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08/11/2007 | FRANCE | N°06/06440

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0139, 08 novembre 2007, 06/06440


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre C

ARRET DU 08 novembre 2007

(no , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : Jonction S 06/06440 - S 06/06477

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau - section encadrement - RG no 04/00570

APPELANT

INTIME

Monsieur Patrick X...

Les Cèdres Chemin des Hauts Plans

Quartier des Bas Adrechs

83440 SEILLANS

représenté par Me

Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : J084

INTIMEE

APPELANTE

SOCIETE AA AUDITS ASSOCIES

...

BP 81

91700 STE GENEVIEVE DES Y...
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre C

ARRET DU 08 novembre 2007

(no , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : Jonction S 06/06440 - S 06/06477

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau - section encadrement - RG no 04/00570

APPELANT

INTIME

Monsieur Patrick X...

Les Cèdres Chemin des Hauts Plans

Quartier des Bas Adrechs

83440 SEILLANS

représenté par Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : J084

INTIMEE

APPELANTE

SOCIETE AA AUDITS ASSOCIES

...

BP 81

91700 STE GENEVIEVE DES Y...

représentée par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 septembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président

Madame Françoise CHANDELON, conseiller

Madame Evelyne GIL, conseiller

Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Mme Francine ROBIN, greffier présent lors du prononcé.

Vu les appels régulièrement interjetés par Monsieur Patrick X... et la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE à l'encontre d'un jugement prononcé le 25 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU ayant statué sur le litige les opposant à propos du licenciement dont Monsieur Patrick X... a été l'objet.

Vu le jugement déféré qui a retenu la faute grave de Monsieur Patrick X... mais a condamné la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE à lui payer 4 200 € au titre des salaires pendant la durée de la mise à pied, 420 € pour les congés payés afférents et 3 000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

Monsieur Patrick X..., appelant et intimé, poursuit l'infirmation partielle du jugement déféré et sollicite la condamnation de la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE au paiement des sommes suivantes :

- 4 200 € au titre des salaires pendant la durée de la mise à pied et 420 € pour les congés payés afférents,

- 23 847,43 € au titre de l'indemnité de préavis et 2 384,74 € pour les congés payés afférents,

- 7 353,56 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 143 096 € au titre de la rupture abusive,

- 5 000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE, appelante et intimée, conclut au débouté de toutes les demandes de Monsieur Patrick X... et requiert une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat écrit à durée indéterminée en date du premier décembre 1975, Monsieur Patrick X... a été engagé par le cabinet d'expertise comptable LAXENAIRE, aujourd'hui la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE, en qualité de stagiaire expert-comptable ; après diverses promotions internes, il est devenu directeur bureau en décembre 1981 ; du 8 février 1985 au 22 janvier 2001, il a exercé des mandats sociaux (directeur général puis président du conseil d'administration), son contrat de travail étant alors suspendu ; ce contrat a repris effet à cette dernière date.

Le 2 mars 2001, la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE convoquait Monsieur Patrick X... pour le 14 mars 2001 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le licenciement était signifié en ces termes le 16 mars 2001 :

Votre attitude est pour le moins déconcertante :

En effet, vous vous êtes présenté pour assister à l'entretien qui vous avait été fixé officiellement, et à peine ai-je eu le temps de reprendre les motifs figurant dans la lettre de convocation, que vous m'avez fait savoir que n'ayant pu vous faire assister soit par un salarié, soit par un conseil extérieur, vous n'aviez rien de plus à ajouter et pas lieu donc de rester plus longtemps.

Vous êtes effectivement parti, faisant ainsi preuve d'une inconséquence difficilement supportable de la part d'un expert-comptable, cadre supérieur.

J'ai d'ailleurs stigmatisé ce comportement dans le courrier que je vous ai remis le jour même, et confirmé par envoi recommandé.

Il reste que vous connaissiez les raisons qui m'ont amené à vous convoquer en vue d'un éventuel licenciement, et je pense que c'est la raison pour laquelle, sachant que ces motifs étaient avérés, vous vous êtes dit qu'il était préférable d'éviter la présence d'un témoin, et d'autre part, contrecarrer toute possibilité de discussion sur des sujets délicats et gênants pour vous à plus d'un titre.

Pour ma part, je déplore que vous cherchiez ainsi à échapper à vos responsabilités en refusant le dialogue et des explications franches.

Toujours est-il que vous n'avez pas contesté le contenu de notre précédent courrier, et vous savez que nous disposons de preuves suffisantes pour établir la réalité des manquements auxquels vous vous êtes livré au préjudice de l'entreprise, à l'insu de la nouvelle direction, vous livrant à des actes d'autant plus graves qu'ils sont pénalement répréhensibles.

Depuis que vous êtes redevenu « salarié » de l'entreprise (après avoir exercé les fonctions de Directeur Général pendant sept ans, puis celles de Président pendant sept ans), vous auriez dû régulariser sans délai et en toute loyauté, une situation d'ensemble dont nous découvrons, mon associée et moi-même, toute l'étendue, la signification et la gravité.

Manifestement, vous avez décidé de nuire à l'entreprise en refusant de régler la somme très importante que vous lui devez (1.118.456 F TTC au titre de l'année 2000 et 330.448 F TTC au titre de janvier et février 2001) et pour nous plonger dans des difficultés financières graves, vous résistez à nos demandes de paiement en opposant nouvellement des arguments fallacieux, pour gagner du temps et maintenir la pression à l'encontre de votre employeur.

A ce titre, nous faisons référence à la teneur des propos que vous avez récemment opposés au Commissaire aux Comptes (JURIS CONSULTANTS), faisant preuve d'une mauvaise foi confondante, puisque vous êtes allé jusqu'à contester l'existence même des travaux effectués en sous-traitance, à votre demande, par la société AA AUDITS ASSOCIES CABINET LAXENAIRE. Je rappelle que ces travaux ont été effectués soit par vous-même et rémunérés comme tels par le Cabinet, soit par des personnes compétentes placées sous votre contrôle, qui ont rendu compte régulièrement auprès de vous de la réalisation de leurs tâches, d'ailleurs à une époque où vous étiez encore le Président de cette société.

Il est incontestable que vous cherchez par tous moyens, même les plus déloyaux, à nous enfoncer dans les difficultés, ce qui démontre une évidente intention de nuire, ce premier grief constituant à lui seul une cause de licenciement pour faute lourde, votre comportement relevant apparemment des juridictions répressives.

De plus, nous avons découvert que vous exercez directement ou indirectement (par personnes interposées, notamment votre épouse) dans différentes entités économiques, des responsabilités de mandataire social en contradiction avec les règles déontologiques de notre profession, les personnes morales concernées étant clientes du Cabinet d'expertise comptable dont vous êtes l'un des cadres supérieurs. Ainsi vous engagez, à notre insu, la responsabilité de notre Cabinet d'expertise comptable tant vis-à-vis de l'Ordre que des Pouvoirs Publics et de la Justice.

Ce comportement anormal mais délibéré trouve sa source, à l'évidence, dans le refus que vous ont opposé vos deux principaux associés de supporter le rachat des parts que vous détenez dans la société AA AUDITS ASSOCIES CABINET LAXENAIRE, au prix où vous le souhaitiez, mécontentement qui se justifiait d'autant moins que :

- d'une part nous n'avons jamais refusé que vous cédiez vos parts à un tiers ;

- et que d'autre part une contre-proposition vous a été faite à laquelle vous avez opposé une fin de non recevoir.

Ainsi, depuis quelques semaines, mais d'une manière accrue et pour tout dire déterminée à la fin du mois de février, vous avez exercé un chantage contre l'entreprise, ses actionnaires et votre employeur, cherchant à imposer par un comportement déloyal et frauduleux, dans le cadre de l'exécution de votre contrat de travail, le rachat de vos parts à un prix prédéterminé, d'une manière agressive mettant en œuvre contre la société qui vous emploie des menaces proférées au cours du mois de février, à savoir :

- le non-paiement de votre dette en invoquant des prétextes mensongers, désobligeants pour les salariés et anti-confraternels, dans le seul but de provoquer la cessation d'activité de notre Cabinet comptable, qui faute de moyens suffisants, risque d'éprouver à court terme les plus grandes difficultés à payer ses salariés ;

- des menaces et accusations sournoises contre votre confrère Madame Z... LE GUERINEL (votre lettre du 20 février 2001) ;

- des accusations contre les salariés de l'entreprise, leur reprochant à mots couverts, d'avoir cherché à pénétrer votre ordinateur et d'avoir fouillé dans vos dossiers.

Votre comportement est inadmissible et nous ne pouvons le tolérer plus avant, tant il met en cause d'une manière délibérée, la solidité et la pérennité de l'entreprise qui vous emploie.

En conséquence, j'ai décidé de mettre un terme à la relation contractuelle, pour faute lourde, cette mesure prenant effet à réception de la présente.

SUR CE :

Les dossiers enregistrés sous les numéros 06/06440 et 06/06477 sont étroitement connexes. Dans le souci d'une bonne administration de la justice, il convient de les joindre et de statuer par une seule décision.

Sur les motifs du licenciement.

La première période au cours de laquelle Monsieur Patrick X... était lié à la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE par un contrat de travail (du premier décembre 1975 au 8 février 1985) n'étant pas en cause, il revient à cette dernière d'établir la réalité des fautes lourdes qu'elle allègue à l'encontre de son salarié et que celui-ci aurait commises entre le 22 janvier 2001 et le licenciement. Pendant la suspension du contrat de travail et l'exercice par Monsieur Patrick X... de ses mandats sociaux successifs, les relations entre les parties s'organisaient dans un cadre qu'il n'appartient pas à la juridiction prud'homale d'apprécier.

A/ La dette de Monsieur Patrick X... envers la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE.

Le premier grief articulé contre Monsieur Patrick X... a trait au non-paiement par celui-ci de sommes qu'il devrait à la société pour avoir utilisé sa logistique dans l'exercice à titre personnel des fonctions d'expert comptable, de commissaire aux comptes et d'expert judiciaire.

Les sommes demandées portent sur l'année 2000 ainsi que sur les mois de janvier et février 2001. N'ignorant pas que pour la période antérieure au 22 janvier 2001, c'est le mandataire social, et non le salarié, qui serait le cas échéant débiteur des sommes réclamées, la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE reproche à Monsieur Patrick X... de n'avoir pas, redevenu salarié, régularisé sans délai et en toute loyauté sa situation d'ensemble. Ce faisant, elle cherche de manière spécieuse et artificielle à ramener dans le champ du contrat de travail un litige qui lui est étranger. Les obligations s'imposant à Monsieur Patrick X... dans l'exécution de son contrat de travail ne pouvaient prévoir, même implicitement, l'obligation pour ce dernier d'apurer à première demande une dette qu'il aurait contractée en dehors de ce contrat. Les sommes éventuellement dues pour l'année 2000 ne peuvent donc pas être prises en compte. Pour l'année 2001, la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE ne discrimine pas ce qui serait dû par Monsieur Patrick X... antérieurement et postérieurement au 22 janvier. Seuls des honoraires pour un dossier LCIE, d'un montant de 19 425 francs, sont stipulés relever du mois de février ; pour le reste, les mois de janvier et février sont confondus.

Déjà ramenées à ces proportions plus modestes, les prétentions de la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE apparaissent au surplus sérieusement contestables et cela même si l'on retient indistinctement l'année 2000 et les deux premiers mois de 2001.

En premier lieu, c'est avec une particulière mauvaise foi que la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE feint de découvrir au début de l'année 2001 une situation qui perdure depuis le 5 janvier 1996, date à laquelle le conseil d'administration a autorisé la convention suivante avec Monsieur Patrick X..., qui était alors son président (et qui n'a pas pris part au vote) : "la société effectuera pour le compte de X... Patrick la sous traitance de mission de commissariat aux apports et à la fusion, de commissariat aux comptes et d'expertise judiciaire. Les prestations fournies par la société seront facturées aux conditions habituelles du cabinet". Au cours des exercices suivants, ce système a fonctionné au vu et au su de chaque associé, n'a fait l'objet d'aucune remarque de la part du commissaire aux comptes de la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE, lequel avait pour mission légale de veiller spécifiquement sur ce genre de situation, et a été entériné année après année dans son principe comme dans ses modalités par l'approbation des comptes, étant rappelé que plusieurs associés et membres du conseil d'administration de la société étaient eux-mêmes des experts-comptables et commissaires aux comptes et que la comptabilité du cabinet était supervisée par Monsieur Marc A..., futur signataire de la lettre de licenciement. De plus, il n'est pas exclu que l'un ou l'autre des deux associés en activité ait pratiqué de la même manière que Monsieur Patrick X....

En second lieu, les sommes arrêtées unilatéralement par la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE sont insuffisamment justifiées. Le système mis en place générait des flux financiers complexes entre la société et Monsieur Patrick X... et il n'est pas démontré qu'à la date du licenciement celui-ci était réellement débiteur de la somme de 1 448 904 francs retenue contre lui et visée dans la lettre de licenciement. Monsieur Patrick X... fait notamment valoir que ce montant ne tient pas compte d'avances qu'il avait déjà acquittées ni de sommes encaissées par la société en ses lieu et place et qu'elle est en partie calculée sur des honoraires personnels qu'il n'avait pas encore perçus au moment où elle lui était réclamée. Le 22 mars 2001, son propre calcul le faisait débiteur de la somme de 589 806,52 francs et il a payé le même jour celle de 690 087,19 francs, incluant la rétrocession d'honoraires qu'il n'avait pas encore encaissés, acquittant ainsi, selon lui, plus que son dû exigible et cela en raison des pressions de ses associés qui avaient saisi le procureur de la République et avaient délivré un commandement de payer. La S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE ne démontre aucunement que sa créance était supérieure à la somme ainsi versée et ne justifie pas avoir jamais obtenu un titre exécutoire pour faire payer par Monsieur Patrick X... le solde de sa dette supposée, soit tout de même la somme de 115 680,52 € (758 816,81 francs). Il est vrai qu'entre-temps la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE a vu l'information judiciaire ouverte sur sa plainte avec constitution de partie civile pour abus de biens sociaux se clôturer par une ordonnance de non-lieu confirmée en appel... Ainsi c'est bien à tort que dans ses écritures la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE, tout en reprochant à Monsieur Patrick X... d'agir par coercition à l'égard de ses associés, se glorifie d'avoir obtenu de lui un paiement parce qu'il était "contraint et forcé ... par des procédures pénales et disciplinaires", contrainte injustifiée donc puisque ces procédures ne se sont pas conclues par une condamnation de l'intéressé.

Il apparaît ainsi que le premier grief invoqué par la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE est dénué de fondement.

B/ L'exercice irrégulier de mandats sociaux.

Il est reproché à Monsieur Patrick X... d'exercer directement ou par personnes interposées (malgré l'emploi du pluriel, la lettre de licenciement ne vise nommément que l'épouse de Monsieur Patrick X...) des responsabilités de mandataire social de personnes morales clientes du cabinet.

Sur ce grief également, la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE peine à distinguer ce qui relève du mandat social et ce qui relève du salariat, visant indistinctement les règles déontologiques que n'aurait pas respectées Monsieur Patrick X... et ses responsabilités de cadre supérieur.

Pour la période du 8 février 1985 au 22 janvier 2001, il convient de constater que la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE a dénoncé les agissements de Monsieur Patrick X... tant à la justice pénale (sous le biais du détournement de clientèle) qu'aux instances ordinales et qu'il ne s'en est suivi aucune condamnation ou blâme au préjudice de ce dernier.

Pour la période postérieure, le peu de temps écoulé entre la perte brutale de son mandat social et son licenciement ne pouvait raisonnablement permettre à Monsieur Patrick X... de régulariser, si besoin en était, des situations devenues irrégulières du fait de son retour au statut de salarié. Monsieur Patrick X... s'en est d'ailleurs parfaitement expliqué dans des courriers échangés avec la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE et produits aux débats.

Le deuxième grief doit donc être à son tour écarté.

C/ Le chantage exercé par Monsieur Patrick X... contre l'entreprise.

Ce troisième grief se décompose lui-même en un triple reproche et est sous-tendu par l'idée que Monsieur Patrick X... faisait pression sur ses associés pour obtenir qu'ils lui rachètent ses actions à un prix excessif. Monsieur Patrick X... leur avait en effet présenté une proposition de rachat qui a été refusée et qui est qualifiée tout au long des écritures de la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE d'exorbitante, encore qu'aucun élément concret et objectif permettant de justifier ce qualificatif ne soit produit aux débats. Il n'est pas inutile d'ailleurs de relever que les associés de Monsieur Patrick X... lui ont adressé une contre-proposition, comme cela résulte d'un courrier versé aux débats, laquelle ne devait pas non plus être "raisonnable" puisque la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE écrit, page 15 de ses conclusions, que "du point de vue des jeunes associés, il est évident que venant d'emprunter pour acquérir une part du capital de la société, ils ne disposaient pas des facultés nécessaires pour reprendre, même à un prix raisonnable, les actions détenues par Monsieur Patrick X...".

a/ le non paiement de la dette.

En refusant de régler la somme de 1 448 904 francs réclamée par la société, Monsieur Patrick X... aurait cherché à provoquer la cessation d'activité du cabinet comptable. Mais d'une part il était légitime pour Monsieur Patrick X... de refuser de payer une somme qu'il estimait indue. Après échange de courriers pour tenter de déterminer le quantum de la dette d'un commun accord, dette qu'il ne contestait pas dans son principe, Monsieur Patrick X... a réglé ce qu'il estimait devoir. Aucune décision de justice n'est depuis venue infirmer son calcul. D'autre part, pour constituer le chantage dénoncé, il aurait fallu que le non paiement mette réellement et à brève échéance la société aux portes du dépôt de bilan. Or les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2000 et approuvés le 19 janvier 2001 faisaient apparaître un bénéfice net de 798 104,70 francs versé au compte "autres réserves", lequel se voyait ainsi porté à la somme de 1 327 801,70 francs, ce qui permettait à la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE de surmonter temporairement une difficulté de trésorerie. Ce qui menaçait plus gravement et sur le long terme la société et ce sur quoi le commissaire aux comptes avait attiré l'attention de la nouvelle présidence, c'est la disparition pour les années à venir des rentrées d'argent dues à l'activité sous traitée au cabinet par Monsieur Patrick X..., ce qui résulte non pas d'un chantage mais de la décision de Monsieur Patrick X... de se retirer. Enfin il est difficile d'imaginer que Monsieur Patrick X... ait cherché à saborder la société alors que son intérêt était de revendre ses parts au meilleur prix.

b/ les menaces et accusations sournoises contre Madame Z... LE GUERINEL.

Dans un courrier du 20 février 2001, Monsieur Patrick X... écrivait : "Mme B... n'a pas à exercer une quelconque activité d'expertise comptable ou de commissariat aux comptes en dehors du cabinet sans lui en reverser les fruits. Elle doit donc reverser les honoraires qu'elle a encaissé depuis qu'elle est titulaire de mandat" et, à propos de la somme qui lui était réclamée, "en tout état de cause, tant que des réponses précises ne m'auront pas été apportées tant à la question des paiements à effectuer par Mme B... que celle du détail et de la justification des factures, je suspends tout versement de fonds". L'accusation portée contre Madame Z... LE GUERINEL serait donc de soutenir que celle-ci exerçant également une activité à titre personnel avec les moyens du cabinet n'aurait pas rétribué ce dernier en conséquence. Les pièces du dossier ne viennent ni confirmer ni infirmer une telle activité par Madame Z... LE GUERINEL ni, si elle a existé, d'éventuels défauts ou retards de paiement de la part de cette associée. Il est en tout cas légitime pour Monsieur Patrick X..., sommé de payer des sommes à ce titre, de s'assurer que le même traitement est appliqué à chaque associé ; les termes du courrier ne peuvent donc pas s'analyser comme une accusation et ne comportent aucune perfidie ou déloyauté qui caractériseraient leur caractère "sournois", même s'ils sont empreints d'une certaine véhémence assez naturelle dans le climat de tension régnant alors entre les parties.

c/ les accusations contre les salariés de l'entreprise.

Selon la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE, Monsieur Patrick X... aurait reproché aux salariés d'avoir pénétré son ordinateur et fouillé ses dossiers. Dans le courrier du 20 février 2001 déjà cité, Monsieur Patrick X... fait état en effet d'actes de malveillance sans toutefois porter d'accusation contre quiconque mais en attirant l'attention du président du conseil d'administration sur les conséquences dommageables de ces faits pour le cabinet et la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE n'établit pas en quoi ces propos constitueraient le chantage qu'elle dénonce.

Le troisième grief apparaît lui aussi dénué de fondement et il convient donc de constater que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse.

Sur le montant des indemnités.

Pour calculer le montant des indemnités auxquelles peut prétendre Monsieur Patrick X..., il convient de déterminer son salaire mensuel. Concernant l'indemnité de préavis et le paiement de la période de mise à pied, il y a lieu de retenir le salaire perçu par Monsieur Patrick X... en tant que salarié de janvier à mars 2001, soit la somme mensuelle de 7 949,81 € (la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE, après avoir fustigé le mode de calcul de Monsieur Patrick X..., arrivant à une somme supérieure !). Pour l'indemnité de licenciement, il y aurait lieu de retenir la moyenne des douze derniers mois. Toutefois, au cas d'espèce, il n'apparaît pas possible d'additionner les montants mensuels de la période 2001 avec ceux de la fin de la période précédant la suspension du contrat de travail, ce qui pénaliserait le salarié pour son accession à des fonctions de mandataire social en lui faisant subir la dépréciation monétaire intervenue entre 1985 et 2001. Il convient donc de retenir également la somme mensuelle de 7 949,81 €, étant rappelé que la rémunération de Monsieur Patrick X... en qualité de président du conseil d'administration avait été maintenue à l'identique lors de son retour au salariat.

Sur cette base et compte tenu des éléments propres à l'espèce tels que les circonstances de la rupture, le montant de la rémunération versée au salarié, son âge, sa capacité à exercer une activité libérale, il convient de fixer comme suit les sommes devant revenir à Monsieur Patrick X... :

- 3 179,92 € (douze trentièmes de la rémunération mensuelle) au titre des salaires pendant la durée de la mise à pied et 317,99 € pour les congés payés afférents,

- 23 849,43 € (3 mois de salaire, conformément à la convention collective applicable) au titre de l'indemnité de préavis et 2 384,94 € pour les congés payés afférents,

- 7 353,56 € (925 millièmes du salaire mensuel) au titre de l'indemnité de licenciement,

- 55 648,67 € (7 mois de salaire) au titre de la rupture abusive.

Sur l'application de l'article L 122-14-4 alinéa 2 du code du travail.

Monsieur Patrick X... ayant plus de deux ans d'ancienneté et la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE occupant habituellement au moins 11 salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif à l'ASSEDIC des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement et pour une durée de 6 mois.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Succombant au principal, la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE sera condamnée aux dépens de la procédure.

La somme qui doit être mise à la charge de la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur Patrick X... pour l'ensemble de la procédure peut être équitablement fixée à 3 200 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 06/06440 et 06/06477.

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Déclare que licenciement de Monsieur Patrick X... par la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE est sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE à payer à Monsieur Patrick X... les sommes suivantes :

- 3 179,92 € (trois mille cent soixante dix neuf euros quatre vingt douze centimes) au titre des salaires pendant la durée de la mise à pied et 317,99 € pour les congés payés afférents,

- 23 849,43 € (vingt trois mille huit cent quarante neuf euros quarante trois centimes) au titre de l'indemnité de préavis et 2 384,94 € (deux mille trois cent quatre vingt quatre euros quatre vingt quatorze centimes) pour les congés payés afférents,

- 7 353,56 € (sept mille trois cent cinquante trois euros cinquante six centimes) au titre de l'indemnité de licenciement,

- 55 648,67 € (cinquante cinq mille six cent quarante huit euros soixante sept centimes) au titre de la rupture abusive.

Condamne la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE à rembourser à l'ASSEDIC les indemnités de chômage payées à Monsieur Patrick X... du jour de son licenciement et pour une durée de 6 mois.

Condamne la S.A. A.A. AUDITS ASSOCIES - Cabinet LAXENAIRE aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur Patrick X... 3 200 € (trois mille deux cents euros) par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0139
Numéro d'arrêt : 06/06440
Date de la décision : 08/11/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Longjumeau, 25 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-11-08;06.06440 ?
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