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07/11/2007 | FRANCE | N°06/14852

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0202, 07 novembre 2007, 06/14852


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

2ème Chambre-Section A

ARRET DU 07 NOVEMBRE 2007

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 14852

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2006-Tribunal de Grande Instance de MELUN-RG no 06 / 00264

APPELANTS

Madame Irène X... épouse AA...
...
77590 FONTAINE LE PORT

Monsieur Jean Y... AA...
...
77590 FONTAINE LE PORT

représentés par la SCP MENARD-SCELLE-

MILLET, avoués à la Cour
assistés de Me Jacques Z..., avocat au barreau de Melun

INTIMES

Madame Chantal Elisabeth A... Ghislaine B......

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

2ème Chambre-Section A

ARRET DU 07 NOVEMBRE 2007

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 14852

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2006-Tribunal de Grande Instance de MELUN-RG no 06 / 00264

APPELANTS

Madame Irène X... épouse AA...
...
77590 FONTAINE LE PORT

Monsieur Jean Y... AA...
...
77590 FONTAINE LE PORT

représentés par la SCP MENARD-SCELLE-MILLET, avoués à la Cour
assistés de Me Jacques Z..., avocat au barreau de Melun

INTIMES

Madame Chantal Elisabeth A... Ghislaine B... épouse C...
...
91540 MENNECY

Monsieur Didier Albert René Ghislain C...
...
91540 MENNECY

représentés par la SCP REGNIER-SEVESTRE-REGNIER-LAMARCHE-BEQUET REGNIER-AUBERT, avoués à la Cour
assistés de Me Gwenaël D..., avocat au barreau de MELUN

COMPAGNIE D'ASSURANCES MACIF
prise en la personne de ses représentants légaux
2 rue d'Egreville
77140 NEMOURS

représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour
assistée de Me Sylvie E..., avocat au barreau de Melun

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue, rapport a été fait conformément à l'article 31 du décret du 28 décembre 2005 modifiant l'article 785 du nouveau code de procédure civile, le 1er Octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Président
Madame Dominique REYGNER, Conseiller
Madame Isabelle LACABARATS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle COCHET

ARRET :

-contradictoire
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
-signé par Mme Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Mme Gisèle COCHET, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire

Entre la fin de l'année 1988 et le début de l'année 1989 les époux C..., alors propriétaires d'une maison à usage d'habitation sise 17 rue de la Valléeà Fontaine le Port (Seine et Marne), ont confié à la société SRS JARDINS CREATIONS la réalisation de terrasses bordées par des séries de pieux en bois servant de murs de soutènement.

L'ouvrage ayant été détérioré à la suite de fortes pluies survenues le 19 avril 1989, la MACIF, assureur de protection juridique des époux C..., est intervenue dans le litige opposant ces derniers à la société SRS JARDINS CREATIONS, a mandaté un expert et par lettre du 5 juillet 1989, a informé ses sociétaires que l'assureur de l'entrepreneur ne couvrirait pas la reprise des travaux mal exécutés puisqu'il ne s'agissait pas de construction au sens de l'article 1792 du code civil.

Le litige a finalement abouti amiablement, la société SRS JARDINS CREATIONS ayant repris les travaux mal exécutés en scellant les pieux de bois dans du béton.

Les époux C... ont vendu leur maison aux époux F... par acte authentique du 22 mars 1999 moyennant le prix de 147 113, 30 euros.

Le 15 janvier 2001, les époux F... ont déclaré à leur assureur un sinistre concernant l'éboulement du talus bordant leur terrasse, avec déversement et éboulement des pieux servant de soutènement.

Ils ont obtenu par ordonnance de référé du 19 novembre 2003 la désignation d'un expert, Monsieur G..., lequel a déposé le 20 octobre 2004 un rapport concluant en substance que le sinistre actuel était du à l'effondrement d'ouvrages constitués de rangées de pieux en bois formant mur de soutènement des terres de la propriété, que ces ouvrages relevaient totalement de la présomption de responsabilité des constructeurs telle que stipulée par l'article 1792 du code civil, que la prescription décennale était forclose et que le montant des réparations pouvait être évalué à 150 000 euros environ.

C'est en ces circonstances que les époux F..., par actes du 27 avril 2005, ont assigné les époux C... devant le tribunal de grande instance de Melun sur le fondement des articles 1641 et subsidiairement 1116 et 1382 du code civil aux fins d'obtenir la réparation de leurs préjudices. Les époux C... ont appelé la MACIF en garantie par acte du 3 juin suivant.

Les époux F... sont appelants du jugement rendu par ce tribunal le 27 juin 2006 qui les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés à payer aux époux C... la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens de l'instance principale, la MACIF étant déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et les époux C... condamnés aux dépens afférents à leur appel en garantie.

Dans leurs uniques conclusions du 8 décembre 2006, ils demandent à la Cour de :
-infirmer le jugement entrepris,
-dire les époux C... responsables du dommage par eux subi,
-les condamner solidairement à leur payer la somme en principal de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à dater du jour de la décision à intervenir, la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral et celle de 7 500 euros au titre du préjudice de jouissance,
-ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil sur le montant des sommes dues en principal,
-condamner les époux C... au versement de la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise.

Ils exposent que les époux C... n'ont pas porté à leur connaissance l'existence des travaux effectués en 1989 à la suite de l'effondrement de la terrasse et de l'éboulement du terrain, qu'il n'est plus contesté que tant le désordre de 1989 que celui survenu après la vente entraient dans le cadre de la garantie décennale visée par l'article 1792 du code civil et que cet article doit s'appliquer aux dommages actuels qui, bien que nés plus de dix ans après la réception de l'ouvrage, constituent l'aggravation de dommages antérieurs mal réparés, les vendeurs étant tenus à réparation à leur égard en vertu de l'article 1792-1 alinéa 2 du code civil.

A titre subsidiaire ils invoquent la garantie des vices cachés, soutenant qu'en leur dissimulant le dommage de 1989 les époux C... ont fait preuve de mauvaise foi, de sorte que la clause contractuelle d'exonération de garantie ne peut trouver application, à titre plus subsidiaire le dol, et à titre encore plus subsidiaire le défaut d'information et le manquement à l'obligation de loyauté, affirmant que s'ils avaient connus avant la vente l'existence d'un sinistre concernant les terres du fonds, ils se seraient informés plus précisément sur la nature des travaux réalisés et auraient différé l'acquisition ou sollicité une diminution de prix.

Ils excipent du montant très élevé des réparations nécessaires et du préjudice moral et de jouissance complémentaires subis.

Dans leurs dernières conclusions du 12 juin 2007, les époux C... demandent à la Cour de :
-dire l'appel recevable mais non fondé,
-en débouter les époux F... et confirmer le jugement entrepris,
-subsidiairement, ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts sollicités par les époux F... et les débouter de leur demande au titre d'un quelconque préjudice moral ou trouble de jouissance,
-condamner la MACIF à les garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,
-débouter la MACIF de toutes ses demandes dirigées contre eux,
-condamner les époux F... ou tout succombant à leur payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir que les époux F... ne peuvent se prévaloir de la garantie décennale, qu'eux-mêmes, en leur qualité de vendeurs, n'avaient pas à informer les acquéreurs de l'effondrement survenu en 1989 dés lors que les travaux dataient de plus de dix ans et que la MACIF leur avait affirmé qu'ils n'entraient pas dans la garantie décennale, et qu'en l'absence de connaissance par eux du vice, la clause d'exonération de garantie des vices cachés doit recevoir application, ajoutant que les caractéristiques du terrain et de la construction, suffisamment visibles, n'avaient pas à être signalés aux acquéreurs. Ils dénient également toute réticence dolosive de leur part, toute faute quasi-délictuelle et tout manquement au devoir de loyauté.

A titre subsidiaire ils discutent le montant du préjudice allégué au titre des réparations, selon eux manifestement surévalué, et la réalité des autres chefs de préjudice sollicités.

Dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à leur encontre, ils demandent la garantie de la MACIF, à laquelle ils reprochent un manquement à son obligation de conseil, l'information erronée qu'elle leur a donnée selon laquelle les travaux ne relevaient pas de l'article 1792 du code civil les ayant induits en erreur, ainsi qu'une défaillance dans sa mission d'assistance puisqu'elle n'a pas veillé à préserver leurs intérêts juridiques et ne s'est pas assurée par la désignation d'un expert de la fiabilité des travaux de reprise exécutés par l'entreprise SRS.

Dans ses uniques conclusions du 30 mai 2007, la MACIF demande à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris,
-déclarer en tout état de cause les époux C... mal fondés en leurs demandes en garantie à son encontre en sa qualité d'assureur protection juridique,
-les condamner à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens de sa mise en cause.

Elle conteste toute faute dans le cadre de la seule mission d'assurance protection juridique qui lui était confiée, mettant à sa charge une simple obligation de moyens, soulignant qu'elle est totalement étrangère aux travaux exécutés courant 1990 par la société SRS JARDINS CONSTRUCTIONS et qu'au jour de l'avis fourni par lettre du 5 juillet 1989, les travaux mis en oeuvre par ladite société ne relevaient pas du régime des articles 1792 et suivants du code civil. Elle excipe en outre de l'absence de préjudice résultant pour les époux C... d'une éventuelle information erronée.

SUR CE, LA COUR,

Sur les demandes des époux F... à l'encontre des époux C...

Sur la responsabilité décennale

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que les désordres dont se plaignent les époux F... seraient apparus vers la fin de l'année 2000 et en tout cas ont été déclarés à leur assureur le 15 janvier 2001, soit plus de dix ans après l'achèvement des travaux de reprise des ouvrages de soutènement des terres réalisés entre août et octobre 1990 suite au sinistre dont les époux C... avaient eux-mêmes été victimes en avril 1989 ;

Considérant que si la garantie décennale couvre les conséquences futures des désordres résultant de vices dont la réparation a été demandée au cours de la période de garantie, les époux F... n'établissent pas que les désordres actuels, bien qu'affectant les mêmes ouvrages de soutènement des terres que ceux objet du sinistre de 1989, constituent une aggravation de ceux constatés à l'époque, qui ont été intégralement réparés en 1990, les travaux de reprise, eux, n'ayant jamais fait l'objet de la moindre contestation et a fortiori demande en justice dans les dix ans de leur exécution ;

Qu'il s'ensuit que les époux F... ne sont pas fondés à demander la réparation des nouveaux désordres constatés au-delà de l'expiration du délai décennal à leurs vendeurs au titre de l'article 1792 du code civil ;

Sur la garantie des vices cachés

Considérant que selon l'article 1641 du code civil, " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage à laquelle on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur de l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus " ; que l'article 1643 précise que le vendeur " est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie " ;

Considérant que l'acte de vente du 22 mars 1999 comporte une clause stipulant que le vendeur " n'est pas tenu à la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments, à raison, notamment... de tous éboulements qui pourraient intervenir..... " et " des vices de construction, qu'ils soient apparents ou cachés "..... ;

Considérant que les époux F... ne rapportent pas la preuve de la mauvaise foi imputée aux vendeurs, et plus particulièrement du fait que ceux-ci leur auraient sciemment dissimulé l'existence d'un vice caché dont ils auraient eu connaissance ;

Considérant en effet qu'il ne peut être reproché aux époux C..., qui affirment sans être démentis, notamment par l'expertise, qu'ils n'ont subi aucun désordre suite aux travaux de reprise réalisés en 1990 jusqu'à la vente aux époux F..., et qui n'avaient aucune raison de suspecter la bonne exécution de ces travaux, n'étant pas des professionnels du bâtiment, de ne pas avoir signalé aux acquéreurs l'existence d'un sinistre survenu prés de dix ans avant la vente qui avait été réparé de façon apparemment satisfaisante et d'avoir déclaré, à tort selon l'avis de l'expert, qu'ils n'avaient pas fait exécuter de travaux depuis moins de dix ans entrant dans la garantie décennale, cette affirmation reposant sur les informations que leur assureur de protection juridique, la MACIF, leur avait donnés par lettre du 5 juillet 1989 ;

Considérant en conséquence qu'en l'absence de connaissance du vice par les vendeurs, la clause d'exonération de garantie prévue à l'acte de vente doit recevoir application, comme l'a dit le premier juge ;

Sur le dol

Considérant qu'aux termes de l'article 1116 du code civil, " le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté " ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Que le dol se caractérise par des manoeuvres, un mensonge ou un silence ayant sciemment engendré une erreur déterminante du consentement du cocontractant et suppose l'intention de tromper ;

Or considérant qu'ainsi qu'il l'a été vu, il n'est pas établi que les époux C... avaient connaissance de l'existence d'un vice ou de malfaçons affectant l'ouvrage en litige, et qu'ils ont pu de bonne foi déclarer à l'acte de vente qu'ils n'avaient pas fait exécuter de travaux depuis moins de dix ans entrant dans la garantie décennale, compte tenu des informations qui leur avaient été données par leur assureur ;

Qu'il n'est pas davantage établi qu'ils ont intentionnellement tu le sinistre de 1989 et les travaux consécutifs, dans le but de tromper les époux F... et de les amener à acquérir, alors que ce sinistre avait été réparé et qu'ils n'avaient déploré aucun désordre depuis ;

Considérant que le jugement entrepris mérite donc également confirmation en ce qu'il a rejeté les demandes des époux F... sur le fondement du dol ;

Sur le manquement à l'obligation d'information et au devoir de loyauté

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés, il ne peut être imputé de manquement fautif des époux C... à l'obligation d'information et de loyauté ;

Sur la demande en garantie des époux C... contre la MACIF

Considérant que les époux F... étant déboutés de leurs demandes à l'encontre des époux C..., la demande de garantie formée à titre subsidiaire par ces derniers à l'encontre de la MACIF est sans objet ;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens

Considérant qu'il n'y a pas lieu, en équité, à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Que les époux F..., qui succombent, supporteront les dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne les époux F... aux dépens d'appel, que les SCP d'avoué REGNIER BECQUET et GOIRAND pourront recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0202
Numéro d'arrêt : 06/14852
Date de la décision : 07/11/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Melun, 27 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-11-07;06.14852 ?
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