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24/11/2006 | FRANCE | N°298

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0063, 24 novembre 2006, 298


Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section B

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2006

(no 298 , 5 pages)Numéro d'inscription au répertoire général :

04/23218Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2004 par la 1ère chambre/3ème section du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 02/13771APPELANT Monsieur Laurent Cyril Y...demeurant 40 rue Auguste Blanqui75013 PARISreprésenté par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Courassi

sté de Maître Michaùl SICAKYUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D611INTIME Monsieur Bernard X...demeurant 15 ...

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section B

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2006

(no 298 , 5 pages)Numéro d'inscription au répertoire général :

04/23218Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2004 par la 1ère chambre/3ème section du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 02/13771APPELANT Monsieur Laurent Cyril Y...demeurant 40 rue Auguste Blanqui75013 PARISreprésenté par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Courassisté de Maître Michaùl SICAKYUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D611INTIME Monsieur Bernard X...demeurant 15 avenue de Tourville75007 PARISreprésenté par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Courassisté de Maître Amélie CHIFFERT, avocat au barreau de Paris, plaidant pour le Cabinet Georges LACOEUILHE, toque : A 105COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Octobre 2006, le rapport préalablement entendu conformément aux dispositions de l'article 785 du nouveau Code de procédure civile, en audience publique, devant la Cour composée de :

Michel ANQUETIL, Président

Michèle BRONGNIART, Conseiller

Marguerite-Marie MARION, Conseillerqui en ont délibéréGreffière lors des débats : Régine TALABOULMAARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Michel ANQUETIL, Président

- signé par Michel ANQUETIL, Président et par Régine TALABOULMA, greffière présente lors du prononcé.* * *Par jugement contradictoire rendu le 20 septembre 2004, le Tribunal de Grande Instance de PARIS, saisi d'une demande indemnitaire par Monsieur Laurent Y... en raison des mauvais résultats obtenus à la suite d'une intervention de chirurgie esthétique réalisée sur ce patient par le Docteur X... le 20 juillet 2000, jugeant qu'il y avait manquement du praticien à son obligation de conseil mais absence de preuve du préjudice allégué, a débouté Laurent Y... de ses demandes, ainsi que le Docteur X... de sa demande d'indemnité pour ses frais irrépétibles, condamnant ce dernier aux dépens, y compris les frais d'expertise;Le litige était né dans les circonstances suivantes:

Fin 1999, Laurent Y..., alors âgé de 29 ans et exerçant la profession de mannequin, comédien et chanteur, avait consulté le Docteur X..., chirurgien esthétique, afin de faire disparaître les rides situées sous ses yeux et au niveau de la commissure externe de l'oeil, rides qui étaient visibles et accentuées par le sourire;

Dans un premier temps, le Docteur X... avait procédé à des injections de toxine botulique puis il avait pratiqué l'intervention litigieuse; Estimant que celle-ci avait totalement transformé son regard et avait fait apparaître des marques disgracieuses sous l'oeil, qui ont eu pour effet de compromettre sa carrière professionnelle, Laurent Y... a sollicité en référé une expertise, confiée au Docteur Flageul qui a déposé son rapport le 31 mai 2002, puis a assigné au fond le Docteur X... le 10 septembre suivant;C'est de ce jugement que

Laurent Y... est appelant; il soutient, par dernières écritures du 14 février 2005, après rappel des faits et de la procédure, que la responsabilité du Docteur X... est engagée, précisant qu'en matière de chirurgie esthétique il existe une obligation de résultat, qui en l'espèce et à l'évidence, n'a pas été remplie; reprochant également au praticien d'avoir cédé aux insistances du patient alors même qu'il estimait l'intervention projetée non médicalement nécessaire et préférait un traitement par injection (lettre du 6/7/00 et expertise); il conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu un manquement à l'obligation de conseil;Sur le préjudice en résultant, il invoque un préjudice esthétique pour lequel il demande une indemnité de 4500ç, un préjudice corporel (en réalité pretium doloris) pour lequel il demande une indemnité de 10 000ç et un préjudice financier s'analysant en la perte de chance de poursuivre une carrière de mannequin/acteur et de percevoir une rémunération intéressante, pour lequel il demande en réparation 762 240ç; il sollicite en outre 10 000ç pour ses frais irrépétibles;Par dernières conclusions du 4 octobre 2006, le Docteur X... intimé et appelant incident, conteste toute faute qui lui soit imputable; il précise en droit que l'obligation découlant du contrat de soins et mise à la charge du médecin est une obligation de moyens, tant sur le fondement de la Jurisprudence que sur celui de la loi du 4 mars 2002; que l'existence d'un lien entre l'intervention et le préjudice ne peut suffire à entraîner la mise en oeuvre de la responsabilité du médecin; il conteste toute obligation de résultat; il estime qu'en l'espèce, il a délivré une information conforme (multiplication des consultations préopératoires, courrier adressé au médecin traitant, existence d'un parfait consentement) ainsi que l'expert a conclu, et qu'il a exécuté les soins conformément aux données acquises de la science médicale (indication opératoire justifiée, absence de faute

dans l'exécution des actes per et post-opératoires);Il conclut par ailleurs à l'absence de préjudice indemnisable, en droit, faute de preuve d'un lien de causalité entre l'intervention litigieuse et le préjudice; il relève par ailleurs la nouveauté du préjudice corporel allégué, non mentionné dans l'expertise, et le caractère aléatoire et éventuel du préjudice professionnel invoqué;Il conclut au débouté de Laurent Y... et à la confirmation de la décision entreprise sauf en ses dispositions sur le devoir de conseil du médecin, à l'absence de faute de ce chef; il sollicite 3000ç au titre de ses frais irrépétibles et demande de mettre les dépens de première instance, d'expertise et de d'appel à la charge de l'appelant;SUR CE, LA COUR Vu l'article 1147 du Code Civil,

Considérant qu'il se forme entre le médecin et son client un contrat comportant pour le praticien l'engagement, sinon bien évidemment de guérir le malade, du moins de lui donner des soins consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science à la date des soins;

Que, s'agissant de chirurgie esthétique, cette obligation de moyens demeure, le praticien devant faire preuve de prudence et de diligence en s'abstenant de faire courir à son client un risque disproportionné avec les avantages escomptés, alors même que le but recherché n'est pas de recouvrer la santé mais d'apporter une amélioration à un état préexistant jugé non satisfaisant par le patient;

Que par ailleurs le médecin a la charge de prouver qu'il a bien donné à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les risques des investigations ou soins qu'il lui propose, de nature à lui permettre de donner un consentement ou un refus éclairé; qu'il lui incombe encore de refuser d'accéder à la demande d'un patient qui l'exposerait sans justification thérapeutique à un danger; que cette

obligation est renforcée en cas d'intervention de confort;Considérant en l'espèce qu'il résulte de l'expertise du Docteur Flageul et de son rapport du 31 mai 2002, que:- selon le Docteur X... non contredit par Laurent Y..., ce praticien a expliqué dès la première consultation du 28 novembre 1999 au patient tous les incidents possibles consécutifs à une intervention chirurgicale en cette région où la peau est particulièrement fine, source de dommages possibles dans une profession très exposée comme la sienne; qu'il a ainsi conseillé de surseoir à toute intervention et de faire pratiquer des injections de toxine botulique, afin d'obtenir une relaxation musculaire et une atténuation des ridules; - Laurent Y... qui avait déjà à cette date plusieurs antécédents chirurgicaux esthétiques pratiqués par d'autres praticiens, et déjà bénéficié d'une séance de toxine botulique par un autre médecin, s'est laissé convaincre d'accepter ce traitement; qu'une première injection (Botox 50 unités) a été pratiquée le 3 décembre 1999, suivie d'une seconde (5 unités) le 21 janvier 2000 sur une zone non traitée la première fois, puis d'une troisième (50 unités) le 7 juin 2000; que malgré les bons résultats mais devant l'insistance du patient à se faire opérer pour éviter la répétition indispensable de ces séances, le médecin a réitéré ses informations concernant les risques d'une intervention, toute résection partielle, même minime du muscle orbiculaire impliquant des risques importants de lymphoedème et d'hypertonie possible résiduelle;- cette information résulte du dossier médical (pièce 1 jointe en annexe au rapport d'expertise), de la lettre du 6 juillet 2000 adressée au médecin traitant après une nouvelle consultation (pièce 2 jointe) et du document réglementaire intitulé devis prévisionnel/consentement éclairé mutuel alors signé (pièce 3 jointe); - l'intervention a finalement été réalisée le 20 juillet suivant, après cinq consultations pré-opératoires (novembre et décembre 1999, janvier,

