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30/01/2008 | FRANCE | N°07/07475

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0202, 30 janvier 2008, 07/07475


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

2ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 30 JANVIER 2008

(no , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/07475

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2006 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG no 03/05605

APPELANTE

SCI DU ...

agissant poursuites et diligences de son gérant

...

93190 LIVRY GARGAN

représentée par la SCP FANET - SERRA - GHIDINI, avoués Ã

  la Cour

ayant pour avocat Me Armand TONINI, toque B340

INTIMES

Monsieur Pierre CARENA

...

95290 L'Z... ADAM

représenté par la SCP GA...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

2ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 30 JANVIER 2008

(no , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/07475

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2006 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG no 03/05605

APPELANTE

SCI DU ...

agissant poursuites et diligences de son gérant

...

93190 LIVRY GARGAN

représentée par la SCP FANET - SERRA - GHIDINI, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Armand TONINI, toque B340

INTIMES

Monsieur Pierre CARENA

...

95290 L'Z... ADAM

représenté par la SCP GARNIER, avoués à la Cour

assisté de Me Isabelle DE A..., avocat au barreau de PARIS, toque :L 193

Maître Patrice B...

es qualités d'administrateur judiciaire de la succession de Mme Marie Louise CARENA

...

BP 43

93012 BOBIGNY

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

Assisté de Maître Nathalie D..., Bobigny, BP 067

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Président

Madame Isabelle LACABARATS, Conseillère

Madame Dominique REYGNER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle E...

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Mme Marie France MEGNIEN , greffier présent lors du prononcé.

***

Par acte notarié du 30 mai 1990, Monsieur Pierre CARENA et Madame Marie-Louise F... épouse CARENA ont vendu à la SCI ... un appartement avec cave et parking situé à Livry Gargan au prix de 350 000 francs payable au plus tard le 30 mai 1997 en sept annuités égales.

La SCI ... était constituée entre leur fils Monsieur Jean-Louis CARENA qui en était le gérant, son épouse, à hauteur de 49 parts chacun et Monsieur Pierre CARENA pour deux parts.

Le 6 mars 1992, Monsieur et Madame Pierre CARENA ont institué leur fils Jean-Louis légataire particulier, par préciput et hors part, de la part du prix de vente leur revenant à chacun ainsi que de la moitié indivise des deux parts de SCI détenues par Monsieur Pierre CARENA.

Madame H... CARENA, qui est décédée le 4 avril 2002, avait fait donation de l'universalité de ses biens à son mari, Monsieur Pierre CARENA, par acte du 15 décembre 1986.

Après sommation délivrée le 10 janvier 2003 à la SCI et demeurée sans suite, Monsieur Pierre CARENA, agissant tant en son nom propre qu'en qualité de donataire de Madame H... CARENA, a assigné la SCI ..., le 2 mai 2003, en paiement du prix puis en résolution de la vente et expulsion.

Le 12 décembre 2003, Monsieur Pierre CARENA a révoqué le legs particulier consenti à son fils.

Par jugement du 5 janvier 2006, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- donné acte à Maître PEPIN I..., ès-qualités d'administrateur judiciaire de la succession de Madame Marie-Louise F... épouse CARENA, de son intervention volontaire à la procédure,

- donné acte à Maître PEPIN I... de ce qu'elle s'en rapportait à justice sur les demandes,

- dit Monsieur Pierre CARENA recevable en ses demandes,

- constaté la résolution de la vente du 30 mai 1990 portant sur l'immeuble situé ..., cadastré B no2204 pour 20 ares et 1 centiare,

- déclaré acquis le principe d'une indemnité d'occupation à la charge de la SCI à partir du 30 mai 1990,

- ordonné l'expulsion de la SCI ... et de tous occupants de son chef des locaux désignés avec l'aide d'un serrurier et le concours de la force publique,

- rejeté la demande de renseignement de la SCI ...,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné la SCI ... aux dépens et au paiement à Monsieur Pierre CARENA d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 22 août 2007, la SCI ..., appelante, demande à la cour de:

au principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit Monsieur Pierre CARENA recevable,

subsidiairement au fond,

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente avec toutes conséquences de droit,

- lui donner acte de ce qu'elle est disposée à régler le montant du prix en principal et intérêts au taux légal à compter de la date de la sommation,

- lui accorder la possibilité de régler le prix en sept versements égaux chaque trimestre à compter de la date de l'arrêt jusqu'à parfait paiement,

- débouter Monsieur Pierre CARENA de toutes ses autres demandes,

- le condamner aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 31 août 2007, Monsieur Pierre CARENA entend voir :

- dire la SCI ... irrecevable en toutes ses demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- fixer l'indemnité d'occupation à 850 euros par mois à compter du 30 mai 1990 jusqu'à complète libération des lieux,

- condamner la SCI ... à payer ladite indemnité, soit au 31 août 2007 la somme de 176 800 euros,

subsidiairement,

- déclarer la SCI ... irrecevable et mal fondée en son offre de paiement du prix et la débouter de sa demande à ce titre,

plus subsidiairement,

- dire que le prix de vente devra être réactualisé et fixé à 210 000 euros,

plus subsidiairement encore,

- dire que les intérêts sur le prix de vente seront dus à compter du 30 mai 1990,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- déclarer la SCI ... irrecevable et mal fondée en sa demande de délais,

en tout état de cause,

- condamner la SCI ... aux dépens et au paiement d'une somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Maître B..., désigné en qualité d'administrateur provisoire de la succession de Madame H... CARENA en remplacement de Maître PEPIN I... par ordonnance du 26 septembre 2005 prorogée par ordonnance du 26 septembre 2006, s'en rapporte à justice et sollicite la condamnation de la SCI ... aux dépens et au paiement d'une somme de 1 525 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR,

SUR L'IRRECEVABILITE DE LA DEMANDE DE MONSIEUR PIERRE CARENA

Considérant qu'à l'appui de son appel, la SCI ... soulève d'abord l'irrecevabilité des prétentions de Monsieur Pierre CARENA pour défaut de qualité, d'une part au motif que les époux J... puis Monsieur Pierre CARENA s'étant abstenus pendant plus de 12 ans de réclamer à la SCI le paiement du prix convenu à raison des legs consentis à leur fils sur ce prix y avaient renoncé et d'autre part en ce qu'à la date de la saisine du tribunal Monsieur Pierre CARENA n'avait pas révoqué son legs ;

Que Monsieur Pierre CARENA objecte que la SCI ne peut se prévaloir du legs consenti par ses parents à Monsieur Jean-Louis CARENA, expose avoir voulu favoriser son fils en raison de ses difficultés professionnelles et, qualifiant d'inacceptable l'attitude de celui-ci qui a engagé une procédure contre son beau-frère dont il avait été associé et salarié, explique sa démarche par son souci légitime de père de famille de rétablir une égalité entre ses trois enfants ; qu'il fait valoir que l'absence de réclamation pendant plus de 10 ans ne vaut pas renonciation au paiement du prix, que s'il y a eu intention libérale de dispenser indirectement son fils du paiement du prix, cette volonté libérale ne concernait pas l'épouse de Monsieur Jean-Louis CARENA, également associée de la SCI, et était révocable, sa révocation étant amplement justifiée par le comportement de son bénéficiaire ;

Considérant que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes positifs démontrant la volonté non équivoque de son auteur de renoncer ; qu'elle ne saurait se déduire de la seule inaction de son titulaire ;

Que si Monsieur Pierre CARENA ne conteste pas s'être abstenu, dans une intention libérale envers son fils, de réclamer à la SCI le paiement du prix de vente de l'appartement, la société appelante, qui ne se prévaut d'aucun abandon de créance express, ne saurait lui opposer cette seule abstention motivée par une intention libérale toujours révocable et dont elle n'était pas au demeurant la bénéficiaire ; que la circonstance qu'à la date de la saisine du tribunal, Monsieur Pierre CARENA n'avait pas révoqué le legs particulier consenti à son fils est inopérante dès lors que le legs ne devait produire ses effets qu'au décès de son auteur ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit Monsieur Pierre CARENA recevable en ses demandes ;

SUR LA RESOLUTION DE LA VENTE

Considérant que subsidiairement, la SCI rappelle que la demande initiale est une demande en paiement dont Monsieur Pierre CARENA a entendu se désister pour présenter une demande en résolution de la vente mais que la société ayant soulevé une fin de non recevoir, son désistement n'était pas parfait et que le tribunal, qui en restait saisi, n'a pas justifié des raisons pour lesquelles il a écarté la demande en paiement au profit de la résolution et de l'expulsion de Monsieur Jean-Louis CARENA, légataire de la moitié du prix de vente ; qu'elle reproche au tribunal de n'avoir pas pris en compte les circonstances de fait qui font que la SCI ne peut être considérée comme de mauvaise foi et que l'inexécution de l'obligation ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour que la résolution soit prononcée dès lors que le gérant pensait que ses parents lui avaient transféré la part leur revenant sur le prix de vente, qu'il y avait accord entre les parties ainsi que l'admet Monsieur Pierre CARENA qui aurait changé d'avis à la suite d'un litige opposant Monsieur Jean-Louis CARENA à son beau-frère ;

Que Monsieur Pierre CARENA réplique que même en l'absence de clause résolutoire expresse, il avait le choix, en vertu de l'article 1184 alinéa 2 du code civil, de demander l'exécution de la convention ou sa résolution, sans avoir à justifier de son choix, qu'il suffisait au tribunal de constater le non paiement pour prononcer la résolution et que les manquements de Monsieur Jean-Louis CARENA sont suffisamment graves pour justifier la résolution de la vente ; qu'il considère que l'offre de paiement du prix, irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, ne peut faire échec à la résolution de la vente et que si la cour l'estimait néanmoins recevable, elle devrait être réactualisée à sa valeur actuelle et augmentée des intérêts au taux légal ;

Considérant que l'article 1184 du code civil dispose : " La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution peut être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances " ;

Que tant qu'il n'a pas renoncé à l'une ou à l'autre, le créancier conserve la faculté d'option prévue à l'alinéa 2 de ce texte entre l'exécution du contrat et sa résolution et n'est pas présumé avoir renoncé à l'action résolutoire pour avoir exercé l'action en exécution ;

Qu'en vertu de l'article 65 du nouveau code de procédure civile, une partie peut être admise à modifier sa demande pourvu que ses prétentions se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;

Qu'en l'espèce, rien ne s'opposait à ce que Monsieur Pierre CARENA qui avait initialement saisi le tribunal afin d'obtenir, en exécution du contrat de vente, le paiement du prix convenu, substitue en cours de procédure à cette prétention une demande en résolution de la vente, cette seconde prétention, tendant à voir sanctionner les manquements de la société aux obligations résultant pour elle du contrat de vente, se rattachant à la première par un lien suffisant ;

Que dès lors, l'option appartenant au créancier, le tribunal n'avait pas à se prononcer sur la demande en paiement abandonnée par celui-ci au profit de l'action en résolution sur laquelle il lui appartenait seulement de statuer, à charge pour le juge d'apprécier si l'inexécution avait assez d'importance pour que la résolution doive être immédiatement prononcée ; qu'il en va de même pour la cour ;

Considérant qu'à cet égard, s'il n'est pas contesté que pendant plusieurs années Monsieur et madame J... se sont abstenus de réclamer à la SCI le paiement du prix de vente de l'appartement, force est de constater que la sommation d'avoir à payer ce prix, régulièrement délivrée le 10 janvier 2003 par Monsieur Pierre CARENA à la SCI, est demeurée sans suite et qu'aucun paiement n'est intervenu depuis cette date, soit depuis maintenant cinq années ;

Qu'à compter de la sommation du 10 janvier 2003 suivie de l'assignation délivrée le 2 mai suivant et de la révocation de son legs par Monsieur Pierre CARENA le 12 décembre de la même année, la SCI ne peut sérieusement se prévaloir de l'intention libérale de Monsieur Pierre CARENA à l'égard de son fils Jean-Louis CARENA et exciper de sa bonne foi ;

Que, sans qu'il y ait lieu d'apprécier les motifs pour lesquels Monsieur Pierre CARENA a modifié ses dispositions testamentaires, l'inexécution totale par le débiteur de son obligation de payer le prix convenu, constitue un manquement d'une gravité justifiant la résolution demandée et que l'offre tardive de paiement de la SCI, quoique recevable en cause d'appel comme tendant à faire écarter les prétentions adverses, n'est pas de nature à faire obstacle à la demande et ne saurait être accueillie ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé dans son principe mais réformé en ce que la résolution de la vente, qui n'est pas de plein droit, doit être prononcée et non constatée ;

SUR L'INDEMNITÉ D'OCCUPATION

Considérant que l'effet rétroactif de la résolution de la vente oblige l'acquéreur au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 2 février 2004, date à laquelle la résolution a été demandée, et jusqu'à libération des lieux ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu le principe d'une indemnité d'occupation à la charge de la SCI et réformé en ce qui concerne le point de départ de l'indemnité et son montant que la cour est en mesure de fixer à 800 euros par mois au vu des éléments fournis en cause d'appel par Monsieur Pierre CARENA et non critiqués ;

PAR CES MOTIFS

DONNE ACTE à Maître B... de son intervention, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de Madame H... CARENA aux lieu et place de Maître PEPIN LEHALLEUR-GONDRE,

REFORMANT PARTIELLEMENT le jugement,

PRONONCE la résolution de la vente,

DIT que la SCI ... devra verser une indemnité d'occupation de 800 euros par mois à compter du 2 février 2004,

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

DEBOUTE les parties de toutes demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SCI ... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile et au paiement, en application de l'article 700 du même code, d'une somme de 1 500 euros à Maître B... ès-qualités et d'une somme complémentaire de 2 000 euros à Monsieur Pierre CARENA au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0202
Numéro d'arrêt : 07/07475
Date de la décision : 30/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bobigny, 05 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-01-30;07.07475 ?
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