Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE
COUR D' APPEL DE PARIS
14ème Chambre- Section A
ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2007
(no, 4 pages)
Numéro d' inscription au répertoire général : 06 / 14268
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Juillet 2006- Tribunal de Grande Instance de PARIS- RG no 0652787
APPELANTE
Madame Isabel X...
...
75018 PARIS
représentée par la SCP LAGOURGUE- OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Me Y...Eric, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1161
(bénéficie d' une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 036776 du 11 / 12 / 2006 accordée par le bureau d' aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
LA S. C. I. CRAVEN
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social au ...
75018 PARIS
représentée par la SCP VARIN- PETIT, avoués à la Cour
assistée de Me Martine Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0221
COMPOSITION DE LA COUR :
L' affaire a été débattue le 23 Janvier 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Marcel FOULON, Président
Madame Marie- José PERCHERON, conseiller
Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Delphine LIEVEN
ARRÊT :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Marcel FOULON, Président
- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Melle Delphine LIEVEN, greffier présent lors du prononcé.
Madame X..., divorcée de Monsieur A..., a trois enfants majeurs. La SCI CRAVEN (plus loin " la SCI "), constituée par ces derniers pour permettre à leur mère d' exercer son activité de couturière styliste, a acquis des lots de copropriété réunis pour ne former qu' un local à usage commercial. En 2002, la copropriété vendant la loge de la gardienne au sein du même immeuble, la SCI l' a également achetée par acte du 12 mars 2002. En 2004, les enfants de Madame X...ont fait savoir à cette dernière qu' ils avaient l' intention de vendre les locaux commerciaux considérés, ce à quoi elle s' est opposée. MadameAA... s' est vue révoquer de son poste de gérante de la SCI, mais s' est maintenue dans les lieux, en dépit d' une injonction de restituer les clés des locaux. Au mois de juillet 2005, les serrures des locaux ayant été changées en son absence, Madame X...a déposé plainte avec constitution de partie civile des chefs de violation de domicile et menaces, procédure en cours d' information. Le 6 janvier 2006, la SCI a fait établir un constat d' huissier afin que soient constatées les conditions d' occupation des locaux.
La SCI a saisi le juge des référés aux fins d' expulsion de Madame X...et de tous occupants de son chef.
Par ordonnance du 21 juillet 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté l' exception d' incompétence,
- dit n' y avoir lieu de surseoir à statuer,
- constaté que MadameAA... se maintenait illicitement dans les locaux considérés dont la SCI était propriétaire,
- dit que faute pour elle de libérer ces locaux dans le délai de 6 mois à compter de la signification de cette décision, elle pourrait y être contrainte par la force publique et la SCI pourrait faire entreposer les meubles, matériels et effets s' y trouvant dans tel garde- meubles de son choix, aux frais et risques de la défenderesse,
- débouté Madame X...de sa demande de dommages et intérêts,
- dit n' y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l' article 700 du NCPC,
- mis les dépens à la charge de Madame X...et dit qu' ils seraient recouvrés selon les modalités de l' aide juridictionnelle dont elle était bénéficiaire.
Le 28 juillet 2006, Madame X...a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 22 janvier 2007 auxquelles il convient de se référer, Madame X...fait valoir que le local de la gardienne acquis par la SCI est, depuis, 2003, exclusivement affecté à son habitation et à l' entreposage de ses effets personnels ; que la demande échappe à la " compétence " du juge des référés en ce qu' elle se heurte à plusieurs contestations sérieuses ; que les locaux litigieux sont devenus, à la suite de l' adjonction de la loge de la gardienne, à usage mixte habitation- commercial ; qu' il ne peut être contesté qu' elle habite les lieux loués ; que le juge des référés n' a pas le pouvoir de qualifier la relation contractuelle liant les parties ; que la mise à sa disposition des locaux litigieux ne relève pas de l' intention libérale ; qu' il ne peut y avoir de commodat en cas de contrepartie ou de prestations réciproques ; que la demande d' expulsion dépend d' éléments qui relèvent de l' appréciation des juges du fond. " Surabondamment ", elle fait valoir que le juge des référés est " incompétent " pour apprécier, outre la nature de la convention liant les parties, le bien fondé de la demande de restitution tiré du prétendu défaut d' exploitation des lieux ; qu' elle n' a jamais cessé d' exercer une activité professionnelle dans les locaux considérés ; qu' il appartient à la SCI de prouver qu' elle a un besoin pressant et imprévu de récupérer la chose, ce qui n' est pas le cas en l' espèce. Subsidiairement, elle fait valoir que l' expulsion requise aurait des conséquences dramatiques car, percevant le RMI, elle perdrait son logement et son lieu de travail, n' ayant aucun endroit où aller, ni où stocker ses archives et son stock de fournitures.
Elle demande à la cour :
- d' infirmer l' ordonnance entreprise,
- de dire n' y avoir lieu à référé,
- de débouter la SCI de ses demandes,
Subsidiairement,
- de lui accorder un délai de 24 mois à compter de la signification du présent arrêt, pour quitter les lieux,
- de condamner la SCI à lui verser la somme de 2. 000 € au titre de l' article 700 du NCPC,
- de condamner la SCI aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l' aide juridictionnelle.
Dans ses dernières conclusions en date du 19 janvier 2007 auxquelles il convient de se référer, la SCI fait valoir qu' il a été constaté le 6 janvier 2006, que les locaux litigieux étaient très encombrés, pour l' essentiel de tissus, vêtements et matériels et qu' il n' y existait pas de trace d' une habitation continue ; que les locaux sont très majoritairement à usage commercial, leur occupation " pour y vivre ", constituant un trouble manifestement illicite ; que l' appelante s' est installée dans les locaux pour y vivre pendant la durée de la procédure, n' a jamais eu son lieu de vie dans ce local qu' elle occupe aux termes d' un accord familial dans le but de recréer une activité professionnelle ; que Madame X...ne peut se prévaloir d' une dette alimentaire pour justifier son occupation du local dont elle est propriétaire ; que la SARL Isabel X...PARFUMS a été liquidée, puis radiée du registre du commerce le 25 août 2004 ; que le fait que Madame X...perçoive le RMI établit qu' elle n' a aucune activité professionnelle ; qu' il lui a été demandé de quitter le local litigieux depuis plus de trois ans.
Elle demande à la cour :
- de confirmer l' ordonnance entreprise,
- de dire qu' à partir du 3 février 2007, Madame X...sera débitrice d' une astreinte de 200 € par jour si elle se maintenait dans les lieux,
- de condamner Madame X...à lui verser la somme de 1. 000 € sur le fondement de l' article 700 du NCPC,
- de condamner Madame X...aux dépens, dont distraction au profit de la SCP PETIT LESENECHAL, Avoués, conformément aux dispositions de l' article 699 du NCPC.
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que la SCI fonde sa demande d' expulsion sur l' existence d' un trouble manifestement illicite consistant en une occupation de locaux lui appartenant par Madame X..., sans droit ni titre ;
Qu' en vertu des dispositions de l' article 809 alinéa 1 du NCPC, le juge des référés peut toujours, même en présence d' une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s' imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Que la question n' est pas de savoir si la demande de la SCI est de la " compétence " de la juridiction des référés mais si elle relève de ses pouvoirs, eu égard à l' existence ou à l' absence du trouble manifestement illicite invoqué ;
Que l' existence de contestations sérieuses n' empêche pas le juge des référés de prendre les mesures propres à mettre un terme à un trouble manifestement illicite ;
Qu' il est justifié du fait que les locaux de 500m ² achetés par la SCI ont été réunis pour ne plus former qu' une seule unité à usage commercial et qu' ils ont été mis à la disposition de MadameAA... pour qu' elle y exerce une activité professionnelle ; qu' il n' est pas contesté qu' un local d' habitation correspondant à l' ancienne loge du gardien, de 25m ², également achetée par la SCI, a été laissée à la disposition de Madame X..., qui a fait procéder des travaux permettant de la réunir aux locaux commerciaux, avec lesquels cette loge fait désormais corps ;
Qu' après qu' il ait été demandé, le 14 mai 2004 puis le 8 juillet 2004, à Madame X...de quitter les lieux, cette dernière a été révoquée, le 10 février 2005, de ses fonctions de gérante de la SCI qui n' entend plus laisser les locaux qui lui appartiennent à sa disposition ;
Que Madame X...ne prétend pas être titulaire d' un ou plusieurs titres lui permettant d' occuper l' ensemble des locaux litigieux contre la volonté de leur propriétaire, ni avoir été bénéficiaire d' une donation de ces locaux ;
Que le fait qu' elle ait été gérante de la SCI, sans plus l' être désormais ou qu' elle ait rénové ces locaux ne lui confère pas un titre d' occupation ;
Que l' usage de ces locaux ou leurs conditions d' occupation, que Madame X...ne présente que comme des éléments de contestation sérieuse sans prétendre qu' ils créeraient des droits à son profit, sont sans effet sur cette absence de titre ;
Qu' il y a lieu de confirmer l' ordonnance entreprise, le trouble manifestement illicite invoqué par la SCI étant suffisamment démontré ;
Qu' il n' y a lieu d' ajouter aux dispositions prévues par le premier juge une mesure d' astreinte qui n' apparaît pas justifiée ;
Que Madame X..., qui s' est maintenue dans les lieux depuis près de trois ans contre l' avis de la SCI, ne justifie pas du fait que les lieux considérés seraient les seuls où elle pourrait loger ou exercer une activité professionnelle ; qu' il n' y a lieu de faire droit à sa demande de délais ;
Considérant qu' il n' est pas inéquitable de laisser à la charge de la SCI les frais irrépétibles qu' elle a exposés pour la présente instance ;
Que Madame X..., qui succombe, devra supporter la charge des dépens d' appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l' article 699 du NCPC ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l' ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Rejette la demande d' astreinte formée par la SCI CRAVEN,
Rejette sa demande fondée sur l' article 700 du NCPC,
Rejette les demandes de Madame X...,
Condamne Madame X...aux dépens d' appel, dont distraction au profit de la SCP PETIT LESENECHAL, Avoués, conformément aux dispositions de l' article 699 du NCPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT