Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 31 JANVIER 2007
(no , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/14855
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Juillet 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 06/56177
APPELANTE
LA SOCIÉTÉ TBI SHAM
SA
agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d'Administration
ayant son siège social au 33 rue du Chemin Vert
78610 LE PERRAY EN YVELINES
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me Alain TILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1669
INTIMÉE
LA SNC MARIGNAN CPI
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social au 88 rue de Villiers
92300 LEVALLOIS PERRET
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Eric GOMEZ (SELARL MOLAS ET ASSOCIES), avocat au barreau de PARIS, toque : L 205
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Décembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Marcel FOULON, Président
Madame Marie-José PERCHERON, Conseiller
Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Delphine LIEVEN
ARRÊT :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Marcel FOULON, Président
- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Melle Delphine LIEVEN, greffier présent lors du prononcé.
FAITS CONSTANTS
1- Par contrat du 10 juillet 2003 le conseil supérieur du notariat (maître d'ouvrage) confiait à la SNC MARIGNAN CPI (la SNC) en qualité de promoteur les travaux de rénovation et de construction d'un immeuble, la livraison étant prévue pour le 15 juin 2005.
2- La SA TBI SHAM (TBI) était chargée par le promoteur de l'exécution des travaux de construction tous corps d'état suivant lettre commande du 5 août 2003 puis engagement du 16 septembre 2003 pour un montant global forfaitaire non révisable, non actualisable de 11 708 525 € HT.
3- Un nouveau contrat-avenant intervenait le 16 mai 2005.
4- Sur demande de la SNC, et au contradictoire de TBI, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris ordonnait une expertise confiée à Monsieur Z... par ordonnance du 25 novembre 2005.
5- Par lettre du 24 avril 2006, la SNC mettait en demeure TBI dans les 48 heures :
- de répondre à certaines questions techniques,
6- - de reprendre l'ensemble des réserves et non façons,
7- - d'être en mesure de livrer le bâtiment au plus tard le 5 mai 2006.
8- Le 16 mai 2006, la SNC signifiait à TBI un acte de résiliation de plein droit du marché avec commandement d'avoir à quitter les lieux.
9- Le même jour, l'huissier de justice désigné par la SNC (la SCP JOURDAIN et DUBOIS) se présentait sur le chantier, apposait des scellés sur le local utilisé par TBI , et ...
10- et emporait des documents concernant le chantier.
11- Par ordonnance du 7 juin 2006 le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris déboutait TBI de ses demandes tendant :
- à obtenir la poursuite du marché,
12- - la restitution de certains documents (ceux visés au § précédent),
13- - la suspension des travaux entrepris par la SNC,
14- et déboutait la SNC de sa demande reconventionnelle en constat du jeu de la clause résolutoire.
15- Sur requête de TBI le président du tribunal de grande instance de Paris, par ordonnance du 9 juin 2006 désignait un constatant avec pour mission notamment de "procéder à un inventaire des documents qui sont détenus par la SCP JOURDAIN et DUBOIS (huissier de justice) soit en sa qualité de mandataire de la SNC soit de sa propre initiative".
16- Le constatant effectuait sa mission et déposait un rapport le 12 juin 2006 plaçant les cartons de documents inventoriés sous scellés.
17- Le 22 juin 2006 TBI assignait la SNC devant le tribunal de grande instance de Paris en contestation de la résiliation du 16 mai 2006 (§8).
18- Le 20 juillet 2006 TBI portait plainte entre les mains du procureur de la République de Paris à l'encontre de l'huissier de justice visé au §9 ci-dessus.
19- Par ordonnance du 27 juillet 2006 aujourd'hui entreprise le président du tribunal de grande instance de Paris statuant "en la forme des référés" :
- autorisait la SNC à prendre connaissance de tous les documents litigieux situés en l'étude JOURDAIN-DUBOIS,
20- - ordonnait une expertise destinée notamment à déterminer les pièces manquantes nécessaires pour mener à bien la fin du chantier,
21- - disait que chaque partie doit garder sa part des dépens.
22- TBI interjetait appel le 8 août 2006.
23- L'immeuble était livré par la SNC au maître d'ouvrage le 20 septembre 2006.
24- Par ordonnance du 23 octobre 2006 le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris (cf§17) ordonnait une médiation judiciaire.
25- Par ordonnance du 24 octobre 2006 le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris (cf §17) "donnait acte aux parties de leur accord pour procéder à la levée des scellés apposés le 30 août 2006 sur le local (cf §9) et pour voir remettre à la SNC les documents qui s'y trouvent après inventaire fait par l'expert Z....
26- Les pièces ci-dessus visées étaient restituées à la SNC le 8 novembre 2006 en présence de l'expert.
27- L'ordonnance de clôture dans la présente instance était rendue le 19 décembre 2006.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE TBI
Par dernières conclusions du 5 décembre 2006 auxquelles il convient de se reporter, TBI soutient :
- avoir été expulsée du chantier le 16 mai 2006 par la force et sous menace, sans avoir pu récupérer ses documents, et ce avec l'aide pénalement fautive de l'huissier DUBOIS,
- que la demande faite par la SNC au juge des référés ne relevait pas de sa compétence mais de celle du magistrat ayant rendu l'ordonnance sur requête "statuant en la forme des référés" (article 496 alinéa 2 du NCPC),
- que l'ordonnance autorisant à assigner à jour fixe est caduque,
- que l'assignation en référé est nulle,
- que le principe "le criminel tient le civil en l'état" devait conduire le premier juge à surseoir à statuer,
- que la SNC n'a pas "qualité à agir" puisqu'elle ne prouve pas être propriétaire des documents,
- que la SNC n'établit pas l'existence d'une obligation contractuelle lui imposant de remettre les documents litigieux,
- qu'elle ne peut être tenue à lui délivrer des documents qui lui ont été frauduleusement soustraits,
- que la SNC ne démontre pas un dommage imminent,
- qu'il n'y a pas urgence,
- ni trouble manifestement illicite,
-qu'en l'absence de faits nouveaux depuis l'ordonnance du 16 juin 2006 (en réalité du 7 juin 2006),
la SNC ne peut demander de constater le jeu de la clause résolutoire,
- que la mission de la présente ordonnance est soit inutile, soit empiète sur celle de Monsieur Z....
Elle demande :
- l'annulation de l'ordonnance du 27 juillet 2006,
- de renvoyer la SNC à mieux se pourvoir,
- de condamner la SNC à lui payer :
* 150 000 € majorée de la TVA et des intérêts légaux capitalisés à compter du 15 septembre 2006,
* 150 000 € avec intérêts légaux capitalisés à compter du 20 septembre 2006,
* 10 000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du NCPC.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE LA SNC
Par dernières conclusions du 15 décembre 2006 auxquelles il convient de se reporter, la SNC expose :
- avoir été contrainte d'initier l'instance en référé puisque le constatant commis par ordonnance sur requête du 9 juin 2006 (§14) avait, contrairement à sa mission, mis les documents sous scellés,
- que les documents litigieux qui sont sa propriété étaient nécessaires pour terminer les travaux et livrer l'ouvrage après avis de la commission de sécurité,
- qu'avant résiliation du contrat, TBI n'a jamais respecté ni les délais, ni ses engagements, ni ses obligations contractuelles,
- qu'après la résiliation dudit contrat TBI n'a eu de cesse de faire obstruction à l'achèvement du chantier,
- que le premier juge pouvait prendre les mesures réclamées sur le fondement tant de l'article 808 que de l'article 809 du NCPC,
- que la procédure d'appel n'a plus d'objet,
- que les moyens de TBI ne sont pas pertinents,
- que la demande provisionnelle de TBI est irrecevable puisque cette demande est faite devant le juge de la mise en état et de toutes façons non fondée.
