Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section B
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2007
(no 528 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/09036
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 21 Mai 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2007028734 rendue par Madame LEVASSEUR
APPELANTS
Monsieur Thierry Y...
...
75008 PARIS
Monsieur Régis Z...
...
92200 NEUILLY SUR SEINE
S.A. NE VARIETUR, représentée par son Directeur Général
9 square Moncey
75009 PARIS
représentés par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assistés de Me Pierre SUDAKA, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
LA SOCIÉTÉ L-A FINANCES, prise en la personne de ses représentants légaux
16 place Vendôme
75001 PARIS
LA SOCIÉTÉ BLEU, prise en la personne de ses représentants légaux
16 place Vendôme
75001 PARIS
représentés par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistés de Me Christophe BOUCHEZ, avocat au barreau de PARIS, T 006
S.A.S. COGAC, prise en la personne de ses représentants légaux
6 rue Curonsky
75017 PARIS
représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assisté de Me Dimitri LECAT, avocat au barreau de Paris, J 007 (SCP FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER)
LA SOCIÉTÉ AB 2000, prise en la personne de ses représentants légaux
23 avenue Marceau
75116 PARIS
défaillante
LA SOCIÉTÉ SYSTÈME EXPERT ACCOMPAGNEMENT DE PROJETS, prise en la personne de ses représentants légaux
38 rue de la Montagne Sainte Geneviève
75005 PARIS
défaillante
Monsieur Denys E...
...
75012 PARIS
défaillant
Monsieur Jean-René E...
...
75116 PARIS
défaillant
Monsieur Stéphane F...
...
75016 PARIS
défaillant
*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 juillet 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FEYDEAU, président
Mme PROVOST-LOPIN, conseiller
Mme DARBOIS, conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme FEYDEAU
Ministère Public : Mme HOULETTE, avocat général, laquelle a été entendue en ses observations
Greffier : lors des débats, Mme TURGNÉ.
ARRÊT : - DÉFAUT, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
- signé par Mme FEYDEAU, président et Mme TURGNÉ, greffier présent lors du prononcé.
*
Vu l'appel formé par M. Thierry Y..., M. Régis Z... et la société NE VARIETUR de l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 21 mai 2007 qui, sur la demande de la société L-A FINANCES et de la société BLEU, a ordonné une expertise pour déterminer le prix de vente, au 31décembre 2005, des 11660 actions détenues par la société BLEU, représentant 10% du capital de la société NE VARIETUR ;
Vu les conclusions du 11 juin 2007 par lesquelles les appelants poursuivent l'infirmation de l'ordonnance et demandent à la cour, au visa des statuts de la société NE VARIETUR, du protocole d'accord du 3 août 2000, de la lettre accord de M. Thierry Y..., M. Régis Z... du 3 août 2000, de la convention d'actionnaires du 17 août 2000, de la convention des obligations convertibles en actions du 17 août 2000, de l'article 1134 du code civil et de l'article 872 du nouveau code de procédure civile :
* "de dire et juger" dans les termes énoncés au dispositif pour arriver essentiellement à :
- déclarer sans fondement la demande de fixation du prix des actions de la société NE VARIETUR au 31 décembre 2005, dès lors que lesdites actions n'étaient ni disponibles ni cessibles au bénéfice de M. Thierry Y..., M. Régis Z... ;
- dire n'y avoir lieu à référé compte tenu de la complexité du dossier, de l'absence d'urgence et de l'existence d'une contestation sérieuse,
*"pour le cas où la cour croirait devoir statuer autrement":
o faire porter la mission de l'expert sur la valorisation des actions de la société NE VARIETUR au 26 février 2006, date de l'offre de cession de la société L-A FINANCES et de la société BLEU, en tenant compte des charges et conditions qui affecteraient la cession c'est à dire :
- de la reprise de l'ensemble des engagements du cessionnaire,
- de la mise sous séquestre des actions,
- de l'éventuelle dépossession du cessionnaire des dites actions pour garantir le remboursement des obligations convertibles en actions
o "dire et juger"que, compte tenu des règles impératives du droit de la concurrence et du droit pénal applicables aux marchés publics de réseaux de chaleur sur lesquels interviennent les filiales du Groupe THION et GAZ de FRANCE, l'expertise ne pourra être ouverte à d'autres actionnaires que L-A FINANCES et NE VARIETUR et des obligations strictes de confidentialité devront être imposées à L-A FINANCES ;
* en toute hypothèse :
o condamner in solidum la société L-A FINANCES et la société BLEU à payer à chacun des appelants la somme de 7 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
ocondamner la société L-A FINANCES et la société BLEU aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les conclusions du 28 juin 2007 aux termes desquelles les sociétés L-A FINANCES et BLEU sollicitent la confirmation de l'ordonnance et la condamnation solidaire des appelants à leur payer 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ;
Vu les conclusions de la société COGAC, du 26 juin 2007, tendant à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation in solidum des appelants à lui payer 5 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
La société AB 2000, la société SYSTEME EXPERT ACOMPAGNEMENT DE PROJETS, M. Denys E..., M. Jean-René E... et M. Stéphane F..., régulièrement assignés les 6 et 11 juin 2007, n'ont pas constitué avoué ;
Certains de ces intimés n'ayant pas été touchés à leur personne le présent arrêt sera rendu par défaut ;
LA COUR,
Considérant qu'il ressort des écritures des parties et des pièces versées aux débats que M. Thierry Y..., M. Régis Z..., la société L-A FINANCES, la société COGAC (filiale de GAZ de FRANCE) et divers autres actionnaires minoritaires ont signé, le 3 août 2000, un ensemble de conventions relatives à leur participation au capital de la société NE VARIETUR et à la reprise par cette dernière du groupe THION, dont, notamment, un protocole d'accord, et diverses lettres-accords ;
Qu'au nombre de ces dernières, figure une promesse unilatérale de rachat, consentie par MM Y... et Z... à L-A FINANCES qui l'a acceptée, aux termes de laquelle les promettants se sont engagés, au nom et pour le compte d'une société NEW CO qu'ils devaient constituer, à acheter à L-A FINANCES ou à toute autre société qu'elle contrôlerait, la totalité des actions par elle détenues dans le capital de NE VARIETUR ou de toute autre société qui lui aurait succédé dans la détention des actions de la société THION et de ses filiales, "dans le cas où, à l'expiration d'un délai de cinq ans et quatre mois à compter de ce jour (3 août 2000) L-A FINANCES serait toujours propriétaire des actions en raison de la non levée de la promesse (par elle) consentie à la société COGAC aux termes de la convention d'actionnaires"; qu'il était précisé dans cette lettre que "l'engagement d'achat de NEW CO" était "ferme, définitif et irrévocable", que L-A FINANCES pourrait "l'exercer à première demande de sa part pendant une période de trois mois commençant à courir dès le premier jour suivant l'expiration du délai de cinq ans et quatre mois visé ci-dessus et à condition que la société COGAC n'ait pas levé la promesse rappelée ci-dessus" et que le prix d'achat des actions serait "déterminé par un expert conformément aux dispositions de l'article 1592 du code civil" ;
Considérant que la société L-A FINANCES et sa filiale la société BLEU, détentrice de 11 660 actions de la société NE VARETUR, soit 10 % du capital, ont levé l'option par lettre du 28 février 2006 adressée à MM Y... et Z... aux termes de laquelle elles leur ont proposé de céder les actions au prix de 6 004 900 € soit 515 € par action et rappelé qu'à défaut d'accord sur ce prix, il conviendrait de le faire fixer à dire d'expert conformément à leurs conventions ;
Que cette levée d'option a été notifiée les 1er et 2 mars 2006 à l'ensemble des autres actionnaires afin que ceux-ci puissent exercer leur droit de préemption conformément à l'article 2 du pacte d'actionnaires conclu le 17 août 2000 et de l'article 8 des statuts de la société NE VARIETUR ;
Que, par courrier du 16 mars 2006, la société COGAC a fait connaître aux sociétés L-A FINANCES et BLEU "à titre conservatoire (son) intérêt d'user du droit de préemption conféré aux actionnaires de NE VARIETUR ... lorsque lui "aura été notifié le prix par action, fixé amiablement ou par expertise" conformément aux accords conclus par ces sociétés avec Messieurs Y... et Z... ;
Que par lettre en réponse du 22 mars 2006, ces derniers, invoquant des procédures engagées devant le tribunal de commerce de Paris, le Conseil de la concurrence et la Commission européenne, ont proposé d'évoquer la proposition une fois que "les autorités compétentes auront éclairci la situation", ce à quoi les sociétés L-A FINANCES et BLEU se sont opposées par courrier du 28 avril 2006, estimant que ces procédures étaient sans incidence sur l'évaluation du prix des actions ;
Que c'est dans ces conditions que, faute d'avoir obtenu un accord sur le prix des actions ou sur la désignation d'un expert, les sociétés L-A FINANCES et BLEU ont, par assignation des 2 et 3 mai 2007, saisi en référé d'heure à heure le président du tribunal de commerce qui a fait droit à leur demande d'expertise au terme de l'ordonnance entreprise ;
Considérant qu'au soutien de leur recours les appelants relèvent que selon l'article 5 du protocole d'accord conclu le 3 août 2000 avec la société COGAC, cette dernière dispose de la faculté d'opter :
- soit pour la conversion de ses obligations convertibles en actions (OCA) de la holding
- soit pour leur remboursement en numéraire, étant précisé que, dans cette hypothèse : oCOGAC pourrait être tenue d'accepter que ce remboursement soit effectué en tout ou partie par la remise d'actions SOCCRAM détenues par la holding NE VARIETUR,
osi la valeur des actions SOCCRAM était insuffisante, le complément interviendrait par transmission d'actions NE VARIETUR détenues par les actionnaires minoritaires et par une certaine quantité d'actions des actionnaires majoritaires ;
o à titre de garantie, les actionnaires minoritaires ont consenti à COGAC une promesse de vente portant sur la totalité de leurs actions de la holding et les actionnaires majoritaires ont consenti une promesse de vente portant sur un nombre d'actions de la holding leur permettant de conserver 50,10% du capital de la holding ;
oen cas d'insuffisance de valeur des actions SOCCRAM remises à la société COGAC et des actions des actionnaires minoritaires et majoritaires le remboursement s'effectuerait sous forme d'une augmentation de capital au bénéfice de la société COGAC (sans toutefois qu'il puisse être porté atteinte à la participation majoritaire de MM. Y... et Z... ) ;
Qu'en application de l'article 5.5 (b) du pacte d'actionnaires, les actions des actionnaires minoritaires (notamment L-A FINANCES) sont séquestrées en garantie de la promesse de vente ;
Qu'ils prétendent que, la promesse de vente consentie à la société COGAC par la société
L-A FINANCES n'ayant pas été levée, les actions appartenant à cette dernière sont indisponibles pendant toute la période de validité du pacte d'actionnaires, soit pendant 15 ans ou, à tout le moins, jusqu'à la levée par COGAC de l'option dont elle bénéficie, et, par conséquent, qu'il n'est pas possible que la société L-A FINANCES exerce la promesse d'achat qui lui a été consentie et soutiennent, au surplus, que les statuts interdisent toute cession d'actions faisant l'objet d'un séquestre ;
Mais considérant que le pacte d'actionnaires énonce en son article 5.6 que les actions soumises aux promesses de vente consenties à COGAC pourront être cédées sous réserve:
- du respect du droit de préemption décrit à l'article 2 et du droit de cession conjointe décrit à l'article 3 ;
- de la substitution du cessionnaire aux diverses obligations du cédant au titre des divers accords passés entre les parties et, notamment, de la promesse de vente consentie à COGAC et du séquestre destiné à en garantir la réalisation ;
- de l'adhésion du cessionnaire des actions à la convention d'actionnaires, au protocole d'accord et à la convention de séquestre ;
Que, de toute évidence, ces conditions sont remplies en l'espèce dès lors que la levée d'option a été régulièrement notifiée aux autres actionnaires pour leur permettre d'exercer leur droit de préemption, que la société COGAC, bénéficiaire du séquestre des actions, a réaffirmé dans ses écritures devant la cour qu'aucune disposition contractuelle ne s'opposait à la cession aux actionnaires majoritaires des actions que la société L-A FINANCES détient dans le capital de NE VARIETUR et que MM. Y... et Z... ont adhéré aux différentes conventions pour en être les signataires ;
Qu'ainsi, contrairement à ce qu'allèguent les appelants, la cession des titres en cause est possible et conforme aux accords d'août 2000 sous réserve qu'en leur qualité de cessionnaires, tenus des obligations du cédant, ils maintiennent les actions sous séquestre tant que COGAC n'aura pas été intégralement remboursée de ses OCA, que ce soit par conversion des actions et/ou paiement en numéraire ;
Qu'en outre, la mesure de séquestre, qui ne constitue pas en elle-même un obstacle à la cession des actions, n'est pas contraire aux statuts de la société NE VARIETUR dont l'article 8.A.4 (b) selon lequel"les actions cédées devront être libres de tout privilège, sûreté, charge ou toute autre restriction ou limitation quelle qu'elle soit" s'applique à l'exercice du droit de préemption et non à la cession régie par les conditions particulières de l'article 5.6 du pacte des actionnaires ;
Considérant qu'il est constant que la levée d'option a été exercée par les sociétés L-A FINANCES et BLEU dans le délai prévu à la lettre-accord du 3 août 2000 ; qu'à la date du 28 février 2006 à laquelle a été exprimée la volonté de réaliser la cession, la promettante ou sa filiale étaient toujours propriétaires des actions, la société COGAC n'ayant pas levé la promesse de vente selon les modalités prévues à la convention d'actionnaires du 17 août 2000, à l'arrivée, le 17 novembre 2005, du terme contractuel des obligations convertibles en action ;
Que, sans qu'il soit besoin d'interpréter la convention des parties, il résulte clairement des termes de la lettre du 3 août 2000 que l'engagement d'achat de MM. Y... et Z... était ferme, définitif et irrévocable et nullement soumis au remboursement préalable de la dette obligataire de NE VARIETUR envers la société COGAC selon les modalités prévues à la convention du 17 août 2000 ; qu'aux termes de cette même lettre qui fait la loi des parties, "le prix d'achat des actions sera déterminé par un expert conformément aux dispositions de l'article 1592 du code civil" ;
Que c'est donc à juste titre que le président du tribunal de commerce a fait droit à la demande d'expertise en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 872 du nouveau code de procédure civile, l'urgence étant caractérisée par l'ancienneté de la date de levée d'option et l'obligation pour les promettants de se soumettre à cette mesure ne se heurtant à aucune contestation sérieuse ;
Considérant qu'il n'appartient pas au juge des référés de fixer les règles d'évaluation des actions dès lors que les parties sont convenues de les soumettre à l'arbitrage d'un tiers expert en application de l'article 1592 du code civil ; que la présence de la société COGAC à cette expertise est conforme aux prévisions de l'article 2.4(d) du pacte d'actionnaires fixant les modalités de fixation du prix des actions cédées, dans l'hypothèse du droit de préemption qu'elle s'est déclaré disposée à exercer ; que les exigences de confidentialité posées par les appelants dans la crainte de voir transmettre à la société COGAC des informations sensibles susceptibles de porter atteinte aux règles de la concurrence, écartées par la cour d'appel dans son arrêt du 8 septembre 2006, ne sont pas à ce jour plus justifiées, la détermination par l'expert du prix de vente des actions devant se faire sur la base d'informations portant sur la gestion de la société NE VARIETUR pour la période antérieure à la levée de la promesse et non sur les perspectives d'avenir et les objectifs futurs de cette société ;
Qu'il convient, dans ces conditions, de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, sauf à dire que l'évaluation des 11 660 actions de la société NE VARIETUR devra se faire à la date du 28 février 2006, date de la levée d'option, et non au 31 décembre 2005 comme décidé par le premier juge ;
Considérant que les appelants qui succombent en leur recours, supporteront les dépens d'appel et, pour des motifs tirés de l'équité, seront condamnés in solidum à payer aux sociétés L-A FINANCES et BLEU, d'une part, et à la société COGAC, d'autre part, une indemnité en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance sauf en ce qui concerne la date à laquelle l'expert devra évaluer les
11 660 actions de la société NE VARIETUR ;
Statuant à nouveau de ce seul chef :
Dit que cette évaluation se fera à la date du 28 février 2006 et non au 31 décembre 2005 ;
Condamne in solidum M. Thierry Y..., M. Régis Z... et la S.A NE VARIETUR à payer aux sociétés L-A FINANCES et BLEU, d'une part et à la société COGAC, d'autre part, une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. Thierry Y..., M. Régis Z... et la S.A NE VARIETUR aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT