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27/10/2006 | FRANCE | N°253

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0014, 27 octobre 2006, 253


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section B

ARRET DU 27 OCTOBRE 2006

(no , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 04/17194

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 03 Juin 2004 par la chambre 1/section 1 du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG no 03/1527

APPELANTS

- Monsieur Henri X...

domicilié 120 avenue de la République

93308 AUBERVILLIERS CEDEX

- SA LA MEDICALE DE FRANCE
r>ayant son siège 27 avenue Claude Vellefaux

75010 PARIS

représentés par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistés de Maître Oli...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section B

ARRET DU 27 OCTOBRE 2006

(no , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 04/17194

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 03 Juin 2004 par la chambre 1/section 1 du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG no 03/1527

APPELANTS

- Monsieur Henri X...

domicilié 120 avenue de la République

93308 AUBERVILLIERS CEDEX

- SA LA MEDICALE DE FRANCE

ayant son siège 27 avenue Claude Vellefaux

75010 PARIS

représentés par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistés de Maître Olivier LECLERE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 75

INTIME ET APPELANT INCIDENT

- Monsieur Mustefa Z...

demeurant ...

93210 LA PLAINE ST DENIS

représenté par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoués à la Cour

assisté de Maître Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1217

INTIMES

- La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

ayant son siège 195 avenue Paul Vaillant Couturier

93014 BOBIGNY

représentée par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour, qui a déposé son dossier

- Monsieur Christian B...

demeurant ... Jaurès-77420 CHAMPS SUR MARNE

représenté par la SCP BOURDAIS-VIRENQUE - OUDINOT, avoués à la Cour

assisté de Maître Gaëlle MENEZ, plaidant pour ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES, toque L 291

- HOPITAL EUROPEEN DE PARIS - LA ROSERAIE

ayant son siège 120 avenue de la République

93308 AUBERVILLIERS CEDEX

- La MACSF

ayant son siège 20 rue Brunel

75856 PARIS CEDEX 17

représentés par la SCP BOURDAIS-VIRENQUE - OUDINOT, avoués à la Cour

assistés de Maître Sabine FORESTIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SCP GARAUD-SALOME-CHASTANT-BERRUX, toque P72

- Société MEDI ASSURANCES

ayant son siège 1 rue Brunel

75856 PARIS CEDEX 17

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, le rapport entendu, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Michèle BRONGNIART et Marguerite-Marie MARION, conseillers chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Michel ANQUETIL, Président

Michèle BRONGNIART, Conseiller

Marguerite-Marie MARION, Conseiller

Greffière lors des débats : Régine TALABOULMA

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE - prononcé en audience publique par Michel ANQUETIL, Président

- signé par Michel ANQUETIL, Président

et par Régine TALABOULMA, greffière présente lors du prononcé.

* * *

Par jugement réputé contradictoire rendu le 3 juin 2004, le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY a dit que les docteurs Christian B... et Henri X... ont commis des fautes médicales engageant leur responsabilité à l'égard de Monsieur Mustefa Z... sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil; il a évalué le préjudice subi par ce dernier en raison de ces fautes à la somme de 48659,55€ s'agissant du préjudice soumis à recours, et à celle de 11 000€ s'agissant du préjudice personnel;

Il a condamné in solidum les docteurs Christian B... et Henri X... à payer à :

- Mustefa Z... la somme de 11000€ en réparation de son préjudice personnel,

avec intérêts de retard au taux légal à compter du jugement, outre celle de 1500€ au titre de ses frais irrépétibles,

- à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de SEINE ST DENIS celle de 48 659,55€ en remboursement de sa créance, avec intérêts de retard au taux légal à compter du jugement, outre celle de 610€ au titre de ses frais irrépétibles;

Il a débouté pour le surplus des demandes et condamné les médecins aux dépens;

Les premiers juges avaient été saisis par la victime dans les circonstances suivantes:

Mustefa Z..., atteint en août 1986 d'une lombalgie, après avoir soulevé une lourde charge, subit un arrêt de travail de quatre mois, puis rechuta en février 1987; après l'échec du traitement médical prescrit, il fut orienté par son médecin traitant vers l'HOPITAL EUROPEEN DE PARIS (LA ROSERAIE) , où il fut hospitalisé du 24 novembre au 5 décembre 1987; il y subit divers examens médicaux, ainsi que deux injections d'Hexatrione dans les deux derniers disques intervertébraux, prescrites par le Dr B..., rhumatologue, et pratiquées par le Dr X..., radiologue; son état s'est alors progressivement mais incomplètement amélioré, avec persistance de quelques lombalgies et d'un trajet sciatique tronqué distal à droite; son état fut considéré comme consolidé par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de SEINE ST DENIS au 13 juillet 1988;

Le 19 septembre 1995, soit sept années plus tard, Mustefa Z... rechuta; un scanner lombaire des trois derniers étages pratiqué le 4 octobre devait révéler une importante discarthrose à L4-L5 et L5-S1, ainsi que des calcifications épidurales antérieures et latérales, prédominant à droite, qui furent imputées par l'opérateur à la nucléorthèse à l'Hexatrione pratiquée en 1987;

Son état nécessita un traitement médical et une intervention chirurgicale en mars-avril 1997 pour évacuer les fragments calciques accessibles et réaliser une arthrodèse.

Le Professeur Pierre E..., désigné comme expert par ordonnance de référé en date du 29 mars 1999, déposa son rapport le 16 mai 2002 et Mustefa Z... saisit les premiers juges en indemnisation par assignation des 6 et 9 janvier 2003;

C'est de ce jugement que le Dr X..., radiologue, et son assureur la MEDICALE DE FRANCE sont appelants; dans leurs dernières écritures du 8 décembre 2005 (celles du 7 juillet 2006 ayant été déposées après clôture), ils concluent à l'absence de responsabilité du Dr X...; ils soutiennent:

- l'absence de faute dans la réalisation de la nucléorthèse à l'Hexatrione: la réalisation même du geste n'est pas critiquée, la nucléorthèse à l'Hexatrione réalisée en 1987 ne revêtait pas un caractère expérimental; bien que récente elle était une technique couramment utilisée en milieu hospitalier à cette époque; d'autres experts dans des hypothèses similaires l'ont considérée comme technique à proposer; ils contestent les conclusions de l'expert désigné, qui en fait une technique expérimentale isolée non conforme aux données acquises de la science; le choix d'une telle injection était recommandé en l'espèce et les risques de formation de dépôts calcaires intra-canalaires n'étaient pas connus en décembre 1987;

- l'absence de manquement au devoir d'information, dès lors que la pratique n'était pas "expérimentale" et que le risque d'apparition de calcifications n'était pas connu; ils estiment qu'en tout cas, compte tenu de l'échec des traitements antérieurs, le patient aurait accepté la nucléorthèse litigieuse;

- l'absence de faute dans le suivi post-interventionnel, le Dr X... ayant réalisé une scanner du patient le 8 juin 1988 (6ème mois après l'injection) et encore le 4 octobre 1995, à l'occasion duquel il a lui-même signalé l'apparition des calcifications;

Ils concluent à l'infirmation; à titre subsidiaire, ils demandent de réduire les indemnités accordées par les premiers juges au titre de l'incapacité permanente partielle et de la gène dans les actes de la vie courante et offrent respectivement 5000€ et 4500€; ils concluent au débouté de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de sa demande de remboursement au titre de la rente accident de travail versée au patient et à sa demande au titre des frais irrépétibles; ils demandent le débouté de Mustefa Z... en ses demandes reconventionnelles;

Par dernières écritures du 8 mars 2006, le Docteur B..., intimé, conclut également à l'absence de responsabilité, l'indication thérapeutique de la nucléorthèse étant correcte, à la date des faits, après l'échec des thérapeutiques classiques; il précise qu'il ne s'agissait pas d'une expérimentation sauvage, mais de l'utilisation dans un but curatif d'un produit qui avait reçu une AMM mais pour d'autres indications et qui à l'époque des faits était utilisé dans les milieux hospitaliers, en marge de l'AMM, pour soigner les lombo-sciatiques résistantes, selon une méthodologie proposée à la ROSERAIE par le Dr F... fin 1987;

- sur l'absence de suivi reproché, il relève que c'est le Dr X... qui en a été chargé, que celui-ci a pratiqué en 1987 un scanner de contrôle, et que le patient était suivi par ses médecins habituels (médecin traitant et rhumatologue);

- sur l'information délivrée, il rappelle que le risque de calcification n'était pas connu à l'époque et ne pouvait donc faire l'objet d'une information; l'information du patient doit être appropriée et il rappelle les pratiques de l'époque; qu'en l'espèce, le patient n'aurait pas refusé de toutes façons le traitement, en l'absence d'alternative réelle; il conclut à l'infirmation de la décision;

subsidiairement, il demande de réduire les indemnisations au titre de l'incapacité permanente partielle et de la gène dans la vie courante et offre 6000€ et 5000€ à ces titres, demande également la réduction de la réparation du pretium doloris à 7000€;

Par dernières conclusions du 5 janvier 2006, l'HOPITAL EUROPEEN DE PARIS-LA ROSERAIE et son assureur la MUTUELLE d'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS, intimés, demandent de constater qu'aucun grief n'est émis à l'encontre de l'Hôpital et concluent à la confirmation de la décision entreprise en ses dispositions les concernant et les ayant mis hors de cause; ils sollicitent 2000€ pour leurs frais irrépétibles;

Par dernières conclusions du 6 décembre 2005, Mustefa Z..., intimé et appelant incident, se fondant sur les conclusions de l'expert désigné le Professeur E..., il relève la gravité des fautes commises par les Docteurs X... et B... dans le traitement et le suivi médical du concluant, notamment:

- la faute dans l'indication thérapeutique, alors que la reprise d'un traitement médical classique était possible et que la nucléorthèse était un traitement quasi-expérimental, dont l'indication ne figurait pas sur l'AMM de l'Hexatrione; elle n'était donc pas conforme aux données acquises de la médecine; il estime non établi qu'il s'agissait d'une pratique courante en milieu hospitalier, rappelle l'insuffisance des études parues et s'en tient à la conclusion de l'expert page 19 d'une expérimentation thérapeutique isolée, hors protocole coopératif, multi-centrique ou non; il demande que soit écartée l'expertise produite par l'appelant, qui ne lui est pas opposable et note l'absence de demande de contre-expertise;

- la faute dans l'absence de suivi après la nucléorthèse;

Il critique aussi l'absence de toute information donnée, qui lui aurait permis d'apprécier les risques, de comprendre le caractère novateur du traitement et de consentir ou refuser en toute connaissance de cause;

Au vu des conclusions accablantes de l'expert, il demande donc réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil, le lien de causalité entre les fautes et le préjudice étant parfaitement établi; il demande:

- postes de préjudice soumis à recours:

- créance de la CPAM: 67 654,87€

- ITT: 29005,48€

- IPP: 7 622€

- gène dans la vie courante: 10 000€

Total = 114 282,35€ dont à déduire la créance CPAM.

- postes de préjudice personnel:

- pretium doloris: 20 000€

- prej. esthétique: 4 000€

- prej. d'agrément: 10 000€

- perte de chance: 20 000€ (pour défaut d'information)

- préjudice moral: 30 000€

outre 8 000€ pour ses frais irrépétibles;

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de SEINE SAINT DENIS, par dernières conclusions du 22 mars 2006, conclut à la confirmation de la décision, à la condamnation in solidum des docteurs X... et B... à lui payer 20 357,64€ au titre des arrérages échus de la rente, le capital s'élevant à 12891,71€, outre l'indemnité forfaitaire de 910€ et 1000€ par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

La MEDI-ASSURANCES, intimée, a été assignée à personne habilitée le 6 décembre 2004 mais n'a pas constitué; l'arrêt sera réputé contradictoire;

*********

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'aucune demande n'est formée contre l'HOPITAL EUROPEEN DE PARIS-LA ROSERAIE et son assureur la MUTUELLE d'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS; que leur mise hors de cause sera confirmée; que dès lors, il importe peu que la MUTUELLE d'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS, assureur de cet établissement, ait pu régler en cette qualité les indemnisations prévues au jugement dont appel;

Que par ailleurs, aucun document communiqué ne permet d'établir que cet assureur aurait été également celui du Dr B...; que le chèque communiqué tiré par la MUTUELLE d'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS no 4452262 du 10/8/04 d'un montant de 5 510,25€ à l'ordre de la CARPA, ne permet aucune déduction en ce sens; que contrairement à ce que soutient Mustefa Z..., il n'est pas établi que ce praticien aurait exécuté les condamnations prononcées par les premiers juges et acquiescé au jugement;

Considérant qu'il se forme entre le médecin et son client un contrat comportant pour le praticien l'engagement, sinon bien évidemment de guérir le malade, du moins de lui donner des soins consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science à la date des soins;

Considérant que, s'agissant de la nucléorthèse à l'Hexatrione, l'expert E... précise dans son rapport (p16-17) qu'elle s'inscrit dans l'objectif que se sont fixés les rhumatologues depuis des décades, de réduire les effets nocifs de la dégénérescence discale lombaire en évitant les aléas de la chirurgie d'exérèse par une technique peu invasive et efficace;

Qu'après les essais de divers types d'injection intra-discale de corticoïdes, l'Hexatrione fut utilisée dans le traitement des sciatiques par hernie discale, en raison de son effet atrophiant tissulaire et surtout de résultats cliniques estimés encourageants, obtenus et publiés par un grand centre de rhumatologie parisien en 1986; que bien d'autres publications vinrent immédiatement à la suite de la première, conduites avec des méthodologies diverses, mais de plus en plus strictes sous l'empire de la loi du 28 décembre 1988; que toutefois l'enthousiasme fut de courte durée, le recul du temps permettant d'établir au plan clinique des résultats médiocres et au plan anatomo-radiologique, le risque de destruction des disques inter-vertébraux et de formation intracanalaire de calcifications habituellement épidurales; que la nucléorthèse, devenue nucléolyse, suscita de 1989 à 1991 un nombre suffisant de publications franchement défavorables à cette technique, qui culmina en 1991, pour se terminer par son quasi-abandon dès 1992;

Considérant qu'il se déduit de ces informations expertales qu'à la date où la nucléorthèse à l'Hexatrione a été pratiquée sur Mustefa Z..., c'est-à-dire en décembre 1987, l'information médicale disponible était encore favorable et même "enthousiaste";

Considérant que l'expert indique cependant (p 19) qu'en 1987, cette technique était un traitement non éprouvé, quasi-expérimental et dont l'indication ne figurait pas sur l'autorisation de mise sur le marché de l'Hexatrione; que les spécialistes en cause ne disposaient que de résultats peu engageants d'études clairsemées, déjà anciennes et d'une seule publication française parue en 1986 dans la presse médicale; que certes les auteurs de cette publication qui avaient réalisé la nucléorthèse de disques herniés, responsables de lombo-sciatiques, considéraient les résultats obtenus comme encourageants; que toutefois le caractère ouvert de leur étude, le petit nombre de patients traités et le très faible recul dont ils disposaient n'étaient de nature qu'à susciter des travaux ultérieurs, validant ou non la pratique;

Que l'expert en déduit que la nucléorthèse n'était pas permise, n'était pas conforme aux données acquises de la médecine et qu'en préconisant en agissant hâtivement, même sous couvert d'une imagerie de qualité, la future nucléolyse des deux derniers disques lombaires, les médecins en cause ont concouru à la pratique d'une expérimentation thérapeutique isolée, hors protocole coopératif, multi-centrique ou non;

Considérant que les Docteurs B... et X... soutiennent que la nucléorthèse, bien que récente, était une technique couramment utilisée en milieu hospitalier à l'époque des faits;

Que le Dr X... a précisé à l'expert que la technique de l'injection intradiscale par voie extra-durale lui était parfaitement connue, ayant été enseigné à Londres, à Cochin dans le service du Pr G... et à l'hôpital Henri Mondor dans le service de rhumatologie et d'orthopédie, en collaboration avec les radiologues (p15);

Que l'expert ne dément pas que la nucléorthèse ait été alors pratiquée dans ces établissements;

Que les extraits de la littérature médicale produits par les Docteurs B... et X..., postérieurs à 1987, et qui dès lors vont dans le sens d'un "désenchantement", montre en tout cas que la technique avait été largement proposée, avait fait l'objet d'études nombreuses et était effectivement courante;

Q'ainsi, par exemple, l'article Debiais et autres, de 1991, pièce no5, commence par présenter la nucléolyse par Hexacétonide de triamcinolone (Hexatrione) comme une alternative au traitement chirurgical de la hernie discale et en remplacement de l'injection de chymopapaïne (CP), en raison de son effet atrophiant sur le tissu conjonctif, de sa sécurité d'emploi (absence de risque de choc anaphylactique) et de son coût très inférieur; que cet article fait référence aux études faites depuis 1986, ouvertes ou contrôlées, qui font état à 6 mois d'une efficacité comprise entre 53 et 67%, égale à celles de l'autre produit (CP), et qui soulignent l'innocuité de l'Hexatrione à court et moyen terme; l'article se poursuivant en signalant les études plus récentes (1990) faisant état du risque de calcifications épidurales;

Considérant encore que les docteurs B... et X... communiquent l'expertise des professeurs Bléry et Nordin, désignés judiciairement à l'occasion d'une espèce analogue, les injections litigieuses d'Hexatrione pratiquées sur le patient expertisé datant de 1988; que certes Mustefa Z... soutient avec raison que cette expertise ne lui est pas opposable; qu'elle est cependant recevable à titre de fait documentaire soumis à la contradiction des parties, au même titre que les extraits de la littérature médicale susvisés; que selon ces experts, en 1988, la nucléorthèse était préconisée par les spécialistes des maladies ostéo-articulaires pour les sciatiques rebelles au traitement médical en rapport avec une hernie discale non exclue;

Considérant que les docteurs B... et X... ne se sont donc pas livrés à une recherche hasardeuse ou à une expérimentation isolée, mais ont appliqué un traitement innovant, connu dans les milieux hospitaliers, à l'époque prometteur, même s'il a déçu par la suite;

Qu'il sera rappelé que dans les limites de la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance, tenant compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes thérapeutiques possibles;

Considérant, s'agissant de l'indication de cette technique dans le cas d'espèce, que la lombo-sciatique de Mustefa Z... "forçait l'attention avant tout par sa durée et sa constance" (rapport p17); qu'après son accident du 29 août 1986, le traitement médical suivi n'apporta qu'une très courte amélioration puisque, considéré comme consolidé au 29 décembre 1986, il rechuta dès le 6 février suivant; que le traitement médical fut repris, outre la confection d'un lombostat plâtré dès le mois d'avril; que c'est en raison de l'échec du traitement que le patient fut hospitalisé le 24 novembre 1987 à LA ROSERAIE;

Que le Professeur E... (rapport p 19) estime qu'à cette date la chirurgie lombaire était contre-indiquée; qu'il indique cependant que rien ne s'opposait alors à la reprise d'un traitement médical classique qui paraissait avoir fait la preuve d'une efficacité au moins transitoire, à l'occasion de la rechute de février 1997;

Que cette dernière affirmation est inattendue, alors même que c'est en raison de l'échec de ce traitement médical suivi que le patient fut adressé à LA ROSERAIE; que l'expert ne précise pas clairement la nature du traitement qui aurait été opportun (celui de février 1987 ou un autre en milieu hospitalier? cf p 19);

Qu'en réalité, il est clair que la nucléorthèse a été décidée comme traitement alternatif innovant, compte tenu de l'absence de traitement chirurgical indiqué et de l'échec du traitement médical classique déjà suivi; que ce choix de prescription d'une nucléorthèse à l'Hexatrione, dans le contexte connu de l'époque, ne constitue pas une faute;

Considérant, s'agissant de la réalisation du geste technique de la nucléorthèse, qu'aucune faute n'est reprochée au Docteur X...;

Considérant, s'agissant du suivi post-nucléorthèse, qu'il convient de rappeler qu'en décembre 1987 la nucléorthèse à l'Hexatrione était considérée comme sans risque connu, et n'appelait donc pas de suivi spécifique, sauf une surveillance classique compte tenu du caractère innovant de cette technique;

Que le patient était suivi par son médecin traitant et un rhumatologue, et non par les docteurs B... et X..., médecins hospitaliers qui n'étaient intervenus qu'à la demande des médecins soignant habituellement le patient; que du reste et dans ce cadre, six mois après la nucléorthèse litigieuse, un examen tomodensitométrique a été pratiqué par le docteur X... le 8 juin 1988 à la demande du Docteur H... (cf compte rendu communiqué), qui ne révélait pas de complications résultant de la nucléorthèse; que le Docteur X... n'avait donc pas dans ce contexte de raison médicale pour susciter une nouvelle convocation du patient; que ce n'est qu'à partir de 1989-1990 que le risque de calcifications épidurales fut connu, date à laquelle le Docteur X... n'était plus en relation avec le patient;

Qu'il ne le revit qu'en octobre 1995, sept ans plus tard, sur demande du médecin soignant pour un nouvel examen, à l'occasion duquel il n'hésita pas à mentionner les calcifications qui s'étaient formées;

Que dans ces circonstances, aucune absence de suivi ne peut être reprochée aux docteurs B... et X... ;

Considérant s'agissant de l'information donnée à Mustefa Z..., qu'à l'évidence il y a eu manquement des docteurs B... et X... à leur devoir respectif; qu'ils n'établissent pas avoir apporté, l'un ou l'autre, les informations utiles pour que Mustefa Z... prenne conscience du caractère innovant du traitement proposé, quoique pratiqué couramment en milieu hospitalier et sans risque connu, et puisse y donne un consentement éclairé;

Considérant par contre qu'il ne peut être reproché aux docteurs B... et X... de n'avoir pas informé le patient du risque de calcifications épidurales, ignoré à la date des faits par la science médicale;

Considérant enfin que la violation de l'obligation d'information incombant au praticien ne peut être sanctionnée qu'autant qu'il en résulte un préjudice; qu'il n'est pas démontré en l'espèce, que mieux informé, Mustefa Z... aurait refusé la technique proposée, alors même que, comme il a été dit, le traitement médical classique avait échoué, qu'une intervention chirurgicale n'était pas indiquée, que les souffrances étaient grandes et déjà anciennes, que la technique proposée était alors sans risque connu et réputée apporter fréquemment un soulagement réel;

Considérant au vu de l'ensemble de ces éléments qu'il n'y a donc pas lieu de retenir la responsabilité des Docteurs B... et X...; que le jugement sera infirmé;

Considérant qu'il y a lieu de laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles d'appel; qu'en l'absence de responsabilité des médecins, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE sera déboutée de sa demande de condamnation à une indemnité forfaitaire;

Que Mustefa Z... étant cependant victime, il convient de laisser à chaque partie la charge de ses dépens;

PAR CES MOTIFS,

Met hors de cause l'HOPITAL EUROPEEN DE PARIS-LA ROSERAIE et son assureur la MUTUELLE d'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS;

Constate l'absence d'acquiescement au jugement du Docteur B...;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Rejette toute demande tendant à déclarer responsables les docteurs B... et X... du préjudice résultant de la nucléorthèse à l'Hexatrione pratiquée en décembre 1987 sur Mustefa Z..., et par voie de conséquence les demandes en indemnisation ou en remboursement liées à cet acte;

Rejette toutes autres demandes des parties;

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 253
Date de la décision : 27/10/2006

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bobigny, 03 juin 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-10-27;253 ?
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