Elle demande 15 000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du NCPC.
SUR QUOI, LA COUR
Sur le juge saisi
Considérant que saisi sur le fondement des articles 808 et 809 du NCPC comme il l'indique lui-même, le premier juge qui a statué sur le fondement de ces articles et de l'article 497 du NCPC ne pouvait statuer qu'en référé, et non pas "en la forme des référés" ;
Sur la compétence
Considérant que l'incompétence soulevée est en réalité une irrecevabilité puisque seuls sont concernés les pouvoirs du juge des référés ;
Sur la violation du principe de la contradiction
Considérant qu'il appartient au juge des référés d'apprécier si le défendeur a disposé d'un temps suffisant pour préparer sa défense ; qu'il n'est pas contesté que l'assignation a été délivrée le 12 juillet 2006 pour l'audience du 24 juillet ; que le premier juge a justement décidé que "le défendeur qui reconnaît avoir reçu les pièces visées dans l'assignation le 18 juillet dans l'après-midi, a disposé d'un temps suffisant pour préparer sa défense comme en témoigne en particulier ses 53 pages d'écritures argumentées" ; que l'assignation n'est donc pas nulle ;
Sur la règle "le criminel tient le civil en l'état"
Considérant que la règle "le criminel tient le civil en l'état" est sans application devant le juge des référés en raison du caractère provisoire qui s'attache à ses ordonnances ;
Sur la qualité à agir de la SNC
Considérant que la SNC a qualité à agir pour défendre les droits qu'elle estime être les siens ;
Sur "le fond" du référé
Considérant que contrairement à ce que soutient TBI, la SNC ne demande pas dans la présente instance de "constater le jeu de la clause résolutoire" ;
Considérant que l'application de l'article 809 du NCPC n'exige pas l'urgence ;
Considérant que les très importants retards pris par le chantier, la nécessité de posséder les documents litigieux pour pouvoir terminer celui-ci, alors que d'importantes pénalités de retard au profit du maître d'ouvrage couraient (7000 € par jour), ont justement conduit le premier juge à faire cesser le trouble manifestement illicite, que constituait le refus de remettre lesdits documents en notant que la mesure prise ne tranchait pas "la question de propriété" de ces derniers ; qu'il convient d'ajouter que l'éventuel dommage subi par TBI pourrait se résoudre en dommages et intérêts ;
Considérant que le premier juge a encore justement constaté que les scellés apposés par le constatant judiciaire (cf §16) n'étaient pas contraires à la mission reçue, et n'avaient pour but que de garantir le contenu "des cartons" de documents laissés matériellement chez l'huissier de justice mentionné aux §9 et 10 ; qu'enfin l'expertise ordonnée était nécessaire et faisait obligatoirement partie des mesures à prendre pour faire cesser le trouble susvisé ;
Considérant enfin que l'on comprend mal les demandes de TBI :
- alors que TBI a accepté une médiation (cf §24),
- alors que TBI a accepté de remettre les documents visés au §9 ;
qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise ;
Sur les demandes provisionnelles de TBI
Considérant qu'il n'est pas contesté que TBI n'a pas respecté les délais prévus dans "l'avenant no2 protocole d'accord" du 16 mai 2005 (§3) alors que le versement de
300 000 € était lié à ce strict respect (cf article 11 alinéa 1 de cet avenant) ; que la demande à ce titre est donc sérieusement contestable ;
Sur la demande de la SNC au titre de l'article 700 du NCPC
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SNC les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de lui accorder 5000 € à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a dit statuer "en la forme des référés" ;
Statuant à nouveau sur ce point :
Dit que le président du tribunal de grande instance de Paris a le 27 juillet 2006 statué en référé ;
Déboute la société TBI SHAM de ses demandes ;
Condamne la société TBI SHAM à payer 5000 € à la SNC MARIGNAN CPI au titre de l'article 700 du NCPC ;
Condamne la société TBI SHAM aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du NCPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT