RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre C
ARRET DU 10 mai 2007
(no , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/01316
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 mars 2004 par le conseil de prud'hommes de Bobigny - section commerce - RG no 03/01604
APPELANTE
Melle Catherine X...
...
94350 VILLIERS SUR MARNE
comparant en personne, assistée de Me David Y..., (SCPA Y... - SEVIN - RAYMONDJEAN, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB 05
INTIMEE
SA IFFIG
424 La Closeraie Mont d'Est
BP 318
93194 NOISY LE GRAND CEDEX
représentée par Me Marie -Laure TREDAN (CMS Bureau Francis Z...), avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : NAN701 substitué par Me Tiphaine A..., avocat au barreau de HAUTS DE SEINE,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise CHANDELON, conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Gérard PANCRAZI, président
Mme Françoise CHANDELON, conseiller
M. Eric MAITREPIERRE, conseiller
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par M. Gérard PANCRAZI, président
- signé par M. Gérard PANCRAZI, président et par Mme Francine ROBIN, greffier présent lors du prononcé.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Catherine X... à l'encontre d'un jugement prononcé le 30 mars 2004 par le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY qui a statué sur le litige qui l'oppose à la société IFFIG sur ses demandes relatives au licenciement dont elle a été l'objet,
Vu le jugement déféré qui a condamné la société IFFIG à verser à Catherine X... :
- 1.426,29 € au titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
- 750 €au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
la déboutant de ses autres prétentions ;
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles,
Catherine X..., appelante, poursuit la confirmation du jugement déféré du chef des condamnations prononcées, son infirmation pour le surplus et sollicite que la société IFFIG soit condamnée à lui payer :
- 38.556 € pour rupture abusive du contrat de travail,
- 10.000 € pour le préjudice moral subi,
- 750 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
La société IFFIG, intimée, conclut à l'infirmation du jugement, au débouté de l'intégralité des demandes formulées par Catherine X... et sollicite le paiement de la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
CELA ETANT EXPOSE
Par contrat à durée indéterminée du 9 septembre 1998 suivant un contrat de qualification, Catherine X... a été embauchée par la société IFFIG, qui exerce une activité de routage.
Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de Conducteur régleur, statut ouvrier, coefficient 153 de la convention collective de la Logistique de Publicité Directe applicable, moyennant un salaire mensuel de 1.426,29 €.
Le 18 juin elle était convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 25 suivant.
Elle était licenciée le 9 juillet 2002 en ces termes :
"Votre attitude conflictuelle avec les employés de la société ne vous permet pas d'assurer correctement votre travail.
La continuation de votre emploi entraînerait une dégradation de la qualité du travail que nous ne pouvons faire supporter à nos clients".
SUR CE
Sur le licenciement
Considérant que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à Catherine X... son inaptitude à réaliser la tâche qui lui est confiée, ce qui correspond à la définition même de l'insuffisance professionnelle ;
Qu'elle impute cette inaptitude à son attitude conflictuelle avec les employés de la société ;
Considérant qu'il résulte des débats et des pièces produites que Catherine X... a entretenu, de 1998 à 2001, une relation amoureuse avec un autre salarié de l'entreprise, Chet GNANKINE ;
Que leur liaison s'est mal terminée, une altercation les opposant sur le lieu de travail motivant le licenciement du concubin le 30 novembre 2001 ;
Considérant que cette rupture a profondément affecté Catherine X... qui a été arrêtée pour maladie du 11 au 30 décembre 2001, sollicité un congé sans solde du 18 février au 22 avril 2002 au cours duquel elle a été à nouveau arrêtée pour maladie du 14 avril au 19 mai puis du 22 mai au 15 juin ;
Qu'elle a ensuite pris ses congés payés du 17 juin au 10 juillet 2002 ;
Considérant que pendant ses périodes d'activité, soit du 31 décembre 2001 au 17 février 2002 et le 21 mai de la même année, sept des huit salariés de l'entreprise témoignent de son incapacité à tenir son poste de travail malgré le soutien et l'écoute de l'ensemble de ses collègues et du dirigeant, M. B...:
- Mlle C... précise qu'elle n'avait plus la tête à accomplir ses tâches professionnelles,
- M. D... ajoute que ses conflits perturbaient son travail, qu'elle créait des discordes entre les personnes ;
- Mme E..., mère d'un salarié handicapé qu'elle accompagne chaque matin sur son lieu de travail, atteste l'avoir vu en novembre et décembre en larmes, debout devant la fenêtre ou assise par terre ;
-M. SAGE-VALLIER, son fils, expose avoir été perturbé dans son travail pour essayer de calmer ses crises de larmes ;
- Mme F... confirme qu'elle se mettait souvent seule dans un coin pour pleurer et que ses problèmes occasionnaient des erreurs dans son travail,
