration du coût du marché initial de la construction des appelants, et le coût de l'établissement d'un nouveau permis de construire, le premier étant devenu caduc ; qu'en conséquence, l'appel est fondé de ce chef et que la cour, infirmant sur ce point le jugement, portera à 48.649, 34 € le montant de la réparation du préjudice matériel;
Considérant que les époux A... ne contestent pas la matérialité des empiétements constatés ; que dès lors que la construction des époux A... a été réalisée en 1972/74 sous la maîtrise d'oeuvre de M. D..., c'est à bon droit que le premier juge a accueilli leur recours contre celui-ci, assuré à la MAF ; que ceux-ci ne sont pas fondés à voir dire le recours prescrit dès lors que ne s'agissant pas de désordres affectant la construction des époux A... elle-même mais un dommage au tiers résultant d'une faute de conception ou de surveillance de l'exécution, lesquelles ne sont pas contestées, la responsabilité est régie par la prescription trentenaire, non accomplie ; que M. D... devra donc garantir les époux A... des sommes mises à leur charge, sous la garantie de la MAF, qui, faute de produire la police d'assurance, sera déboutée de sa demande tendant à limiter cette garantie ;
Considérant qu'outre le surcoût de travaux chiffré plus haut les appelants se prévalent de dommages résultant du retard engendré pour la construction de leur maison ;
Considérant que l'expert (1e rapport ) a indiqué que contractuellement le chantier, commencé le 10 juillet 2002, devait être réceptionné le 10 juillet 2003 ; qu'il estimait alors la date de reprise au 11 mars 2004 et partant une réception en mars 2005 ; qu'aux termes de son second rapport le démarrage provisionnel des travaux était fixé à septembre 2005 ;
Considérant que les époux A... entendent voir limiter le retard à 12 mois, la dernière réunion de la première expertise s'étant tenue en septembre 2003, en imputant aux appelants les erreurs de conduite de leur procédure conduisant à une double expertise ;
Considérant toutefois que la première mission de l'expert, désigné dès septembre 2002, ne portait que sur les fondations ; que rien ne permet d'affirmer que les appelants avaient connaissance d'autres empiétements susceptibles de faire obstacle à leur construction ; que le second rapport a confirmé leur existence ; que les époux A..., qui font état de mauvais conseils, se sont refusés à toute recherche d'accord ; qu'ils ont mis en cause la Sté Arexco, provoquant ainsi un nouveau rendez-vous d'expertise ; qu'ils ont sollicité des sondages complémentaires; qu'ils n'apportent pas de démenti utile à l'existence d'un retard de 40 mois retenu par le tribunal et non critiqué par les appelants, que le jugement mérite sur ce point confirmation;
Que la somme de 33.771, 20 € pour loyers hors charges est une dépense indemnisable ; que le premier juge a retenu à bon droit que le retard d'emménagement avait contraint les consorts X.../Y... à supporter des frais complémentaires de garde-meubles pour 4.220 €; que le préjudice d'agrément, caractérisé par le retard à intégrer la maison de leurs rêves sera par réformation justement réparé par l'octroi de la somme de 3.000 € ; que le décision de rejet des demandes au titre des frais de jardinage et de perte de surface n'est pas critiquée ; que les préjudices s'établissent à la somme totale de 40.991,20 € ;
Considérant que la demande de la MATMUT en remboursement de 1.578, 72 € pour pareille somme payée à Mme K..., architecte, pour honoraires de son intervention a raison des sondages des semelles du pavillon A... est suffisamment justifiée par l'attestation de l'architecte visant sa déclaration fiscale ;
Considérant que sur la demande de l'entreprise JC Création, assistée du cabinet d'expertises Luc Frances, la Sarl Arexco a établi le 14 septembre 2002 un rapport concluant à l'absence de responsabilité de M. A... à qui il ne pouvait être demandé aucune somme d'argent, en l'absence de toute faute de sa part ; que cet avis, manifestement erroné eu égard au trouble de voisinage manifeste existant même sans faute, est cependant étrangère à la faute initiale imputable à l'architecte tenu à garantir les époux A... et n'est pas génératrice d'un préjudice propre des époux A... autre que des soucis et tracas ci-après examinés ; que les demandes de garantie contre la Sté Arexco seront donc, par réformation du jugement, rejetées ;
Considérant que les fautes conjuguées de M D... et de la Sarl Arexco ont généré pour M et Mme A... des soucis et tracas qui ont été justement évalués à 6.000 €, la cour fixant la créance à l'égard de Arexco ;
Considérant qu'en équité pour l'ensemble des frais irrépétibles de première instance et d'appel il convient de condamner M et Mme A... à payer aux consorts Y.../Le I... la somme de 4.000 €, sous la garantie de M D... et la MAF , outre la condamnation de M. D... et la MAF à payer à M et Mme A... la somme de 3.000 € à ce titre, la demande de la MATMUT à ce titre étant rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement sur le coût des travaux, la demande de la MATMUT, les limites de garantie de la MAF, la garantie par la Sté Arexco et statuant à nouveau,
-condamne M et Mme A... à payer à M X... et Mme Y... la somme de 48.649,34 € avec intérêts légaux à compter du 27 avril 2006 et 40.991,20 € en réparation de leurs préjudices
-condamne les époux A... à payer à la MATMUT la somme de 1578, 72 €
-dit que la Sté Arexco n'est pas tenue à garantie
-fixe la créance de dommages-intérêts contre la Sté Arexco à 6.000 €
Confirme pour le surplus le jugement déféré
Rejette le surplus des demandes
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la MATMUT ni pour la première instance ni pour l'appel .
Condamne M et Mme A..., sous la garantie de M. D... et de la MAF, à payer à M. X... et Mme Y... la somme de 5.000 € et M. D... et la MAF à payer 5.000 € à M et Mme D... pour leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Condamne M D... et la MAF aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT