RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre A
ARRET DU 23 Octobre 2007
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/08960
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris, service du départage, section commerce, chambre 4, RG no 04/05128
APPELANT
Monsieur Thierry X...
...
91330 YERRES
représenté par Me Jean Jacques RECOULES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 81
INTIMEE
RATP
...
75599 PARIS CEDEX 12
représentée par Me Jocelyne GOMEZ-VAROMA, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1534
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Claude JOLY, Conseillère
Madame Claudine PORCHER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, présidente et par Mme Francine ROBIN, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur Thierry X..., embauché le 16 septembre 1991 en qualité d'attaché technique au département sécurité de la RATP avant d'être nommé agent de maîtrise le 1er janvier 1993, en congé sans solde du 28 juin 1999 au 12 avril 2003 pendant lequel il a créé une entreprise, la SARL « DEFENSE CONSULTING », a fait le 10 juin 2003 une déclaration d'accident de trajet de travail et a été arrêté jusqu'au 9 novembre 2003.
Le 12 novembre 2003, le secteur accident du travail du régime de protection sociale de la RATP a notifié Monsieur Thierry X... l'annulation des décisions antérieures portant sur la reconnaissance de l'accident du 10 juin 2003 en accident du travail.
Le 2 janvier 2004, Monsieur Thierry X... a été convoqué par son employeur à un entretien préalable à une mesure disciplinaire du second degré pour le 14 janvier 2004 avant de comparaître devant le Conseil de discipline le 26 février 2004.
Le 24 mars 2004, suite à l'avis donné par le Conseil le 12 mars 2004, la RATP a notifié à Monsieur Thierry X... une rétrogradation, à effet du 29 mars 2004, dans la catégorie opérateur au niveau E 10 base, pour déloyauté dans l'entreprise caractérisée par une déclaration d'accident erronée et inexacte ainsi qu'une activité professionnelle extérieure.
Contestant le bien fondé de la sanction prise à son encontre, Monsieur Thierry X... a saisi, le 14 avril 2004, le Conseil de Prud'hommes de PARIS qui, par jugement rendu par la formation de départage le 5 juillet 2005 et notifié le 12 septembre 2005, l'a débouté de sa demande.
Le 6 octobre 2005, Monsieur Thierry X... a interjeté appel de cette décision.
Après un congé sans solde du 4 mai 2004 au 4 mars 2005, Monsieur Thierry X... a été arrêté pour maladie à compter du 15 juillet 2005.
Le 30 Novembre 2005, la Caisse de Coordination aux Assurances Sociales de la RATP a informé Monsieur Thierry X... de sa décision de le considérer en position de maladie non indemnisée du 15 juillet 2005 au 12 décembre 2005 inclus au motif de l'exercice d'une activité prohibée pendant l'arrêt de travail et pour non-respect de la réglementation en vigueur , confirmée le 19 décembre 2005.
Le 5 décembre 2005, la RATP a convoqué Monsieur Thierry X... à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire fixé au 20 décembre 2005 avant de le faire déférer à l'issue de l'audience préparatoire tenue le 6 février 2006 devant le Conseil de discipline réuni le 22 février 2006 et de lui notifier, suite à l'avis émis par ce dernier, sa révocation à effet du 4 mars 2006 pour agissements constitutifs d'une faute grave.
Par conclusions visées et développées à l'audience, Monsieur Thierry X... invoque la nullité des rapports ayant servi de fondement à la sanction de rétrogradation pour défaut d'assermentation des deux agents et de leur contrôle effectué à l'extérieur soit en dehors des règles fixées par la RATP, fait valoir que la réalité de l'accident du travail du 10 juin 2003 est établie par le témoignage d'une personne présente sur les lieux au moment des faits et l'absence d'activité salariée pendant son arrêt de travail par les nombreuses attestations versées aux débats et soutient qu'il a dû subir pendant des années le harcèlement moral de certains de ses supérieurs hiérarchiques.
Il prétend que sa révocation en période de congé longue durée pour maladie et sous l'égide de l'article 88 du statut du personnel a été prononcée en dépit de l'avis contraire de l'Inspection du travail et en violation manifeste des dispositions légales et statutaires applicables, qu'il a été victime d'une discrimination et que la COTOREP, deux mois après cette sanction, l'a admis au bénéfice des travailleurs handicapés.
Il sollicite, à titre principal, l'annulation des deux sanctions, sa réintégration aux conditions et classifications antérieures au 24 mars 2004 et la condamnation de la RATP à lui payer la somme de 6 831 euro au titre de la perte de salaires entre la rétrogradation et la révocation et lui verser les salaires sur la base brute mensuelle de 2 310 euro qu'il aurait dû percevoir entre sa révocation et sa réintégration.
Subsidiairement, il demande en cas de maintien de la sanction de 2004 et d'annulation de celle de 2006, sa réintégration sur la base d'un salaire brut mensuel de 2 013 euro.
En cas d'annulation de la rétrogradation et de maintien de la révocation, il sollicite la condamnation de la RATP au paiement de la perte de salaires entre 2004 et 2006, d'une somme de 6 930 euro d'indemnité de préavis et 693 euro de congés payés afférents ainsi que 55 440 euro d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A défaut d'annulation des deux sanctions, il demande de condamner la RATP à 6 039 euro d'indemnité compensatrice et 603 ,90 euro de congés payés afférents ainsi qu'à 48 312 euro d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause, il sollicite une somme de 150 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral et 3 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions visées et développées à l'audience, la RATP fait valoir que les deux sanctions reposent sur des décisions, prises par l'organisme gérant le régime spécial de sécurité sociale de ses agents et opposables à Monsieur X... et, sont justifiées au regard de son comportement fautif et répété qui contrevient à l'interdiction des cumuls d'emploi et aux dispositions des articles 3 et 88 du statut du personnel.
Elle invoque l'absence de faits de harcèlement invoqués pour la première fois devant la Cour et en contradiction totale avec la demande de réintégration dans l'entreprise.
Elle sollicite la confirmation du jugement rendu le 5 juillet 2005, le débouté de Monsieur Thierry X... de l'intégralité de ses demandes et la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Sur Ce, La Cour,
Sur l'annulation de la sanction du 24 mars 2004.
L'article 88 du statut du personnel de la RATP soumet le paiement du salaire ainsi que la gratuité des soins à l'obligation pour les bénéficiaires d'un congé maladie de quelque nature que ce soit de se soumettre aux visites médicales et aux contrôles de la CCAS et de s'abstenir de toute activité, rémunérée ou non, sauf autorisation expresse de l'employeur et prévoit expressément que tout agent ayant enfreint cette dernière prescription peut être déféré devant le Conseil de discipline et par conséquent faire l'objet d'une mesure disciplinaire pour manquement à cette réglementation.
L'appréciation par la caisse des faits motivant l'annulation de la reconnaissance de l'accident du 10 juin 2003 en accident du travail et la suppression du versement des prestations et par le tribunal des affaires sociales ne s'impose pas au juge prud'homal compétent pour déterminer si la mesure disciplinaire prononcée est justifiée par les griefs invoqués soit en l'espèce pour déloyauté dans l'entreprise caractérisée par une déclaration d'accident erronée et inexacte ainsi qu'une activité professionnelle extérieure.
Le rapport précis et détaillé établi le 6 novembre 2003 par Messieurs Y... et Z..., peu important le défaut d'assermentation de ce dernier lors du contrôle de Monsieur X... dont il n'est pas justifié qu'il ait été effectué hors des limites réglementaires, fait état de la présence de Monsieur X... à des heures de sorties non autorisées et en tenue de sport dans la salle de musculation du centre sportif de saint Maur où se déroulait un stage de tonfa à l'intention de la police municipale de cette ville et de ce que l'intéressé aurait alors indiqué n'être là que pour superviser les formateurs, employés de sa société, ce qui constitue en soi une activité professionnelle.
Ce rapport, les pages du site WEB de proposition de stages en son nom suffisent à établir l'exercice par Monsieur X... d'une activité professionnelle extérieure pendant son arrêt de travail pour accident de trajet et par conséquent d'un manquement de ce dernier à la réglementation interne de la régie justifiant la mesure disciplinaire prononcée le 24 mars 2004.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré qui a débouté Monsieur Thierry X... de sa demande en annulation de cette sanction.
Sur le harcèlement moral.
En application de l'article L 122-49 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et morale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément à l'article L 122-52 du même code, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Monsieur Thierry X... invoque un rapport du Cabinet Emergences du 30 novembre 2004 établi suite à la demande du CHSCT portant sur des situations de harcèlement moral et des discriminations évoquées au sein du département environnement et sécurité de la RATP.
Outre le fait que Monsieur X... ne travaillait plus dans ce département depuis 1999, le rapport qui avait pour objectif non pas d'enquêter sur des faits précis de harcèlement mais de rechercher les facteurs de risques, d'analyser les situations de travail des agents et d'aider à la construction des propositions de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail, fait état de ce qu' aucune preuve de harcèlement ne peut être donnée.
