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13/10/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951992

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0304, 13 octobre 2006, JURITEXT000006951992


Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

19ème Chambre - Section B

ARRET DU 13 OCTOBRE 2006

(no , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 04/14315 Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2004 -Tribunal de Commerce d'AUXERRE - RG no APPELANTE S.A. CONGY MARC RCS D'AUXERRE No B 425 520 145, dont le siège est 67 avenue Jean Mermoz 89000 AUXERRE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité représe

ntée par la SCP AUTIER, avoués à la Cour assistée de Maître B.COUBAT, avocat (Auxerre) INTIMEE S.N.C. EUROVI...

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

19ème Chambre - Section B

ARRET DU 13 OCTOBRE 2006

(no , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 04/14315 Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2004 -Tribunal de Commerce d'AUXERRE - RG no APPELANTE S.A. CONGY MARC RCS D'AUXERRE No B 425 520 145, dont le siège est 67 avenue Jean Mermoz 89000 AUXERRE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité représentée par la SCP AUTIER, avoués à la Cour assistée de Maître B.COUBAT, avocat (Auxerre) INTIMEE S.N.C. EUROVIA BOURGOGNE dont le siège est 134 avenue de la Gare 21220 GEVREY CHAMBERTIN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour assistée de Maître J.C CHOURAQUI, avocat COMPOSITION DE LA COUR: Rapport ayant été fait en application de l'article 785 du NCPC, L'affaire a été débattue le 23 juin 2006 en audience publique devant la Cour composée de: Monsieur MAZIERES: Président Madame JACOMET:

Conseiller Madame LE BAIL : Conseiller GREFFIER: lors des débats: Madame MONTAGNE

ARRET:

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur MAZIERES, Président,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au

deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Monsieur MAZIERES, Président et par Mme Annie MONTAGNE, Greffier présent lors du prononcé.

La société EUROVIA est une société de travaux publics, la société CONGY MARC une société de négoce. Cette dernière a entendu faire aménager l'aire se situant devant les bâtiments dans lesquels elle exploite son fonds de commerce. La société EUROVIA a fait parvenir un devis d'un montant de 845 000 F HT soit 128 819 euros en date du 15 novembre 2 000. Ce devis accepté, les travaux ont commencé. Un litige est apparu entre les parties. Après expertise judiciaire de M X..., le Tribunal, sur assignation de EUROVIA réclamant le paiement d'une somme en principal de 42 707,32 euros s'est ainsi prononcé : -dit que le marché passé entre la SA CONGY MARC et la SNC EUROVIA BOURGOGNE est un marché à prix unitaire, -prononce la résiliation du marché conclu entre la SA CONGY MARC et la SNC EUROVIA BOURGOGNE aux torts de la SA CONGY MARC, -condamne la SA CONGY MARC à payer à la SNC EUROVIA BOURGOGNE la somme de 31.975,42 ç au titre des travaux effectués, -déboute la SA CONGY MARC de ses demandes reconventionnelles, -déboute la SNC EUROVIA BOURGOGNE de sa demande de dommages et intérêts, -condamne la SA CONGY MARC à payer à la SNC EUROVIA la somme de 3.500 ç au titre de l'article 700 du NCPC, -condamne la SA CONGY MARC aux entiers dépens, -dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire.

Dans sa motivation le Tribunal a retenu que le marché n'était pas forfaitaire contrairement aux prétentions de la société CONGY MARC,qu'il avait été résilié par cette dernière société à ses torts du fait du non paiement des factures et de l'interdiction posée le 3 juillet 2001 à la société EUROVIA d'intervenir sur le chantier. Les Premiers Juges ont débouté la société EUROVIA de sa contestation

relative aux comptes entre parties et repris sur ce point la solution proposée par l'expert.

La Société CONGY MARC, appelante, a demandé à la Cour de : -prononcer la résiliation du marché conclu entre la société CONGY MARC et la société EUROVIA aux torts exclusifs de la société EUROVIA, -dire que le marché conclu entre la société CONGY MARC et la société EUROVIA est un marché forfaitaire et non un marché à prix unitaire, -dire qu'il n'y a pas eu bouleversement de l'économie du contrat, -condamner la société EUROVIA à payer à la société CONGY MARC la somme de 53.341,33 ç au titre des travaux non faits et la somme de 20.000 ç à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1147 du code civil, A titre subsidiaire et sur le montant des malfaçons, -désigner tel expert que le Tribunal estimera compétent pour chiffrer les travaux restant à réaliser, -condamner la société EUROVIA à payer à la société CONGY MARC la somme de 8.000 ç par application des dispositions de l'article 700 du NCPC, -la condamner aux entiers dépens.

La société EUROVIA a conclu en ces termes : -confirmer la décision dont appel, -confirmer la résiliation du marché aux torts exclusifs de CONGY MARC, En conséquence, -débouter la société CONGY MARC de l'ensemble de ses demandes, -déclarer la société EUROVIA BOURGOGNE recevable et bien fondée en ses demandes additionnelles, Y faisant droit, -condamner la société CONGY MARC à payer à la société EUROVIA BOURGOGNE la somme de 10.731,89 ç TTC, -dire que la somme globale soit 42.707,32 ç portera intérêts de droit à compter du 19 décembre 2002 sur la somme de 31.975,42 ç TTC et à compter de la date de délivrance de l'assignation pour le surplus en application des dispositions des articles 1134 et suivant du code civil, -condamner la société CONGY MARC à payer à la société EUROVIA BOURGOGNE la somme de 5.000 ç à titre de dommages et intérêts en application des

dispositions de l'article 1146 du code civil, -condamner la société CONGY MARC à payer à la société EUROVIA BOURGOGNE la somme de 8.000 ç en application des dispositions de l'article 700 du NCPC, -condamner la société CONGY MARC en tous les dépens dont distraction.

SUR CE

Considérant que la Cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des Premiers Juges ainsi que leurs motifs non contraires au présent arrêt. LA QUALIFICATION DU MARCHE

Considérant que la décision des premiers juges approuvant les propositions de l'expert ne peut qu'être confirmée dès lors que, expressément qualifié d'estimatif, le contrat présente le caractère, usuel dans les marchés de travaux, d' un marché unitaire prévoyant un forfait sur le prix mais pas sur les quantités qui ne sont connues qu'après exécution, qu'aucun terme du devis ne fait apparaître le caractère global du prix qui exclurait l'application des prix unitaires aux quantités réellement exécutées, qu'en conséquence, et sans avoir égard aux argumentaires superfétatoires de la société CONGY MARC, le jugement sera confirmé sur ce point. LA RUPTURE DU CONTRAT

Considérant que l'expert a déterminé l'origine des désordres apparus en cours de chantier qui sont au point de départ du litige : ces désordres provenaient de la faiblesse, révélée lors de l'exécution des travaux, de la structure de la chaussée sous jacente sur laquelle devait être réalisé l'enrobé objet du marché, et a conclu que les conséquences de cette situation constituaient un "bouleversement de l'économie du marché" justifiant le devis complémentaire proposé à la société CONGY MARC pour la somme de 91 494,00 F TTC soit 13 948,17 euros.,que les premiers juges en ont conclu, la société CONGY MARC

ayant refusé tout règlement supplémentaire, au motif du caractère forfaitaire du contrat, et tout accès au chantier de la société EUROVIA si elle ne renonçait pas expressément à ses demandes à ce sujet, à une rupture fautive du contrat imputable à la société CONGY MARC.

Considérant que devant la Cour est mieux mis en évidence par la société appelante une autre problématique que celle du caractère forfaitaire du contrat, peu développée en première instance ou qui n'a pas été aperçue par le Tribunal, à savoir que la société CONGY MARC est le maître d'ouvrage, qu'il n'a pas été fait appel à un maître d'oeuvre, qu'en sa qualité de vendeur de matériaux la société CONGY MARC n'a pas de compétence particulière en matière de travaux d'établissement d'une chaussée ou d'une aire de stationnement, que la société EUROVIA est par contre une entreprise éminemment spécialisée dans ce domaine, et qu il peut dès lors lui être reproché de n'avoir pas agi selon les règles de l'art en ne procédant pas, préalablement à son devis, aux essais de portance qui lui auraient permis de détecter la faiblesse de la structure de la chaussée.

Considérant que c'est tout à fait à tort que la société EUROVIA reproche à la société CONGY MARC de n'avoir pas fait appel à un Maître d'oeuvre, qu'en présence d'une situation qu'elle ne pouvait ignorer, la société EUROVIA, entreprise principale hautement spécialisée, se devait soit d'appeler l'attention de la société CONGY MARC sur la nécessité selon elle d'avoir recours à un maître d'oeuvre et pour quels motifs, soit de remplir son devoir de conseil vis à vis de son client et de vérifier la portance de la chaussée sur laquelle elle prévoyait d'établir son enrobé.

Considérant que cet aspect du litige a d'ailleurs été parfaitement aperçu par l'expert, lequel dans sa note aux parties No2, émet, de manière quelque fois un peu confuse et maladroite, les réflexions

suivantes :" la commande passée par le maître de l'ouvrage à une entreprise spécialisée de travaux ...nous étonne quelque peu. EUROVIA a adressé au maître de l'ouvrage son détail estimatif qu'il considère de façon cavalière comme maître d'oeuvre ( voir cartouche du devis). Nous pensons qu'un client n'est pas un maître d'oeuvre même si celle ci pratique la vente de matériaux de construction. Il n'est pas assuré pour cela et ne peut être accusé de faire confiance à une entreprise routière parmi les premières d'Europe détentrice d'un savoir faire. Néanmoins un problème juridique se pose. Ce n'est pas à nous expert de résoudre ce problème.", que c'était là tout à la fois poser le vrai problème et tout aussi exactement renvoyer sa solution au Juge.

Considérant qu'en définitive l'expert a synthétisé de manière pertinente les questions en présence: - Il n'y a pas forfait. - Les travaux supplémentaires sont importants, c'est ce que l'expert veut signifier quand il parle "de bouleversement du contrat". - Tout le litige vient de ce que le maître de l'ouvrage a considéré que leur montant ne lui était pas imputable tandis que l'entreprise se refusait à les assumer. - L'expert ne s'est pas prononcé sur les responsabilités en cause dans le litige et la rupture du contrat, mais il a très clairement laissé percevoir son avis de technicien, apparemment passé inaperçu des Premiers Juges, selon lequel ces travaux supplémentaires sont dûs à des négligences de l'entreprise qui ne s'est pas comportée en spécialiste qu'elle était vis à vis d'une société cliente, profane. - Il a établi les comptes entre parties, au cas où les travaux supplémentaires devraient être facturés.

Considérant qu'il importe peu que l'argumentaire juridique de la société CONGY pour refuser l'accès au chantier à la société EUROVIA ait été erroné (le caractère forfaitaire du contrat), le refus

d'accès et de paiement du maître d'ouvrage restant clairement déterminé par l'existence de désordres ayant mis en évidence une insuffisance de portance que la société EUROVIA se devait de prévoir, étant observé que cette insuffisance a en effet été très facilement détectée par les quelques sondages réalisés en cours de chantier par Eurovia dès lors que les désordres sont apparus, que l'expert n'a jamais considéré, bien au contraire, qu'une telle recherche préalable aurait été hors de la compétence de la société EUROVIA, laquelle en tout état de cause, se devait de mettre en garde son client contre un événement, la portance de la chaussée sous jacente, qui n'avait rien d'imprévisible pour elle.

Considérant que le problème réel a d'ailleurs été posé très rapidement entre les parties ainsi qu'en témoigne la correspondance de la société EUROVIA du 31 mai 2001 " manifestement ces désordres résultent d'une faiblesse de la structure de la chaussée existante. Faiblesse que nous n'avons pas pu détecter au moment de notre remise de prix", que la société EUROVIA qui de surcroît avait déjà travaillé sur cette chaussée précédemment, ne démontre pas qu'elle n'a pas pu détecter cette faiblesse avant de formuler ses propositions, que cette société peut d'autant moins s'exonérer de sa responsabilité pour manquement aux règles de l'art et à son devoir de conseil, qu'ainsi que l'a observé l'expert, le devis est adressé à la société CONGY MARC, expressément qualifiée de maître d'ouvrage mais aussi de maître d'oeuvre, qualité et compétence que celle ci n'avait évidemment pas, qu'en agissant ainsi la société EUROVIA a indûment tenté de reporter sur son client profane, la responsabilité de ses propres manquements.

Considérant que la société CONGY MARC n'a commis aucune des fautes qui lui sont reprochées : les sommes réclamées au titre des travaux supplémentaires n'étaient pas dues dès lors qu'elles ne sont que la

conséquence directe des fautes commises par EUROVIA dans la définition et l'exécution du marché, quant à l'interdiction d'accéder au chantier elle était expressément liée à la question du paiement des dits travaux ainsi que le révèle la lettre du 9 juillet 2 001 de la société CONGY MARC à EUROVIA " Dans le devis initial les travaux étaient compris, ce jour un de vos camions livre du matériel.....j'interdis toute intervention tant que de problème ne sera pas résolu".

Considérant que le contrat doit être résilié aux torts de la société EUROVIA pour manquements à son obligation de conseil et aux règles de l'art. LES COMPTES ENTRE PARTIES

Considérant que la conséquence de la décision sur la rupture du contrat est qu'en premier lieu la société EUROVIA n'est pas fondée en sa demande de supplément de prix, en second lieu que la société CONGY MARC l'est au contraire à réclamer une indemnité compensatrice du préjudice résultant des travaux non achevés.

Considérant qu'il résulte du relevé effectué par une société de Géomètre Expert, communiqué aux débats et non contesté par la société EUROVIA, qu'une surface de 6 165 m2 d'enrobés a été réalisée tandis que restait non aménagée une surface de 5 736 m2, ce que l'expert appelle la "deuxième tranche" des travaux, qui bien évidemment n'a pas été réalisée faute d'accord entre les parties au cours de l'expertise.

Considérant que le coût de cette non réalisation peut être évalué à partir des propres indications de la société EUROVIA qui a pour ses propres demandes, exactement rejetées par les Premiers Juges, la société ne démontrant aucunement en quoi les propositions de l'expert seraient erronées, évalué à 9, 29 euros hors taxe par mètre carré le montant de son travail ( 7 997,48: 860m2 : 9,29 euros HT) soit x 5 736m2 : 53 341,33 euros HT, somme arrondie à 53 000 euros.

Considérant toutefois que cette évaluation ne peut qu'être indicative du préjudice subi par la société CONGY MARC qui ne peut cependant réclamer à EUROVIA l'intégralité du prix de travaux que cette société n'a pas exécuté.

Considérant que le constat d'huissier du 3 décembre 2 002 montre que l'état de la chaussée a nécessairement eu des répercussions sur les conditions de stockage des matériaux, conditions manifestement inadéquates, en raison des rétentions d'eau importantes sur le terrain, qu'en l'absence toutefois de tout élément chiffré relatif aux répercussions sur le chiffre d'affaire de la société le montant des dommages et intérêts compensant le préjudice causé à la société CONGY MARC par la société EUROVIA sera fixé globalement à 30 000 ç.

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société CONGY MARC la totalité de ses frais irrépétibles, que les dépens, comprenant les frais d'expertise, sont à la charge de la partie perdante.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le Jugement entrepris.

PRONONCE LA RESILIATION du marché conclu entre la société CONGY MARC et la société EUROVIA aux torts de cette dernière société.

CONDAMNE la société EUROVIA à payer à la société CONGY MARC la somme de 30 000 euros à titre de Dommages et Intérêts.

CONDAMNE la société EUROVIA à payer à la société CONGY MARC la somme de 5 000 euros au titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel.

CONDAMNE la société EUROVIA aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise et d'appel.

ADMET les avoués concernés au bénéfice de l'article 699 du NCPC.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0304
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951992
Date de la décision : 13/10/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Monsieur MAZIERES: Président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-10-13;juritext000006951992 ?
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