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15/11/2007 | FRANCE | N°11

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0236, 15 novembre 2007, 11


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre C

ARRET DU 15 Novembre 2007

(no 11, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/02167

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2007 par le conseil de prud'hommes d'Evry RG no 03/01002

DEMANDEURS AU CONTREDIT

Monsieur Paul X...

Chez M. David X...

44B, Les Terrasses de la République - 4, rue Copernic

59700 MARCQ EN BAROEUL

Madame Frédérique Y... épouse X...

Chez M.

David X...

44B, Les Terrasses de la République - 4, rue Copernic

59700 MARCQ EN BAROEUL

comparants en personne, assistés de Me Patrice Z..., avoc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre C

ARRET DU 15 Novembre 2007

(no 11, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/02167

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2007 par le conseil de prud'hommes d'Evry RG no 03/01002

DEMANDEURS AU CONTREDIT

Monsieur Paul X...

Chez M. David X...

44B, Les Terrasses de la République - 4, rue Copernic

59700 MARCQ EN BAROEUL

Madame Frédérique Y... épouse X...

Chez M. David X...

44B, Les Terrasses de la République - 4, rue Copernic

59700 MARCQ EN BAROEUL

comparants en personne, assistés de Me Patrice Z..., avocat au barreau du MANS

DÉFENDERESSES AU CONTREDIT

SOCIÉTÉ SERITEL

2, rue Saint Thivisiau

29400 LANDIVISIAU

SAS PANTIN HÔTELS

2, rue Saint Thivisiau

29400 LANDIVISIAU

représentées par Me Dominique LEYER, avocat au barreau de BREST

SASU HÔTEL LE BILAA

Lotissement Le Bilaa

64230 LESCAR

représentée par Me Karine BENDAYAN, avocat au barreau de TOULOUSE

SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE SERVICES DES HÔTELS (ECONOMIQUES-SISHE)

6-8 rue du Bois Briard

91080 COURCOURONNES

SOCIÉTÉ COMMERCIALE DES HOTELS ECONOMIQUES -SCHE

6-8 rue du Bois Briard

91080 COURCOURONNES

représentées par Me Delphine DUPUIS, avocat au barreau de PARIS, P214

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

Madame Catherine MÉTADIEU, Conseillère

Madame Catherine BÉZIO, Conseillère

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur le contredit formé par les époux X... à l'encontre d'un jugement rendu le 13 mars 2007 par le conseil de prud'hommes d'EVRY qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de PARIS pour connaître du litige les opposant aux sociétés SERITEL, SCHE, PANTIN HÔTEL et HÔTEL LE BILAA ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 19 septembre 2007 des époux X... qui demandent à la Cour d'accueillir leur contredit, de dire le conseil de prud'hommes compétent et d'évoquer l'affaire ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 19 septembre 2007 des sociétés SERITEL ET PANTIN HÔTEL, défenderesses au contredit, qui demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris, et de condamner les demandeurs à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience 19 septembre 2007 de la société HÔTEL BILAA, défenderesse au contredit, qui demande à la Cour de rejeter le contredit, et de renvoyer l'affaire en ce qui la concerne, devant le tribunal de commerce de PAU, à défaut, de dire le conseil de prud'hommes de DAX compétent, déclarer irrecevables les demandes de Paul X... en raison de sa qualité de salarié de la société ARKSUN, dire l'ensemble des demandes des deux époux irrecevables comme se heurtant à la prescription, à défaut, renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de PAU ou le conseil de prud'hommes de DAX, dire n'y avoir lieu à évocation ou renvoyer les parties à une prochaine audience pour conclusions au fond ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience de la société commerciale des hôtels économiques (SCHE) et de la société commerciale de services des hôtels économiques (SISCHE), défenderesse au contredit, qui demandent à la Cour de rejeter le contredit et de confirmer le jugement entrepris, à défaut, de ne pas évoquer l'affaire et de renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes d'EVRY ; à défaut, de déclarer irrecevables les demandes des époux X... comme étant prescrites, celles de Monsieur X..., irrecevables, celui-ci ayant démissionné de ses fonctions de gérant de la société ARKSUN en janvier 1998, et dire les demandes à l'encontre de la SISCHE irrecevables et en toutes hypothèses, condamner les demandeurs au contredit à leur payer à chacune, la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il est constant qu'après avoir répondu à une annonce d'appel à candidature de personnes physiques aux fins d'engager une carrière dans l'hôtellerie diffusée par le groupe ACCOR et avoir suivi un stage de formation du 13 juin au 4 août 1994, les époux X... ont effectué un stage pratique puis se sont vus confier divers remplacements jusqu'au 20 décembre 1994 ; que parallèlement, ils créaient une société ARKSUN et en devenaient gérants ; que le 20 décembre 1994, celle-ci concluait avec la société FORMULE 1, aux droits de laquelle se trouvent les sociétés SCHE et SISHE, un contrat de mandat-gérance pour l'exploitation d'un hôtel situé à PERIGUEUX, qu'il était mis fin à ce contrat le 31 octobre 1997 ; qu'un deuxième contrat était conclu avec la société Hôtel LE BILAA, le 20 février 1998 pour la gestion d'un établissement ETAP HÔTEL situé à SAINT PAUL lès DAX, contrat qui a été résilié le 30 juin 1998 ; que la société ARKSUN concluait un troisième contrat avec la société PANTIN HÔTEL, le 1er août 1999 pour l'exploitation d'un ETAP HÔTEL situé à PANTIN ; que ce contrat a été résilié le 15 octobre 2003 ;

Que les demandeurs, soutenant qu'ils avaient été salariés de ces trois entités, ont saisi le conseil de prud'hommes d'EVRY pour voir requalifier les contrats de mandat-gérance en contrats de travail et que c'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré à la Cour ;

Considérant que les époux X... font valoir, principalement, à l'appui de leurs prétentions, qu'ils étaient placés sous un lien de subordination à l'égard de leurs mandants et que ce lien se caractérise par :

- 1) un défaut de liberté dans l'exploitation de leur établissement, qui, lui-même, est démontré par l'absence de liberté dans le choix des fournisseurs et des produits, dans le marketing, dans l'organisation et la tenue de l'hôtel, dans le choix des outils de gestion et par un poids hiérarchique important,

- 2) l'absence de liberté dans le pacte social, dès lors qu'il existait une interdépendance entre les contrats de société et de gérance-mandats, un véritable système de contrat d'adhésion, des obligations valant défaut d'affectio societatis et une impossibilité de cession de parts,

- 3) l'absence de liberté dans la rémunération,

- 4) l'absence de liberté dans le statut personnel, eu égard au mode d'embauche, aux modalités d'accomplissement du travail, lui-même (horaires, logement, congés) aux possibilités de mutation et aux sanctions encourues (réprimande, réduction des commissions, non-versement des primes et résiliation du contrat),

- 5) l'existence d'un contrôle permanent, hiérarchique et général ;

Que les sociétés SCHE et SISHE contestent l'existence de tout contrat de travail invoquant la régularité du contrat de mandat-gérance, compte tenu de ses caractéristiques (intuitu personae, mandat spécial) et qui aurait été plébiscité dans le réseau "Formule 1"; qu'elles affirment que la société ARKSUN disposait d'une autonomie dans l'exécution du mandat, pouvant s'organiser en toute liberté(embauche des salariés, prise de congés, choix de sous-traitants, absence de contraintes horaires) de même que dans sa gestion(perception des commissions, libre fixation des dépenses engagées dans l'intérêt des demandeurs et de la rémunération des gérants, attribution de primes, libre choix des fournisseurs, absence de directives), autonomie que ne vient pas démentir l'appartenance à une chaîne normée ; qu'elles soutiennent, par ailleurs, qu'il n'existait pas de pouvoir de contrôle au sens du droit du travail ni de sanctions, la reddition des comptes et les prétendus audits n'étant que la conséquence du mandat ; qu'enfin, elles contestent l'existence de sanctions prononcées à l'encontre des époux X... ; qu'elle fait état du rapport de l'expert désigné par le conseil de prud'hommes d'EVRY qui a fait ressortir que les demandeurs ont librement créé leur société, ont librement défini les statuts de celle-ci et l'ont personnellement financée sans aucune intervention du groupe ACCOR ;

Considérant que les défenderesses soulèvent l'irrecevabilité des demandes des deux époux comme étant prescrites et de celles de Monsieur X..., celui-ci ayant démissionné de ses fonctions de gérant de la société ARKSUN, le 15 janvier 1998 ; qu'elles sollicitent que les demandes soient déclarées irrecevables à l'encontre de la SISHE qui n'a jamais été partie aux contrats signés avec la société ARKSUN ;

Considérant que la société Hôtel LE BILAA soutient, principalement, que le contrat la liant à la société ARKSUN est un contrat commercial excluant la compétence du conseil de prud'hommes ; qu'elle indique qu'elle a conclu un contrat de franchise avec la société ACCOR afin de lui faciliter l'exploitation de l'établissement et qu'elle n'a aucun lien avec ce groupe ni au sens du droit des sociétés ni du droit du travail ; qu'elle invoque les conclusions de l'expert désigné par le conseil de prud'hommes qui a démontré la liberté des époux X... dans la constitution de leur société, dans la détermination de ses statuts et de son objet social et dans son financement ; qu'elle souligne que lors de la création de la société ARKSUN elle n'était pas encore constituée et n'avait pas conclu un contrat de franchise avec ACCOR et qu'elle est, ainsi, étrangère à cette création ; qu'elle soutient que les époux X... ont disposé d'une totale autonomie dans la gestion de la vie sociale de la société, que la gérante, Mme X... pouvait librement se faire remplacer et qu'elle ne dépendait d'aucun supérieur hiérarchique, pouvant recourir à des prestataires extérieurs ou à des salariés de son choix et que les seules obligations qui étaient à la charge de la société ARKSUN procédaient du contrat de franchise conclu avec le groupe ACCOR ;

Considérant qu'à titre subsidiaire, elle soulève l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de PARIS au profit du conseil de prud'hommes de DAX, en application de l'article R-517-1 du code du travail, l'irrecevabilité des demandes des deux époux, comme étant prescrites et de celles de Monsieur Paul X... qui n'était pas gérant de la société ARKSUN ;

Considérant que les sociétés SERITEL et PANTIN HÔTEL, défenderesses au contredit, font valoir que la société PANTIN HÔTEL a signé un contrat de franchise avec le groupe ACCOR pour l'exploitation de son hôtel, sous l'enseigne ETAP HÔTEL, situé à PANTIN et qu'elle a pour gérante, la société SERITEL ; que le contrat conclu avec la société ARKSUN est bien un contrat de mandat-gérance et ne saurait, compte tenu des éléments de fait du litige, être requalifié en contrat de travail, qu'elle n'a aucun lien capitalistique avec les autres sociétés défenderesses ni avec le groupe ACCOR ; qu'elle invoque également l'expertise diligentée à la demande du conseil de prud'hommes d'EVRY qui démontre à l'évidence l'inanité des prétentions des demandeurs ; qu'elle invoque l'entière liberté des époux X... en ce qui concerne la constitution de leur société et sa gestion ; qu'elle conteste l'existence de tout lien de subordination, les époux X... gérant leur hôtel en toute indépendance avec comme seule contrainte, le respect du contrat de franchise ;

*

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la Cour est saisie d'une demande de requalification de trois contrats de mandat gérance conclus entre la société ARKSUN dont les demandeurs sont associés et trois sociétés différentes, ne présentant pas de lien entre elles au sens du droit des sociétés ; que si ces trois contrats sont distincts, ils présentent une similitude certaine, étant rédigés sous la même forme, avec le même plan, les mêmes chapitres et (pour la plupart) les mêmes clauses ; que leur étude sera, dès lors, effectuée de façon commune et globale ;

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que le contrat de travail est celui par lequel une personne physique met sa force de travail au service d'une autre personne, - physique ou morale-, et perçoit en contrepartie, une rémunération, tandis que l'employeur qui la rémunère dispose à son égard d'un pouvoir de direction et de surveillance, et d'un pouvoir

de sanction, en cas de manquement de l'intéressé à ses directives ;

Que, pour sa part, le mandataire est investi d'une mission qu'il accomplit pour le compte et au nom du mandant ; qu'il ne répond pas de l'échec de sa mission dès lors qu'elle n'est pas imputable à sa mauvaise gestion ; qu'en ce cas, le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais engagés pour l'exécution du mandat et, le cas échéant, l'indemniser des pertes qu'il aurait subies ;

Que la différence essentielle entre mandat et contrat de travail, résulte de l'obligation spécifique qu'a le mandataire, de rendre compte de sa gestion à son mandant, celle-ci supposant, contrairement au contrat de travail, une latitude certaine, laissée au mandataire dans l'exercice de son mandat, notamment quant aux moyens mis en oeuvre pour l'accomplissement de celui-ci, susceptibles de générer précisément des frais ou avances ; que dans le contrat de travail, le lien de subordination entre employeur et salarié, résultant de l'exercice du triple pouvoir de l'employeur, défini ci-dessus, exclut, lui, l'existence d'une telle initiative laissée au salarié qui se doit d'exécuter une prestation conforme aux directives de l'employeur, sous la surveillance et, le cas échéant, la sanction de celui-ci ;

Que de même, il y a lieu de distinguer les modalités d'exercice d'un contrat de franchise et d'un contrat de travail, le premier impliquant le respect de certaines normes résultant de la franchise mais laissant une autonomie complète du franchisé dans la gestion de son activité, alors que le second entraîne une subordination complète du salarié à l'égard de son employeur ;

Qu'ainsi, au regard de ces principes, force est de relever que l'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur et que c'est à l'aune du pouvoir d'initiative du mandataire-gérant, apprécié de manière concrète, et pas seulement à travers les dispositions du contrat de gérance mandat, que la Cour se doit de rechercher l'exacte qualification des conventions litigieuses ;

Considérant qu'en l'espèce, les contrats de gérance- mandat litigieux ont, tous, été confiés par les sociétés défenderesses à une SARL, préalablement constituée entre les deux époux d'un même couple ; que cependant, la constitution de cette SARL a fait, elle-même, suite à une candidature personnelle des intéressés adressée aux sociétés, propriétaires des hôtels, puis à un stage de formation de deux mois (payé par les stagiaires) -concernant exclusivement les politiques et pratiques commerciales suivies au sein du groupe ACCOR- à l'issue duquel, en fonction d'une évaluation strictement personnelle des qualités et des connaissances des stagiaires-candidats, ceux-ci ont été sélectionnés par les sociétés, comme gérants d'un hôtel FORMULE 1 ou ETAP HÔTEL ; qu'alors le couple des demandeurs a constitué la SARL, avec laquelle ont été signés les contrats de gérance-mandat ;

Considérant que ce contrat qui a officiellement pour effet de confier l'exploitation de l'hôtel concerné à la SARL, confie en réalité, selon ses propres termes, cette exploitation, aux personnes physiques, gérants associés de la SARL ; qu'en effet, les dispositions contractuelles évoquant le caractère "intuitu personae"de la relation contractuelle, mêlent étroitement, au point de les confondre, le sort de la SARL et celui de ses gérants, puisque aussi bien 1' "intuitu personae" souligné vise la personne des gérants, pourtant, tiers au contrat ;

Considérant qu'il est ainsi rappelé dans chacun des contrats aujourd'hui en cause, que la société, propriétaire de l'hôtel, n'a signé avec la SARL qu' "en considération de la personne des gérants et de l'engagement pris par ceux-ci de diriger et d'exploiter personnellement" ou "sous leur responsabilité" son fonds de commerce d'hôtellerie ; que le contrat est stipulé "non-transmissible" ou "incessible" sauf dans l'hypothèse où le cessionnaire des parts des gérants, recevrait l'agrément de la société propriétaire ; que, de même, la démission des gérants de leurs fonctions de gérants, ou la perte de leur qualité d'associé figurent au nombre des événements, susceptibles d'entraîner, à la demande de la société, la résiliation sans préavis du contrat de gérance-mandat ;

Considérant que, s'agissant des contrats conclus par les sociétés défenderesses avec la SARL des époux X..., la confusion entre la personne morale, juridiquement gérant- mandataire, et ses gérants, transparaît aussi dans l'article "conditions d'exploitation" et "exploitation personnelle", où il est fait référence à l'obligation pour la SARL de respecter les "normes de la Chaîne" ETAP HÔTEL" ou "FORMULE 1" et à l'engagement personnel pris par les gérants ;

Qu'en effet, ces normes et procédures d'exploitation, unilatéralement édictées par la chaîne "pour assurer la conformité du système ETAP HÔTEL et promouvoir ce concept nouveau d'hôtellerie" figurent en annexe du contrat dans le livret d'exploitation remis à la SARL et faisant partie intégrante du contrat ;

Considérant qu'il résulte des énonciations précédentes que, pour les sociétés propriétaires, l'élément premier et déterminant du contrat de gérance-mandat résidait bien dans la personne même des gérants d'hôtel, choisis et formés par les soins du groupe ACCOR, au cours du stage où leur était remise une imposante documentation, destinée à les familiariser avec les normes et les nombreuses "procédures" mises en place par ce groupe pour la gestion des hôtels sous sa franchise et qu'en définitive, l'exploitation de l'hôtel consentie à la société ARKSUN par le biais du contrat de gérance-mandat, était subordonnée à l'exploitation matérielle de l'hôtel par le couple de gérants, dans des conditions qu'il avait apprises et acceptées dès le stage de formation ; que si ce stage n'a été mis en place qu'à l'origine de la collaboration des gérants de la société ARKSUN, il n'en demeure pas moins qu'il était indispensable et exigé pour la conclusion des contrats de gérance-mandat par les trois sociétés mandantes ;

Considérant, par ailleurs, que le contrat de gestion avait une portée très réduite, caractérisant une absence d'initiative véritable laissée au mandataire-gérant ;

Qu'en effet, après avoir proclamé le principe selon lequel la "SARL jouit de par ses statuts d'une autonomie dans l'accomplissement de (ses) missions", tous les contrats contestés par les demandeurs au contredit restreignent, aussitôt, ces missions à la gestion courante de l'hôtel : permanence sécurité 24 heures sur 24, accueil du public, préparation des petits déjeuners, entretien des chambres ;

Que cette stricte définition des missions est encore renforcée par les dispositions financières insérées aux contrats sous le titre "limitation des pouvoirs", qui, en premier lieu, prévoient "que la SARL ne pourra passer de contrat ou d'engagement pour le compte de la société propriétaire pour une somme supérieure à 20 000 F HT (ou 10.000 francs)" les frais, comme la gestion du personnel étant à la charge de la seule SARL- qui en second lieu, précisent : "les contrats et/ou engagements pris pour le compte de la société (propriétaire) seront limités à la gestion courante de l'hôtel (frais de blanchissage, achat de produits alimentaires et d'entretien, de petit matériel, frais de dépannage)" et qui, en dernier lieu, ajoutent que la SARL doit veiller à ce que ses gérants n'engagent aucun règlement pour le compte des sociétés propriétaires, au profit de la SARL, sauf accord préalable et formel de la dite société ;

Que cependant, au-delà de la stricte définition de la mission ainsi confiée par le contrat à la SARL exploitante et à ses gérants, la façon dont ceux-ci devaient, en pratique, s'acquitter de leur mission venait réduire à néant la mince part d'initiative que leur concédaient ainsi les dispositions contractuelles ; que les pièces produites et particulièrement le livret d'exploitation annexé au contrat, démontrent que les sociétés défenderesses imposaient aux gérants de la SARL ARKSUN l'emploi de moyens de gestion qui, en réalité, faisaient d'eux les simples exécutants de leurs directives ;

Considérant, d'autre part que le mandat confié à la société ARKSUN s'exerçait dans le strict respect des directives des sociétés propriétaires ; qu'en effet, le livret d'exploitation annexé au contrat, comportait la description précise des nombreuses "procédures d'exploitation"que les gérants auraient à mettre en oeuvre et, donc, à respecter ; que l'application de ces procédures était imposée à la SARL ARKSUN par la société propriétaire qui ne saurait se retrancher derrière le contrat de franchise signé par elle avec le groupe ACCOR pour contester l'existence de directives de sa part, alors que c'est elle-même qui a directement contracté avec la société ARKSUN et qui a inclus dans le contrat de gérance-mandat les obligations de la franchise dont elle est seule bénéficiaire ;

Or considérant que cet ensemble de "procédures" ainsi contractualisées tendaient tout d'abord à obliger, dans les faits, les gérants de la société ARKSUN à passer leurs commandes aux fournisseurs "référencés" par le groupe ACCOR à savoir des fournisseurs avec lesquels le groupe avait négocié des contrats à des tarifs inférieurs à ceux du marché, contrats opposables à la société propriétaire, signataire du contrat de franchise ; que compte tenu de la contractualisation des procédures d'exploitation, les défenderesses au contredit ne peuvent sérieusement prétendre qu'il ne se serait agi là que de simples recommandations de leur part ;

Qu'en effet, il résulte des pièces produites que le groupe ACCOR, en 1996, définissait une nouvelle gamme de produits devant être commandés à une société Diverey, que par une autre note, il était précisé aux gérants que pour réaliser leurs objectifs, il leur appartenait de concentrer 25% de leurs achats auprès de la société ALDIS avec la formule "ayez le réflexe "ALDIS" pour vos commandes, chaque fois que cela est possible" ; qu'il était également établi une sélection par le groupe devant correspondre à la majorité des achats et devant être utilisée de façon prioritaire ; que le choix des réparateurs n'appartenait pas à la société ARKSUN et qu'il existait des recommandations très appuyées pour le choix de sociétés de nettoyage, le groupe ACCOR ayant conclu des contrats cadre avec des sociétés pré-déterminées ; qu'était également remis aux gérants un inventaire très détaillé de matériels divers avec le nom des fournisseurs référencés correspondants, de sorte que les gérants, une fois en fonction, étaient privés de toute liberté de choix de leurs fournisseurs, et pas seulement pour répondre aux exigences et au besoin d'uniformisation, inhérents aux contrats de franchise ou de marque, puisque ce référencement existait aussi bien, pour le couteau à pain, que les filtres d'aspirateur ou encore l'agrafeuse ainsi que pour les serviettes de table ou le papier hygiénique ;

Qu'ensuite, et toujours en application de ces "procédures d'exploitation", dont il n'est pas soutenu par les défenderesses qu'elles n'étaient pas respectées en pratique, par les époux X..., les sociétés propriétaires des hôtels soumettaient les gérants des SARL -tenus de déposer les recettes de l'hôtel presque quotidiennement sur le compte bancaire de la société propriétaire- à l'établissement de comptes rendus fréquents et multiples ; que, de fait, les pièces produites par les demandeurs au contredit démontrent que les gérants adressaient ainsi aux antennes comptables de ces sociétés un état des dépenses par décades et, chaque mois, un compte rendu de l'activité de l'hôtel et de l'état du matériel ainsi qu'un inventaire du stock et de la lingerie ; que des dates précises leur étaient fixées à cette fin et rappelées dans des "mémo" et notes, souvent d'ailleurs sur papier à entête du seul groupe " ACCOR", adressés directement, de manière anonyme et générale aux gérants des SARL (mesdames et messieurs les gérants des hôtels ETAP et FORMULE I, ou à la direction) et non à la SARL ARKSUN, en théorie pourtant seule gérant mandataire ;

Que la transmission de ces divers documents allait, en conséquence, bien au-delà de la simple reddition de comptes incombant à un mandataire et traduisait un véritable assujettissement des intéressés aux instructions des propriétaires de l'hôtel, comparable à la situation d'un salarié soumis au pouvoir de direction de son employeur ;

Considérant que le pouvoir de direction de la société propriétaire se caractérise également par diverses instructions données aux gérants ; qu'en exemple, il doit être cité la détermination par le mandant des produits devant être placés dans les distributeurs automatiques, ainsi que leur prix, la procédure de cession des stocks d'un HÔTEL à un autre, l'interdiction d'achats isolés et l'obligation de commandes groupées, des directives strictes en matière de nettoyage des machines à jus d'orange, de présentation des plaquettes de beurre sur un lit de glaçons, une liste tatillonne d'actions à mener telle que l'attitude à avoir en cas d'objet oublié par un client ou l'obligation de changer les programmes de télévision, chaque semaine, toutes instructions ne relevant pas, à l'évidence, du seul respect du contrat de franchise ;

Qu'en vain, pour justifier l'indépendance de la SARL ARKSUN (et de ses gérants) les sociétés défenderesses au contredit invoquent la responsabilité qui était contractuellement confiée à celle-ci en matière d'embauche du personnel nécessaire à l'exploitation de l'hôtel, alors que ce pouvoir était plus théorique que réel ;

Qu'en effet les salaires de ce personnel étaient précalculés par les sociétés propriétaires dans le compte prévisionnel joint au contrat, établi chaque année en fonction du taux d'occupation de l'hôtel prévu pour l'année considérée ; qu'ils étaient de plus compris, comme les salaires des gérants, dans le montant de la commission mensuelle versée à la SARL en contrepartie de sa gestion, de sorte que la marge de manoeuvre dont disposaient en la matière les gérants était illusoire ;

Qu'au contraire, le statut qui était réservé aux gérants de la SARL confirmait bien, lui, la réalité d'un pouvoir de direction exercé par les sociétés propriétaires sur leur personne ; qu'il était en effet, prescrit au titre des "procédures d'exploitation" que l'un des deux époux du couple de gérants devrait assurer lui-même la permanence de sécurité 24 heures sur 24 ou se faire remplacer par une personne agréée par le propriétaire de l'hôtel ; que cette absence d'indépendance était, même, aggravée par l'obligation qu'avaient les deux gérants d'occuper en permanence, à l'exclusion de leurs congés, le logement de fonction mis à leur disposition ;

Considérant qu'encore et toujours en vertu des procédures d'exploitation auxquelles la SARL ARKSUN et ses gérants devaient se conformer, les sociétés propriétaires étaient régulièrement et très précisément tenues informées, dans le détail, de la gestion de leur hôtel par un système, à la fois, d'autorisation préalable à l'engagement des dépenses,- réducteur par rapport aux prévisions contractuelles- et de suivi des factures payées ou à payer ;

Qu'ainsi, tout d'abord, était-il distingué entre les charges directement payées par la SARL dont elle adressait, néanmoins, tous les mois les factures à son "mandant" et les "dépenses d'investissement", supérieures à 1.000 ou 1.500 Frs, lesquelles devaient être engagées, seulement après l'autorisation préalable de la société propriétaire et n'étaient réglées que par celle-ci, sur présentation des factures que leur adressaient les gérants de l'hôtel ;

Que, concrètement, selon les pièces produites par les demandeurs au contredit, une telle pratique conduisait ceux-ci à solliciter l'autorisation des sociétés propriétaires, dès qu'il s'agissait d'un remplacement de linge ou de la réaffectation en chiffons de serviettes usagées, que cette nouvelle sujétion n'était pas seulement une contrainte dans l'exercice du "mandat" mais la négation de tout pouvoir d'initiative des gérants ;

Que, de plus, le traitement précis des factures que les gérants étaient chargés de faire "remonter", en totalité, à l'antenne comptable des propriétaires, ôtait aux gérants tout pouvoir de régler eux-mêmes, quel que soit leur montant, les factures dites "non conformes" -ne correspondant pas à la commande ou concernant des livraisons de mauvaise qualité-; qu'en ce cas, ils transmettaient ces factures aux sociétés d'hôtel qui traitaient, elles, avec les fournisseurs concernés ;

Considérant que cette conclusion est confirmée par les exemples concrets des multiples interventions des propriétaires, s'adressant parfois même directement, comme dit ci-dessus, aux gérants de la SARL dans les domaines les plus divers ;

Qu'à cet égard, la Cour relève notamment, que ces sociétés concluaient et géraient seules les contrats de maintenance des diverses installations de l'hôtel -demandant que leur soit "remonté" tout dysfonctionnement du matériel ; qu'elles traitaient elles-mêmes le remboursement éventuel des chambres, retenant une participation à la SARL ARKSUN pour frais de dossier ;

Considérant qu'il apparaît dans ces conditions que, par l'effet du contrôle et du suivi étroits dont la SARL ARKSUN faisait l'objet, l'autonomie de celle-ci, affichée dans le contrat de gérance-mandat était bien illusoire ; que la mission confiée dans le contrat de gérance-mandat consistait, en définitive, essentiellement en la réalisation d'actes matériels plus que juridiques, accomplis pour le compte et sous l'autorité des sociétés propriétaires par les gérants, personnes physiques, de la société ARKSUN ;

Considérant que c'est en vain que les défenderesses au contredit objectent que les énonciations précédentes ne suffiraient pas à opérer une requalification du contrat de gérance-mandat en contrat de travail, au motif allégué de l'absence de pouvoir de sanction exercé par les "mandants" sur leur "mandataire" ; qu'en effet, les gérants associés, placés sous la subordination des sociétés propriétaires, ainsi qu'il vient d'être démontré, étaient soumis en permanence au risque de résiliation du contrat consenti à leur SARL et par conséquent à la perte de leur emploi, dès lors en particulier que la gestion de l'hôtel ne serait pas assurée conformément aux obligations résultant de l'application des diverses procédures applicables au jour le jour ;

Qu'en effet cette faculté de résiliation dont disposaient les sociétés d'hôtel constituait une indéniable sanction possible à l'encontre de la personne même des gérants, en même temps qu'elle garantissait à ces sociétés la totale subordination des intéressés ; que par ailleurs, les gérants étaient soumis à un système de primes et de gratification en fonction de leurs résultats et qu'ils ont fait l'objet d'avertissement de la part de leur mandant ; qu'il existait, de même des procédures d'inspection et d'audit qui dépassaient le strict cadre de la vérification du respect des normes ACCOR ;

Qu'enfin, si les défenderesses invoquent à leur profit les conclusions de l'expert désigné par le conseil de prud'hommes d'EVRY, celles-ci ne présentent aucun intérêt en ce qui concerne la détermination d'un lien de subordination entre les demandeurs et les sociétés propriétaires, dans la mesure où l'expertise avait pour objet de rechercher si la société créée avait une existence réelle et d'analyser le fonctionnement de la société ARKSUN ;

Que de même, il importe peu que les défenderesses se prévalent de l'existence d'un contrat de franchise, dès lors qu'il a été établi que les rapports entre les parties dépassaient amplement la seule exécution de celui-ci ;

Considérant que ces constatations permettent ainsi à la Cour de requalifier en contrat de travail, les relations contractuelles apparentes instaurées entre les parties par les contrats de gérance-mandat contestés et de dire les juridictions prud'homales compétentes ;

Considérant que la société LE BILAA soulève l'incompétence des juridictions parisiennes pour connaître du litige l'opposant aux époux X... aux motifs que le contrat litigieux a été conclu à DAX et exécuté dans cette ville ; que néanmoins, dans la mesure où il pourrait être établi un lien entre les trois contrats dont la Cour est saisie, il y a lieu de retenir la compétence du conseil de prud'hommes d'EVRY, non contestable au regard des deux autres contrats ;

Que par ailleurs, les moyens tirés de la recevabilité de la demande de Monsieur Paul X..., de la prescription des demandes et de la mise hors de cause de la SISHE impliquent un examen du litige dans sa totalité et qu'il n'y a pas lieu d'y faire droit ;

Qu'eu égard aux circonstances du présent litige, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de renvoyer les parties à l'audience du jeudi 10 janvier 2008 à 13h30 pour plaidoiries au fond ;

Que les frais du contredit seront mis à la charge des défenderesses qui succombent en leurs prétentions ;

PAR CES MOTIFS

ACCUEILLE le contredit formé par les époux X... ;

DIT le conseil de prud'hommes d'EVRY compétent pour connaître de leurs demandes ;

ÉVOQUANT l'affaire :

RENVOIE la cause et les parties à l'audience du jeudi 10 janvier 2008 à 13h30 pour plaider l'affaire au fond ;

DIT que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à cette audience

MET les frais du contredit à la charge des sociétés défenderesses.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0236
Numéro d'arrêt : 11
Date de la décision : 15/11/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Evry, 13 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-11-15;11 ?
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