Il invoque également l'acharnement de la RATP par l'intermédiaire de la CCAS caractérisé par les contrôles incessants et les remises en cause de ses absences ainsi que par les sanctions disciplinaires prononcées à son encontre.
Les contrôles en question émanent non pas de l'employeur RATP mais de l'organisme en charge du régime spécial de sécurité sociale et en tout état de cause sont prévus par les textes.
Par ailleurs le fait d'infliger au salarié des sanctions relève du pouvoir disciplinaire de l'employeur et ne suffit pas à caractériser le harcèlement moral.
Monsieur Thierry X... produit également les attestations de Messieurs A..., B..., C... et D... faisant état de pressions exercées par Monsieur Pierre E... sur l'intéressé et de ce qu'il le traitait parfois de « petit con », « gros », « Monsieur gros bras » et tenait des propos désobligeants.
La RATP établit que les quatre agents ayant ainsi témoigné ont eux-mêmes engagé une procédure sur le fondement de l'article L 122-49 du code du travail dont ils ont été déboutés et ont produit dans le cadre de leur instance une attestation de Monsieur X... , que ce dernier n'a travaillé avec Monsieur E... qu'entre le 1er février 1998 et le 28 juin 1999, et par des attestations de Monsieur F..., DENIS, BANOS, BINOIS, GASNIER, agents travaillant avec Monsieur E... que les termes « gros », « grand » et les propos tenus ne dépassaient pas ceux habituellement utilisés dans le milieu professionnel de l'intéressé.
Au vu de ces éléments, la preuve d'agissements répétés de la part de l'employeur caractérisant un harcèlement moral, invoqué pour la première fois en cause d'appel, n'est pas rapportée.
Il convient en conséquence de débouter Monsieur Thierry X... de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur la révocation.
Dans la lettre de révocation du 28 février 2006, la RATP reproche à son agent d'avoir, les 23 et 25 novembre 2005, alors qu'il était en arrêt maladie, assuré l'accueil et l'information de visiteurs sur un stand commercial du salon Milipol en fournissant notamment des renseignements sur les stages payants dont il assure pour certains l'encadrement et invoque ainsi un manquement aux dispositions de l'article 88 du statut du personnel.
Cet article en ce qu'il fait partie intégrante de la réglementation interne à la RATP et prévoit la possibilité, en cas de non respect de certaines de ses dispositions d'une saisine du conseil de discipline, peut fonder une mesure de révocation.
Pour justifier de la faute grave reprochée à Monsieur X..., la RATP produit le rapport établi le 25 novembre 2005 par Messieurs Z... et Y... pour la CCAS et les attestations de Monsieur G... et de Monsieur H....
Si ces pièces démontrent la présence de Monsieur X... au salon MILIPOL le 23 et le 25 novembre 2005, elles ne suffisent pas à établir qu'il y exerçait une activité dès lors qu'il a été vu sur plusieurs stands (PROTECOP et Fédération Française de Bâton de Défense), qu'il n'est fait état que de la fourniture de renseignements et d'un document intitulé « planning des stages septembre 2005/juin 2006 » dont aucun exemplaire permettant d'en apprécier le contenu n'a été produit.
Il n'est pas non plus justifié de cette présence au salon en dehors des heures de sortie autorisées ni que sa situation d'agent en position de maladie lui interdisait l'utilisation de son badge d'accès RATP pour accéder à ce salon.
La révocation prononcée le 28 février 2006 n'est par conséquent pas fondée.
Le salarié malade n'est pas un salarié protégé et peut être licencié pendant son arrêt maladie pour un motif étranger à sa maladie.
La révocation de Monsieur Thierry X... n'étant pas fondée sur son état de santé, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande en nullité de la rupture et en réintégration.
La révocation ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse, il convient de condamner la RATP à lui payer la somme de 6 039 euro d'indemnité de préavis et de 603 euro de congés payés afférents et compte tenu de l'ancienneté et des pièces produites d'indemniser le préjudice subi par Monsieur Thierry X... du fait de la rupture abusive de son contrat par une somme de 20 000 euro.
Par ces motifs,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Thierry X... de sa demande en annulation de la sanction du 24 mars 2004.
Déboute Monsieur Thierry X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Dit la révocation de Monsieur Thierry X... non fondée.
Condamne la RATP à lui payer 6 039 euro (six mille trente neuf euro) d'indemnité de préavis et 603 euro (six cent trois euro) de congés payés afférents ainsi que 20 000 euro (vingt mille euros) d'indemnité pour rupture abusive de son contrat de travail.
Condamne la RATP aux dépens et à payer à Monsieur Thierry X... la somme de 1 500 euro (mille cinq cents euro) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT