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03/10/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951728

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0115, 03 octobre 2006, JURITEXT000006951728


RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 3 octobre 2006

(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02089 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Meaux section industrie RG no 04/01317 APPELANT Monsieur Serge X... ... comparant en personne, assisté de Me A'cha VERRIER-OUAHMANE, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 335 substituée par Me Brigitte ROBILLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D 223 INTIME

E SA X... GRANIT 8, rue de Souilly 77410 CLAYE SOUILLY représentée par Me Yann DUBOIS, avo...

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 3 octobre 2006

(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/02089 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 novembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Meaux section industrie RG no 04/01317 APPELANT Monsieur Serge X... ... comparant en personne, assisté de Me A'cha VERRIER-OUAHMANE, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 335 substituée par Me Brigitte ROBILLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D 223 INTIMEE SA X... GRANIT 8, rue de Souilly 77410 CLAYE SOUILLY représentée par Me Yann DUBOIS, avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Malika ADLER, avocat au barreau de MEAUX COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 juin 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Michèle MARTINEZ, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène IMERGLIK, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Michèle MARTINEZ, conseillère

Mme Annick FELTZ, conseillère

Greffier : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Hélène IMERGLIK, présidente

- signé par Mme Hélène IMERGLIK, présidente, et par Mlle Chloé FOUGEARD, greffier présent lors du prononcé. Faits et procédure M. Serge X... a été embauché par la société X... granit à compter du 3 octobre 1991 en qualité de marbrier débiteur polisseur niveau 4 échelon 1. La relation de travail est soumise à la convention collective des industries de carrières et de matériaux. L'entreprise occupe à titre habituel moins de onze salariés. M. X... est en arrêt de travail pour maladie depuis le 10 mars 2004. Estimant que l'employeur n'avait pas respecté les dispositions légales relatives à la réduction du temps de travail à l'occasion du "passage aux 35 heures" hebdomadaires, M. X... a, le 11 octobre 2004, saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu à la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, au paiement d'un rappel de salaire, des congés payés afférents, de majorations pour heures supplémentaires, congés payés afférents, d'un rappel de prime d'ancienneté, des indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour rupture abusive, de dommages-intérêts pour harcèlement moral et d'une allocation de procédure. Par jugement du 23 novembre 2005, le conseil de prud'hommes a débouté M. X... de toutes ses demandes et la société X... granit de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. M. X... a interjeté appel de cette décision. Il demande à la cour d'infirmer le jugement et de

: - prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, - condamner la société X... granit à lui payer :

- 4 219,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 421,94 euros au titre des congés payés incidents,

- 3 164,53 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 56 632,88 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive (24 mois de salaire),

- 12 658,20 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 324,48 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,

- 660,33 euros à titre de rappel de salaire,

- 66,03 euros au titre des congés payés incidents,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - d'ordonner sous astreinte la remise de ses bulletins de salaire depuis juillet 2004 et d'une attestation destinée à l'ASSEDIC conforme. La société X... granit conclut à la confirmation du jugement, au débouté intégral de M. X... et sollicite une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 7 juin 2006, reprises et complétées lors de l'audience. Motifs de la décision Sur le rappel de salaire M. X... soutient qu'après avoir effectué le passage aux 35 heures hebdomadaires de travail, le 1er janvier 2002, la société X... granit, à compter du 1er février 2004, n'a plus respecté l'accord de branche du 22 décembre 1998 aménageant les modalités de réduction du temps de travail et a procédé unilatéralement à une réduction du temps de travail dans l'entreprise accompagnée d'une baisse de rémunération puisqu'elle a cessé de rémunérer les heures travaillées au-delà de 35 heures, ce qui constitue une modification sans son consentement de son contrat

de travail. L'employeur ne peut sans l'accord du salarié modifier un élément essentiel du contrat de travail, tel en particulier le temps de travail contractuel. L'article L.212-1 alinéa 1 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi no2000-37 du 19 janvier 2000 fixe la durée légale du travail, qui était jusque là de 39 heures hebdomadaires, à 35 heures par semaine. Au terme de cette même loi, la durée ainsi prévue est applicable à compter du 1er janvier 2000 dans les entreprises dont l'effectif à cette date est de plus de vingt salariés et pour les autres entreprises elle est réduite de 39 heures à 35 heures à compter du 1er janvier 2002. L'accord national de branche étendu du 22 décembre 1998 négocié dans le cadre de la loi no98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail, annexé à la convention collective nationale des industries de carrières et de matériaux, applicable à l'espèce, prévoit dans son article 1.1 que pour toutes les entreprises entrant dans son champs d'application, la durée conventionnelle du temps de travail des salariés est fixée à 35 heures par semaine. Selon l'article L.212-3 du code du travail, la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail. Il s'ensuit que si cette diminution s'accompagne d'une autre modification des clauses contractuelles, en particulier d'une diminution de la rémunération, elle constitue une modification du contrat de travail qui ne peut être imposée unilatéralement. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'au 1er janvier 2002 la société X... granit, qui comptait moins de vingt salariés, devait réduire de 39 heures à 35 heures l'horaire de travail hebdomadaire de base de ses salariés sans modifier le montant de leur rémunération. M. X... devait donc recevoir pour 35 heures de travail par semaine la même rémunération que celle qu'il

percevait auparavant pour 39 heures. Par ailleurs, la durée légale du travail constituant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, les heures travaillées au-delà de 35 heures par semaine devaient être rémunérées en tant que telles. Il ressort de l'examen des bulletins de salaire de M. X... les constatations qui suivent. En décembre 2001, le salarié travaillait 39 heures par semaine et percevait : Rubriques Base Taux A payer Salaire de base 169 heures 7,01 ç 1 185,14 ç Prime d'ancienneté 1 185,14 ç 9% 106,66 ç En janvier 2002, lors de la réduction de la durée légale du temps de travail à 35 heures hebdomadaires, le salarié a continué à travailler 39 heures par semaine. Selon son bulletin de salaire de janvier 2004, il a perçu : Rubriques Base Taux A payer Salaire de base 151,670 heures 7,01 ç 1 063,61 ç Prime d'ancienneté 1 185,14 ç soit 1 063,61ç + 121,53ç 9% 106,66 ç Heures supplémentaires de la 36ème à la 39ème heure 17,330 heures 7,01 ç 121,53 ç Majoration 10% heures supplémentaires 17,330 heures 0,70 ç 12,15 ç Entre février 2002 et janvier 2004, le salarié a continué à travailler 39 heures. Les bases et taux de calcul sont demeurés identiques, sauf en ce qui concerne le taux horaire du salaire de base qui a augmenté régulièrement, de telle sorte qu'en janvier 2004, son bulletin de paie portait les mentions suivantes :

Rubriques Base Taux A payer Salaire de base 151,670 heures 8,00 ç 1 213,36 ç Prime d'ancienneté 1 352,00 ç soit 1 213,36ç + 138,64ç 9% 121,68 ç Heures supplémentaires 10% de la 36ème à la 39ème heure 17,330 heures 8,80 ç (110%) 152,50 ç soit : 138,64 ç +13,86ç A compter de février 2004, le salarié a travaillé 35 heures par semaine. Entre février et avril 2004 le bulletin de salaire de M. X... n'a plus porté la mention "heures supplémentaires 10% de la 36ème à la 39ème heure" mais a indiqué seulement : Rubriques Base Taux A payer Taux A payer Salaire de base 151,670 heures 8,00 ç 1 213,36 ç Prime d'ancienneté 1 352,00 ç 9%

121,68 ç Le rapprochement de ces données permet de constater qu'effectivement, comme le soutient le salarié, sa rémunération a été diminuée sans son accord à l'occasion du "passage aux 35 heures" hebdomadaires de travail. Dans ces conditions, la réclamation actuelle du salarié est fondée en son principe, elle n'est discutée ni dans ses modalités de calcul, ni dans son montant en principal et congés payés induits. Il convient par conséquent d'infirmer le jugement et de faire droit à la demande de rappel de salaire et congés payés afférents formée par M. X.... Sur le rappel de prime d'ancienneté M. X... fait valoir que, bien qu'il ait acquis 12 ans d'ancienneté en octobre 2003, la société X... granit a continué à lui payer la prime d'ancienneté conventionnelle au taux de 9% correspondant à 9 ans d'ancienneté et ne l'a pas portée à 12%. Il réclame un rappel de prime. La société X... granit répond que la prime d'ancienneté a été "gelée" à partir du 1er janvier 2000 en application de l'article 4-2 de l'accord national de réduction du temps de travail applicable à la branche d'activité concernée. L'article 4-2 de l'accord national du 22 décembre 1998 relatif à l'organisation, la réduction du temps de travail et à l'emploi, modifié par avenant du 20 décembre 2002, applicable à l'espèce, prévoit : gel de la prime d'ancienneté Les parties conviennent d'engager une négociation paritaire en vue de réexaminer les classifications professionnelles et de remplacer les dispositions conventionnelles actuelles relatives à la prime d'ancienneté par un nouveau dispositif permettant de mieux valoriser, au niveau conventionnel, la qualification acquise après validation, soit par la formation, soit par l'expérience au sein de l'entreprise. Jusqu'à l'intervention d'un accord collectif, et sans préjudice des mesures particulières qui pourront être prises dans les entreprises pour leur permettre de maîtriser au mieux les effets de la réduction d'horaire,

les primes d'ancienneté d'origine conventionnelle ou contractuelle seront maintenues, pour chaque salarié bénéficiaire, à leur niveau atteint en valeur absolue au moment de la date d'entrée en vigueur du présent accord. Toutefois, tout salarié qui acquiert avant le 1er janvier 2000 une ancienneté lui permettant de prétendre à l'application du taux conventionnel de prime d'ancienneté de 3, 6, 9, 12 ou 15 % se verra appliquer ce taux au moment où il acquiert l'ancienneté requise. Le montant de la prime d'ancienneté ainsi redéfini sera ensuite maintenu dans les conditions fixées au présent article. A défaut d'accord collectif intervenu au 31 janvier 2003 au plus tard, les dispositions conventionnelles relatives au calcul de la prime d'ancienneté recommenceront à s'appliquer en faveur des salariés qui en bénéficiaient au moment de l'entrée en vigueur du présent accord. En application du dernier alinéa de ce texte et en l'absence de l'accord collectif à intervenir qu'il prévoit, les dispositions conventionnelles antérieures sur la prime d'ancienneté ont repris leur cours depuis le 1er février 2003. M. X... revendique donc à raison une prime d'ancienneté de 12% (162,24 euros) au lieu de 9% (121,68 euros) à partir d'octobre 2003. Dans ces conditions la réclamation actuelle du salarié est fondée en son principe, elle n'est discutée ni dans ses modalités de calcul, ni dans son montant. Il convient par conséquent d'infirmer le jugement et de faire droit à la demande de rappel de prime d'ancienneté formée par M. X.... Le jugement sera par conséquent infirmé sur ce point. Sur le harcèlement moral Aux termes de l'article L.122-49 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l'article L.122-52 du

même code, en cas de litige, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. M. X... affirme qu'il a été victime de harcèlement moral de la part de M. Y..., dirigeant depuis janvier 2003 de la société X... granit, qui lui avait été "cédée" par le frère du salarié M. Jean-François X..., ancien dirigeant. A l'appui de cette affirmation, il verse aux débats les attestations et courrier de M. Yann Z..., cadre de l'entreprise, ayant travaillé pendant plusieurs années avec M. X... jusqu'à sa démission en janvier 2004, de M. Lino A..., collègue d'atelier du salarié depuis 2001 jusqu'à sa démission en mars 2004 et de Mme Cécile B..., secrétaire comptable de la société entre janvier 2003 et juin 2004, date à laquelle elle a été licenciée. A supposer que ces documents ne remplissent pas toutes les conditions de forme exigées par l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, les exigences de ce texte ne sont pas prescrites à peine de nullité. Ces attestations, particulièrement détaillées et circonstanciées, émanant de personnes relatant des faits dont elles indiquent avoir été personnellement témoins, présentent des garanties probantes suffisantes. Il n'y a pas lieu de l'écarter. La circonstance que les trois personnes qui attestent soient des anciens salariés de la société démissionnaires ou licenciés et ayant été eux-même en conflit avec l'employeur, ne suffit pas en elle-même à discréditer leurs dires. Il n'y a pas lieu pour ce seul motif d'écarter des débats des attestations dont les auteurs n'ont fait l'objet d'aucune procédure pour faux. Il résulte de façon concordante des trois attestations en question que leurs auteurs ont été témoins de faits de harcèlement à l'encontre de M.

Garnier commis par M. Y..., dirigeant de la société, qui, devant eux, systématiquement accablait M. X... de reproches injustifiés, de brimades et d'injures pour le "faire craquer" et le pousser à quitter la société parce que son salaire coûtait trop cher à l'entreprise, et qui ouvertement a décidé de diminuer son salaire en ne lui payant plus les heures supplémentaires et en ne réévaluant pas sa prime d'ancienneté. M. A... indique avoir été présent lorsque M. Y... a déclaré à M. X... "tu n'as qu'à rentrer chez toi, de toutes façons tu ne me rapportes pas d'argent et puis de toutes manière je te ferai craquer", lorsqu'il lui a annoncé qu'il ne lui donnerait pas de prime d'ancienneté et lorsqu'en réponse à ses demandes d'explication sur ce comportement hostile, M. Y... a répondu à M. X... "Ici c'est moi le patron, c'est moi qui décide et qui te paye, moins d'heures, mois d'argent, et s'il faut passer aux 32H je te passerai aux 32H et s'il faut en faire 30 tu en feras trente, ou même 25 si il faut, c'est comme ça. Et si tu n'es pas content, prend exemple sur Lino, lui il n'est pas content, il démissionne". M. Z... relate qu'en septembre 2004, M. Y... lui a fait part de son intention de licencier M. X... et tenté d'obtenir son accord en sa qualité de cadre de la société puis a renoncé à cette idée lorsqu'il a fait calculer les indemnités dues au salarié en cas de licenciement. Il précise notamment :"Pour commencer il n'arrêtait pas de dire que c'était un glandeur, un touriste et qu'il évitait l'atelier pour ne pas avoir à le saluer (...) En mars 2004, il lui a clairement dit qu'il allait le faire craquer et qu'il possédait encore des moyens pour l'ennuyer". Mme B..., dans son courrier à M. X... indique en particulier : "Tout a commencé en août, lorsque nous avons commencé à faire les bilans (...) M. Y... a commencé à chercher à faire des économies. Il a donc décidé de supprimer deux salaires qui pour lui étaient conséquents : celui de

Alain C... (...) et le tien pour X... granit. J'ai dû contacter l'expert comptable afin qu'il chiffre le coût de ces deux licenciements, vu la somme, M. Y... a préféré une autre méthode il a commencé à te dénigrer, à t'accuser de ne pas savoir lire un plan, sur le fait que tu allais constamment aux toilettes ou boire un café (...) j'ai oublié de parler de ta prime d'ancienneté qu'il n'a pas voulu faire évoluer en disant que tu ne la méritais pas". Elle relate également comment M. Y... a pris délibérément des mesures spécifiques pour les horaires et les périodes de congés annuels afin de nuire à M. X.... MM Z..., A... et Mme B... indiquent tous trois qu'ils ont vu l'humeur et la santé de M. X... se dégrader et qu'en particulier il ne mangeait plus au déjeuner. Il est produit par ailleurs des documents médicaux dont il ressort que depuis le 10 mars 2004, M. X... est en arrêt maladie et suit un traitement médical en raison d'une "anxio-dépression réactionnelle". Il résulte suffisamment de ces éléments un ensemble de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral de l'employeur à l'encontre du salarié. L'attestation de M. Baudel, qui ne travaille pas sur le même site que l'appelant et qui ne fait que retracer les dires de M. Y... sur ses relations avec M. X..., de même que celle de Mme D..., entrée dans la société alors que M. X... était déjà en arrêt maladie et qui ne fait qu'attester que ses propres relations avec M. Y... sont bonnes, sont insuffisantes pour permettre à la société X... granit de rapporter la preuve, qui lui incombe, que les agissements de M. Y..., présumés résulter d'un harcèlement moral ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il en est de même en ce qui concerne un avertissement notifié au salarié en mai 2004 pour des faits datant de février, alors que le conflit était né entre les

parties et que le salarié était en arrêt maladie depuis le 10 mars 2004. Il est ainsi établit que M. X... a subi de la part de son employeur des agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail et une altération de son état de santé. Compte tenu de l'importance, de la durée et de la nature du harcèlement subi et des conséquences en ayant résulté pour le salarié, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, la cour est en mesure d'allouer à M. X... une somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera donc infirmé à cet égard. Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail Le harcèlement moral dont M. X... a été victime procède d'un manquement grave et répété de l'employeur à ses obligations contractuelles, en particulier d'exécution de bonne foi, qui justifie la résiliation à ses torts du contrat de travail. Cette résiliation produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. M. X... est par conséquent fondé à réclamer les indemnités de préavis, congés payés incidents et de licenciement, dont il a exactement calculé les montants. Le jugement sera donc infirmé à ce titre et la société X... granit condamnée à payer à M. X... les sommes qu'il réclame de ces chefs. Eu égard à la taille de l'entreprise et compte tenu de l'âge et de l'ancienneté du salarié et des conséquences de la rupture à son égard telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, la cour est en mesure d'allouer à M. X... une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive sur le fondement de l'article L.122-14-5 du Code du travail. Sur la remise de documents Compte tenu des développements qui précèdent, la demande du salarié tendant à la remise de bulletins de salaires et d'une attestation pour l'ASSEDIC conformes est fondée et il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous. Sur les frais irrépétibles Les conditions

d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont réunies. Il convient d'allouer à M. X... une somme de 1 500 euros à ce titre. Par ces motifs La cour Infirme le jugement déféré ; Statuant à nouveau, Prononce la résiliation du contrat de travail entre la société X... granit et M. X... aux torts de l'employeur ; Condamne la société X... granit à payer à M. X... les sommes de : - 660,33 euros (six cent soixante euros et trente-trois centimes) à titre de rappel de salaire, - 66,03 euros (soixante-six euros et trois centimes) au titre des congés payés afférents, - 324,48 euros (trois cent vingt-quatre euros et quarante-huit centimes) à titre de rappel de prime d'ancienneté, - 4 219,40 euros (quatre mille deux cent dix-neuf euros et quarante centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 421,94 euros (quatre cent vingt et un euros et quatre-vingt-quatorze centimes) au titre des congés payés afférents, - 3 164,53 euros (trois mille cent soixante-quatre euros et cinquante-trois centimes) à titre d'indemnité de licenciement, - 12 000 euros (douze mille euros) à titre de dommages-intérêts pour le harcèlement moral subi, - 30 000 euros (trente mille euros) à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, - 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société X... granit à remettre à M. X..., dans un délai de trente jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 80 euros (quatre-vingt euros) par document et par jour de retard passé ce délai, ce pendant soixante jours, des bulletins de salaire depuis juillet 2004 et une attestation destinée à l'ASSEDIC conformes ; Condamne la société X... granit aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0115
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951728
Date de la décision : 03/10/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Mme Hélène IMERGLIK, conseillère faisant fonction

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-10-03;juritext000006951728 ?
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