juin et juillet 2000) et un délai de près de sept mois écoulé depuis la première consultation; que durant la surveillance postopératoire jusqu'en septembre 2000, le patient était satisfait des résultats malgré la persistance de quelques ridules; que c'est à compter de novembre 2000 que Laurent Y... s'est plaint de la persistance de quelques plissements résiduels puis de l'existence d'un aspect d'oeil creux, révélateur de la réalisation du risque envisagé; que les soins alors apportés n'ont pas amélioré la gêne;Considérant d'une part que l'expert, excluant toute erreur, imprudence, manque de précautions, négligences pré, per et post-opératoires, maladresse ou quelconque défaillance, conclut que les actes et soins pratiqués ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale;Considérant d'autre part que l'expert, au vu de photographies prises avant l'opération par le praticien ou à l'initiative de Laurent Y... dans son contexte professionnel, conclut que le patient posait effectivement le problème d'une accentuation très nette des rides péri-orbitaires et de la patte d'oie lors de la mimique, ce qui pouvait le gêner dans le cadre de son activité professionnelle; Qu'il est incontestable que cette hypertonie relevait dans un premier temps d'un traitement de toxine botulique comme le Docteur X... l'a réalisé à trois reprises; Que devant cette situation et vu l'insistance du patient, qui a répété à l'expert ce qu'il avait dit au praticien, à savoir qu'il ne pouvait se satisfaire du simple traitement par injections de toxine botulique, qu'il avait besoin d'une intervention chirurgicale d'un point de vue professionnel, que sa carrière en dépendait, l'expert conclut qu'on doit considérer que le recours à l'intervention chirurgicale était justifiée;Considérant par suite que c'est après un traitement médical satisfaisant mais qu'il ne voulait pas poursuivre, après l'exposé clair et complet des risques de l'intervention

chirurgicale, et un délai suffisant pour y réfléchir, que Laurent Y... a accepté en toute connaissance de cause l'intervention litigieuse, essentiellement en raison de son contexte professionnel; Que de même c'est en prenant en compte ce contexte professionnel que le Docteur X..., qui était certes "sans optimisme excessif" (lettre du 6 juillet 2000 adressée au médecin traitant), a accepté d'y procéder;

Que Laurent Y... ne peut reprocher au Docteur X... d'avoir cédé à sa propre insistance, alors que si l'intervention comportait des risques réels du point de vue esthétique, pour autant il n'est pas établi qu'elle faisait courir un danger d'ordre médical, étant rappelé que s'agissant d'une intervention de confort et non thérapeutique, celle-ci ne peut pas être justifiée par la nécessité médicale mais seulement interdite par l'existence éventuel d'un danger médical couru; qu'il n'est nullement établi que le Docteur X... a fait courir à son client un risque disproportionné avec les avantages escomptés;

Qu'ainsi n'est établi ni manquement au devoir d'information ni manquement au devoir de conseil; Considérant en conséquence qu'aucune faute ne peut être reprochée au Docteur X..., la faute ne pouvant se déduire de la seule absence de réussite de l'acte médical et de l'apparition d'un préjudice, lequel peut être en relation avec l'acte médical pratiqué sans l'être pour autant avec une faute;

Qu'en l'absence de faute, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Laurent Y... de ses demandes indemnitaires;Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles d'appel; que Laurent Y... qui succombe supportera la charge des dépens comme le demande le Docteur X...;PAR CES MOTIFS et ceux non contraires du premier juge Constate l'absence

de faute du Docteur X... dans l'intervention qu'il a pratiquée le 20 juillet 2000 sur Laurent Y...;Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf les dépens, et rejette toutes autres demandes des parties;Condamne Laurent Y... aux dépens de première instance, y compris les frais de référé et d'expertise, et à ceux d'appel, et dit que le montant de ces derniers pourra être recouvré directement par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoué, dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.LA GREFFIÈRE

LE PRÉSI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0063
Numéro d'arrêt : 298
Date de la décision : 24/11/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Michel ANQUETIL, Président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-11-24;298 ?
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