La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2007 | FRANCE | N°06/07235

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0139, 20 décembre 2007, 06/07235


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre C

ARRET DU 20 décembre 2007

(no,9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 07235

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 décembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris-section encadrement-RG no 04 / 15053

APPELANT
Monsieur Pierre X...
...
75007 PARIS
représenté par Me François MARTINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 077

INTIMEE
BANQUE JP MORGAN CHASE BANK
14 Place V

endôme
75001 PARIS
représentée par Me Emmanuel BENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : J007 substitué par Me Aurélie Y..., av...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre C

ARRET DU 20 décembre 2007

(no,9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 07235

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 décembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris-section encadrement-RG no 04 / 15053

APPELANT
Monsieur Pierre X...
...
75007 PARIS
représenté par Me François MARTINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 077

INTIMEE
BANQUE JP MORGAN CHASE BANK
14 Place Vendôme
75001 PARIS
représentée par Me Emmanuel BENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : J007 substitué par Me Aurélie Y..., avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 octobre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Evelyne GIL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
Madame Françoise CHANDELON, conseiller
Madame Evelyne GIL, conseiller

Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats

ARRET :

-CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
-signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Mme Francine ROBIN, greffier présent lors du prononcé.

Vu l'appel régulièrement formé par Pierre X... contre un jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS en date du 7 décembre 2005 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la banque JP MORGAN CHASE BANK ;

Vu le jugement déféré ayant débouté Pierre X... de l'ensemble de ses demandes et l'ayant condamné aux dépens ;

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience
aux termes desquelles :

Pierre X..., appelant, poursuit :
-l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions,
-la constatation d'une discrimination salariale à son préjudice qui s'est traduite par le versement au titre de l'année 2002 d'un bonus inférieur à celui perçu par ses collègues par rapport au bonus versé au titre de l'année 2001,
-en conséquence, la condamnation de la banque JP MORGAN CHASE BANK à lui verser au titre du solde de bonus pour l'exercice clos au 31 décembre 2002, la somme de 375 000 €, avec intérêts de droit à compter du l5 juillet 2003, date de l'introduction de la demande en justice,
subsidiairement, la somme de 250 000 € avec les mêmes intérêts de droit,
-la constatation que son licenciement intervenu le 10 mars 2003 est sans cause réelle et sérieuse,
-la constatation que son préjudice, résultant de la perte de ses options, en suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, est égal à la valorisation desdites options à la date de la cessation des relations contractuelles,
-en conséquence, la condamnation de la banque JP MORGAN CHASE BANK à lui payer la somme de 917 391 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, augmentée des intérêts de droit à compter du 15 juillet 2003,
-et sa condamnation à lui verser la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus des dépens ;

La banque JP MORGAN CHASE BANK, intimée,
-conclut à la confirmation du jugement déféré,
-sollicite
*le débouté de Pierre X... de toutes ses demandes,
*à titre subsidiaire, la constatation de l'absence de préjudice résultant de la perte et de la diminution de ses droits sur les options sur actions qui lui ont été attribuées,
*à titre très subsidiaire,
la constatation que le préjudice subi est financièrement nul et qu'il est réparé par le montant minimum d'indemnité de six mois de salaire prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail qui couvre l'ensemble des préjudices résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,
en conséquence, la limitation de la condamnation à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à six mois de sa1aire, soit 97 500 €,
la fixation du point de départ des intérêts de droit à la date de la décision d'appel,
*en tout état de cause, le débouté de l'appelant de ses demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et des dépens.

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La banque JP MORGAN CHASE BANK est une banque d'affaires américaine implantée à PARIS où elle pratique notamment le conseil financier, la vente et l'exécution de transactions (fusions, acquisitions, levée de capitaux) pour une clientèle de grands groupes français et internationaux.

Elle emploie 230 salariés et applique la convention collective nationale de travail du personnel des banques.

Par lettre valant contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 juillet 1992, elle a engagé Pierre X... en qualité de vice-président au sein du département " Corporate Finance Europe ".

Ses appointements annuels bruts étaient fixés à 751 852 francs dont une gratification dite 14ème mois de 51 852 francs. Après deux années de présence, il pouvait bénéficier en outre d'une prime dite " bonus " calculée selon les règles édictées par le siège de NEW YORK. et versée au mois de janvier de l'exercice suivant la période considérée. Il devait également bénéficier du programme " lncentive compensation " de distribution d'actions et ce, dans les conditions d'octroi prévues par la politique générale de la banque en ce domaine en vue d'obtenir des performances individuelles satisfaisantes.

Pierre X... a pris ses fonctions le 3 août 1992 à LONDRES. A partir d'avril 1994, il est devenu, à Paris, Senior Banker, chargé de créer et de développer les relations de banque d'investissement de JP MORGAN avec de grandes entreprises françaises. Il a été promu au grade de " Managing Director " en février 1996 et, en dernier lieu, il exerçait les fonctions de banquier d'affaires senior au sein du Département " lnvestment Banking " (Banque d'investissement). Sa dernière rémunération brute annuel1e était de 211 250 euros bruts, hors bonus.

En septembre 2002, il a été informé par la direction de la banque qu'elle serait sans doute dans l'obligation de se séparer de lui.

Par lettre recommandée du 10 mars 2003, l'employeur lui a notifié son licenciement dans les termes suivants :

" Ainsi que vous en avez été informé tant par nous-mêmes que par les Représentants du Personnel qui ont été informés et consultés les 23 décembre 2002 et 31 janvier 2003, nous avons été amenés à envisager plusieurs suppressions de poste et à mettre en œ uvre un plan de sauvegarde de l'emploi. Dans ce contexte, nous sommes contraints aujourd'hui de vous notifier votre licenciement pour motif économique.

En effet, le contexte économique de la banque d'affaires dans le monde est fortement pénalisé par :

-Le ralentissement des économies américaine, européenne et française qui se traduit par une forte baisse de la demande de services financiers,
-La chute des marchés d'actions qui rend moins attractives de nombreuses opérations habituellement réalisées par les banques d'affaires,
-Des faillites de grands groupes américains, tels qu'Enron, WorldCom et Adelphia, qui ont entraîné une crise de confiance des clients des banques d'affaires.
Il en résulte, pour les banques d'affaires :
Une forte baisse de l'activité dans leurs différents métiers,
Une augmentation substantielle des coûts liés aux risques de crédit,
Une concurrence accrue,
La baisse de leurs résultats,
La mise en place de plans de réduction de coûts, notamment par la réduction des effectifs et la révision des contrats de prestation de servicesPlus spécifiquement pour JPMorgan Chase Bank. en France, le ralentissement de l'économie, et par conséquence de l'activité des industriels, entraîne une baisse de la demande des services financiers auprès des banques d'affaires.

Afin de sauvegarder sa compétitivité sur des marchés devenus de plus en plus difficiles, JPMorgan Chase Bank se voit dans l'obligation de procéder à une réorganisation de son département Banque d'Investissement afin d'adapter sa structure à la charge d'activité actuelle et prévisionnelle en forte baisse.

De ce fait, le poste de Banquier que vous occupez au sein de ce département est supprimé.

Nous ne disposons à ce stade d'aucun poste de reclassement dans l'entreprise ou au sein du Groupe correspondant à votre qualification ou à une qualification qui vous serait accessible moyennant une formation d'adaptation, ni d'aucun autre emploi équivalent, ni même d'une catégorie inférieure.

Dans ces conditions, nous sommes conduits à vous notifier par la présente-aux termes des procédures légales, conformément au calendrier prévisionnel envisagé-la rupture de votre contrat de travail pour motif économique, pour suppression de votre poste.

Néanmoins, les mesures sociales d'accompagnement envisagent la prolongation temporaire de votre contrat de travail au travers d'un congé de repositionnement professionnel sur lesquelles toute information vous a été donnée à l'issue de notre dernier entretien.

A toutes fins utiles, je vous rappelle que l'adhésion au congé vous assurera le maintien de votre contrat de travail pendant une durée de 6 mois, incluant le préavis conventionnel.

Ce maintien du contrat donnera lieu au versement d'une allocation mensuelle correspondant à 100 % de votre rémunération actuelle, pendant la durée correspondant à votre préavis conventionnel, puis à 65 % de cette base de rémunération les mois suivants, sachant que l'allocation mensuelle de 65 % s'imputera à due concurrence sur le montant brut de l'indemnité additionnelle prévue à l'article IV. F4 du plan social.

Pendant le congé, vous devrez vous consacrer pleinement à la définition et à la recherche d'un repositionnement professionnel dans le cadre des dispositions prévues dans les mesures sociales d'accompagnement et relatives à l'outplacement individuel et au reclassement (article II A. l).

Nous vous rappelons que la date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ :

-de votre préavis conventionnel,
-du délai de 8 jours dont vous disposez pour nous faire part de votre accord ou de votre refus de notre proposition de bénéficier d'un congé de repositionnement. L'absence de réponse dans ce délai sera assimilée à un refus de votre part.

Dans 1'hypothèse où vous refuseriez, nous vous rappelons que vous avez la possibilité de bénéficier de « mesures d'évaluation des compétences professionnelles et d'accompagnement en vue du reclassement » (dit pré-Pare), ce sous réserve de nous faire part de votre acceptation de ce dispositif et de déposer votre dossier à l'Assedic durant ce même délai de 8 jours, l'absence de réponse dans ce délai étant assimilée à un refus. Ce dispositif sur lequel un document d'information vous est remis ci-joint, vous permettra de bénéficier pendant votre préavis des prestations prévues par le plan d'aide au retour à l'emploi.

Nous vous rappelons également :

-qu'en cas d'adhésion au bénéfice du congé de repositionnement, celui-ci débutera à la date d'expiration du délai de réflexion de 8 jours, pour la durée susmentionnée incluant votre préavis conventionnel. Pendant cette période, vous serez dispensé d'activité professionnelle et indemnisé aux conditions ci-dessus rappelées. Votre contrat de travail sera définitivement rompu au terme de votre congé de repositionnement ;
-qu'en cas de refus ou à défaut de réponse dans le délai imparti, votre contrat de travail sera définitivement rompu au terme de votre préavis conventionnel que vous serez dispensé d'effectuer et qui vous sera rémunéré à chaque échéance mensuelle.

Enfin et conformément aux dispositions de l'article L 321-14 du Code du travail, nous vous rappelons que vous pourrez bénéficier d'une priorité de réembauchage pendant une durée d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail, à la condition que vous manifestiez le désir d'user de cette priorité dans ce délai.

Cette priorité concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux correspondant à une nouvelle qualification que vous aurez acquise après la rupture de votre contrat de travail, sous réserve toutefois que vous nous la fassiez connaître.

A la date de la rupture de votre contrat de travail, nous vous remettrons les sommes et documents afférents à cette rupture.

Pierre X... soutient :
-que les résultats de la banque JP MORGAN CHASE BANK en 2002 montraient qu'elle a procédé à une réorganisation qui répond à sa volonté de privilégier la rentabilité de l'entreprise plutôt que de sauvegarder sa compétitivité,
-qu'il n'existait aucune justification économique de la suppression du poste qu'il occupait,
-que la banque ne lui avait fait aucune proposition de reclassement comme elle en avait l'obligation,
-que par ailleurs, elle n'a pas justifié qu'elle a respecté les critères de l'ordre des licenciements fixés par la Convention Nationale Collective des Banques,
-que chacune de ces irrégularités privait le licenciement de cause réelle et sérieuse,
-que malgré des performances supérieures à celles de ses collègues en 2002, le bonus qui lui a été versé en janvier 2003 a été réduit de 70 % par rapport au bonus versé en janvier 2002 tandis que pour les deux exemples de " managing dirctor " fournis par la banque, cette réduction n'a été que de 50 %, ce qui démontre une discrimination salariale s'expliquant par la volonté de l'employeur d'anticiper les conséquences financières du licenciement,
-qu'il est donc fondé à réclamer un bonus d'un montant égal à 60 % de celui perçu pour l'exercice 2001, soit, après déduction des 450 000 $ versés, un solde de 450 000 $ ou à tout le moins de 300 000 $ (250 000 € compte tenu d'un taux de change de 1 € = 1,20 $),
-que son licenciement avait également entrainé la perte effective de ses stocks options,
-que l'évaluation des conséquences pécuniaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse impliquait nécessairement la prise en compte de la perte des avantages financiers afférents aux stocks options,

-que, tout au long de son contrat de travail, il a bénéficié d'un nombre important de stock-options au régime différent, les unes étant purement et simplement annulées par le licenciement, d'autres voyant, de part le licenciement, leur maturité réduite à deux ans, d'autres encore étant annulées parce qu'à la date du licenciement, le cours de l'action JP MORGAN se trouvait en deça du niveau permettant le maintien de ces options au bénéfice du salarié avec une maturité réduite à deux ans,
-qu'il a fait calculer, selon les méthodes de la Banque JP MORGAN elle-même, la valeur de ses options au 1er juillet 2003, valeur dont il a été privé avec l'annulation desdites options ou la réduction de la maturité restant à courir de certaines d'entre elles, résultant du licenciement fautif,
-que les modalités de calcul et le quantum d'évaluation de la perte des stocks options non contestés par la banque font apparaître un préjudice se chiffrant à 917 391 € ;

La banque JP MORGAN CHASE BANK fait valoir :
-qu'à compter de 2000, une baisse d'activité dans les différents métiers de la banque l'a conduite à mettre en œ uvre, pour préserver sa compétitivité, un plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoyait la suppression de 27 postes, aboutissant à réorganiser le département Banque d'lnvestissement auquel appartenait Pierre X...,
-qu'un programme d'aide au reclassement externe a été prévu ainsi que le versement de diverses indemnités,
-que Pierre X... a perçu au titre de la rupture de son contrat de travail une somme totale de 602 777 euros,
-que la Banque ne disposait d'aucun poste de reclassement compatible avec sa qualification,
-qu'il n'a pas été licencié parce qu'il était le mieux rémunéré dans sa catégorie d'emploi mais parce que l'application des critères soumis au Comité d'Entreprise (charges de famille, valeur professionnelle et ancienneté) a conduit à le désigner,
-qu'en 2003, au titre de l'année 2002, il s'est vu attribuer un bonus « cash » de
302 168 €,
-que cet élément de rémunération qui a un caractère strictement discrétionnaire, variant d'une année sur l'autre, ne saurait faire l'objet d'une révision,
-que le bonus de 969 807 € versé en 2002 pour l'année 2001 était exceptionnel et ne constitue pas une référence pertinente,
-que le volume d'affaires ayant sensiblement baissé en 2002, particulièrement en ce qui concerne la Banque d'investissement, il est compréhensible que le montant des bonus attribués au titre de cette année ait été réduit sans qu'aucune discrimination n'ait eu à intervenir,
-que Pierre X... s'est vu attribuer des actions JP MORGAN CHASE sous forme de droits directs RSU ou « restricted stock units »-unités d'actions à droits restreints ou de simples options d'achat d'actions, stock options, lui permettant d'acquérir des actions à un prix déterminé à l'avance,
-que son licenciement étant fondé sur une cause réel1e et sérieuse, il ne peut solliciter le versement de dommages et intérêts pour la perte des options qui lui avaient été attribuées sous condition de présence,
-qu'en tout état de cause, à la date de son licenciement, en juin 2003, les options dont disposait Pierre X... n'avaient aucune valeur et son préjudice était nul,
-qu'à titre très subsidiaire, l'appelant ayant immédiatement retrouvé un poste de Directeur équivalent à celui qu'il occupait au sein de JP Morgan Chase Bank, la réparation de son préjudice ne pouvait excéder l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire minimum prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 97 500 €,
-que s'agissant d'une indemnité qui n'avait pas été accordée en première instance, elle ne pourrait porter intérêts au taux légal qu'à compter de la notification de la décision d'appel et non à une date antérieure.

SUR CE :

-Sur l'exécution du contrat

Sur la discrimination salariale et sur la demande en paiement d'un solde de bonus pour l'année 2002

Aux termes de la lettre d'engagement du 3 juillet 1992, il était prévu que Pierre X..., " après deux ans de présence et en fonction des résultats consolidés mondiaux du groupe JP Morgan ", pourra bénéficier d'une prime dite " Bonus ", calculée selon les règles édictées par le Siège de New York de la banque.
Les règles de calcul de cette prime ne sont pas précisées et ne semblent pas être connues du salarié.

Le " cash bonus " versé annuellement à monsieur X... a varié de façon importante de 1994 à 2002, évoluant de 140 998 € pour 1994 à 969 807 € pour 2001 avec une baisse à 219 769 € pour l'année 2000 et une baisse à 302 168 € dont il se plaint pour l'année 2002.

Cette prime, variable dans son montant fixé au gré de l'employeur en fonction d'éléments discrétionnaires non déterminés à l'avance, ne constitue pas un élément de la rémunération du salarié au sens de l'article L. 140-2 du Code du travail. Dès lors, la discrimination illicite définie par l'article L. 122-45 du même Code qui s'attache notamment à la rémunération ne saurait s'appliquer à une différence de traitement entre les salariés de la banque résultant de l'attribution discrétionnaire du bonus annuel.

Le rejet de la demande en paiement d'un solde de bonus pour l'année 2002 prononcé par les premiers juges doit donc être confirmé.

-Sur le licenciement

L'article L. 321-1 du Code du travail impose à l'employeur, préalablement à tout licenciement pour motif économique, de chercher à reclasser le salarié. Cette recherche doit être faite de bonne foi et avec un souci maximal d'exploration de toutes les possibilités, même lorsqu'un plan social doit être établi. L'employeur est ainsi tenu, avant la notification du licenciement, de procéder à un examen individuel des possibilités de reclassement et, s'il y a lieu, de faire des propositions personnelles à l'intéressé, écrites et précises.

Il doit apporter la preuve qu'il a recherché, avant de notifier le licenciement, les emplois disponibles permettant le reclassement du salarié et que, malgré ses efforts, le reclassement s'est avéré impossible.

En l'espèce, la banque JP MORGAN CHASE BANK se limite à renvoyer aux mesures envisagées dans le plan de sauvegarde de l'emploi sans justifier que, préalablement à la notification de son licenciement à Pierre X..., elle a étudié les possibilités de son reclassement au sein du groupe et notamment à l'étranger où le salarié avait travaillé pendant plusieurs années. Aucun document justifiant ses diligences à cet égard n'a été produit.

Dès lors qu'elle ne justifie pas qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement interne, le licenciement ne repose pas sur un motif économique et ses effets sont ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire d'examiner la cause invoquée et sa conséquence sur l'emploi de monsieur X....

-Sur le préjudice

Sur la demande d'indemnisation correspondant à la valorisation des stock options à la date de la cessation des relations contractuelles

Le préjudice résultant pour Pierre X... de son licenciement sans cause réelle et sérieuse est constitué par la perte du droit de souscrire les actions offertes, par la réduction de la durée d'exercice des options et par la perte de la chance de voir prospérer ces actions et de se voir attribuer des options sur actions en fonction de la valeur du cours de l'action.

Pour évaluer son préjudice, le salarié s'est placé à la date de la cessation des relations contractuelles, soit au 1er juillet 2003, et a fait procéder au calcul de la valeur des options qui lui ont été attribuées selon le modèle Black Scholes utilisé par la banque JP MORGAN elle-même en distinguant les différentes options qui lui ont été successivement attribuées. Il a dressé un tableau récapitulatif de ces différentes options dont il détermine la valeur à 917 390 €.

Il apparaît qu'après la levée des options attribuées du 16 janvier 1995 au 22 janvier 1998 et les 21 janvier 1999 et 19 janvier 2000, il disposait d'une quantité importante d'options attribuées du 16 juillet 1998 au 1er février 2002 et annulées par l'effet de la rupture du contrat de travail ou dont la valeur s'est trouvée réduite du fait du raccourcissement de la durée d'exercice de l'option.

Toutefois, s'agissant d'un préjudice constitué par la perte de la chance de faire des profits, l'aléa que représente une telle chance s'oppose à la fixation de ce préjudice à la valeur des options au terme du contrat de travail.

La Cour dispose cependant des éléments suffisants d'appréciation pour fixer la réparation du préjudice à 500 000 euros. Cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt.

-Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Au vu des circonstances de la cause et compte tenu de la position respective des parties, il serait inéquitable de laisser à la charge de Pierre X... les frais non taxables qu'il a exposés à l'occasion de la présente procédure, il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Pierre X... de sa demande en paiement d'un solde de bonus ;

L'infirme pour le surplus ;

Dit le licenciement notifié à Pierre X... le 10 mars 2003 sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la banque JP MORGAN CHASE BANK à lui payer les sommes de :

-500 000 € (cinq cent mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt,

-2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

La condamne en tous les dépens.

LE GREFFIER : LE PRESIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0139
Numéro d'arrêt : 06/07235
Date de la décision : 20/12/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 07 décembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-12-20;06.07235 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award