- M. G..., son responsable d'atelier indique qu'en raison de ses retards répétitifs, pleurs incessants et absence de professionnalisme à son poste, il ne pouvait plus compter sur elle et devait donner une partie de son travail aux autres salariés ;
- M. H... confirment que ses responsables étaient contraints de refaire son travail de mauvaise qualité,
- M. I... fait état de ses fréquents retards, de son absence de fiabilité, ayant relevé des erreurs répétées dans le choix des fichiers ou l'édition du courrier, obligeant sa hiérarchie à contrôler l'ensemble de son travail, imputant ces problèmes à ses larmes consécutives aux altercations avec son compagnon,
- M. J... précise avoir dû accomplir le travail à sa place du fait des erreurs de tri et mauvaise qualité d'édition ;
Considérant que l'inaptitude à remplir ses fonctions consécutives à ses difficultés personnelles est parfaitement établie par les témoins ;
Qu'elle même ne le contestait d'ailleurs pas, confiant :
- à M E..., "il faut que je quitte la société du fait de mon attitude",
- à M. D..., que M. B... avait été trop gentil et qu'elle aurait dû être licenciée depuis longtemps,
avant d'affirmer, au cours de l'entretien de licenciement, au terme du procès verbal rédigé portant sa signature qu'il était exact:
- que son état, qui ne s'était pas améliorée, malgré son congé sans solde, ne lui permettait plus d'assurer sa tâche correctement,
- qu'elle ne pouvait plus assumer son travail,
Qu'elle avait d'ailleurs, le 11 février, motivé sa demande de congé par le fait qu'elle avait des problèmes personnels et ne souhaitait pas perturber le fonctionnement de l'entreprise ;
Considérant que pour contester néanmoins le licenciement, Catherine X... soutient qu'il serait nul :
- au visa de l'article L122-45 du Code du travail, au motif que les pleurs constatés par tous les salariés traduiraient son inaptitude physique, à l'origine de son licenciement ;
- au visa de l'article R241-51 du même Code, en l'absence de visite médicale de reprise après un arrêt de 21 jours ;
Considérant cependant, sur le premier fondement, que bien qu'étroitement suivie par le corps médical, Catherine X... a été autorisée à reprendre le travail à compter du 31 décembre 2001 au 13 avril 2002 ;
Qu'elle doit donc être considérée, pendant cette période et jusqu'à preuve contraire, qu'elle ne rapporte pas, physiquement apte à réaliser son travail dans des conditions normales ;
Que preuve étant rapportée de son insuffisance professionnelle consécutive à la rupture de ses relations amoureuses, il ne peut être reproché à l'employeur de l'avoir licenciée en raison d'un état de santé déficient qui n'est pas établi et qui ne peut être présumé du seul fait qu'elle avait de fréquentes crises de larmes ;
Considérant qu'au cours de la même période, les arrêts maladie n'ont jamais atteint 21 jours, n'imposant pas à l'employeur d'organiser une visite de reprise ;
Que ce seuil n'a été dépassé que le 19 mai 2002, l'arrêt étant de 33 jours ;
Que cependant, Catherine X... n'ayant repris le travail qu'une seule journée, aucun grief ne peut être adressé à l'employeur qui disposait d'un délai de huit jours pour organiser cette visite ;
Que n'ayant pas repris son activité dans la société après son dernier arrêt de travail expirant le 15 juin 2002 dans la mesure où elle a pris son solde de congés payés, avant d'être, dans le cadre du licenciement, dispensée de son préavis, l'employeur n'était pas davantage en mesure d'organiser la visite ;
Considérant enfin qu'une éventuelle carence de l'employeur à ce niveau ne saurait affecter la cause du licenciement consécutif à l'insuffisance professionnelle constatée à compter de novembre 2001 ;
Considérant en conséquence qu'il convient, confirmant le Jugement déféré, de débouter Catherine X... de sa demande tendant à voir juger le licenciement intervenu nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que de celle, subséquente, d'indemnisation de son préjudice moral ;
Sur l'irrégularité de procédure évoquée
Considérant que Catherine X... soutient que la lettre de licenciement est irrégulière pour avoir été remise en main propre contre décharge au lieu d'avoir été adressée en recommandé ;
Considérant cependant que cette dernière formalité prescrite par l'article L122-14-1 du Code du travail n'est qu'un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement ;
Qu'il ne s'agit pas d'une formalité substantielle dont l'inobservation entraîne le droit pour le salarié au paiement d'une indemnité ;
Que le Jugement sera donc infirmé pour avoir alloué une indemnité sur ce fondement à la salariée ;
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que Catherine X..., succombant en toutes ses demandes, ne saurait y prétendre ;
Que le Jugement sera donc réformé de ce chef ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'application de ces dispositions au profit de la société IFFIG ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme pour partie le jugement déféré ;
Déboute Catherine X... de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne Catherine X... aux dépens.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :