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09/11/2007 | FRANCE | N°06/07457

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0164, 09 novembre 2007, 06/07457


4ème Chambre-Section B
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 07457

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mars 2006-Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 04 / 18397

APPELANTE
La SA CHRONOPOST agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général et tous représentants légaux dont le siège social est 14, boulevard des Frères Voisin 92795 ISSY LES MOULINEAUX

représentée par la SCP ROBLIN-CHAIX de LAVARENE, avoués à la Cour, assistée de Maître Alain CLÉRY, avocat au Barreau de Paris, P324. SCP CLERY /

de la MYRE MORY

INTIMEE

La SAS DHL EXPRESS FRANCE venant aux droits de DHL INTERNATIONAL a...

4ème Chambre-Section B
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 07457

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mars 2006-Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 04 / 18397

APPELANTE
La SA CHRONOPOST agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général et tous représentants légaux dont le siège social est 14, boulevard des Frères Voisin 92795 ISSY LES MOULINEAUX

représentée par la SCP ROBLIN-CHAIX de LAVARENE, avoués à la Cour, assistée de Maître Alain CLÉRY, avocat au Barreau de Paris, P324. SCP CLERY / de la MYRE MORY

INTIMEE

La SAS DHL EXPRESS FRANCE venant aux droits de DHL INTERNATIONAL agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration, dont le siège est Z. I. Paris Nord II-241, rue de la Belle Etoile 95700 ROISSY EN FRANCE

représentée par Maître Dominique OLIVIER, avoué à la Cour, assistée de Maître Arnaud CASALONGA, avocat au Barreau de Paris, plaidant par Maître Viviane du BRUSLE, avocat au Barreau de Paris, K177.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 septembre 2007, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur GIRARDET, président, Madame REGNIEZ, conseiller, Monsieur MARCUS, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD

ARRÊT :
-contradictoire

-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.-signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. MALTERRE PAYARD, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par la société anonyme CHRONOPOST à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 15 mars 2006 par la troisième chambre, troisième section, du tribunal de grande instance de Paris qui a :

-donné acte à la société par actions simplifiées DHL EXPRESS FRANCE de ce qu'elle vient aux droits de la société DHL INTERNATIONAL,
-déclaré valable la marque française WEBSHIPPING no 00 3 024 396,
-prononcé la déchéance à compter du 14 octobre 2005 des droits de la société CHRONOPOST sur lamarque française WEBSHIPPING n " 00 3 024 396 pour les services suivants :
• " assistance en logistique de transport ; collecte d'informations dans un fichier centralisé ; transmission d'informations, de messages et d'images par terminaux d'ordinateurs, par l'intermédiaire de réseaux locaux privés ou à accès réservé, ou par l'intermédiaire de réseaux nationaux ou internationaux ; transmission d'informations nécessitant un code d'accès à un centre serveur ou à un site internet ; mise à disposition d'informations sur le suivi des colis, journaux et courriers transportés. "
-dit que le jugement devenu définitif sera transmis par le greffe préalablement requis par la partie la plus diligente, à l'INPI pour inscription sur le registre des marques,
-dit qu'en utilisant les appellations " Webshipping " et " web shipping " pour désigner un service d'expédition en ligne de colis sur internet, la société défenderesse à commis des actes de contrefaçon de la marque française WEBSHIPPING susvisée, pour la période antérieure au 14 octobre 2005,
-condamné la société DHL EXPRESS FRANCE à payer à la société CHRONOPOST la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour contrefaçon de la marque française WEBSHIPPING,
Avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard,
-désigné en qualité de consultant Madame Patricia X... sise au... avec mission, dans le respect du principe du contradictoire, les parties ayant été convoquées :
* de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, * de donner au tribunal tout élément lui permettant d'apprécier quel sens avait en 2000 le terme " shipping " pour le public anglosaxon de l'Union Européenne, et notamment s'il pouvait être compris par lui dans le sens " d'expédition " et " transport de marchandise par tout moyen " ou s'il était limité au domaine maritime.-dit que le consultant serait saisi et effectuerait sa mission conformément aux dispositions des articles 256 et suivants du nouveau Code de procédure civile et qu'il déposerait l'original de son rapport au greffe de cette juridiction dans les trois mois de l'avis de consignation qui lui aura été adressé,

-fixé à la somme de 1 000 euros la provision à valoir sur la rémunération du consultant, somme qui devra être consignée par la société CHRONOPOST et à défaut par la partie la plus diligente, directement entre les mains du consultant avant le 15 avril 2006,
-dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation du consultant serait caduque et privée de tout effet,
-désigné Madame Agnès THAUNAT, vice-présidente à la troisième chambre, troisième section, pour assurer le contrôle de la consultation,
-renvoyé l'affaire à l'audience du juge de la mise en état de la troisième chambre, troisième section de ce tribunal,
-sursis à statuer sur les autres demandes,
-réservé les dépens ;
*
II convient de rappeler que la société CHRONOPOST est titulaire de la marque française WEBSHIPPING, déposée le 27 avril 2000 et enregistrée sous le no 00 3 024 396 ainsi que de la marque communautaire webshipping déposée le 18 octobre 2000 et enregistrée sous le no 1 909 183, pour désigner toutes deux notamment les services suivants :
" assistance en logistique de transport ; collecte d'informations dans un fichier centralisé ; transmission d'informations, de messages et d'images par terminaux d'ordinateurs, par l'intermédiaire de réseaux locaux privés ou à accès réservé, ou par l'intermédiaire de réseaux nationaux ou internationaux ; transmission d'informations nécessitant un code d'accès à un centre serveur ou à un site internet ; mise à disposition d'informations sur le suivi des colis, journaux et courriers transportés ".
Ayant découvert que la société DHL INTERNATIONAL, qui est un de ses principaux concurrents, exploite les dénominations WEB SHIPPING, Web Shipping et / ou Webshipping pour désigner un service de gestion des envois express, utilisable sur le réseau internet et proposé sur le site " www. dhl. fr ", ainsi que l'établit un procès verbal d'huissier dressé le 6 juillet 2004, la société CHRONOPOST a assigné la société DHL INTERNATIONAL en contrefaçon de ses marques.
C'est ainsi qu'est né le présent litige.
*
La société chronopost, appelante, prie la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 14 août 2007, de :
-la dire recevable et bien fondée on son appel,
-confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la validité de la marque française WEBSHIPPING no 00 3 024 396 d'une part, et en ce qu'il a considéré que l'exploitation faite par la société DHL EXPRESS FRANCE des dénominations WEB SHIPPING, Web Shipping et / ou Webshipping pour désigner sans l'accord de la société CHRONOPOST, un service de gestion des envois express, utilisable sur le réseau Internet en constituait la contrefaçon par reproduction, d'autre part,
-infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,
-dire que la marque française no 00 3 024 396 de la société CHRONOPOST n'est pas déchue,
-juger que la marque communautaire no 1 909 183 de la société CHRONOPOST est valable,
-dire qu'en exploitant les dénominations WEB SHIPPING, Web Shipping et / ou Webshipping litigieuses la société DHL EXPRESS FRANCE s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque WEBSHIPPING communautaire no 1 909 183 de la société CHRONOPOST, pour avoir désigné sans l'accord de la société CHRONOPOST, un service de gestion des envois express, utilisable sur le réseau Internet,
En conséquence,
-faire interdiction à la société DHL EXPRESS FRANCE d'exploiter les dénomminations web shipping, Web Shipping et / ou Webshipping, à quelque titre et à quelques fins que ce soient, sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne, sous astreinte de 5 000 euros par infraction commise à compter de la signification du présent arrêt, et de 30 000 euros par jour de présence sur le (s) site (s) Internet de la société DHL EXPRESS FRANCE à compter de la signification dudit arrêt,
-se réserver la liquidation des astreintes prononcées,
-condamner la société DHL EXPRESS FRANCE à lui payer la somme de 15 000 euros, sauf à parfaire, au titre des atteintes portées à sa marque française WEBSHIPPING no 00 3 024 396,
-condamner la société DHL EXPRESS FRANCE à lui payer la somme de 15 000 euros, sauf à parfaire, au titre des atteintes portées à sa marque communautaire no 1 909 183,

-condamner la société DHL EXPRESS FRANCE lui payer la somme de 150 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour indemniser son préjudice commercial,
-ordonner, si besoin à titre de dommages intérêts complémentaires, la publication du présent arrêt dans dix journaux français ou étrangers, à son choix et aux frais exclusifs de la société DHL EXPRESS FRANCE dans la limite de 8 000 euros hors taxes par insertion,
-condamner la société DHL EXPRESS FRANCE à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance ;
*
Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 décembre 2006, la société DHL EXPRESS FRANCE, intimée, demande à la cour de :
-débouter la société CHRONOPOST de toutes ses demandes comme étant irrecevables ou à tout le moins mal fondées,
-la déclarer bien fondée en son appel incident,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société CHRONOPOST sur sa marque française WEBSHIPPING no 00 3 024 396 pour les services de " assistance en logistique de transport ; collecte d'informations dans un fichier centralisé ; transmission d'informations, de messages et d'images par terminaux d'ordinateurs, par l'intermédiaire de réseaux locaux privés ou à accès réservés, ou par l'intermédiaire de réseaux nationaux ou internationaux ; transmission d'informations nécessitant un code d'accès à un centre serveur ou à un site Internet ; mise à disposition d'informations sur le suivi des colis, journaux et courriers transportés ",
-l'infirmer pour le surplus, statuant à nouveau,
A titre principal,
-dire que la société DHL EXPRESS FRANCE a intérêt à solliciter la déchéance des droits de la société CHRONOPOST sur sa marque française WEBSHIPPING no00 3 024 396 pour les services sus-mentionnés,
-juger que la société CHRONOPOST n'a jamais exploité sa marque française WEBSHIPPING no 00 3 024 396 pour désigner l'un quelconque de ces services,
-dire que la marque française WEBSHIPPING no 00 3 024 396 déposée par la société CHRONOPOST le 27 avril 2000 est dépourvue de tout caractère distinctif,
-juger que la marque communautaire WEBSHIPPING no 001 909 183 déposée par la société CHRONOPOST le 18 octobre 2000 est dépourvue de caractère distinctif,
En conséquence,
-prononcer la déchéance des droits de la société CHRONOPOST sur la marque française WEBSHIPPING no 00 3 024 396 à compter du 14 octobre 2005, pour l'ensemble des services " aide à la direction des affaires, préparation de commandes ; conseil en organisation et direction des affaires, conseil d'ordre commercial ; gestion de fichiers, de bases de données ou de banques de données, informatisées ou non ; gestion de stocks ; services de publicité, services de promotion des ventes pour le compte de tiers ; diffusion d'annonces publicitaires, diffusion de matériels publicitaires (tracts, prospectus, échantillons, imprimés) ; organisation d'exposition à but commercial ou de publicité ; télécommunications ; communications téléphoniques, télégraphiques, radiophoniques ; messages électroniques, communications par terminaux d'ordinateurs ; transmissions d'offres commerciales par voie électronique, services de transport par route, par rail, par air ou par bateau ; collecte de courriers, de journaux et de colis, transport et entreposage de courriers, de journaux et de colis, distribution de courriers, de journaux et de colis ; organisation de voyages ; conception, développement, mise à jour de fichiers, de bases de données ou de banques de données, informatisées ou non ",
-prononcer la nullité de la marque française WEBSHIPPING no 00 3024396 pour l'ensemble des services visés à son dépôt,
-prononcer la nullité de la marque communautaire WEBSHIPPING no001 909 183 pour l'ensemble des services visés à son dépôt,
-dire que la décision passée en force de chose jugée sera inscrite au Registre National des Marques ainsi qu'au Registre des Marques Communautaires sur réquisition du greffier ou de l'une des parties,
A titre subsidiaire,
-juger qu'en utilisant les termes WEBSHIPPING, Web Shipping et Webshipping dans leur sens courant, la société DHL EXPRESS France SAS n'a commis aucun acte de contrefaçon,
En conséquence,
-débouter la société CHRONOPOST de ses demandes formulées au titre de la contrefaçon,
En tout état de cause,
-dire que la société CHRONOPOST ne justifie l'existence d'aucun préjudice,
-juger que les demandes de publication et d'affichage sont injustifiées et ne reposent sur aucun fondement,
-débouter en conséquence la société CHRONOPOST de ses demandes formulées de ce chef,
-condamner la société CHRONOPOST à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
SUR CE, LA COUR
Sur la validité de la marque française
Considérant que la société DHL EXPRESS France, ci-après DHL, avance que pour rejeter sa demande d'annulation de la marque française WEBSHIPPING, déposée le 27 avril 2000, le tribunal a considéré que le public pertinent était le grand public et que celui-ci ne connaissait nullement la signification du terme anglais SHIPPING ; qu'elle ajoute que les services de gestion en ligne d'envois et de transports concernent majoritairement des professionnels avertis qui perçoivent le sens de ce terme comme leur signifiant la désignation d'un service d'expédition ;
Considérant que ce faisant la société DHL procède par simple affirmation, tant il est vrai que rien dans les pièces qu'elle produit ne vient asseoir l'affirmation selon laquelle les services visés au dépôt qui ont une acception très large (transmission d'informations, de messages et d'images par terminaux d'ordinateurs, mise à disposition d'informations sur le suivi de colis, journaux et courriers transportés....), s'adresseraient à un public de professionnels avertis ; que d'ailleurs, son propre site sur lequel elle propose diverses prestations sous le terme incriminé, s'adresse à l'évidence non pas à un public restreint mais à tout un chacun et à toutes entreprises intéressées par les modalités d'expédition qu'elle propose ; Qu'ainsi les premiers juges ont à raison déterminé le grand public comme étant le public de référence pour apprécier la distinctivité de la marque ; Qu'en 2000, date de dépôt de la marque, ce public d'usagers potentiels, percevait dans l'ensemble formé par le terme WEBCHIPPING, la syllabe d'attaque WEB comme lui indiquant l'univers des communications échangées sur le réseau internet, mais ne percevait nullement la signification que le terme SHIPPING revêt dans la langue anglaise ; que l'association des signes WEB et SHIPPING était a fortiori dénuée de toute portée descriptive ou même évocatrice de la nature ou des caractéristiques des produits et services visés au dépôt de la marque WEBSHIPPING ; Que la demande d'annulation de celle-ci a ainsi été justement rejetée par le tribunal ;

Sur la déchéance des droits de la société Chronopost sur la marque française

Considérant qu'aux termes de l'article L714-5 du CPI, le titulaire d'une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, il n'en a pas fait un usage sérieux, sauf pour lui à justifier d'un juste motif de non usage ;

Considérant en l'espèce qu'il est acquis aux débats que cette marque n'a pas été exploitée ; que la société Chronoposte prétend cependant que l'usage intensif que la société DHL fait de la dénomination WEBSHIPPING sur son site, constitue un juste motif de non exploitation de sa marque car elle ne pouvait, sur le plan pratique, en entreprendre l'exploitation dès lors que son principal concurrent l'avait devancée depuis 2002 ; qu'en assignant la société DHL en contrefaçon, le 8 septembre 2004 soit bien avant l'expiration du délai de 5ans, elle a manifesté suffisamment qu'elle ne se désintéressait pas de sa marque et qu'il ne saurait donc lui être fait grief de ne pas avoir agi plus tôt ;
Que la société DHL soutient en revanche que la société Chronopost n'a jamais entendu exploité sa marque qu'elle même n'a fait usage de la dénomination litigieuse qu'en association avec le sigle DHL, et que la contrefaçon alléguée d'une marque ne saurait légitimer son inexploitation sauf à vider de son sens l'impératif d'exploitation qui est la condition que la loi fixe au titulaire pour la conservation de ses droits ;
Or, considérant que " les justes motifs " visés à l'article L714-5 du CPI comme à l'article 12 de la directive du 21 décembre 1988 ou " les raisons valables " visées par l'article 19 des ADPIC, ne peuvent s'entendre, comme le relève la société DHL, que d'un empêchement légitime de fait ou de droit, n'ayant pas son origine dans le fait fautif du propriétaire ; qu'il doit s'agir en effet d'un obstacle extérieur au titulaire de la marque qui rende l'usage de celle-ci impossible ou déraisonnable ;
Considérant en l'espèce que la société Chronopost ne fait état d'aucun acte d'exploitation de sa marque non seulement depuis 2002, année à partir de la quelle DHL a entrepris d'utiliser la dénomination en cause, mais également pendant les deux années précédentes, sa marque ayant été déposée le 27 avril 2000 et enregistrée 12 octobre 2000 ; que pas d'avantage, ne fait-elle état de préparatifs d'exploitation manifestant sa volonté d'entreprendre cette exploitation et des raisons pour lesquelles elle aurait dû y renoncer ;
Considérant que l'usage du la dénomination incriminée, dont il n'est nullement établi qu'il a été intensif comme se borne à l'affirmer la société DHL, ne rendait pas impossible tout usage de la marque, cette impossibilité étant insuffisamment caractérisée par le seul risque de confusion entre ladite marque et l'usage que la société DHL a fait du signe éponyme ; que pas plus n'est-il justifié que l'exploitation de la marque eût été déraisonnable et se serait inévitablement heurtée à un échec commercial, quelque auraient pu être les modalités de son exploitation ;
Considérant qu'il suit que les premiers juges ont avec pertinence prononcé la déchéance des droits de la société Chronopost sur la marque française no00 3 024 396 pour les produits sus mentionnés à compter du 14 octobre 2005 ;
Considérant par ailleurs que la société DHL n'est pas recevable, dans le cadre d'une demande reconventionnelle, à solliciter l'extension de cette déchéance à tous les autres services proches selon elle de ses propres activités, dans la mesure où la société Chronopost ne lui a pas opposé sa marque pour ces services ;
Sur la validité de la marque communautaire WEBSHIPPING no 001 909 183

Considérant qu'il convient, en application de l'article 568 du nouveau Code de procédure civile et pour que soit apportée une réponse complète et définitive à la présente affaire, d'évoquer les demandes relatives à la contrefaçon de la marque communautaire et d'apprécier au préalable la validité de celle-ci ;

Considérant que la société DHL sollicite l'annulation de ladite marque, au visa des articles 7 et suivants du Réglement communautaire du 20 décembre 1993, au motif qu'elle serait descriptive des produits et services opposés car elle est constituée du terme WEB qui indique que ceux-ci sont accessibles sur internet et du terme SHIPPING lequel est compris par le public anglophone comme signifiant " expédition " ou encore " transport maritime " et, plus largement, " toute forme de transports " ; qu'elle produit au soutien de ses dires des extraits des dictionnaires anglais de Cambridge, Oxford et Webster's Revised qui définissent les terme " shipping " comme signifiant :
1 / navires
2 / expédition ;

Considérant toutefois que la marque communautaire a été déposée le 18 octobre 2000 ; qu'il convient de se placer à cette date pour en apprécier la validité au regard des services de : " collecte d'informations dans un fichier centralisé ; transmission d'informations, de messages et d'images par terminaux d'ordinateurs, par l'intermédiaire de réseaux locaux privés ou accès réservé, ou par l'intermédiaire de réseaux nationaux ou internationaux ; transmission d'informations nécessitant un code d'accès à un centre ou à un site inernet, assistance en logistique de transports ; mise à disposition d'informations sur le suivi des colis, journaux et courriers transportés " ;

Que selon l'article 7 du règlement précité, sont dénuées de validité, les marques dépourvues de caractère distinctif ainsi que notamment, celles composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir à désigner la qualité, la valeur, la destination des services désignés, ou encore de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ;
Considérant qu'il est constant que la marque WEBSHIPPING, prise dans son ensemble, est un néologisme qui ne figure dans aucun dictionnaire de la langue anglaise ; qu'il ne peut donc être considéré comme faisant partie, en 2000, du langage courant du public concerné par les services sus mentionnés, dont il a été dit qu'il s ‘ agissait d'un public non limité aux professionnels des transports ;
Que les documents versés par la société Chronopost, notamment l'extrait du dictionnaire Le Robert et Collins de 1994 et de 2000, démontrent que le terme " shipping " renvoie certes au domaine du transport, mais du transport maritime ; que les pièces de la société DHL n'établissent pas qu'en 2000 ce terme ait été perçu comme désignant ou renvoyant à toutes formes de transports ;
Considérant surtout que ces pièces ne démontrent pas que l'association des termes WEB et SHIPPING pouvait être perçue par le public anglophone comme étant porteuse du ou des sens que la société DHL lui prête ; qu'il n'apparaît pas en effet d'usage en langue anglaise de décliner le terme WEB qui renvoie à l'univers de la communication immatérielle, avec un terme renvoyant à une activité concrète ; qu'il suit que le signe en cause procède, au vu des pièces produites, d'une construction qui n'est pas dotée de signification mais qui est évocatrice de l'univers des transports et plus précisément de celui des services de transports maritimes sans en décrire pour autant une qualité particulière ;
Que le caractère inhabituel de la construction du signe WEBSHIPPING lui confère sa distinctivité ;

Sur la contrefaçon de la marque française et de la marque communautaire

Considérant que les services offerts par la société DHL sous les dénominations WEB SHIPPING ou WEBSHIPPING tels que constatés sur le site " DHL. fr " par procès verbal d'huissier dressé le 6 juillet 2004, sont des services de communication en ligne et de suivi d'informations sur des colis et objets transportés ; qu'ils sont donc identiques à ceux visés au dépôt de la marque ;

Que l'usage qui est fait par la société DHL des signes WEB SHIPPING ou WEBSHIPPING est un usage associé le plus souvent au sigle DHL de sorte que la contrefaçon de la marque éponyme doit être appréciée au regard de l'article L713-3 du CPI ; que pour les motifs sus-exposés, le grand public ne percevra pas la signification de ces signes ; que la thèse de la société DHL selon laquelle elle aurait fait usage des dits signes pour le sens qui est le leur dans le langage courant est, dès lors infondée ;
Que la présence fréquente du sigle DHL à côté des signes litigieux, n'est pas de nature à prévenir un risque de confusion dans l'esprit de l'internaute mais l'incite au contraire à penser que les prestations offertes sous les signes incriminés sont le fruit d'une opération conjointe de la société DHL et du titulaire des marques WEBSHIPPING ;
Que cet usage des signes WEB SHIPPING et WEBSHIPPING réalise la contrefaçon au sens de l'article L 713-3 du CPI de la marque française WEBSHIPPING pour la période antérieure au 14 octobre 2005, date de la prise d'effet de la déchéance des doits de la société Chronopost ; qu'il réalise en outre la contrefaçon de la marque communautaire éponyme ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que le site de la société DHL sur lequel les marques ont été reproduites ou imitées, est un site qui s'adresse à un public plus large que les seuls professionnels des transports ; qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu qu'il ne soit pas fréquemment consulté ; que le préjudice ainsi porté à l'appelante est d'autant plus caractérisé qu'il s'est poursuivi sur plusieurs années ;

Sur la mesure d'interdiction
Considérant que pour faire cesser les actes litigieux, il cinvient de prononcer une mesure d'interdiction assortie d'une astreinte ;
Considérant que la société CHRONOPOST demande que cette mesure prenne effet sur l'ensemble de l'espace communautaire ;
Considérant à cet égard, que l'article 98 du Règlement CE du 12 décembre 1993 énonce que lorsqu'un tribunal des marques communautaires constate que le défendeur a contrefait une marque communautaire, il rend, sauf " s'il y a des raisons particulières de ne pas le faire, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon " ; que ce même article ajoute " il prend également conformément à la loi nationale, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction " ;
Qu'il suit dès lors que le prononcé d'une mesure d'interdiction sous astreinte à l'échelle communautaire suppose que le tribunal des marques communautaire ait communication des lois nationales prévoyant une mesure comparable ;
Qu'en outre, s'agissant en l'espèce de la contrefaçon par imitation, d'une marque verbale, l'existence d'un risque de confusion entre les signes en présence n'a été appréciée qu'au regard de la perception que peuvent en avoir les consommateurs français ou parlant français ;
Que, dès lors, l'interdiction prononcée ne saurait s'étendre à l'ensemble de l'espace communautaire ;
Sur la publication
Considérant qu'il sera par ailleurs fait droit, dans les termes du dispositif ci-après, à la mesure de publication sollicitée ;
Sur les dommages et intérêts
Considérant qu'en l'absence de toute précision complémentaire apportée par la société Chronopost sur son préjudice, il convient de confirmer la condamnation de la société DHL prononcée par les premiers juges en réparation de l'atteinte aux droits et au préjudice commercial subis par la société Chronopost du fait de la contrefaçon de la marque française, et de la condamner en outre au versement d ‘ une somme de 10 000 euros en réparation de la contrefaçon de la marque communautaire ;

Sur l'article 700 du NCPC

Considérant que l'équité commande de condamner la société DHL à verser la somme de 5000 euros du chef de l'article 700 du NCPC et à supporter les dépens de l'instance d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la marque française WEBSHIPPING no 00 3 024 396, prononcé la déchéance des droits de la société Chronopost pour certains des services visés au dépôt de celle-ci à compter du 14 octobre 2005, condamné la société DHL à verser à la société Chronopost la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de marque française précitée ;

Evoquant les autres demandes,
Rejette la demande d'annulation de la marque communautaire WEBSHIPPING no 1 909 183,
Dit qu'en utilisant les dénominations WEBSHIPPING et WEB SHIPPING pour désigner un service d'expédition en ligne de colis sur internet, la société DHL a commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire WEBSHIPPING,
En conséquence,
Lui interdit la poursuite des actes précités sous astreinte de 1500 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,
Se réserve la liquidation de l'astreinte,
La condamne à verser à la société Chronopost les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de la marque communautaire et de 5000 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;
Autorise la société Chronopost à faire publier le présent dispositif dans trois quotidiens ou magazines de son choix, aux frais de la société DHL dans la limite de 4000 euros par insertions,
Dit que le présent arrêt sera transmis à l'INPI pour être porté au Registre National des Marques,
Condamne la société DHL aux dépens qui seront distraits au profit de la SCP Roblin-Chaix de la Varenne, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0164
Numéro d'arrêt : 06/07457
Date de la décision : 09/11/2007

Références :

ARRET du 29 novembre 2011, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 novembre 2011, 08-13.729, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 15 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-11-09;06.07457 ?
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