Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
5ème Chambre - Section B
ARRET DU 31 MAI 2007
(no , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 04/12825
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2004 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG no 03/791
APPELANTE
SOCIÉTÉ LG ELECTRONICS FRANCE (anciennement GOLDSTAR France) prise en la personne de ses représentants légaux
117 avenue des Nations
93420 VILLEPINTE
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Jacques SIVIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque J 096, substituant Me Xavier NYSSEN, avocat au barreau de PARIS, toque : J 018, plaidant pour le Cabinet DECHERT, avocat
INTIMEE
S.A. TRANSPORT DISTRIBUTION LOGISTIQUE prise en la personne de ses représentants légaux
3 rue de Strasbourg
95380 LOUVRES
représentée par la SCP HARDOUIN, avoué à la Cour
assistée de Me Isabelle DE THIER, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Avril 2007, en audience publique, après qu'il en a été fait rapport conformément aux dispositions de l'article 785 du nouveau Code de procédure civile devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Monsieur Christian REMENIERAS, Conseiller
Madame Catherine LE BAIL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : M. Loïc GASTON
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président, et par M. Loïc GASTON, greffier auquel le magistrat signataire a remis la minute
Vu l'appel interjeté par la société GOLDSTAR FRANCE, d'un jugement prononcé le 7 mai 2004 par le tribunal de commerce de Bobigny (no de RG 2003F00791) ;
Vu les dernières écritures signifiées le 3 avril 2007 par la SARL LG ELECTRONICS FRANCE (anciennement GOLDSTAR FRANCE), appelante ;
Vu les dernières écritures signifiées le 28 mars 2007 par la SA TRANSPORT DISTRIBUTION LOGISTIQUE, intimée et appelante à titre incident ;
Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction intervenue le 4 avril 2007, avant l'audience ;
SUR CE :
Considérant que la SA TRANSPORT DISTRIBUTION LOGISTIQUE, ci-après TDL, société de transport, et la société GOLDSTAR FRANCE, devenue LG ELECTRONICS FRANCE, distributrice de produits informatiques, électroménager, téléphonie et autres, se sont trouvées en relations commerciales à partir de 1993 ; que ces relations portaient sur deux types de services, un service de messagerie (livraison de marchandises jusqu'à 500 kg dans toute la France sauf Région Parisienne) et un service d'affrètement de camions vides, dont le chargement s'effectuait chez le logisticien de GOLDSTAR ;
Considérant que ces deux sociétés ont signé, le 7 octobre 1998, un protocole aux termes duquel :
"Eu égard aux relations commerciales des deux sociétés, aux implications informatiques et aux moyens mis en oeuvre en raison de la spécificité et à la sensibilité du fret, nos sociétés respectives s'engagent à maintenir leurs relations commerciales par tacite reconduction. Par ailleurs en cas de désaccord il est convenu entre les parties sus-nommées qu'un préavis de six mois notifié par lettre recommandée en A.R. sera respecté.
Ce protocole est établi dans l'intérêt des parties, afin de sécuriser LG GOLDSTAR FRANCE d'une part, et de permettre à TDL Louvres d'investir et d'accroître son rôle de partenaire."
Considérant que, par acte du 1er avril 2003, la société TDL a fait assigner la société GOLDSTAR FRANCE devant le tribunal de commerce de Bobigny, pour avoir paiement d'une somme de 2 875 059 € outre 2 200 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en arguant des graves difficultés économiques causées à l'entreprise par une rupture brutale des relations commerciales imputable à la société GOLDSTAR ; que cette société a conclu au rejet des demandes de TDL, en faisant valoir notamment qu'il n'y avait pas eu rupture brutale des relations commerciales, qu'au contraire, les relations ayant commencé à se dégrader entre les parties au cours de l'année 2000, elle avait tout tenté pour obtenir une amélioration du service, et s'était comportée avec une totale loyauté ;
Considérant que LG ELECTRONICS ne critique pas le jugement déféré en ce qu'il a dit que, le préavis de six mois prévu au protocole en date du 7/10/98 n'ayant pas été notifié dans les formes prévues, TDL était fondée à obtenir une indemnité compensatrice du préjudice subi à ce titre ; que LG ELECTRONICS soutient que, en évaluant cette indemnité à six mois du chiffre d'affaires moyen réalisé par TDL avec GOLDSTAR pendant les trois années précédent la rupture, sans tenir compte du chiffre d'affaires résiduel correspondant aux transports (messagerie et affrètement) réalisés postérieurement à la rupture de décembre 2001, le tribunal a permis à TDL de dégager, pour le premier semestre 2002, deux fois son chiffre d'affaire semestriel moyen ; que LG ELECTRONICS ajoute que, en outre, le gain manqué correspond à la perte de marge et non à celle de chiffre d'affaires ; qu'elle en déduit que la réparation du préjudice résultant pour TDL du défaut de notification du préavis contractuel, ne saurait excéder 4 322 € (3 % x 144 067,10 €) ;
Considérant que TDL répond pertinemment que compte tenu de la spécificité de son activité, qui implique d'exposer en permanence des frais fixes, qui demeurent les mêmes, quel que soit le volume de la marchandise transportée (camion, gasoil, chauffeur, péages), c'est la perte de chiffre d'affaires qui doit être retenue comme base de calcul de son préjudice, et non, comme il est soutenu par l'appelante, une marge de 3 % qui correspond au bénéfice net, après impôt et amortissement des camions, personnels, carburants, bâtiments et frais de structure ;
Que TDL ajoute que s'agissant de la perte réelle de chiffre d'affaires, GOLDSTAR procède par amalgame, mais qu'il convient de distinguer la part de chiffre d'affaires correspondant à la messagerie, perdue en 2002, soit 762 845 € et la part de chiffre d'affaires correspondant à l'affrètement, dont la perte s'est réalisée en 2003, soit 505 991 € ; que la somme des deux s'élève à 1 268 836 €, proche de ce qui a été alloué par les premiers juges ;
Considérant que l'indemnité compensatrice de préavis, dans le cas d'espèce, doit s'évaluer, effectivement, non par référence à un manque à gagner en termes de marge, mais au regard du chiffre d'affaires dont a été privée la société TDL, alors que les charges qu'elle avait engagées continuaient à courir ; que c'est d'ailleurs dans cet esprit qu'un préavis de six mois a été prévu par le protocole du 7/10/98 puisqu'il précise qu'il "est établi dans l'intérêt des parties, afin de sécuriser LG GOLDSTAR FRANCE d'une part, et de permettre à TDL Louvres d'investir et d'accroître son rôle de partenaire."
Considérant que la prétention de LG ELECTRONICS à ce que soient prises en compte pour l'évaluation du préjudice de TDL les missions qu'elle a continué à confier à cette société, tant au titre des messageries que de l'affrètement au cours du premier semestre 2002, ne saurait prospérer, dans la mesure où il lui est justement reproché de ne pas avoir informé clairement sa partenaire commerciale de la fin de leurs relations, mais d'avoir au contraire organisé sournoisement l'effilochement de la relation commerciale, et sur une période qui, pour l'affrètement, s'est poursuivie jusqu'en 2003 ;
Considérant qu'eu égard à ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont alloué à la société TDL une indemnité égale à six mois du chiffre d'affaires moyen (messageries et affrètement) réalisé par TDL avec son client GOLDSTAR en 1999, 2000 et 2001, soit 1 271 079 € (2 542 158 € / 2) ;
Considérant que LG ELECTRONICS reproche ensuite au jugement entrepris de l'avoir condamnée à payer à TDL une indemnité de 14 921 € en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de leurs relations ; qu'elle soutient qu'il n'y a pas eu rupture brutale des relations commerciales, mais désengagement très progressif, et de surcroît partiel, qu'en conséquence, les dispositions de l'article L 442-6-1-5o du Code de Commerce ne trouvent pas à s'appliquer ; qu'elle ajoute que le tribunal a en outre ainsi indemnisé une deuxième fois TDL du préjudice résultant de l'absence de préavis ; qu'enfin, le préjudice allégué n'est nullement établi puisque le chiffre d'affaires global de TDL s'est maintenu sur les années 2000, 2001, 2002 et 2003, malgré le désengagement de GOLDSTAR ;
Considérant que les circonstances particulières de la cause révèlent, de la part de la société GOLDSTAR, devenue LG ELECTRONICS, l'intention de mettre fin à sa relation commerciale avec TDL, en se plaçant, délibérément et de manière sournoise, en dehors de l'accord conclu le 7/10/98, dans le but évident de se soustraire aux inconvénients qui auraient pu résulter pour l'exploitation de son entreprise de l'annonce, six mois à l'avance, de la fin de la collaboration des deux sociétés ; que ce manquement à la bonne foi requise dans l'exécution du contrat se confond, dans ses éléments comme dans ses effets, avec le non respect du préavis constitutif de la rupture brutale sanctionnée par l'article L 442-6-1-5o du Code de Commerce ;
Considérant que les éléments énumérés par TDL pour justifier sa demande à ce titre, à savoir notamment, outre la perte de chiffre d'affaires, les investissements tels que logiciel et récépissés spécifiques, le contrat conclu avec une société SCD afin de trouver rapidement de nouveaux clients, les coûts liés aux quatre camions et aux huit salariés affectés à GOLDSTAR, ont déjà été pris en compte pour l'évaluation de l'indemnité compensatrice de préavis ; qu'enfin, il n'est pas justifié du préjudice moral allégué ;
Que c'est donc à tort que les premiers juges ont alloué des réparations distinctes pour un même préjudice ; qu'il y aura donc lieu, réformant le jugement déféré sur ce point, de limiter la condamnation prononcée au bénéfice de TDL à 1 271 079 € ;
Considérant que la société TDL doit être déboutée de sa demande tendant à la réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait du redressement fiscal qu'elle aurait subi à la suite du paiement que lui a fait GOLDSTAR en vertu de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement querellé ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de condamnation à restitution des sommes payées au titre de l'exécution provisoire, l'obligation de remboursement résultant de plein droit de l'arrêt infirmatif ; que les intérêts moratoires sont dus à compter de sa signification ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société TDL l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer, qu'il lui sera en conséquence alloué une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en complément de la somme allouée au même titre en première instance ;
Considérant que la société LG ELECTRONICS, qui succombe pour l'essentiel, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société LG GOLDSTAR France à payer à la société TDL la somme de 1 286 000 € à titre de dommages et intérêts,
Le réformant sur ce seul point et y ajoutant,
Condamne la société LG ELECTRONICS, anciennement GOLDSTAR France, à payer à la société TDL la somme de 1 271 079 €, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2003,
Déboute la société TDL de sa demande de paiement d'une somme de 473 469 € au titre de l'impôt sur les sociétés qu'elle a dû acquitter,
Condamne la société LG ELECTRONICS, anciennement GOLDSTAR France, à payer à la société TDL la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Déboute les parties de leurs autres demandes contraires aux motifs ci-dessus,
Condamne la société LG ELECTRONICS, anciennement GOLDSTAR France aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT