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04/12/2007 | FRANCE | N°06/02041

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0128, 04 décembre 2007, 06/02041


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre A

ARRET DU 04 Décembre 2007

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02041

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, chambre 1, RG no 04/08407

APPELANT

Monsieur ERIC X...

184,rue Verte

76750 MORGNY LA POMMERAYE

comparant en personne, assisté de Me Juliette Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : B 1125
>INTIMEE

S.A. TNS SOFRES "TAYLOR NELSON SOFRES"

138, avenue max Dormoy

92120 MONTROUGE

représentée par Me Dominique DE LA GARANDERIE, av...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre A

ARRET DU 04 Décembre 2007

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02041

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, chambre 1, RG no 04/08407

APPELANT

Monsieur ERIC X...

184,rue Verte

76750 MORGNY LA POMMERAYE

comparant en personne, assisté de Me Juliette Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : B 1125

INTIMEE

S.A. TNS SOFRES "TAYLOR NELSON SOFRES"

138, avenue max Dormoy

92120 MONTROUGE

représentée par Me Dominique DE LA GARANDERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : T 06 substitué par Me Saskia Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claude JOLY, Magistrat, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine DUJARDIN, présidente

Madame Claude JOLY, conseillère

Madame Claudine PORCHER, conseillère

Greffier : Melle Muriel BERNARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Claude JOLY, Conseillère

- signé par Madame Claude JOLY, Conseillère par suite d'un empêchement de la Présidente et par Mademoiselle BERNARD, greffière présente lors du prononcé.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par monsieur Éric X..., d'un jugement rendu le 27 mai 2005, par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, section encadrement, chambre 1, qui a:

- débouté monsieur X... de ses demandes;

- débouté les sociétés A... B... et TNS SOFRES "TAYLOR NELSON SOFRES" de leur demande reconventionnelle;

- condamné monsieur X... aux dépens.

*

* *

Les faits et les demandes des parties

Monsieur X... a été engagé le 3 avril 1989, par la S.A.R.L. BURKE MARKETING (devenue B... BURKE en 1993), en qualité de consultant junior; son activité consistait à effectuer des études de marché et des sondages.

Il a exercé successivement les fonctions de consultant, de chef de groupe et de directeur de clientèle; en décembre 1997, à l'age de 32 ans, il est devenu directeur commercial de l'entreprise.

En septembre 1999, un nouveau contrat de travail se substituant aux précédents - lesquels étaient résiliés - a été passé entre la société B... BURKE FRANCE et monsieur X... qui a été nommé directeur général de la société; il remplissait ses fonctions sous l'autorité de A... EUROPE et du gérant de la société B... BURKE FRANCE; devenue en 2001 la société A... B... FRANCE, cette entreprise était filiale du groupe américain A... WORLDGROUP et était rattachée à A... EUROPE, basée en ALLEMAGNE.

Il n'est pas contesté que monsieur X... effectuait une brillante carrière dans un groupe en pleine évolution.

Au mois de mai 2003, le groupe TAYLOR NELSON SOFRES (TNS) a annoncé l'acquisition, au niveau mondial, des sociétés du groupe NFO WORLDGROUP; la société A... B... FRANCE a été reprise par le groupe TNS SOFRES en décembre 2003.

Selon l'attestation ASSEDIC établie le 6 avril 2004, la moyenne des douze derniers mois de salaire de monsieur X... s'est élevée à 24 097,72€.

Entre les 11 et 23 mars 2004, monsieur X... était en congés avec sa famille aux USA; il répondait ainsi à une invitation d'amis fêtant leurs 25 ans de mariage; les billets non modifiables, ni remboursables avaient été pris, à son intention, en décembre 2003 (cf: le courriel de madame Florence C..., du 15/12/03, à 15h18mn).

Le salarié soutient que l'employeur était informé de la date desdits congés depuis décembre 2003; pour sa part, l'employeur soutient n'en avoir eu connaissance que par courriel du 17 février 2004 (envoyé à17h14 "en préparation du calendrier des prochaines réunions du process d'intégration"), adressé à messieurs Denis DELMAS, Président de TNS SOFRES et gérant de A... (à compter du 24 février 2004), et à Claude D..., Directeur Général Adjoint de TNS SOFRES, avec copie à madame E..., Directeur des Relations Humaines A... B... France, désignée pour remplacer monsieur X... en son absence et présider le Comité d'Entreprise de A... B... qui devait se réunir le vendredi 12 mars 2004.

Le 5 mars 2004, monsieur X... a reçu par fax, à son domicile, les copies de la note d'information destinée au Comité d'Entreprise et du plan de sauvegarde de l'emploi, documents adressés concomitamment aux élus du Comité d'Entreprise, qui les ont reçus le 8 mars pour Paris et le 9 mars pour la province.

Le 9 mars 2004 (courriel de 10h57), monsieur X... a reçu en copie le rapport définitif de monsieur Alain HERREMAN, commissaire aux comptes de la société NFO INFRATEST, rapport adressé à monsieur Éric F..., directeur financier de cette entreprise, lequel avait souhaité connaître les chiffres validés par l'expert comptable en termes de résultat après impôts, du montant des impôts et du total du bilan.

Dans sa lettre de transmission à monsieur F..., monsieur HERREMAN a précisé que les états financiers au 31/12/2003, audités selon les normes françaises, correspondaient aux chiffres suivants:

* Total du bilan avant répartition de l'exercice clos le 31 décembre 2003: 7 896 051euros,

* Total du chiffre d'affaires : 18 061 616euros,

* Total des produits du compte de résultat de l'exercice présenté sous forme de liste: 18 699 795euros et le total des charges est de 18 355 602euros,

* Total de la participation: 147 293euros,

* Total des impôts : 272 433euros,

* Total du résultat après impôts: 344 193euros.

Le10 mars 2004 (17h56), monsieur X... a envoyé à monsieur Alain G..., secrétaire du Comité d'Entreprise, et à madame E..., D.R.H. de la société A..., avec copie à monsieur Claude D..., un courriel ayant pour objet la lecture des documents pour la réunion du CE; il était rédigé dans les termes suivants:

"Je termine ce jour la lecture complète des documents préparatifs à la réunion du CE de vendredi prochain 12 mars 2004 (note sur le projet de réorganisation conduisant au rapprochement opérationnel .....).

En tant que Président du CE, et en ma qualité de Directeur Général, je tiens à porter à votre attention le fait qu'un certain nombre d'éléments présentés dans ce document, sauf erreur de ma part, ne sont pas conformes à la réalité des données dont j'ai connaissance. Ceci notamment, par exemple, dans l'exposé qui est fait de la situation financière de l'entreprise."

Le 18 mars 2004, monsieur X... a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 25 mars 2004, convocation assortie d'une mise à pied conservatoire.

Le 24 mars 2004, monsieur X... a fait délivrer, par voie d'huissier, à monsieur DELMAS une protestation à mise à pied et licenciement abusifs.

Suivant lettre recommandée AR datée du 29 mars 2004, monsieur X... a été licencié pour faute grave.

Au moment de la rupture des relations contractuelles, la société TNS SOFRES employait plus de onze salariés (498) et appliquait la convention collective nationale SYNTEC.

Contestant le bien fondé de son licenciement, monsieur X... a, le 17 juin 2004, saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS de diverses demandes qui ont été rejetées.

Devant la Cour, monsieur X... conclut à l'infirmation de cette décision et fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite la condamnation de la société NFO TNS SOFRES à lui payer les sommes suivantes:

- 506 558,43€ bruts, représentant l'indemnité compensatrice de préavis contractuel;

- 50 655,84€ bruts, au titre des congés payés afférents;

- 16 800€, correspondant à la compensation de l'avantage en nature (véhicule);

- 134 626,98€, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement;

- 289 462€, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 3 000€, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il demande également que soit:

- ordonné le remboursement des allocations chômage dans la limite de six mois;

- rappelé que les intérêts légaux courront sur les créances salariales à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes.

La S.A. TAYLOR NELSON SOFRES demande à la Cour de constater:

- que le licenciement repose sur une faute grave:

- l'exclusion de l'application de l'article 3.1 du contrat de travail, et ce, en application de l'article 3.3;

- l'existence d'une clause pénale s'opposant au paiement de 21 mois de préavis.

Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement et au rejet de toutes les demandes de monsieur X....

Elle sollicite la condamnation de monsieur X... à lui verser une somme de 1 500€, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

* *

Il est expressément fait référence au jugement entrepris pour l'exposé des faits et de la procédure, ainsi que, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions, aux explications et aux conclusions des parties régulièrement communiquées et visées le 25 juin 2007.

*

* *

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions combinées des articles L.122-6, L.122-14-2, alinéa 1, et L.122-14-3 du Code du Travail, que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, signée par monsieur Denis DELMAS, gérant, la lettre de licenciement est ainsi rédigée:

"Monsieur,

Depuis le lancement du projet de rapprochement opérationnel entre TNS SOFRES et A... B... que vous avez présenté au Comité d'Entreprise le 18 décembre 2003, vous avez participé, en votre qualité de Directeur Général de A... B..., à chacune des réunions qui a conduit au projet d'organisation soumis, dans le cadre de la procédure de consultation, au Comité d'Entreprise de A... B... le 12 mars 2004.

Bien que vous ayez parfaitement connaissance du rythme imposé pour l'organisation du processus de consultation des instances représentatives de A... B... et simultanément de TNS SOFRES, vous nous avez informés, le 17 février 2004 par mail, de votre décision de prendre des congés entre le 11 mars et le 22 mars.

Le document intitulé « note sur le projet de réorganisation conduisant au rapprochement opérationnel de TNS SOFRES et A... B..., et à un projet de licenciement de plus de 10 salariés pour raison économique (Livre IV du Code du Travail) », est une synthèse et une présentation des projets construits lors des réunions du Comité d'Organisation auxquelles vous avez participé, au cours desquelles ont été communiquées les informations économiques concernant la situation financière des deux entreprises.

Le 5 mars nous ont été remis simultanément, à vous et à moi, les documents finalisés dont sont destinataires les comités d'entreprise dans le cadre de la procédure de consultation (Livre IV et Livre III du Code du Travail).

Ce même jour, vous avez donc convoqué le Comité d'Entreprise de A... B... en vue de sa consultation.

Toutefois, alors que vous aviez déclaré partir en vacances pour les USA le 11 mars, vous avez adressé, le mercredi 10 mars à 17h56, au Secrétaire du Comité d'Entreprise de A... B..., un message en votre qualité de Directeur Général et de Président du Comité d'Entreprise de A... B.... Vous avez cru pouvoir formuler l'appréciation suivante : « je tiens à porter à votre attention le fait qu'un certain nombre d'éléments présentés dans ce document, sauf erreur de ma part, nr sont pas conformes à la réalité des données dont j'ai connaissance. Ceci notamment, par exemple, dans l'exposé qui est fait de la situation financière de l'entreprise ».

Vous n'avez évidemment pas précisé, dans ce message, les éléments dont il s'agissait, tant l'essentiel pour vous devait être de créer une grave perturbation.

L'acte d'huissier que vous avez fait délivrer le 24 mars nous révèle que vous bénéficiez d'informations privilégiées et dont vous étiez seul destinataire. puisqu'en effet, le 9 mars, les commissaires aux comptes de A... B... vous avaient communiqué des éléments définitifs, chiffres qui n'ont été connus par nous que postérieurement à la réunion du Comité d'Entreprise de A... B... le 12 mars 2004.

Cette rétention d'information est d'autant plus choquante que tous les documents à destination des deux Comités d'Entreprise de TNS SOFRES et A... B... avaient été établis sur la base de documents élaborés en commun. De surcroît, votre formulation tendait à créer une suspicion, alors qu'il est révélé que les comptes établis in fine par les commissaires aux comptes de A... B... n'ont évidemment pas d'impact sur l'analyse générale de la situation et les résultats de A... B....

Nous avions déjà, dans la lettre de convocation pour entretien préalable, dénoncé votre attitude d'autant plus choquante que vous êtes l'auteur de certaines des données que vous critiquez.

Ainsi, cette attitude, de la part d'un Directeur Général et Président du Comité d'Entreprise de A... B..., est la marque d'une grave déloyauté, d'une volonté de déstabilisation ayant pour but, et en tous cas pour effet, de perturber gravement un processus social nécessairement délicat.

Ce comportement, loin d'informer véritablement le Comité d'Entreprise (dont vous êtes Président), est éloigné de toute préoccupation de protection de l'emploi et de l'intégration ou du reclassement du personnel dans les meilleures conditions. C'est le refus réitéré d'un regard objectif sur la situation de A... B... et focalisé sur votre cas personnel.

Dans la même conception, voua avez cru devoir faire délivrer un acte d'huissier le 24 mars, veille du jour de l'entretien préalable à votre licenciement. Vous avez communiqué par huissier au gérant de A... B... une « protestation à mise à pied et licenciement abusifs » dont les termes sont injurieux, voire diffamatoire. L'argumentaire développé ajoute à votre déloyauté.

Vos accusations violentes de mensonges reposent sur des assertions fausses et des contrevérités de nature à faire douter de l'ensemble de vos déclarations, dans quelque domaine que ce soit.

Vous prétendez en effet :

• Que TNS SOFRES a racheté A... en avril 2003, alors que ce rachat est intervenu le 14 mai 2003;

• Que TNS SOFRES a entrepris à partir de juillet 2003 de vous enlever vos responsabilités, alors que TNS SOFRES. qui ne détient pas les parts de A... B..., n'est intervenue qu'à partir de fin novembre 2003;

• Que Denis DELMAS, Président du Directoire de TNS SOFRES, a été nommé Gérant de A... B... en décembre 2003. alors qu'il ne l'a été qu'à fin février 2004;

• Que Denis DELMAS est Président du Comité d'Entreprise de A... B..., alors que cette fonction vous incombe et que vous l'exercez quel que soit le gérant de A... B...;

• Que les comptes définitifs de A... B... auraient été arrêtés le 31 décembre 2003, alors que voua déclarez et reconnaissez qu'il vous ont été communiqués par les commissaires aux comptes le 9 mars 2004;

• Que ces comptes auraient été connus de TNS SOFRES avant la réunion du 12 mars du Comité d'Entreprise de A... B..., alors qu'ils ne l'ont été que postérieurement.

• Qu'ainsi vous avez celé des informations manifestant une volonté de rétention d'informations privilégiées et d'opacité. Nous avons pu d'ailleurs constater, à plusieurs reprises, la façon dont vous usiez de cette méthode tendant à une dissimulation, notamment :

¤ par lé refus de communication de votre contrat dé travail, puis la communication fragmentaire et sans la formule de calcul de votre bonus, que vous êtes allé négocier sans en référer selon les règles de reporting qui vous avez été notifiées;

¤ dans un premier temps, refus de fournir des informations sur les conditions de vente d'un véhicule de fonction de marque Porsche.

• Que le document envoyé par vous-même au Comité d'Entreprise de A... B... aurait fait mention d'un « profit néant » pour 2003, alors qu'il stipule que « l'exercice 2003 est aux alentours de l'équilibre si on considère le résultat d'exploitation hors reprise de provisions constituées antérieurement et non liées à l'exploitation 2003 », ce qui est incontestable;

• Que le chiffre d'affaires réel pour l'exercice 2003 est de 18,06 Millions d'euros, soit 300 000euros de plus que le montant figurant dans le document transmis au Comité d'Entreprise le 5 mars, alors que vous savez parfaitement que le chiffre définitif résulte d'ajustements par le commissaire aux comptes postérieurement à cette date. Nous avons relevé que les chiffres que vous communiquez vous-même pour les années antérieures à 2003 dans votre acte d'huissier « protestation » varient entre 100 000 et 200 000euros par rapport aux chiffres réels;

• Que TNS SOFRES aurait mené à bien une opération «d'absorption liquidation » de A... B... alors que le Comité d'Entreprise de A... B..., convoqué et présidé par vous-même le 18 décembre 2003, a approuvé une opération de location gérance dont tous les conséquences étalent parfaitement connues, notamment sur les aspects comptables, Le procès verbal de cette réunion que vous avez signé précise que, « tant que la nouvelle organisation n'aura pas été décidée, les organisations managériales des deux entités resteront en place »;

• Que vous auriez perdu « toute autonomie » alors que vous avez tenu à communiquer sur le maintien de votre direction générale sans altération, à l'occasion de la location gérance en janvier 2004, par une déclaration faite par vous-même au personnel de A... B..., dans laquelle vous avez souligné votre fierté de diriger cette entreprise;

• Qu'aurait été envisagé dès décembre 2003 un licenciement collectif de 53 personnes, ce qui est une contrevérité. et qu'en tout état de cause, le projet que vous avez vous-même communiqué le 5 mars au Comité d'Entreprise de A... B... prévoit 33,5 suppressions de postes pour les deux sociétés. Cette fausse déclaration sur le nombre de salariés licenciés me semble extrêmement révélatrice de votre volonté de nuisance dans votre comportement;

• Que les documents remis au Comité d'Entreprise auraient été assortis d'une obligation de secret professionnel, alors qu'il fait référence à une obligation de discrétion;

• Que le document annoncerait le licenciement du Directeur Général, alors qu'il mentionne la suppression de ce poste;

• Que dès septembre il vous aurait été indiqué que vous n'auriez pas de place dans la nouvelle structure, alors que si vous avez manifesté auprès de tous et dès vos premiers contacts avec TNS SOFRES, le souhait prioritaire de privilégier une négociation de vos conditions de départ, trois postes correspondants à. vos niveaux de responsabilités et de rémunération vous ont été proposés en réponse à vos interrogations, dont l'un au sein de TNS SOFRES. Votre refus est exactement proportionné à la vivacité de votre demande d'une négociation de départ;

• Que vous auriez informé TNS SOFRES de votre absence du 10 au 22 mars 2004 « pour convenance personnelle » en décembre 2003, alors que vous l'avez notifiée le 17 février 2004, tout en sachant parfaitement à cette date que le processus social se déroulerait en mars 2004;

• Enfin vous avez cru pouvoir, dans ce texte notifié par huissier, énoncer un certain nombre de propos injurieux et diffamatoires soit :

o Page 6: «lorsque Denis DELMAS, Gérant de A... B... décide de mentir au Comité d'Entreprise »;

o Page 7 : « Pourquoi Denis DELMAS entend-t-il en toute connaissance présenter une version mensongère des réalités comptables? »;

« Le code du travail n'a jamais prévu pour un Directeur Général une subordination qui inclut le mensonge »

« L'obligation de loyauté n'est pas une obligation de mentir au Comité d'Entreprise »

o Page 8 : « Le Gérant qui publie et colporte confidentiellement des chiffres d'affaires et des bénéfices faux et tronqués »;

« Des manoeuvres ourdies par Denis DELMAS où le mensonge serait vertu.».

Ces propos constituent des imputations de faits contraires à l'honneur et à la considération qui s'ajoutent à des initiatives préjudiciables à la société, ayant pour but de déconsidérer le Gérant et de déstabiliser le personnel.

La totalité de vos agissements tant dans leur organisation matérielle que dans leur contenu, démontrent une grave déloyauté.

En conséquence, je vous notifie votre licenciement pour faute grave, privative de toutes indemnités.

En conséquence, vous quitterez immédiatement l'entreprise à la date de la première présentation de cette lettre. Vous percevrez, avec votre reçu pour solde pour tout compte, votre salaire et les congés payés.

Vous devrez aussi rendre immédiatement tous documents et matériels en votre possession, notamment ordinateur, téléphone portable, véhicule de fonction (BMW X5) ainsi que la carte grise et les clés de cette voiture. Un rendez-vous vous est fixé à cette fin le 31 mars à midi au ..., auprès de Monsieur Bernard LE GOFF (Tél. : 01 40 92 44 44 / 06 07 76 49 52).

Je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations distinguées".

Il est ainsi reproché à monsieur X...:

- la délivrance d'un acte d'huissier contenant une protestation à mise à pied et licenciement abusifs (1o),

- la rétention d'informations privilégiées (2o),

- la déloyauté reprochée (3o).

* sur le premier grief

Il est constant que, délivré postérieur à l'engagement de la procédure disciplinaire, l'acte d'huissier du 24 mars 2004 était destiné au seul monsieur DELMAS, ès qualité de gérant de la société NFO INFRATEST, et qu'il a été remis, sous pli cacheté, à l'assistante de ce dernier.

S'il contient, outre un rappel de la carrière de monsieur X... et des faits litigieux, des propos pour le moins désobligeants pour monsieur DELMAS, ces propos n'ont pas été divulgués par monsieur X...; ils ne pouvaient donc ni déconsidérer le gérant aux yeux de tiers - qui ne pouvaient en avoir connaissance- , ni déstabiliser le personnel de l'entreprise.

Ils n'outrepassent pas la liberté d'expression d'un cadre de haut niveau, cherchant à se défendre vis à vis de son supérieur hiérarchique, d'accusations graves énoncées dans la lettre de convocation à l'entretien préalable.

Ce grief sera en conséquence écarté, comme non établi.

* sur les deuxième et troisième griefs

Indépendamment de la date à laquelle la société TNS SOFRES a été informée de la date des congés pris par monsieur X... et quels que soient les mobiles réels ou supposés de ce dernier, il convient de relever que les commissaires aux comptes de A... B... étaient déjà en relation avec des correspondants de la société TNS SOFRES (cf: le courriel du 25 février 2004 émanant de A... Europe, destiné notamment au chef comptable de TNS et relatif aux ajustements post reporting au 31/12/2003 des comptes de A... B... France (pièce no109 du dossier de l'appelant)) et qu'ils ont envoyé leur rapport à monsieur F..., directeur financier de cette entreprise - lequel ne s'est pas vu reprocher une quelconque rétention d'informations à l'égard de la société TNS SOFRES et travaille toujours dans l'entreprise, sous la subornation de monsieur Benoît H... (lequel formait un binôme avec madame I... dans le processus d'organisation).

Dans son attestation du 16 avril 2007 (pièce no 108), le Dr Johannes J..., Chief Financial Officer de A... Worldgroup pour la zone Europe de 2001 à fin 2004, apporte les précisions suivantes:

"- il était en vigueur, dans le groupe A..., un système de reporting financier mensuel, que chaque pays envoyait, quelques jours après chaque fin de mois, au responsable financier de zone (Munich, pour l'ensemble de l'Europe)

- la filiale Française, ne dérogeait pas à ces règles de reporting et aucune difficulté ni aucun manque d'information ne m'a été signalé par TNS sur l'exercice 2003, ou début 2004.

- de plus dans le cadre du rachat de A... Worldgroup par TNS, l'ensemble des données financières et comptables étaient connues du nouvel acquéreur, et que par ailleurs plusieurs audits financiers, au niveau des filiales, ont été conduits par le cabinet Price Waterhouse Cooper (PWC) qui avait un accès direct à l'ensemble des informations qui lui paraissait nécessaire, pendant l'exercice puis en fin d'exercice 2003.

- enfin, dès l'acquisition du groupe A... Worldwide par le groupee TNS en juillet 2003, un reporting complet de toutes les données financières de A... et de toutes ses filiales, était fait régulièrement vers le groupe TNS, et que par conséquent le groupe TNS, nouvel acquéreur ne pouvait prétendre ignorer les situations financières réelles des filiales A... Europe, dont A... France."

Il s'ensuit que monsieur X... - qui avait déjà fait part de certaines interrogations par courriel du 13 février 2004 ("demande de vérification et éventuelle correction des erreurs") - n'était pas le seul à connaître le rapport des commissaires aux comptes du 9 mars 2004, l'employeur en ayant eu connaissance par d'autres voies.

Il ne peut dès lors être reproché à monsieur X... une rétention d'informations privilégiées, préjudiciable à la société TNS SOFRES.

S'agissant de l'envoi, par monsieur X... en sa qualité de Directeur Général et de Président du Comité d'Entreprise de la société A... B..., du courriel litigieux au Secrétaire du Comité d'Entreprise de A... B..., il y a lieu de rappeler que ce destinataire est tenu d'une obligation de discrétion en application de l'article L.432-7 du Code du Travail.

Enfin, au delà de la querelle opposant les parties au sujet de la situation économique réelle de la société NFO INFRATEST, il apparaît que le rapport du cabinet ÉTHIX, missionné par les deux comités d'entreprise concernés par l'opération, met en évidence des problèmes relatifs à:

- "l'absence d'une quelconque démonstration aux termes de laquelle le projet de la direction rétablirait la compétitivité supposée perdue" (cf: page 22);

- l'indicateur retenu, à savoir le "résultat de gestion", cet indicateur étant générateur d'erreurs et de confusions;

- la question du statut des salariés de A... B..., qui ont été transférés chez TNS SOFRES depuis le 1er janvier 2004 en vertu de l'article L.122-12, alinéa 2, du Code du Travail, sans que, pour le moment, aucun accord de substitution n'ait été négocié, comme le prévoit l'article L.132-8, alinéa 7, du Code du Travail, pour adapter les nouvelles dispositions collectives en vigueur chez TNS SOFRES et celles en vigueur au sein de A... B... (cf: page 65);

- l'absence de définition des catégories professionnelles (ou de la façon dont elles ont été constituées), les sociétés TNS SOFRES et A... B... procédant, non par catégories professionnelles, mais par postes supprimés ou modifiés par secteur au niveau des deux entreprises confondues, ce qui tendait à la désignation individuelle des personnes titulaires de ces postes et donc licenciables (cf: page 66);

- l'absence d'un certain nombre de mesures (FNS, conventions de conversion);

-l'insuffisances des mesures proposées, lorsqu'elles sont présentes, eu égard aux moyens dont dispose l'entreprise et le groupe auquel elle appartient;

- les défaillances majeures constatées dans la détermination des catégories professionnelles au sein desquelles les critères de fixation de l'ordre des licenciements devraient s'appliquer (cf: la conclusion).

Si elles n'avaient ni posées, ni réglées au cours de la procédure de consultation des Comités d'Entreprise des deux sociétés concernées par l'opération, ces questions auraient été de nature à exposer la nouvelle entité à des litiges à l'issue incertaine et susceptibles d'obérer, fût-ce en partie, les débuts de la société TNS SOFRES en Europe, ce qui eût été pour le moins fâcheux, compte tenu de son domaine d'activité.

Il s'ensuit que la déloyauté reprochée n'est pas établie.

Il y a dès lors lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la faute grave était caractérisée; la rupture des relations contractuelles n'étant pas non plus justifiée par une cause réelle et sérieuse, il convient d'examiner les diverses demandes du salarié.

Sur les demandes de monsieur X...

* sur le préavis et les congés payés afférents

Si le contrat de travail prévoit un préavis de douze mois (article 3.2), une telle clause interdit en fait toute résiliation unilatérale des relations contractuelles; elle s'analyse en une clause pénale, puisque son caractère exorbitant n'est pas justifié par la spécificité de l'emploi du salarié, et ce, malgré sa carrière dans la société NFO INFRATEST.

Le préavis sera en conséquence limité à six mois, à savoir (24 097,72 x 6 =) 144 586,32€, outre les congés payés afférents: 14 458,63€.

* sur la compensation de l'avantage en nature

La Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 10 000€, la compensation de l'avantage en nature consenti à monsieur X..., pour l'usage d'un véhicule de fonction.

* sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

À l'issue de son préavis de six mois (31/03-30/09/2004), monsieur X... avait 15 ans et six mois d'ancienneté.

L'indemnité conventionnelle de licenciement s'élèvera en conséquence à (24 097,72:3 = 8 032,57 x 15 =) 120 488,55 + (8 032,57: 12 x 6 = 4 016,28 =) 124 504,83€.

* sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Monsieur X... avait, à la date de la rupture des relations contractuelles, environ quinze ans d'ancienneté dans l'entreprise (3/04/1989-29/03/2004); il précise être resté sans emploi de mars 2004 au 15 novembre 2004 (soit 7,5 mois), mais ne produit pas son nouveau contrat de travail.

En application de l'article L.122-14-4 du Code du Travail, son préjudice sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 180 000€, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge de monsieur X... l'intégralité des frais irrépétibles exposés par lui à l'occasion du présent litige.

Il lui sera alloué de ce chef une indemnité de 3 000€, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement;

STATUANT à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de monsieur X... dépourvu de cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la société TNS SOFRES à payer à monsieur X... les sommes suivantes:

- 144 586,32€ (cent quarante quatre mille cinq cent quatre vingt six euros trente deux centimes), à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

- 14 458,63€ (quatorze mille quatre cent cinquante huit euros soixante trois centimes), au titre des congés payés afférents;

- 10 000€ (dix mille euros), à titre de compensation de l'avantage en nature (mise à disposition d'un véhicule de fonction);

- 124 504,83€ (cent vingt quatre mille cinq cent quatre euros quatre vingt trois centimes), à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement;

- 180 000€ (cent quatre vingt mille euros), à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

DIT que les créances salariales produiront intérêts légaux à compter du 21 juin 2004, date de la réception, par l'employeur, de la convocation devant le Bureau de Conciliation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts légaux à compter du présent arrêt;

ORDONNE le remboursement à l'ASSEDIC des allocation chômage dans la limite de six mois;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes respectives;

CONDAMNE la société TNS SOFRES à verser à monsieur X... une somme de 3 000€ (trois mille euros), en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

CONDAMNE la société TNS SOFRES aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0128
Numéro d'arrêt : 06/02041
Date de la décision : 04/12/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 27 mai 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-12-04;06.02041 ?
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