Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section H
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2007
(no 34, 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2006/18379
Décision déférée à la Cour : no 06-D-29 rendue le 06 octobre 2006 par le CONSEIL DE LA CONCURRENCE
DEMANDERESSE AU RECOURS :
- la société CANAL 9, SAS
agissant poursuite et diligence de son représentant personnel
dont le siège social est : 37 bis, rue Greneta 75002 PARIS
représentée par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS
assistée de Maître Olivier CHAPUIS, avocat au barreau de PARIS
toque P 224
SCP CHEMOULI DAUZIER et Associés
12, boulevard Raspail 75007 PARIS
DÉFENDEUR AU RECOURS :
- le G.I.E LES INDÉPENDANTS
pris en la personne de son représentant légal
dont le siège social est : 120, avenue du Général Leclerc 75014 PARIS
représenté par la SCP Anne GRAPPOTTE-BENETREAU et Marc GRAPPOTTE, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS
assisté de Maître Alain GEORGES et Maître Frédéric PRADELLES, avocats au barreau de PARIS
LATHAM et WATKINS
53, quai d'Orsay 75007 PARIS
EN PRÉSENCE DE :
- M. LE PRESIDENT DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE
11, rue de l'Echelle
75001 PARIS
représenté par M. Thierry DAHAN, muni d'un pouvoir
- Mme LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI
59, boulevard Vincent Auriol
75703 PARIS
représentée par Mme Laurence NGUYEN-NIED, munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
- Mme Christine PENICHON, Président
- M. Christian REMENIERAS, Conseiller
- Mme Agnès MOUILLARD, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
MINISTÈRE PUBLIC :
représenté lors des débats par M. Hugues WOIRHAYE, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Mme Christine PENICHON, Président
- signé par Mme Christine PENICHON, Président, et par M. Benoît TRUET-CALLU, Greffier présent lors du prononcé.
* * * * * *
La loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication fixe les règles générales d'attribution des fréquences de radiodiffusion et en a confié l'exécution au Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après le CSA). L'article 29, alinéa 2, de cette loi prévoit que le CSA publie les appels à candidatures "pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées".
Sur le fondement de ce texte, le CSA a, par un communiqué no 34 du 29 août 1989, adopté un système de classification des radios privées en cinq catégories en fonction de leur aire de diffusion, de leur mode de financement et de la nature du programme diffusé :
- catégorie A : des radios associatives de proximité ou communautaires, éligibles au Fonds de soutien à l'expression radiophonique, dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20% de leur chiffre d'affaires ;
- catégorie B : des stations locales, indépendantes des réseaux nationaux, dont la zone de desserte ne couvre pas une population de plus de 6 millions d'habitants, sauf pour les services de cette catégorie autorisés à Paris-Ile-de-France. Ces radios commerciales participent à l'animation de leur zone économique et contribuent également à l'expression locale ;
- catégorie C : des stations locales ou régionales affiliées ou abonnées à des réseaux thématiques à vocation nationale et dont la zone de desserte couvre une population de plus de 6 millions d'habitants. Elles se caractérisent pas la diffusion quotidienne d'un programme d'intérêt local et, en complément, d'un programme identifié fourni par un réseau thématique à vocation nationale ;
- catégorie D : des réseaux thématiques à vocation nationale, c'est-à-dire des radios ayant pour vocation la diffusion d'un service thématique (musical, économique, culturel ...) sur le territoire national ;
- catégorie E : les trois radios généralistes à vocation nationale (Europe 1, RTL et RMC Info) dont les programmes font une large part à l'information et se caractérisent par une grande diversité de genres et de contenus.
Ces catégories de radios n'ont pas un accès identique aux différents types de publicités. On distingue, en effet, trois formes de publicités susceptibles d'être diffusées par des services de radiodiffusion : la publicité locale, la publicité extra-locale et la publicité nationale.
La publicité locale, seule forme de publicité encadrée par la réglementation en matière radiophonique, en l'occurrence par le décret no 94-972 du 9 novembre 1994 relatif à l'accès à la publicité locale des services de radiodiffusion sonore autorisés, se définit comme celle qui est diffusée sur une zone dont la population est inférieure à 6 millions d'habitants et qui comporte l'indication, par l'annonceur, d'une adresse ou d'une identification locale explicite. Selon ce décret, seuls les services radiophoniques des catégories A, B et C peuvent diffuser de la publicité locale, à l'exclusion des radios de catégories D et E.
A contrario, la publicité extra-locale, au sens du décret précité, soit celle qui ne comporte pas l'indication par l'annonceur d'une adresse ou identification locale explicite et a vocation à être diffusée sur une ou plusieurs zones limitées généralement constituées par plusieurs villes ou une ou plusieurs régions, est accessible à toutes les catégories de radios, seule la publicité locale étant réservée aux services locaux ou régionaux.
A l'instar de la publicité extra-locale, la publicité nationale ne comporte l'indication par l'annonceur d'aucune adresse ou identification locale explicite. En revanche, la publicité nationale a vocation à être simultanément diffusée sur l'ensemble du territoire national, sans limitation géographique. En l'absence de réglementation restreignant l'accès à cette forme de publicité, celle-ci n'est théoriquement fermée à aucune catégorie de radios mais, en pratique, seules sont susceptibles de diffuser de la publicité nationale les radios pouvant garantir la simultanéité de la diffusion d'un message publicitaire à l'échelle nationale, principalement celles des catégories E et D. Les radios des catégories A et B, quant à elles, doivent se regrouper pour unifier leurs espaces publicitaires et être ainsi en mesure d'offrir aux annonceurs une diffusion simultanée à l'échelle nationale de leurs publicités sur l'ensemble des stations concernées.
C'est ainsi que plusieurs radios locales et régionales ont décidé, en 1992, de constituer une entité commune, le GIE Les Indépendants (ci-après le GIE), dédié au développement de leurs recettes de publicité nationale. Le GIE, qui regroupe actuellement plus d'une centaine de radios locales ou régionales, commercialise par l'intermédiaire d'une régie publicitaire commune un produit dit "Les Indépendants", c'est-à-dire les espaces publicitaires de radios à zone de diffusion locale ou régionale, auprès d'annonceurs nationaux ou internationaux.
La société Canal 9, qui exerce sous le nom commercial Chante France, a pour objet social la gestion et l'exploitation d'une radio locale éponyme qui, bien qu'elle dépende du groupe Orbus, lequel détient aussi le réseau à vocation nationale et thématique Skyrock, de catégorie D, est un service autorisé en catégorie B, qui diffuse un programme à dominante musicale exclusivement composé de chansons d'expression française.
N'ayant pu obtenir son admission au sein du GIE malgré trois demandes d'adhésion formulées en 2000, 2002 et 2003, la société Canal 9 a saisi le Conseil de la concurrence, le 19 novembre 2003 et le 9 juin 2004, de pratiques mises en oeuvre par cette entité dans le secteur de la radiophonie. Elle dénonçait l'absence d'objectivité et de transparence des conditions d'adhésion au GIE, ainsi que le traitement arbitraire des candidatures, et invoquait ses difficultés économiques, qu'elle attribuait au fait que ces pratiques avaient pour effet de la priver de l'accès au marché de la publicité nationale, indispensable à sa survie dès lors que les revenus tirés de la publicité locale et extra-locale ne lui permettaient pas d'équilibrer ses comptes.
L'évaluation préliminaire effectuée par le Conseil de la concurrence, selon les prescriptions du décret du 27 décembre 2005 pris pour l'application de l'article 10 de l'ordonnance du 4 novembre 2004, l'a conduit à identifier des préoccupations de concurrence concernant certaines dispositions statutaires du GIE ainsi que leur mise en œuvre. Il ressortait de cette évaluation que les conditions d'adhésion, de maintien et de sortie du GIE n'étaient pas définies de manière claire, objective et transparente et qu'elles pouvaient se prêter à une application discriminatoire lors de l'admission ou du rejet de certaines radios, alors qu'il n'existait pas, pour une radio locale indépendante souhaitant accéder au marché de la publicité nationale, de solution alternative à l'adhésion au GIE. Par ailleurs, des pénalités élevées étaient encourues en cas de démission, pouvant avoir pour effet de verrouiller le marché. Le Conseil en a déduit que les conditions d'adhésion et de maintien dans le GIE seraient susceptibles, au terme d'une instruction approfondie, d'être qualifiées d'entente ou d'abus de position dominante, dans la mesure où elles auraient pour objet ou pour effet d'empêcher l'accès de certaines radios locales au marché de la publicité nationale, dans des conditions pouvant être qualifiées de discriminatoires.
Le GIE, bien que n'ayant pas admis le caractère anticoncurrentiel des pratiques relevées, a proposé au Conseil de la concurrence des engagements qui ont subi, après examen de ce dernier, un certain nombre d'aménagements. Il s'est ainsi engagé à modifier son contrat constitutif, son règlement intérieur et la notice d'information définissant les conditions d'adhésion et la procédure d'admission, de manière à garantir un examen objectif, transparent et non discriminatoire des candidatures d'adhésion au groupement.
Par une décision no 06-D-29 du 6 octobre 2006, le Conseil a, sur le fondement de l'article L. 464-2, I du Code de commerce, accepté les engagements présentés par le GIE Les Indépendants, leur a donné force obligatoire et a mis fin à la procédure.
LA COUR :
Vu le recours en annulation et/ou en réformation formé contre cette décision par la société Canal 9 le 24 octobre 2006 ;
Vu le mémoire déposé le 8 décembre 2006 par la société Canal 9 à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 24 juillet 2007, par lequel cette société demande à la cour :
- de la déclarer recevable en son recours, en sa qualité de partie en cause ;
- de juger que la procédure ayant abouti à la décision attaquée a violé :
. le principe de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement consacré par l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention),
. le principe d'impartialité consacré par l'article 6 §1 de la Convention,
. le principe de la contradiction consacré par l'article L 463-1 du Code de commerce, en ne lui rendant pas accessible l'ensemble du dossier d'instruction, notamment le rapport administratif d'enquête et l'avis du CSA,
. le principe de l'égalité des armes consacré par l'article 6 §1 de la Convention ;
- de juger que la mise en œuvre de la procédure d'engagements visée à l'article L 464-2 du Code de commerce est inopportune en l'espèce en raison de l'ancienneté des faits,
- en conséquence de ces irrégularités, d'annuler la décision et renvoyer l'affaire au Conseil de la concurrence à qui il appartiendra de poursuivre l'instruction, à titre subsidiaire, d'ordonner l'accès à l'intégralité du dossier, notamment au rapport administratif d'enquête, à l'avis du CSA, ainsi qu'à tout autre élément figurant au dossier qui n'aurait pas été communiqué, à titre plus subsidiaire, si la cour considérait que l'accès au dossier devait permettre d'accéder à des informations confidentielles, de renvoyer l'affaire devant le Conseil de la concurrence à charge pour le Rapporteur général de mettre en oeuvre la procédure de traitement du secret des affaires au regard de l'intégralité du dossier, à titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que le Conseil a valablement estimé que le rapport administratif d'enquête et l'avis du CSA contenaient des éléments confidentiels, d'ordonner la communication de ces deux pièces, expurgées de leurs seuls éléments prétendument confidentiels,
- sur le fond, de juger que les engagements présentés le 15 septembre 2006 par le GIE devant le Conseil de la concurrence, tels que figurant au §59 de la décision, ne répondent pas aux problèmes de concurrence identifiés par le Conseil de la concurrence,
- en conséquence, d'annuler la décision déférée en ce que le Conseil de la concurrence a accepté les engagements présentés par le GIE et mis fin à la procédure enregistrée sous le numéro 03/0091F, de renvoyer l'affaire au Conseil de la concurrence à qui il appartiendra de poursuivre l'instruction,
- de condamner le GIE à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 16 mai 2007 par lequel le GIE Les Indépendants demande à la cour :
- de rejeter la demande de la société Canal 9 visant à l'annulation de la décision, ainsi que celle tendant à avoir accès au rapport administratif d'enquête du 2 mars 2005 et à l'avis du CSA du 15 juillet 2004 dans le cadre du présent recours,
- si la cour devait accorder à la société Canal 9 l'accès au dossier qu'elle demande, de le lui accorder également dans des conditions identiques et, en pareil cas, de subordonner cet accès à l'occultation, dans les pièces concernées, de toutes les informations constituant des secrets d'affaires du GIE par tout moyen qui lui conviendra,
- de rejeter la demande de la société Canal 9 fondée sur l'inopportunité de la mise en oeuvre par le Conseil de la procédure d'engagements et de juger au contraire que la mise en oeuvre de la procédure d'engagements entrait parfaitement dans les prévisions de l'article 464-2 du Code de commerce et que la décision est bien fondée à ce titre,
- de juger que la décision est bien fondée en ce qu'elle a correctement établi que les engagements qu'elle a acceptés sont de nature à dissiper l'ensemble des préoccupations de concurrence dégagées dans l'évaluation préliminaire,
- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait annuler la décision pour quelque motif que ce soit, de rejeter la demande de la société Canal 9 de renvoyer l'affaire devant le Conseil de la concurrence et de statuer en fait et en droit sur ses demandes et celles de la société Canal 9,
- de condamner la société Canal 9 à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 11 juin 2007 ;
Vu les observations écrites du ministre chargé de l'économie, en date du 13 juin 2007, selon lesquelles la requérante pourrait demander au Conseil de la concurrence communication du rapport d'enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes selon la procédure prévue pour la communication des documents administratifs, un éventuel refus devant alors être déféré à la Commission d'accès aux documents administratifs ;
Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience ;
Ouï à l'audience publique du 18 septembre 2007, en leurs observations orales, les conseils des parties, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que le représentant du Conseil de la concurrence, celui du ministre chargé de l'économie et le ministère public ;
SUR CE :
- sur la recevabilité du recours de la société Canal 9, contestée par le ministère public et par le GIE
Considérant que le ministère public et le GIE soutiennent l'irrecevabilité, pour défaut d'intérêt, du recours formé par la société Canal 9, partie saisissante, au motif que la décision attaquée n'a pas rejeté sa saisine et ne l'a pas déclarée irrecevable, et qu'elle l'a même validée puisque, après avoir constaté qu'il y avait lieu de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées, le Conseil a prononcé une des décisions prévues à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en l'occurrence l'acceptation d'engagements de nature à mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles, apportant ainsi une réponse positive à une saisine dénonçant une telle pratique ; que le GIE ajoute que le recours n'est pas ouvert à la partie saisissante et que c'est par suite d'une erreur que la décision a été notifiée à la société Canal 9 alors que l'article R. 468-4 du Code de commerce limite la notification de la décision d'acceptation des engagements "aux entreprises ou organismes ayant souscrit des engagements et au ministre de l'économie" ;
Considérant, cependant, que l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que le Conseil de la concurrence peut accepter les engagements proposés par les entreprises ou organismes de nature à mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles, tandis que l'article L. 464-8 du même Code précise que les décisions du Conseil de la concurrence mentionnées à l'article L. 464-2 sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l'économie qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel ;
Qu'il s'évince de la combinaison de ces textes, nonobstant la rédaction plus limitée de l'article R. 468-4 précité, que la société Canal 9, qui était en cause devant le Conseil de la concurrence en qualité de partie saisissante, et qui justifie d'un intérêt dès lors que les engagements contenus dans la décision sont susceptibles de produire des effets juridiques sur sa situation personnelle, est recevable à exercer un recours contre la décision d'acceptation des engagements du GIE ;
- sur la régularité de la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence
Considérant que la société Canal 9 soutient, tout d'abord, que la procédure d'engagements prévue à l'article L. 464-2 du Code de commerce présente un caractère répressif et dissuasif, assimilable à une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'elle doit, à ce titre, respecter le principe de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement prévue à ce texte ; qu'elle fait valoir à cet égard que le plafond de l'amende encourue pour non respect des engagements est identique à celui prévu pour les sanctions pécuniaires dans le cadre d'une procédure classique, que l'évaluation préliminaire procède à une qualification des pratiques -en l'espèce, le rapporteur a relevé diverses pratiques du GIE susceptibles d'être sanctionnées par application des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce- et, en ce qu'elle permet une pression sur les entreprises afin de les conduire à accepter des engagements, constitue un acte accusatoire s'apparentant à une notification des griefs ; qu'elle déduit de ces constatations que le principe d'impartialité interdit au collège du Conseil de la concurrence d'intervenir à ce stade de la procédure et qu'en participant à la négociation des engagements menés entre le rapporteur en charge de l'instruction et l'entreprise visée par la plainte, le Conseil de la concurrence s'est immiscé dans la phase d'instruction de l'affaire ;
Qu'elle invoque également une violation du principe de l'égalité des armes au motif que, bien qu'elle fût partie plaignante, elle a été exclue du débat qui s'est instauré entre l'entreprise poursuivie et l'autorité de concurrence, ses droits étant alignés sur ceux des "tiers intéressés" qui ne sont admis qu'à déposer des observations écrites dans le délai d'un mois ;
Qu'elle estime que la violation de ces deux principes justifie l'annulation de la décision déférée ;
Mais considérant qu'outre que la société Canal 9, partie saisissante, est dépourvue d'intérêt à se prévaloir d'une atteinte aux droits de la partie visée par l'acte en cause, soit en l'espèce le GIE, la cour relève que si, au terme de l'analyse concurrentielle à laquelle il procède dans le cadre de l'évaluation préliminaire, le rapporteur précise en quoi les atteintes à la concurrence relevées à ce stade de la procédure sont susceptibles de constituer une pratique prohibée, cette appréciation, qui a pour seul but de garantir le sérieux de la procédure de négociation ainsi mise en oeuvre, n'a pas pour objet de démontrer la réalité des infractions ni leur imputabilité à cette entreprise, ni, a fortiori, de conduire au prononcé d'une sanction ; qu'elle ne constitue donc pas un acte d'accusation au sens de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Qu'au demeurant, en ce qui concerne le déroulement de la procédure, il résulte du dossier, notamment de la décision (points 57 à 59), que le Conseil a examiné, au cours de sa séance du 12 septembre 2006, les propositions d'engagements formulées par le GIE, le 6 juin 2006, après qu'il eut pris connaissance, le 20 avril 2006, de l'évaluation du rapporteur, que ces propositions ont été modifiées au cours de la séance pour tenir compte des observations versées au dossier lors de la consultation des tiers intéressés et de la société Canal 9, que la version définitive des engagements ainsi remaniés a été transmise au Conseil le 15 septembre suivant, que la société Canal 9 les a discutés le 20 septembre (p. 29 du mémoire en réplique), et que ces engagements ont finalement été intégrés dans la décision du 6 octobre 2006 ;
Que ce rappel révèle que le Conseil de la concurrence, respectant les dispositions de l'article R. 464-2 du Code de commerce, ce qui n'est pas contesté, a provoqué un débat entre les parties sur les engagements proposés et les observations qu'ils ont suscitées de la part de la partie saisissante et des tiers intéressés puis, à l'issue de ces échanges, a pris acte des nouveaux engagements souscrits par l'entreprise concernée, propres selon lui à remédier aux préoccupations de concurrence précédemment identifiées ; que le fait que le Conseil a pris une part active à ces débats, qui tient au caractère consensuel de cette phase de la procédure et à ce qu'il apprécie, en définitive, la pertinence des engagements et leur donne force exécutoire, ne caractérise nulle immixtion de sa part dans l'instruction de l'affaire ; qu'en outre, et contrairement à ce qui est soutenu, les parties ont été placées sur un pied d'égalité, la société Canal 9 ayant reçu communication de l'évaluation en même temps que l'entreprise concernée et dans les mêmes conditions que le GIE, et ayant été mise en mesure de faire valoir ses contestations, par écrit, dès que les engagements ont été présentés, puis oralement, lors de la séance au cours de laquelle ces derniers ont été examinés par le Conseil de la concurrence, enfin de nouveau par écrit avant qu'ils ne soient définitivement retenus par le Conseil ;
Qu'ainsi, les moyens pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont dénués de fondement ;
Considérant, ensuite, que la société Canal 9 invoque une violation du principe de la contradiction au motif qu'elle n'a pu avoir accès, ni devant le Conseil, ni devant la cour, à deux pièces de la procédure, soit l'enquête administrative effectuée avant la notification des griefs et un avis du CSA du 15 juillet 2004 ;
Considérant, cependant, qu'il est constant que la société Canal 9, alors qu'elle en connaissait l'existence puisqu'ils étaient mentionnés dans l'évaluation préliminaire, n'a pas demandé au Conseil l'accès à ces documents, dont partie du reste relevait du secret des affaires ; que cette communication ne lui est pas apparue nécessaire à ce stade de la procédure puisque, dans les observations qu'elle a déposées le 31 juillet 2006 devant le Conseil de la concurrence, loin de critiquer l'évaluation préliminaire, elle y souscrivait sans réserve, faisant seulement valoir que les engagements proposés par le GIE étaient impropres à répondre aux préoccupations de concurrence qui y étaient relevées ;
Que ce n'est qu'après avoir déclaré son recours que, le 24 novembre 2006, elle a demandé à accéder à ces pièces, à quoi le responsable du bureau de la procédure au Conseil de la concurrence a répondu qu'il avait des "doutes quant à la consultation de ces pièces qui n'ont jamais été mises au contradictoire, pour lesquelles aucun traitement au secret des affaires n'a été opéré et sur lesquelles le collège ne s'est pas prononcé" ;
Que la société Canal 9 a alors, lors de l'audience de procédure tenue le 11 décembre 2006 par le conseiller délégué par le premier président, fait état de ses difficultés à accéder à l'intégralité des pièces du dossier de sorte que ce magistrat a organisé une audience devant la formation collégiale afin de purger l'incident, invitant les parties, le Conseil de la concurrence et le ministre à déposer leurs observations sur ce point précis; qu'à l'audience qui s'est tenue le 20 février 2007, la société Canal 9 a soumis à la cour des écritures demandant, à titre principal, l'annulation de la procédure pour violation du principe de la contradiction, à titre subsidiaire, la communication des pièces ; que, constatant qu'elle n'était pas saisie d'un incident de communication de pièces mais d'une demande au fond, la cour a, d'accord avec l'ensemble des parties, renvoyé l'affaire pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;
Considérant qu'en cet état, il ne résulte pas des éléments du dossier - la décision déférée n'y faisant nulle référence et la réponse du responsable du bureau de la procédure l'excluant- que les pièces litigieuses ont été soumises au Conseil, devant qui l'évaluation préliminaire n'était pas contestée ;
Qu'au surplus, même en admettant qu'elles l'aient été de sorte que la société Canal 9 aurait été fondée à en demander la communication, celle-ci s'est abstenue d'exercer son droit en temps utile, alors même que la faculté lui avait en été expressément offerte par la cour, préférant soutenir l'annulation de la procédure pour ce motif ; qu'elle ne saurait, dès lors, se plaindre d'une atteinte qu'elle a elle-même contribué à entretenir ;
Qu'il suit de là que le moyen pris d'une violation du principe de la contradiction doit être écarté ;
Considérant, enfin, que c'est à tort que la société Canal 9 prétend que l'ancienneté des pratiques du GIE, mises en oeuvre depuis le printemps 2000, époque où elle a présenté sa première candidature infructueuse, rendrait "inopportun" le recours, par le Conseil, à la procédure d'engagements, au prétexte que cette procédure a pour objectif majeur la réduction des délais de procédure ; qu'en effet, les textes applicables, qui supposent seulement la constatation d'une atteinte actuelle à la concurrence, n'exigent nullement que celle-ci soit récente, et, de surcroît, la durée de la procédure, au sens où l'invoque la requérante, s'apprécie, non à compter de la date de la commission des pratiques, mais de celle de la saisine de l'Autorité ;
- sur le fond
Considérant qu'après avoir souscrit expressément aux préoccupations de concurrence relevées par le Conseil, à savoir qu'alors que l'appartenance au GIE est une condition d'accès au marché de la publicité nationale ou constitue un avantage concurrentiel sur le marché de la publicité locale, les conditions d'adhésion au groupement, faute d'être définies de manière objective et transparente, pouvaient se prêter à une application discriminatoire, cependant que les pénalités imposées en cas de démission pouvaient avoir pour effet de verrouiller encore davantage le marché, la société Canal 9 expose que les engagements agréés par le Conseil, bien qu'ils apportent une amélioration indéniable, ne répondent pas à ces préoccupations, s'agissant en particulier de deux conditions d'appartenance au GIE, à savoir le critère de conservation des équilibres régionaux du produit national "Les Indépendants" et celui de l'indépendance vis-à-vis des réseaux nationaux ;
Qu'elle rappelle à cet égard qu'il faut, non seulement que les nouveaux critères soient objectifs, transparents et non discriminatoires, mais aussi qu'ils satisfassent à la double exigence du droit, tant communautaire que national, de légitimité -ils doivent répondre à une justification objective- et de proportionnalité -il n'existe pas un moyen moins attentatoire à la concurrence d'obtenir le même résultat- et prétend que le critère de la conservation des équilibres régionaux est à la fois injustifié, disproportionné et discriminatoire, cependant que le critère de l'indépendance vis-à-vis des réseaux nationaux est imprécis, injustifié et disproportionné ;
En ce qui concerne le critère de la conservation des équilibres régionaux
Considérant qu'aux termes du règlement intérieur proposé par le GIE au titre de ses engagements, pour qu'une radio obtienne un dossier de candidature qui sera soumis au conseil d'administration, elle doit remplir trois conditions, dites d'éligibilité, parmi lesquelles la condition de conservation des équilibres régionaux ainsi rédigée :
"Toute radio qui souhaite intégrer le GIE et le produit "Les Indépendants" devra remplir cumulativement les conditions d'éligibilité suivantes :
(...)
- Conservation des équilibres régionaux du produit national "Les Indépendants : avoir une audience suffisante qui, ajoutée à celle des radios déjà commercialisées par le GIE diffusant dans la même région INSEE à la date de la candidature, n'entraîne pas une sur-représentation de l'audience cumulée de la région considérée dans l'audience totale des Indépendants, le rapport entre l'audience cumulée de la région considérée et l'audience totale des Indépendants ne devant pas être supérieur de plus de 5 points au rapport entre la population de cette région et la population de la France métropolitaine. Dans le cas où l'entrée d'une radio candidate au produit national conduit à un tel dépassement, la radio candidate est inscrite sur une liste d'attente si elle remplit les autres conditions d'éligibilité. L'instruction de sa candidature est reprise lorsque son entrée ne conduit plus à un tel dépassement." ;
Que le Conseil a estimé que cette clause se justifiait par les conditions de la concurrence sur le marché de la publicité nationale, sur lequel le produit "Les Indépendants" est en compétition avec d'autres offres nationales sans détenir une position privilégiée, en particulier par les caractéristiques de la demande émanant des annonceurs nationaux, qui valorise les produits garantissant une répartition satisfaisante de l'audience entre les différentes zones géographiques, notamment un bon équilibre entre la région Ile-de-France et les autres régions ;
Qu'il a ensuite relevé que, si cet équilibre est sujet à évolution dans le temps, soit en raison de la variabilité des audiences des différents composantes locales du produit, soit à cause du départ de certaines radios, de sorte que l'équilibre exigé à l'entrée ne se vérifie plus ultérieurement et que surgisse une différence de traitement entre les radios candidates, soumises au test de répartition, et celles qui sont déjà adhérentes, qui y échappent, ce test d'entrée, rendu nécessaire par le caractère composite du produit, constitue pour le GIE le seul outil lui permettant de limiter les risques de déséquilibre géographique de son audience et de répondre à la demande de ses partenaires potentiels ;
Qu'ayant encore observé que le fait que le ratio maximum exigé soit chiffré permet au candidat de connaître à l'avance s'il est éligible ou non, la décision déduit de ces considérations que ce critère constitue un moyen proportionné et non discriminatoire de conserver la qualité du produit offert sur le marché concurrentiel ;
Considérant que la société Canal 9 conteste cette analyse, au motif de l'inefficacité de la clause qui, eu égard à la fluctuation de l'audience dans le temps, ne permet pas au GIE de garantir la conservation de la répartition géographique après l'entrée ; qu'elle fait valoir, en outre, que, le GIE n'ayant précédemment, en quinze ans d'existence, jamais exprimé une telle nécessité, ce critère apparaît "suspect et purement circonstanciel", notamment en ce qu'il postule, dès l'origine, une répartition équilibrée de l'audience du GIE alors que cet équilibre n'existe pas et n'a jamais existé ; qu'elle cite à cet égard la situation de janvier-mars 2006, où la sur-représentation de la région Ile-de-France dans l'audience globale du GIE était de 54%, cependant que la région Aquitaine était sous-représentée à raison de 265% ; qu'elle ajoute que le déséquilibre de l'audience du GIE au profit de la région Ile-de-France est constant et ancien et souligne que son entrée ne modifierait pas significativement le déséquilibre préexistant puisque, pour la période septembre 2005 à juin 2006, elle n'aurait eu pour effet, en la portant à 29%, que d'augmenter d'un point la part de la région Ile-de-France dans l'audience cumulée totale du GIE, alors que, de janvier 1996 à octobre 2004, la part de cette région a constamment oscillé entre 30% et 37%, descendant rarement en dessous de 30% ; qu'elle estime enfin le critère suranné au regard des nouveaux modes d'écoute des radios (Internet via un ordinateur, télévision numérique, baladeur MP3, téléphone mobile) ;
Qu'elle objecte encore que le critère est disproportionné en ce qu'il a pour conséquence, sachant que la population de l'Ile-de-France représente 18,5% de la population française, d'interdire toute candidature ayant pour effet de faire dépasser le seuil de 23,5% de l'audience totale du GIE ; qu'elle ajoute qu'actuellement, la région Ile-de-France en représente déjà 28% et que rien ne permet d'augurer une baisse significative de cette valeur, de sorte que l'application du critère aura pour effet de verrouiller l'accès au GIE à toutes les radios locales d'Ile-de-France qui n'en sont pas déjà membres, et de les exclure ainsi du marché de la publicité nationale, alors même qu'en dépit du franchissement systématique du seuil de 30%, au cours des dix dernières années, le produit "Les Indépendants" n'a cessé de gagner des parts sur ce marché ;
Qu'elle souligne enfin le caractère discriminatoire, à son égard, du critère qui revient à l'éliminer alors que le GIE a, au cours des années antérieures, intégré des radios parisiennes (Sport O'FM en 2003, Africa no 1 et Radio Alpha en 2006) qui avaient déposé leur dossier après le sien et qui n'auraient pas pu intégrer le GIE si on leur avait opposé un tel seuil, cependant que la présence de ces radios, qui renforce encore le poids de la région Ile-de-France dans la structure d'audience du GIE, compromet toujours davantage ses chances de se trouver en situation éligible au regard du critère en cause ;
Mais considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le Conseil a retenu la légitimité du critère après avoir relevé qu'il constituait le seul moyen pour le GIE de contrôler les risques de déséquilibre de son audience, dus au caractère composite du produit "Les Indépendants", et d'offrir ainsi un produit répondant aux exigences des annonceurs sur le marché de la publicité nationale ;
Que la société Canal 9, qui ne conteste pas les caractéristiques de la demande ainsi définie et qui ne prétend pas qu'il existe un moyen moins préjudiciable à la concurrence d'y répondre, ne peut être suivie en sa contestation, étant observé au demeurant que le comportement passé du GIE est sans influence sur cette appréciation et que le fait que le critère ne garantisse pas l'obtention, en totalité, du résultat recherché, ne le prive pas d'utilité ;
Qu'en outre, l'effet de verrouillage allégué n'est pas établi, la composition du produit "Les Indépendants" étant, par sa nature même, très mouvante, ainsi que la requérante le souligne elle-même dans ses écritures (pages 17, 18 et 93 du mémoire en réplique) de sorte que les répartitions d'audience, en particulier sur la région d'Ile-de-France, demeurent soumises à des variations difficilement prévisibles ;
Qu'enfin, la discrimination doit s'apprécier au regard des effets futurs de la clause laquelle, en l'espèce, a vocation à s'appliquer à toute entreprise se trouvant dans une situation identique à celle de la société Canal 9, peu important que l'application du critère conduise à écarter la candidature de cette dernière en particulier ;
En ce qui concerne le critère de l'indépendance vis-à-vis des réseaux nationaux
Considérant que ce critère, qui compte parmi les conditions d'adhésion énoncées par le règlement intérieur du GIE (article 12.3), exige de la part de la radio candidate de n'avoir "aucun lien de dépendance, de droit ou de fait, ni aucune relation d'affiliation directe ou indirecte avec une personne ou un groupe exploitant ou participant de manière directe ou indirecte à l'exploitation d'un réseau de diffusion à caractère national tel que défini par l'article 41-3 4) b) de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relatif à la liberté de communication (c'est-à-dire tout réseau qui dessert une zone dont la population recensée est supérieure à 30 millions d'habitants)" et s'oppose à ce qu'un réseau national, tel que défini ci-avant, entre dans le GIE ;
Considérant que le Conseil a estimé que cette clause était claire, objective et précise, et qu'il était justifié, et même souhaitable, du point de vue de la concurrence, qu'un offreur n'établisse pas de lien structurel ou de solidarité économique avec ses concurrents directs sur un marché ;
Qu'il a relevé, accessoirement, qu'au cas particulier, si "Chante France" intégrait le GIE, la radio Skyrock, qui est la concurrente de cette dernière sur le marché de la publicité nationale, aurait accès à des informations commerciales importantes le concernant ; qu'il relève à cet égard que le président de Skyrock est également le président de "Chante France" et que le GIE, compte tenu de sa structure de groupement d'entreprises qui lui impose d'établir ses programmations longtemps à l'avance afin que les radios locales réservent les espaces publicitaires nécessaires à la publicité nationale, prioritaire sur la publicité locale, leur communique à cette fin le plan de diffusion élaboré par la régie, révélant ainsi les contrats conclus avec les différents annonceurs de sorte que Skyrock se trouverait ainsi en possession d'informations auxquelles il n'aurait pas accès si "Chante France" ne faisait pas partie du GIE et lui permettant de démarcher les annonceurs en cause ;
Considérant que la société Canal 9 objecte que le critère est insuffisamment précis, qu'il ne répond à aucune justification légitime et qu'il aurait des effets disproportionnés sur le marché ; qu'elle expose à cette fin :
- que les informations auxquelles Skyrock aurait accès, s'agissant du plan de diffusion, du volume des spots à diffuser et des campagnes planifiées du GIE, ne sont pas confidentielles et peuvent être facilement obtenues par les services commerciaux des régies nationales qui sont en contact permanent avec les agences médias et autres centrales d'achat d'espaces, leurs clientes, cependant que les véritables informations sensibles, soit le détail des conditions tarifaires négociées, demeurent protégées,
- que, de toute façon, la société Skyrégie, qui commercialise les espaces publicitaires de Skyrock, n'aurait accès qu'à des informations concernant des réservations déjà effectuées, donc dénuées d'intérêt pour elle,
- que ces informations sont d'autant moins utiles pour cette société qu'elle commercialise un produit publicitaire substantiellement différent de celui du GIE, ne visant pas la même cible (l'auditorat des radios du GIE est constitué d'individus de 25 à 49 ans alors que le programme de Skyrock est destiné aux 13-19 ans qui constituent près de 42% de ses auditeurs), cependant que l'audience cumulée du GIE, de deux fois plus importante (7 450 000 auditeurs entre septembre 2005 et juin 2006) que celle de Skyrock (3 927 000 sur la même période), offre au groupement une capacité de négociation qu'elle n'a pas,
- que le GIE a, depuis sa création, confié en exclusivité la commercialisation de son produit "Les Indépendants" à la société Régie Radio Music qui est une filiale de la société LAP, la régie nationale du groupe Lagardère, son concurrent direct sur le marché de la publicité nationale,
- que la société Régie Radio Music commercialise aussi les espaces publicitaires des réseaux Europe 2 et RFM, le réseau Europe 1 étant quant à lui commercialisé par une autre filiale du groupe Lagardère, de sorte que LAP est en mesure de proposer aux annonceurs des couplages réunissant le GIE et les trois réseaux nationaux du groupe Lagardère (soit Europe 1, Europe 2 et RFM) à des conditions tarifaires particulièrement attrayantes, étant souligné que, si le GIE avait réellement à craindre une fuite d'informations confidentielles concernant la vente des espaces publicitaires de ses membres, jamais il n'aurait choisi la même régie que celle d'un des principaux groupes nationaux ni permis de tels couplages d'espaces ;
- que cette condition est en décalage injustifié avec la définition des radios de catégorie B telle que donnée par le CSA, qui réserve cette classification aux services diffusés par des opérateurs locaux ou régionaux indépendants, soit des services ayant une zone de desserte inférieure à 6 millions d'habitants (sauf pour les services autorisés à Paris-Ile-de-France) diffusant un programme local propre et non un programme national identifié ;
- que le seul critère d'indépendance acceptable consisterait à exiger de toute radio candidate qu'elle ne soit pas elle-même un réseau de diffusion à caractère national au sens de l'article 41-3, 4o b) de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, c'est-à-dire ne desservant pas une zone dont la population recensée est supérieure à 30 millions d'habitants, un tel critère se justifiant par le fait que tout réseau national, du fait de l'importance de sa zone de couverture, est censé pouvoir accéder lui-même au marché de la publicité radiophonique nationale,
- que le critère, qui revient à évincer une catégorie d'opérateurs, en tout cas elle-même, du marché de la publicité radiophonique nationale, est disproportionné alors qu'il suffirait de demander à la radio candidate de souscrire des engagements de confidentialité suffisamment dissuasifs, ou de mettre en oeuvre des mesures d'organisation interne appropriées ;
Mais considérant que c'est par une juste appréciation des circonstances de la cause que le Conseil a retenu, d'une part, que le critère était défini objectivement et qu'il était suffisamment précis, étant observé que la dépendance peut résulter d'une multitude de situations, juridiques ou de fait, qui ne se prêtent pas à une définition préalable plus détaillée, d'autre part, qu'il était légitime en l'espèce, aucune considération tirée du dossier, où l'hypothèse d'infrastructures essentielles n'était pas invoquée, ne justifiant que soit imposé à un opérateur économique d'établir des relations structurelles ou de solidarité économique avec un concurrent direct, étant observé, de surcroît, qu'une clause de non-confidentialité ou "des mesures d'organisation internes appropriées de type muraille de Chine" ne seraient pas de nature à contrebalancer efficacement une telle contrainte ; que l'incompatibilité prétendue de ce critère avec la doctrine du CSA est sans emport dès lors que cette Autorité ne se détermine pas en considération des mêmes objectifs que le Conseil de la concurrence, ce que confirment les explications de la requérante elle-même selon lesquelles le CSA surveille l'indépendance des programmes diffusés, conformément à la définition donnée des services de catégorie B, et non l'indépendance juridique ou capitalistique visée par la clause critiquée ;
En ce qui concerne les autres contestations
Considérant que c'est vainement que la société Canal 9 critique la durée de la procédure d'admission telle qu'elle résulte du nouveau règlement intérieur, qu'elle juge excessive, et se plaint d'être obligée de se plier à ce nouveau processus pour un dossier en souffrance depuis quatre ans, à défaut de préciser en quoi ces éléments ne répondent pas aux préoccupations de concurrence identifiées, voire en suscitent d'autres ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le recours formé par la société Canal 9 contre la décision no 06-D-29 du Conseil de la concurrence en date du 6 octobre 2006 ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Canal 9 à payer au GIE Les Indépendants la somme de 15 000 euros et rejette sa demande ;
Condamne la société Canal 9 aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,