RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre D
ARRET DU 10 octobre 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01118 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 juin 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG no 04/09174
APPELANT Monsieur Jacques X... ... 91390 MORSANG SUR ORGE représenté par Me Laurence ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS INTIMEE SARL SOCIETE DE PARTICIPATIONS ET DE PLACEMENTS 30, rue des Champs Elysées 75008 PARIS représentée par Me Jean Marc DESCOUBES, avocat au barreau de PARIS, toque : D 969 COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 juillet 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Hélène IMERGLIK, conseillère faisant fonction de présidente
Mme Michèle MARTINEZ, Conseillère
Mme Annick FELTZ, Conseillère
qui en ont délibéré Greffier : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Mme Hélène IMERGLIK, présidente
- signé par Mme Hélène IMERGLIK, présidente, et par Mlle Chloé FOUGEARD, greffier présent lors du prononcé.
Faits et procédure M. Jacques X... est le président du conseil d'administration de la société SEMA, laquelle a pour objet social notamment une activité de holding et de marchand de biens. La Société de participations et de placements (SPP) a pour objet social la prise de participation dans toutes entreprises à caractère industriel, commercial ou patrimonial ainsi que la gestion, l'achat ou la vente de tout ou partie des dites entreprises, titres ou droits sociaux. La société SEMA est bénéficiaire avec faculté de substitution de trois promesses de vente en date des 19 et 25 septembre 2003 d'une durée de six années portant sur des terrains situés sur la commune de Pleurtuit ( le et Vilaine) inclus dans le périmètre d'une surface foncière sur laquelle existe un projet d'aménagement d'une zone commerciale et d'habitation. Pour la réalisation de cette opération, la société SEMA s'est assurée le concours d'un autre professionnel de la promotion immobilière, la SPP. C'est dans ces conditions qu'un protocole d'accord a été signé le 3 novembre 2003 entre la société SEMA représentée par son président M. X..., la SPP et M. X... à titre personnel. Aux termes de ce protocole, il était créé entre les deux sociétés une SCI dénommée La Richardaise, dont le capital social était détenu à 66% par la société SEMA et 34% par la SPP et dont ces deux sociétés étaient cogérantes. Il était convenu la substitution, dès la signature du protocole, de cette SCI dans le bénéfice des trois promesses de vente à la place de la société SEMA. La SPP devait acquérir en trois étapes tout le capital social de la SCI La Richardaise. Les modalités de commercialisation des immeubles par les deux sociétés signataires étaient définies. Les articles 7, 8 et 10 du protocole concernaient le rôle et les missions de M. X... dans l'opération. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mai 2004, la société SEMA, sous la signature de M. X..., a dénoncé le protocole d'accord du 3 novembre 2003, devenu selon elle "caduc donc
nul et non avenu" du fait du non-respect par SPP de ses engagements Le 5 juillet 2004, M. X..., invoquant la rupture aux torts de la SPP de la promesse d'embauche à son profit figurant, selon lui, dans le protocole d'accord, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu au paiement d'une somme de 851 266 euros à titre de dommages-intérêts et d'une allocation de procédure. Par acte d'huissier du 26 novembre 2004, la société SEMA, en la personne de son président M. X..., faisant état de son intention de voir prononcer la résolution du protocole d'accord du 3 novembre 2003, a fait sommation à la SPP de désigner son arbitre afin de faire jouer la clause d'arbitrage prévue à l'article 15 dudit protocole. Elle indiquait les coordonnées de son propre arbitre. La SPP n'a pas donné suite à cette sommation. Par jugement du 20 juin 2005, le conseil de prud'hommes a débouté M. X... de ses demandes et l'a condamné aux dépens. M. X... a interjeté appel de cette décision. Soutenant que la SPP a rompu avant toute exécution le contrat de travail à durée déterminée d'une durée de 36 mois à son profit contenu, selon lui, dans le protocole d'accord de novembre 2003, il demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter la SPP de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer : - 351 828 euros à titre de perte de salaire, - 35 182,80 euros au titre des congés payés afférents, - 35 182,80 euros à titre de prime de précarité, - 63 335 euros au titre des pertes financières sur droit à la retraite, - 205 921 euros au titre des pertes financières sur les droits ASSEDIC, - 73 891 euros au titre des pertes financières sur droits à la retraite par rapport à la période où il aurait pu bénéficier des droits ASSEDIC, - 100 000 euros au titre de son préjudice moral, - 10 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La SPP demande à la cour de : - dire que le protocole d'accord dont se prévaut M. X... pour prétendre à un contrat de
travail a été résilié par lui-même et qu'en conséquence les dispositions de ce protocole lui sont inopposables, - à titre subsidiaire, de dire que ce protocole forme un tout indivisible exclusif de tout contrat de travail autonome entre elle et M. X..., que l'article L.511-1 du Code du travail est donc inapplicable et de se déclarer matériellement incompétente en raison de la clause d'arbitrage prévue au dit protocole, - à titre plus subsidiaire, de dire que le litige est de nature commerciale et de se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce, - à titre très subsidiaire, de lui donner acte qu'elle n'a jamais souhaité signer un contrat de travail avec M. X..., de dire que les conditions d'un contrat à durée déterminée ne sont pas remplies, que M. X... n'a réalisé aucune prestation pour elle et s'est affranchi de tout lien de subordination, qu'il n'a existé entre M. X... et elle aucun lien contractuel de travail, - à titre infiniment subsidiaire, de dire que le comportement de M. X... à son égard fait apparaître des fautes graves et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X..., - en tout état de cause,
- de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes,
- de dire qu'il ne peut se prévaloir d'aucune perte de salaires ni d'aucun préjudice,
- de condamner M. X... à lui payer 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 8 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 3 juillet 2006, dont elles ont repris les termes et qu'elles ont complétées lors de l'audience. MOTIFS DE LA DECISION M. X... soutient qu'à l'article 10 du protocole d'accord du 3 novembre 2003, la SPP lui a consenti un contrat de travail à durée déterminée, qui a été rompu fautivement
par la SPP avant toute exécution, cette société lui ayant opposé une fin de non-recevoir lorsqu'il s'est présenté à son siège le 1er janvier 2004 pour y prendre ses fonctions. L'article 10 intitulé "Contrat de travail-législation sociale", auquel l'appelant se réfère, est ainsi rédigé : "1- Monsieur Jacques X... est engagé, au plus tard à compter du 1er janvier 2004, sans période d'essai, en qualité de directeur commercial, au sein de la société SPP ou au sein d'une société désignée par celle-ci. Il sera mis à disposition de la SCI La Richardaise avec pour fonction de superviser les opérations concernées par le présent protocole et de veiller à leur bon déroulement (cf article 6). Monsieur X... est également missionné sur d'autres opérations de promotion et de commercialisation que lui confiera son employeur. Les objectifs assignés à Monsieur X... seront plus précisément déterminés dans son contrat de travail et pourront faire l'objet d'avenants. 2- Monsieur X... sera dans un premier temps bénéficiaire d'un contrat de travail d'une durée de 18 mois (soit du 1er janvier 2004 au 30 juin 2005). A l'issue de ce premier contrat à durée déterminée, il pourra être signé au profit de Monsieur X... un nouveau contrat de travail à durée déterminée dont les conditions seront à redéfinir. Si ce deuxième contrat à durée déterminée ne devait pas être signé, Monsieur X... se verra attribuer une indemnité correspondant à 18 mois de salaires à titre de dédommagement global, forfaitaire et définitif. 3- La rémunération de Monsieur Jacques X... est fixée à 7 622,45 ç nets mensuels plus frais de mission-réception sur justificatifs. 4- Pendant l'exécution de son contrat de travail, Monsieur X... devra tenir informé son employeur de toutes opérations (foncières, habitation et activités commerciales) dont il aurait connaissance, y compris celles non concernées par le présent protocole, et lui accorder un droit de préférence pour le cas où une opération serait susceptible d'être
réalisée. A échéances trimestrielles, Monsieur X... et son employeur procéderont à un bilan quant à la réalisation effective des missions confiées. 5- Les dispositions légales en vigueur seront appliquées au(x) contrat(s) de travail de Monsieur X...". Non seulement ces dispositions ne revêtent pas les formes légalement exigées pour la conclusion des contrats de travail à durée déterminée, mais surtout, elles envisagent l'établissement d'un écrit ultérieur. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'affirme M. X..., cette clause ne constate pas à son profit l'existence d'un contrat de travail à durée déterminée à l'égard de la SPP indépendamment des autres clauses du protocole. Cet article, au contraire, s'inscrit dans l'équilibre général du protocole, lequel consacre principalement un accord entre deux sociétés sur la réalisation en commun d'une opération de promotion immobilière, le contrat de travail au profit du dirigeant de l'une d'elles qui pourrait être consenti par l'autre étant indissociable de l'opération elle-même. En effet, sans l'opération immobilière, un tel contrat n'aurait aucune raison d'être, l'exécution des principales attributions et missions confiées au "salarié" supposant l'exécution par les deux sociétés signataires de leurs obligations respectives. Il s'ensuit que l'existence et la validité des engagements résultant de cet article sont subordonnées à celles du protocole d'accord lui-même et que ces engagements ne peuvent être mis en oeuvre séparément. M. X... ne peut donc, sur le fondement de ces dispositions, revendiquer un contrat de travail à durée déterminée isolé opposable à la SPP, mais bénéficie uniquement d'une promesse de contrat constituant un des éléments d'un accord d'ensemble. Les parties s'accordent pour dire que le "contrat de travail" ainsi prévu n'a reçu aucune exécution, M. X... n'ayant exécuté aucune des missions qu'il prévoyait et la SPP n'ayant versé aucun salaire. M. X... affirme, sans toutefois produire une pièce
quelconque à l'appui de cette affirmation, qu'il s'est présenté au siège de la SPP à la date prévue de début du contrat et que c'est cette société qui lui a opposé une fin de non-recevoir. Il ne démontre pas plus avoir effectué une quelconque démarche auprès de la SPP avant l'introduction de la présente instance, en vue de prendre le poste en question, voire s'être tenu à disposition de la société depuis le 1er janvier 2004. Aucun lien de travail ne s'est donc concrétisé dans les faits entre les parties. L'indemnisation éventuelle de M. X... en raison du préjudice que pourrait lui avoir causé la non-réalisation de cette clause est liée d'une façon plus générale à l'inexécution du protocole reprochée à la SPP ayant donné lieu à une dénonciation dudit protocole par la société SEMA dès avril et mai 2004. Il n'appartient pas au juge prud'homal de statuer sur le litige commercial opposant ces deux sociétés et ce d'autant qu'il n'en est pas saisi, que l'une n'est pas dans la cause et que la société SEMA a déjà procédé à la mise en oeuvre de la procédure arbitrale préalable prévue au protocole en cas de litige. Dans la mesure où il n'a pas existé et n'existe pas de contrat de travail à durée déterminée entre lui et la SPP, M. X... doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts, fondée sur la rupture d'un tel contrat. Le jugement sera par conséquent confirmé. L'action actuelle n'excède pas les limites admissibles du droit d'ester en justice. Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la SPP et cette demande sera rejetée en ce qu'elle concerne l'instance d'appel. Les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile n'étaient pas réunies en première instance. Elles le sont en revanche en cause d'appel au profit de la SPP. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à ces demandes et M. X... sera condamné à verser à la SPP en cause d'appel une somme
de 3 000 euros à ce titre. PAR CES MOTIFS La Cour Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Ajoutant, Déboute la Société de participations et de placements (SPP) de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Condamne M. X... à payer à la Société de participations et de placements la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne M. X... aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT