Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section D
ARRET DU 20 FEVRIER 2008
(no 31 , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/17498
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS (15ème chambre)- RG no 2006/85661
DEMANDEUR
SA REUVEN'S II EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE SINEQUANONE
102 boulevard Sébastopol
75003 PARIS
représentée par Me Stéphanie RENAUD, avocat au barreau de PARIS substituant Me Roland PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P 310,
DEFENDEUR
Société SAINT TROPEZ
NORDRE STRANDVEJ 119 H
3150 HELLEBAEK DANEMARK
représentée par Me Michael SKAARUP, avocat au barreau de PARIS, toque : R245
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Paul BETCH, Président MAS
Madame Marie KERMINA, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre MARCUS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : M. Hubert CLENET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Paul BETCH, Président MAS et par Mlle Véronique COUVET, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Vu le contredit formé le 11 octobre 2007 par la société anonyme REUVEN'S II (exerçant sous l'enseigne SINEQUANONE) contre le jugement rendu le 27 septembre 2007 par le tribunal de commerce de Paris ayant fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société de droit danois SAINT TROPEZ et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
Considérant que lors de l'audience du 23janvier 2008, après le rapport du président, la société REUVEN'S II a fait plaider, par reprise des arguments contenus dans ses dernières conclusions déposées à la barre, que le tribunal de commerce de Paris est en réalité compétent, en application des articles 5-3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et 82-5 du Règlement communautaire du 12 décembre 2001, car des actes de contrefaçon, constitutifs d'un fait dommageable, ont eu lieu à Paris ;
Que la société SAINT TROPEZ, s'appuyant sur ses dernières conclusions, du 21 janvier 2008, a répondu oralement que, compte tenu de ses conditions générales de vente et des stipulations contractuelles la loi danoise est applicable et que l'examen de l'affaire ressortit à la Cour maritime et commerciale de Copenhague ; qu'elle a ajouté que les actes incriminés ont été artificiellement provoqués, les achats ayant été réalisés non point à partir de son site Internet, mais grâce à une commande passée par courriel du 25 septembre 2006 adressé au Danemark, confirmée depuis ce pays le lendemain ; qu'elle a fait observer que plusieurs intermédiaires ont d'après elle été ainsi "manipulés" en vue de faire venir en France des marchandises correspondant à quelques dernières pièces de sa collection printemps/été 2006 et que ni la personne physique qui a passé la commande, en usant d'une adresse courriel personnelle, ni la société destinataire, qui probablement a "quitté la commande", ne sont parties à l'instance ; que selon elle, la vente ponctuelle intervenue, dans le cadre "d'une démarche tortueuse, avec manipulation des règles classiques de procédure et utilisation de tiers non attraits en la cause" ne saurait permettre de se prévaloir de la compétence revendiquée ; que son siège social étant situé à Hellebaek au Danemark, la juridiction "Byret" de ce lieu est compétente en application de l'article 42 du code de procédure civile ; que les articles 79 et 82 du Règlement communautaire du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires prévoient la compétence des tribunaux de l'Etat membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile (soit en cette cause le Danemark) ou renvoient à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, dont l'article 5.3 - le Danemark n'ayant pas ratifié le Règlement du Conseil no 44/2001 du 22 décembre 2000 - doit recevoir application dans sa version initiale, laquelle ne fait pas référence à "un dommage risquant de se produire", mais uniquement "au lieu du fait dommageable", alors qu'un tel fait est en l'espèce inexistant ;
Considérant toutefois que la société REUVEN'S II a produit un procès-verbal de constat d'huissier établi à sa requête le 6 octobre 2006 par Me AMRAM, huissier de justice associé à Paris, qui a constaté que celle-ci lui présentait dans ses locaux des cartons expédiés à Paris, à FASHION DIF Julie C..., par la société SAINT TROPEZ dont l'adresse est à Hellebaek ; qu'il a procédé à l'ouverture de ces cartons et à des constatations relatives aux vêtements portant l'étiquette "SAINT TROPEZ" placés dans ceux-ci ; qu'il a annexé la facture établie par la société SAINT TROPEZ relativement à ces vêtements, au nom de FASHION DIF, Julie C..., Galerie St-Didier, ..., destinataire de l'envoi ; qu'elle a versé aux débats un second procès-verbal de constat dressé par le même huissier le 8 novembre suivant, toujours à sa demande, établissant l'envoi par la société SAINT TROPEZ de deux autres cartons de vêtements à FASHION DIF, Julie C..., ..., avec établissement de la facture correspondante ;
Qu'il est indifférent que les commandes effectuées soient sans relation avec le site Internet de la société SAINT TROPEZ et qu'il résulte sans équivoque des constatations susvisées que celle-ci, sollicitée par des voies qu'elle n'a aucunement tenues pour anormales, a vendu à plusieurs reprises des produits à une cliente parisienne à laquelle elle les a adressés avec sa facture ;
Qu'en vain la société SAINT TROPEZ indique qu'elle diffuse en réalité ses produits dans des pays de l'Europe du Nord et que la société REUNEN'S II est dans l'incapacité de justifier de commercialisations en France autres que celles, très marginales, qu'elle a provoquées ; qu'en effet les ventes ainsi réalisées, qui portent sur plus de cent articles, ont été opérées sans difficulté particulière ni quelconque réticence de sa part, dans un laps de temps dont il n'est pas contesté qu'il a été bref, et qu'elles ont abouti à des livraisons à Paris, où le fait dommageable invoqué s'est donc produit ;
Que la mise en cause de tiers ayant passé les commandes ou été destinataires des marchandises n'est en rien nécessaire, l'action étant exercée par la société REUNEN'S II au titre d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale qu'elle impute à la seule société SAINT TROPEZ ;
Que cette dernière, eu égard au fondement juridique de la demande, qui est délictuel, fait tout aussi inutilement état de stipulations contractuelles et de ses conditions générales de vente ;
Considérant en conséquence que le tribunal de commerce a accueilli à tort d'exception, alors qu'en tant que juridiction de l'Etat contractant de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 dans le ressort de laquelle le fait dommageable s'est produit elle doit connaître de l'affaire ;
Que, dans ces conditions, il convient de faire droit au contredit ;
Considérant que des raisons d'équité conduisent à écarter l'application de l'article700 du code de procédure civile ;
Par ces motifs,
La cour :
Fait droit au contredit ;
Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris ;
Rejetant toute autre prétention, condamne la société REUVEN'S II aux frais du contredit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT